Texte intégral
BERNARD POIRETTE
Cette invitée, c'est Agnès PANNIER-RUNACHER, la ministre déléguée à l'Industrie. Madame bonjour.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour !
BERNARD POIRETTE
Merci d'être en studio avec nous Madame PANNIER-RUNACHER. Il aurait mieux fait de s'abstenir, monsieur GUERINI, c'était mal à propos de dire "l'effet apéro", là ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
En tout cas, ce que nous, nous cherchons, c'est à ralentir la circulation du virus et lorsque vous regardez la carte que présente le Premier ministre hier où on voit que la circulation du virus tend à se ralentir dans les départements où il y a le couvre-feu et qu'elle s'accélère dans les départements où il n'y a pas de couvre-feu, on se dit qu'il y a une efficacité de la mesure et c'est ça qui nous conduit à élargir ce couvre-feu. L'enjeu, c'est qu'il n'y a pas de frontière entre les départements, c'est que le virus circule.
BERNARD POIRETTE
Donc ça ne pouvait qu'être une mesure nationale ? Par exemple les Bretons qui ce matin disent "on a un taux d'incidence extrêmement faible, pourquoi est-ce qu'on a couvre-feu à 18 heures ? "
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais vous voyez sur la carte que, malheureusement, les Bretons ont certes un taux d'incidence plus faible que Grand Est mais une croissance de ce taux d'incidence beaucoup plus élevée que Grand Est et donc c'est ça qui nous conduit à prendre cette mesure. Encore une fois, on sait tous que c'est extrêmement délicat de mettre un couvre-feu, que 18h, c'est beaucoup plus contraignant que 20h ; nous sommes entourés de pays qui sont aujourd'hui en confinement total. Notre objectif, c'est d'arriver à maîtriser cette épidémie, on est sur un plateau depuis quelques semaines, c'est grâce à la responsabilité de chacun, la responsabilité des Français manifestement, on a bien géré les fêtes, et je le dis pour les Français, ce n'est pas le gouvernement qui gère les fêtes !
BERNARD POIRETTE
A part, les fêtes sauvages, ça s'est bien passé.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais de manière générale, ça s'est bien passé, on n'a pas eu de flambée du virus mais on sait que la situation est fragile ; c'est la responsabilité de tous de faire en sorte qu'on continue à être sur ce plateau et à lutter contre le virus en évitant sa circulation.
BERNARD POIRETTE
Madame PANNIER-RUNACHER, depuis maintenant 18 minutes exactement, on peut s'inscrire, donc en tout cas ceux qui y ont droit, les plus de 75 ans, etc.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Les plus de 75 ans.
BERNARD POIRETTE
On peut aller sur Internet sur le site de sante.fr et s'inscrire pour recevoir une première injection à partir de lundi.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait.
BERNARD POIRETTE
On est d'accord, ça marche ? Parce que hier, ça ne marchait pas !
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, ça marche et surtout, hier, il y avait déjà des plates-formes locales qui avaient déclenché. Moi, j'étais à Metz avec le Premier ministre hier ; j'y ai assisté au centre d'appels au CHR de Metz, au centre hospitalier régional de Metz et effectivement, il recevait énormément d'appels. Ça marchait très bien !
BERNARD POIRETTE
Donc surcharge !
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, ils n'étaient pas en surcharge. Il y avait un petit peu d'attente, ce qui est légitime parce que c'est normal, lorsque vous ouvrez un centre d'appels, c'est assez classique, vous avez beaucoup de gens qui veulent se positionner et les rendez-vous étaient donnés pour la semaine du 20 janvier, pour la semaine du 27 janvier, sur les différents centres de vaccination.
BERNARD POIRETTE
Madame, vous avez dit, il y a une semaine, fin janvier, on aura rentré 2,6 millions de doses à peu près en France.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait.
BERNARD POIRETTE
Donc vous confirmez ce chiffre …
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait.
BERNARD POIRETTE
…voire plus, je ne sais pas. Le problème est le suivant : on n'a que deux vaccins disponibles actuellement, ceux qui ont été …
AGNES PANNIER-RUNACHER
Aujourd'hui oui …
BERNARD POIRETTE
…homologués par les autorités européennes d'Amsterdam donc sanitaires. Est ce qu'il en faut beaucoup plus des vaccins, 2, 3, 5, 8 pourquoi pas ? Est-ce qu'il faut absolument qu'il y ait plus de vaccins ? Et est-ce que vous pouvez en faire rentrer plus ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, aujourd'hui, comme vous le savez, l'Union européenne avec notre soutien a pré-commandé six vaccins différents. Sur ces six vaccins différents, deux ASTRAZENECA et JANSEN, seraient susceptibles d'avoir une autorisation de mise sur le marché dans les semaines qui viennent : ASTRAZENECA son dossier sera examiné fin janvier par l'Autorité européenne ; JANSEN, son dossier pourrait être examiné alors vers fin février, début mars, on est encore en en attente.
BERNARD POIRETTE
Et est-ce que ce n'est pas une perte de temps, cette validation européenne ? Certains disent : mais pourquoi est-ce qu'on ne se débrouille pas, nous, tout seuls ? On pourrait peut-être aller plus vite !
AGNES PANNIER-RUNACHER
Comme vous le voyez, par exemple, ces vaccins n'ont pas d'autorisation de mise sur le marché aux Etats-Unis où l'autorité de validation est celle de référence.
BERNARD POIRETTE
Qui est indépendante, oui.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Et pourquoi on utilise ces autorités de validation ? C'est précisément pour avoir le meilleur niveau scientifique et de sécurité pour les citoyens, pour les Français, pour les Européens et c'est plutôt plus efficace parce qu'on a rassemblé nos forces, on a une seule autorité de validation pour les 450 millions d'Européens, ce qui nous permet de moins faire perdre de temps aux laboratoires, c'est la même logique qui a présidé au fait qu'on se soit rassemblé et que le président de la République ait poussé pour qu'on ait une négociation européenne. Cette négociation européenne, elle a été essentiellement poussée par les Allemands, les Français, les Espagnols dans un groupe qui était, je dirais, …qui poussait la négociation avec la Commission européenne, c'est-à-dire que tous les pays n'y ont pas contribué de la même manière. En revanche, on a sécurisé des doses pour les 450 millions de Français, d'Européens, ce qui nous a permis d'être en position de force dans la négociation avec les laboratoires, de moins leur faire perdre de temps parce qu'ils réglaient de suite la situation d'un continent et de faire en sorte d'équiper le maximum d'Européens alors que virus circule et qu'il ne connaît pas de frontières.
BERNARD POIRETTE
Agnès PANNIER-RUNACHER, j'imagine que ça vous fait très plaisir mais vous avez noté que les Français sont en train de basculer pour le vaccin, ils n'étaient que 40% …
AGNES PANNIER-RUNACHER
Réticents …
BERNARD POIRETTE
… à vouloir se faire vacciner, maintenant ils sont 56% en 8 jours. Pourquoi ? Vous le savez ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
D'abord, parce que je pense qu'ils voient la marche de la vaccination se faire, qu'ils prennent conscience de toutes les sécurités qui sont mises dans ce processus. On parlait un instant des autorités qui contrôlent la mise sur le marché. Les médias ont beaucoup expliqué comment les vaccins marchaient, quels étaient tous les éléments de surveillance, comment on surveillait après, le fait que les vaccins étaient testés sur des dizaines de milliers de personnes. Tout le monde ne le sait pas et quand on vous dit ça, ça vous rassure …
BERNARD POIRETTE
318 000 vaccinés hier. C'est le dernier chiffre.
AGNES PANNIER-RUNACHER
318 000 vaccinés.
BERNARD POIRETTE
318 000 vaccinés hier.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Donc tous ces éléments sont des éléments de nature à conforter les Français dans l'idée que, finalement, ce n'est pas une mauvaise idée le vaccin et moi, j'en suis très heureuse. A nous maintenant de continuer à acheminer les doses, de continuer à les produire en Europe parce que les vaccins, dont on parle, quelle que soit leur origine, américaine, européenne, britannique, sont des vaccins qui sont fabriqués en Europe, c'est très important. Nous y avons travaillé depuis le mois de juillet et nous travaillons à ce qu'une partie de la vaccination se fasse, de la fabrication se fasse en France. Vous savez que trois des premiers vaccins qui seront mis sur le marché MODERNA, PFIZER qui sont aujourd'hui livrés vont être en partie fabriqués en France.
BERNARD POIRETTE
Actuellement, c'est en Belgique.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Actuellement, c'est en Belgique et puis vous avez …
BERNARD POIRETTE
Le MODERNA, il vient des Etats-Unis.
AGNES PANNIER-RUNACHER
…une partie allemande et Espagne, on va dire, en intelligence, en propriété intellectuelle mais, en revanche, la fabrication, elle est faite en Europe et nous allons aussi travailler sur JANSEN.
BERNARD POIRETTE
Est-ce que vous avez demandé à SANOFI, qui est très en retard, bon, en l'occurrence …enfin …
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je veux juste casser une légende urbaine, pardon. SANOFI devait livrer au mois de juillet, il n'a jamais été question qu'ils livrent …
BERNARD POIRETTE
Ils ont toujours dit, ils ne seraient pas prêts avant l'été !
AGNES PANNIER-RUNACHER
Exactement.
BERNARD POIRETTE
Et ils sont toujours sur la même date ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, ils ont trois mois de retard mais comme d'autres vaccins aujourd'hui. ASTRAZENECA a trois mois de retard et c'est une performance extraordinaire.
BERNARD POIRETTE
Je sais puisque normalement, il faut dix ans pour faire un vaccin. Là, ils l'ont fait en neuf mois !
AGNES PANNIER-RUNACHER
Et tous les laboratoires sur lesquels on dit "ils sont en retard, ils sont en avance" sont dans les dix premiers laboratoires qui livrent des vaccins sur les 200 qui sont en train de travailler. Donc remettons les choses en perspective.
BERNARD POIRETTE
J'ai lu dans Le Canard Enchaîné que l'Etat français, enfin vous en l'occurrence, avait demandé à SANOFI : est-ce que ne vous pourriez pas puisque vous ne pourrez pas fournir avant l'été fabriquer le vaccin des autres sous licence, ceux qui marchent, là, actuellement ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait et c'est ce que j'ai fait.
BERNARD POIRETTE
Et ils le font ou ils vont le faire ou pas.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors pareil, c'est une question qui est d'abord technique, c'est-à-dire ont-ils des cuves et des équipes et des capacités de fabrication qui sont libres, c'est-à-dire qui ne sont pas occupées aujourd'hui à faire par exemple le vaccin contre la grippe dont on a beaucoup besoin ? Donc on ne va pas leur dire "arrêtez une fabrication essentielle pour faire une autre fabrication essentielle" ! La deuxième chose, c'est effectivement en combien de temps peuvent-t-ils développer cette fabrication ? Ce sont théoriquement ce qu'on appelle les transferts technologiques qui prennent 12 à 18 mois en temps normal et là, on les fait en 3 à 5 mois pour le remplissage de doses et il faut rajouter encore quelques mois pour la partie "principe actif". Donc on est en train de regarder avec eux et eux regardent avec d'un côté BIONTECH et de l'autre côté JANSEN si c'est possible. Pourquoi ces deux laboratoires ? Parce que c'est ceux avec lesquels il y a le plus de chances d'y arriver mais tout le monde considère qu'on est dans un moment très inédit, le patron de SANOFI me disait : c'est notre Deuxième Guerre mondiale, c'est étrange de fabriquer pour un concurrent mais je suis prêt à regarder et on va le faire très sérieusement !
BERNARD POIRETTE
Il vous a dit ça ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Il m'a dit ça. "It's our World War II" !
BERNARD POIRETTE
"C'est notre Deuxième Guerre mondiale."
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois qu'on est tous dans cet esprit de résistance, de résilience et de monter en capacité industrielle.
BERNARD POIRETTE
Madame PANNIER-RUNACHER je rappelle que vous êtes ministre déléguée à l'Industrie, donc que vous, j'imagine, sur votre bureau, il y a aussi le dossier potentiel du rachat de CARREFOUR par les Canadiens de COUCHE-TARD. Monsieur LE MAIRE a dit "il n'en est pas question" mais en quoi est-ce que l'Etat doit venir mettre son nez là-dedans ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Plusieurs choses. D'abord, le dossier CARREFOUR n'est pas sur mon bureau parce que ce n'est pas un industriel, c'est un distributeur, c'est un grand acteur du commerce, il est donc sur le bureau de Bruno LE MAIRE. La deuxième chose, c'est que dans toutes ces questions autour du rachat par un étranger, on a une position constante depuis quelques mois et quelques années maintenant, parce qu'on a vu qu'il y avait de la prédation étrangère, il ne faut pas être naïf et nous avons renforcé …
BERNARD POIRETTE
Là, il paraît que c'est amical !
AGNES PANNIER-RUNACHER
…nous avons renforcé notre arsenal juridique pour faire en sorte que lorsqu'un rachat n'est pas forcément au bénéfice des Français, au bénéfice de notre pays, nous puissions nous armer pour l'empêcher ou demander des contreparties. Souvent d'ailleurs, on demande des contreparties, c'est une façon de permettre une opération mais d'empêcher que cette opération ait des conséquences sur le territoire français embêtantes. Quel type de secteur avons-nous ? On a la défense, on a la techno, on a élargi notre décret de contrôle des investissements étrangers en France à la filière alimentaire parce qu'on sait que c'est quelque chose de sensible. En règle générale, ces processus s'appliquent effectivement à des entreprises industrielles et on a vu qu'en Europe, ça s'est étendu. Le commissaire BRETON invite aussi être extrêmement vigilant !
BERNARD POIRETTE
Oui ou non, Madame, vous allez bloquer cette tentative de rachat ne voulait pas que ça se fasse ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois que le message de Bruno LE MAIRE a été clair hier et que dans l'état de connaissance qu'il avait du dossier, il a indiqué un "non" ferme mais je vous renvoie vers lui.
BERNARD POIRETTE
Merci beaucoup Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre délégué à l'Industrie sur Radio Classique ce vendredi matin, je vous souhaite un excellent week-end et, au-delà, une bonne année, Madame !
AGNES PANNIER-RUNACHER
Merci beaucoup !
BERNARD POIRETTE
Autant que faire se peut, bien évidemment !
AGNES PANNIER-RUNACHER
Egalement à vous et à vos auditeurs !
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 janvier 2021