Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de M. Damien Abad, relative à la stratégie de dépistage systématique de la covid-19 (nos 3539).
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M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles. La proposition de résolution que nous examinons concerne l'un des piliers de la lutte contre l'épidémie. Pour commencer, je souhaiterais rendre hommage aux biologistes, dont les efforts ont permis de nous hisser parmi les pays qui testent le plus au monde. Ils ont démontré toute leur réactivité, leur capacité à embaucher des renforts, à mettre leurs équipes en tension et à s'adapter à une hausse d'activité sans précédent, et ils ont également participé de manière exemplaire au déploiement de sites de prélèvement sur les territoires. Rendez-vous compte ! (Murmures et conversations sur les bancs du groupe LR.)
Mesdames et messieurs les députés, s'il vous plaît. Je vous ai écoutés avec attention et j'aimerais que vous fassiez de même, si possible. Merci.
Rendez-vous compte : l'objectif fixé en mai était de 700 000 tests par semaine ; cet automne, nous avons dépassé la barre des 2 millions de tests par semaine.
J'ai été très attentif à vos différentes interventions, toutes de très grande qualité ; elles témoignent de l'importance du sujet. En réponse à cette épidémie inédite, notre système de tests a effectivement été déployé dans des délais très courts, et il continue d'évoluer rapidement. Nous avons l'occasion de le constater tous les jours.
Parmi les défis que comporte cette nouvelle menace virale, la présence de porteurs asymptomatiques constitue une particularité qu'il faut prendre en considération dans notre stratégie de tests, s'agissant à la fois de diagnostic et de dépistage. Dépister, c'est bien ; c'est même indispensable, et le Gouvernement en a d'ailleurs fait la première pierre du fameux triptyque « tester, alerter, protéger ».
Vous conviendrez que le dépistage n'est que le point d'entrée de dispositifs visant à protéger nos concitoyens en bloquant la circulation virale. Ainsi, le dépistage ne se conçoit qu'articulé à des stratégies de protection et d'isolement, conséquences logiques des informations fournies par le dépistage.
Bien dépister, c'est mieux. Votre proposition de résolution permet de clarifier nos choix dans ce domaine où plusieurs options s'offrent à nous. Il est probable que la meilleure réponse soit une stratégie multimodale.
Au premier abord, l'option d'un dépistage massif et régulier est séduisante puisque, sur le papier, elle permet de connaître à grande échelle, sans trou dans la raquette, qui est porteur du virus et qui ne l'est pas.
Cependant, elle n'est séduisante que sur le papier, car une observation plus attentive sur le terrain montre les limites de l'exercice.
Les performances relatives des tests, tout d'abord : elles peuvent se traduire, en cas de dépistage massif, par un nombre important de faux négatifs.
Une députée du groupe LR. C'est un peu comme les masques !
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. Les personnes infectées mais non détectables ou détectées pendant leur période d'incubation pourraient ainsi passer entre les mailles du filet.
Deuxième limite : la nécessité d'avoir un taux d'exhaustivité maximum pour en tirer le meilleur bénéfice et ne pas laisser des personnes non dépistées qui pourraient entretenir la circulation virale.
Enfin, il faut répéter ces dépistages à intervalles réguliers afin de garantir la traque permanente du virus, du fait des nombreux mouvements de population.
Comme vous l'avez dit, le dépistage à grande échelle a été expérimenté à l'étranger, en particulier en Slovaquie et à Liverpool. En Slovaquie environ 1 % des 3,6 millions de personnes testées se sont révélées positives, soit 38 000 personnes. Cette expérience a été associée à des politiques d'isolement strict.
L'analyse de ces expériences étrangères, dont les données n'ont pas encore été publiées, a suscité beaucoup de questions et a rendu bon nombre d'experts dubitatifs. Le conseil scientifique préconise une expérimentation préalable sur certains territoires ciblés, afin d'évaluer la pertinence de ce dépistage massif et l'opportunité de l'étendre à l'ensemble du territoire national.
Des dispositifs de dépistage massif seront donc déployés au cours des semaines à venir dans certains territoires de Normandie, des Hauts-de-France et d'Auvergne-Rhône-Alpes, en lien étroit avec les collectivités territoriales. Un dialogue est engagé en ce sens, notamment avec les agglomérations du Havre et de Saint-Étienne.
Lorsque persistent des questions sur des sujets scientifiques importants comme celui-ci, la meilleure réponse que les scientifiques peuvent apporter est de mettre en place des programmes d'expérimentation, afin de mieux en comprendre les enjeux, les bénéfices et les effets, avant tout déploiement plus large.
Le dépistage massif se heurte en effet à des obstacles pratiques et logistiques considérables dès lors que l'on veut l'appliquer à 67 millions de personnes. Pour mémoire, la Chine a testé 10 millions de personnes à Wuhan en dix-sept jours. Pour obtenir une efficacité similaire à celle de la Chine, il faudrait presque quatre mois à la France pour dépister sa population.
Il ne suffit donc pas de dire « testez-les tous », un message qui résonne un peu comme une incantation, presque comme un voeu pieux. Il faut également concentrer nos efforts sur la recherche permanente des porteurs du virus, qu'ils soient symptomatiques ou non,…
M. Maxime Minot. Incantations !
M. Jacques Cattin. Aveu d'impuissance !
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. …afin de les isoler à chaque fois que la situation l'exige.
Ne voyez pas dans ce choix d'un dépistage ciblé un manque de volontarisme. C'est un choix d'efficacité dans les efforts que nous déployons contre ce virus.
D'ailleurs, nous renforçons encore les dispositifs mis en place pour atteindre notamment l'objectif fixé par le Président de la République : pas plus de vingt-quatre heures ne doivent s'écouler entre la demande et le résultat du test.
Voyez, mesdames et messieurs les députés, que nous sommes mobilisés. Nous devons désormais concentrer nos forces précieuses pour atteindre ces objectifs.
Si j'ai évoqué les biologistes en préambule, j'ai également une pensée reconnaissante pour tous les professionnels de santé qui se mobilisent depuis bientôt un an et qui se préparent à mettre en oeuvre une campagne de vaccination historique.
Même si ce serait de bonne guerre, je n'aurai pas l'audace de dire, après d'autres, que cette proposition de résolution a un petit temps de retard : à présent, nous nous concentrons vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept sur le déploiement des vaccins.
Nous testons beaucoup et nous continuerons de le faire en renforçant nos dispositifs et en diversifiant nos outils, mais aussi en complétant notre stratégie.
M. Guy Teissier. Testez, testez, et vous serez respectés !
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. La montée en puissance des tests antigéniques, dont l'utilisation a été récemment élargie par la Haute Autorité de santé, facilite cet exercice en le rendant plus rapide et plus accessible.
Nous partageons votre souhait d'un dépistage à grande échelle nécessitant des phases d'expérimentation que nous allons mener dans un futur très proche. Cependant, le dépistage massif tel qu'envisagé par cette proposition de résolution, qui évoque un dépistage systématique, comporte trop de contraintes pour être réellement efficace. Il paraît que le mieux est l'ennemi du bien, et l'efficacité doit être notre seule exigence.
Il ne s'agit pas de se contenter d'un effet d'annonce, comme le font certains qui promettent de tester tout le monde sans exception, de façon non structurée.
M. Damien Abad. Personne ne le demande !
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. Non seulement ce n'est pas possible, mais ce n'est, de surcroît, ni pertinent ni souhaitable, n'en déplaise à M. Wauquiez.
Nous partageons toutes et tous le même objectif : venir à bout de ce satané virus. Si la prudence est de rigueur, la situation actuelle autorise sinon la sérénité au moins l'optimisme. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Celui-ci ne se transformera pas en gueule de bois si nous poursuivons nos efforts en testant, en alertant, en protégeant. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. Brahim Hammouche applaudit également.)
M. Maxime Minot. Pas brillant !
Mme Émilie Bonnivard. C'est terrible la politique politicienne !
M. le président. Sur cette proposition de résolution, je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 14 décembre 2020