Interview de Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques, à Public Sénat le 18 janvier 2021, sur l'épidémie de Covid-19 et les réformes concernant la Fonction publique.

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Média : Public Sénat

Texte intégral

ORIANE MANCINI
Et notre invitée politique ce matin c'est Amélie de MONTCHALIN, bonjour.

AMELIE DE MONTCHALIN
Bonjour.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'être avec nous. Ministre de la Transformation et de la Fonction publique, on est ensemble pendant 20 minutes pour une interview en partenariat avec la presse quotidienne régionale.

PASCAL JALABERT
Bonjour.

ORIANE MANCINI
Bonjour Pascal JALABERT, du groupe EBRA, les journaux régionaux de l'Est de la France. On commence bien sûr par cette crise sanitaire, et c'est le début aujourd'hui de la vaccination pour les plus de 75 ans hors EHPAD, ainsi que pour les personnes qui ont des pathologies à très haut risque, et il y a une inquiétude, ce week-end, liée aux annonces de PFIZER qui annonce un retard de livraison, qui ne sera finalement que d'une semaine, a priori, mais quand même ça inquiète, est-ce que, clairement, il y a un risque de pénurie du vaccin en France ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Alors, déjà moi je pense qu'il faut revenir au risque qui était le nôtre il y a encore quelques semaines, c'est que trop peu de Français, à l'époque, avaient envie de se faire vacciner, et donc déjà, la première chose, c'est qu'on a gagné une première bataille qui est celle de la confiance. Aujourd'hui on a plus de 55 % des Français qui veulent se faire vacciner, c'est une bonne nouvelle, parce que ce vaccin il est efficace que si on est nombreux à se vacciner, donc ça je pense que c'est déjà un point sur lequel il faut qu'on soit rassurant et objectif. Le deuxième enjeu, vous le dites, c'est qu'effectivement on cherche à vacciner en priorité ceux qui sont le plus à risque, à risque de faire des formes graves, à risque d'aller en réanimation, à risque de décéder, et donc notre stratégie c'est, on a commencé avec les EHPAD, et aujourd'hui on ouvre pour les personnes de plus de 75 ans ou qui ont des facteurs de vulnérabilité. Evidemment, nous sommes dépendants du rythme de production, ça je crois que c'est très important de le dire, il n'y a pas un risque de pénurie en soit, il y a un enjeu de vacciner au rythme de la production. Donc, à chaque fois qu'il y a des vaccins qui sortent des lignes de production, ils sont répartis en Europe, et au plus vite on les réparti sur le territoire pour vacciner. Quand j'étais ministre des Affaires européennes…

ORIANE MANCINI
…Des délais trop importants, on le voit dès ce week-end qu'il y a beaucoup de demandes de rendez-vous, il y a déjà 500.000 personnes qui ont pris rendez-vous, ça fait plus d'1 million de rendez-vous, et que les vaccins ne vont pas forcément suivre.

AMELIE DE MONTCHALIN
C'est pour ça que tous les jeudis, Olivier VERAN, le Premier ministre, vous présentent le planning de livraison des vaccins, et, vous savez, j'entendais Xavier BERTRAND dire "il suffit de convoquer les patrons des grands laboratoires pour que les vaccins arrivent", c'est un peu oublier ce qui est à la fois l'enjeu de sécurité sanitaire, de production industrielle. Moi, quand j'étais ministre des Affaires européennes, au printemps dernier, avec le président de la République, on avait un enjeu, c'était d'éviter une guerre de tous contre tous, où chacun se serait battu avec les industriels et les pharmaceutiques pour avoir les vaccins en plus grand nombre que ses voisins, sous prétexte qu'il paierait plus ou qu'il aurait mieux négocié, et ça je crois que c'est vraiment une vraie réussite. Aujourd'hui on n'est pas dans une guerre de tous contre tous pour faire la course au vaccin, on a un accord qui couvre tous les 27 pays de l'Union, et avec tous les Européens nous travaillons justement à ce qu'à chaque fois qu'il y a des vaccins qui sortent ils soient répartis entre les Européens…

PASCAL JALABERT
Mais est-ce qu'il n'y a donc pas de stratégie de commandes en dehors de l'Union européenne, d'aucun pays, ni de la France ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Non, ça c'est vraiment un objectif. Vous savez, le président avait parlé du vaccin bien public mondial, en disant chaque personne a vocation à être protégé, non pas en fonction de son passeport, mais parce que c'est une personne qui est vulnérable, par exemple. Et donc, aujourd'hui, c'est un pacte de confiance, de solidarité et d'efficacité, qui est très fort entre tous les pays européens, quand les vaccins sortent des usines ils sont répartis en fonction de la population par pays européens, et ensuite, au sein de la France, ils sont à nouveau répartis par départements, en fonction de la population.

ORIANE MANCINI
Mais est-ce qu'il faut s'en tenir à ce pacte européen quitte à manquer de doses, ou est-ce que, comme le dit le même Xavier BERTRAND, que vous citez, eh bien il faut passer hors de l'Europe et commander à n'importe quel prix ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Alors, moi je suis persuadée que si on était passé hors de l'Europe, et si on avait tenu ce raisonnement au départ, aujourd'hui on serait dans une situation très difficile, tous, parce qu'on serait tout le temps en train de se battre entre nous. Je sais qu'aujourd'hui, c'est parce qu'on est entre Européens, qu'on a réussi à demander à un certain nombre d'industriels d'accélérer les cadences, d'accélérer les livraisons, et dans quelques semaines ça se verra, donc je pense que l'Europe, sur ce coup-là, et sur beaucoup d'autres en fait, on est beaucoup plus fort, on est beaucoup plus crédible, et surtout on assure une solidarité, je crois, humaine, entre nous, qui est nécessaire dans une crise sanitaire.

ORIANE MANCINI
Alors, puisqu'on parle de l'Europe il y a des questions qui se posent sur les frontières. Jean CASTEX l'a rappelé," frontières fermées", les frontières de l'espace Schengen sont fermées, mais au sein de l'espace Schengen les frontières sont ouvertes. Est-ce que pour vous il faut renforcer drastiquement les contrôles aux frontières au sein de l'espace Schengen ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Depuis le début de cette crise il y a deux mots clés, coopération, efficacité, et donc il y a des réunions qui se tiendront cette semaine, pour voir comment on est efficace, tout en étant coopératif. Vous savez que le but ce n'est pas de prendre des mesures hostiles les uns vis-à-vis des autres, il y a des flux, je pense notamment à tous les flux transfrontaliers entre - j'étais dans les Ardennes vendredi – évidemment il faut qu'on puisse conserver un niveau de circulation qui permette la vie quotidienne, notamment ceux qui travaillent de l'autre côté la frontière, mais donc tous ces enjeux-là seront discutés, notamment Clément BEAUNE a un certain nombre de réunions, dont je connais bien la nature, puisque ça a été une partie de mon quotidien…

ORIANE MANCINI
Oui, justement, c'est pour ça qu'on vous pose la question.

AMELIE DE MONTCHALIN
Et donc, à chaque fois, depuis le début dans cette crise, on cherche à être efficace, pas à faire du symbole pour faire du symbole, pas faire gagner le primat de je ne sais pas quelle idée parce que conceptuellement on se dirait que c'est efficace, d'abord qu'est-ce qui est vraiment efficace, et surtout comment on le fait de manière coopérative.

ORIANE MANCINI
Sauf qu'au sein-même de l'espace Schengen, au sein des pays de l'Union européenne, il y a des pays qui contrôlent plus leurs frontières que nous. Est-ce que nous on est trop laxistes sur nos frontières ?

AMELIE DE MONTCHALIN
C'est pour ça qu'il est important d'avoir des réunions de coopération, pour qu'on harmonise nos pratiques, et qu'on le fasse sur des critères objectifs, est-ce que c'est le taux d'incidence du point de départ vers un taux d'incidence moins élevé du point d'arrivée, bref, je ne vais pas vous faire des descriptions techniques, mais c'est très important, à nouveau, de fonder toutes ces décisions sur des critères objectifs, donc c'est tout ce qui est en train de se passer, et je pense que…

ORIANE MANCINI
Donc contrôle harmonisé, mais contrôle renforcé, pour vous il faudrait ?

AMELIE DE MONTCHALIN
On verra comment ça se déroule et qu'est-ce qui est conclu, mais, objectivité, efficacité et coopération, et c'est comme ça que l'Europe avance, et d'ailleurs c'est comme ça que sur les vaccins, j'y reviens, on a réussi aujourd'hui, je crois, à avoir une situation qui est sécurisante pour chaque européen, le niveau de livraison de vaccins, dans son pays, ne dépend pas de son passeport, et ça je crois que c'est aussi une victoire européenne.

PASCAL JALABERT
Justement, à propos de passeport, le passeport vaccinal, ça ne serait pas un moyen efficace de réguler les circulations, les Français y sont plutôt favorables, vous-même qu'en dites-vous ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Moi je dis d'abord que c'est un sujet qui n'est pas aujourd'hui sur la table, puisqu' aujourd'hui, on l'a bien vu, tous ceux qui voudraient se faire vacciner ne le sont pas encore, donc je pense qu'il faut là aussi ne pas créer, ni des polémiques, ni de l'anxiété, et donc c'est bien d'ailleurs pour ça qu'on a besoin de règles de circulation qui dépendent de faits objectifs.

ORIANE MANCINI
On parle de cette campagne de vaccination qui a été beaucoup critiquée, notamment à ses débuts, sur la lenteur de la campagne, est-ce que pour vous l'administration est en partie responsable de la lenteur au démarrage de cette campagne de vaccination ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Alors, sur ce sujet j'aimerais vous présenter un peu la doctrine générale d'action d'un gouvernement qui prend ses responsabilités. Vous avez des gens, je pense à Gérard LARCHER, qui inventent des complexités, qui viennent sur les plateaux de télé vous dire "voilà, regardez c'est scandaleux, le consentement, 50 pages", ça c'est de l'invention, et puis il y a eu des problèmes, et il y a des problèmes réels, dans ma vie quotidienne, parfois entre une stratégie et sa mise en oeuvre, il faut que nous ministres on soit extrêmement vigilants sur la manière dont très finement, sur le terrain, partout en France, les choses se déploient. Et notre rôle de responsables politiques, j'insiste sur ce mot, ce n'est pas de nous entêter, ce n'est pas de fermer les yeux, ce n'est pas de dire « non, non, tout va bien », quand ce n'est manifestement pas le cas, c'est de nous ajuster, c'est de corriger le tir, c'est de faire en sorte que les choses fonctionnent. Donc, est-ce qu'il y a eu des lourdeurs ? Sûrement. Celles qui existaient ont été réglées. C'est d'ailleurs pour ça que, hier, il y avait 420.000 personnes qui ont été vaccinées en France. Mais pourquoi elles ont été vaccinées ? Parce qu'à un moment donné, le président de la République, le Premier ministre, le ministre de la Santé, ont joué leur rôle de politiques. Le rôle du politique ce n'est pas ni de faire une confiance aveugle à l'administration, ni d'être dans la défiance permanente, c'est de dire on a nous des responsabilités, on définit une stratégie, et on doit se soucier du détail, de comment, dans l'exécution fine, les choses se passent ou ne se passent pas. Moi, vous voyez, je ne serai pas la ministre qui viendra vous dire « c'est scandaleux », comme certains, comme je les appelle, les "étatologues", les grandes personnes qui font la science de la réforme de l'Etat, ou des anciens ministres, comme Arnaud MONTEBOURG, qui vous explique que si l'administration de Bercy l'avait plus écouté, il aurait réussi, ça c'est irresponsable, c'est en fait assez lâche, c'est même assez facile. La responsabilité, elle est où ? Elle est dans celui qui pilote l'administration. Qui pilote l'administration ? C'est le ministre. Et donc, un ministre, et le président de la République nous le rappelle chaque jour, chaque semaine, chaque Conseil des ministres, nous avons la responsabilité, non seulement de définir des stratégies, non seulement de faire voter des lois, mais surtout et avant tout nous assurer qu'elles s'appliquent réellement, pratiquement, dans tous les territoires. C'est d'ailleurs pour ça que le baromètre des résultats qu'on a présenté la semaine dernière va exactement là.

ORIANE MANCINI
On va y venir, mais puisque vous parlez de confiance, de défiance, quand on a recours à un cabinet privé, comme ça a été le cas de la part du gouvernement pour prendre ses décisions, est-ce que ce n'est pas un sentiment de défiance vis-à-vis de l'administration française ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais, vous savez, pourquoi on va chercher des avis extérieurs ? parce que, quand on doit gérer une crise, quand on doit faire de la logistique avec des produits qui se transportent à -80 degrés, vous avez des gens qui ont à la fois une vision de ce qui se passe dans d'autres pays, dans d'autres secteurs, qui peuvent apporter une expérience, moi je pense que c'est sain, c'est sain, que l'administration aille chercher des avis extérieurs. Vous savez, les ministres, les uns après les autres, demandent des avis dans des missions à des experts, pas parce qu'on n'aurait pas les compétences en internes, mais parce que, pour prendre des bonnes décisions, des décisions éclairées, on a aussi besoin d'être confrontés à d'autres manières de faire. Quand on est en pleine crise, je pense que ce n'est pas du tout un scandale, au contraire, qu'on aille chercher des avis extérieurs, techniques, précis. Les personnes en question dont vous me parlez, ce n'est pas elles qui prennent des décisions, elles nous aident à prendre justement des avis extérieurs, et donc, évidemment, on a ensuite un enjeu de recrutement des hauts fonctionnaires de formation, de variété des profils, on travaille, avec le président de la République, sur la réforme de la haute Fonction publique, sur l'évaluation des hauts fonctionnaires, il y a encore beaucoup de choses à faire, je ne vais pas nier devant vous que j'ai beaucoup de travail et qu'on me demande de faire beaucoup de choses, et qu'évidemment il y a encore énormément de transformations à faire. Le 4 février prochain, autour du Premier ministre, tous les ministres seront réunis pour tirer les leçons d'organisation, de fonctionnement interne à nos administrations, sur les ajustements à prendre, des choses qu'on a ajustées pendant la crise et qu'on veut rendre pérennes, ou des choses qu'il faudrait encore qu'on ajuste pour être plus efficace, que ce soit sur les sujets sanitaires ou les sujets de réforme, donc je ne veux pas nier devant vous les évidences, mais arrêtons, un, de nous inventer des problèmes qui n'existent pas, Monsieur LARCHER, arrêtons de penser que l'administration serait devenue folle, n'obéirait plus aux politiques, et commentons une forme d'impuissance politique, Monsieur MONTEBOURG, arrêtons ça.

ORIANE MANCINI
Alors, il n'y a pas que les oppositions…

PASCAL JALABERT
Bruno LE MAIRE a parlé de…

ORIANE MANCINI
Votre collègue, effectivement Bruno LE MAIRE, disait en début de semaine sur France Inter, il employait cette expression de "monarchie technocratique."

AMELIE DE MONTCHALIN
Moi je ne suis pas d'accord avec cette expression, parce que d'abord on est en démocratie, on n'est pas en monarchie, évidemment la technocratie ce serait l'idée selon laquelle les ministres n'ont plus de rôle, je suis aussi très fortement convaincue qu'aujourd'hui nous avons un grand rôle, celui de piloter nos administrations.

ORIANE MANCINI
Donc il se trompe Bruno LE MAIRE ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Je ne suis pas d'accord avec cette expression. Après, on a plein de débats, et vous imaginez bien qu'on cherche tous, d'ailleurs à trouver de l'efficacité, et donc c'est plutôt ça qui me semble être un sujet de débat, plutôt que des expressions.

PASCAL JALABERT
Depuis quelques semaines l'arrêt de travail automatique est mis en place. Avez-vous évaluez, dans la fonction publique, combien de fonctionnaires et quel pourcentage, sont en arrêt de travail ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Alors, on l'a évalué tout le second confinement, je peux vous dire, à un moment donné on avait 0,2%, 0,3% des agents de l'Etat qui ne pouvaient pas travailler parce qu'ils étaient soit cas contact, soit parce qu'ils étaient en arrêt parce que le lieu où ils travaillaient été fermé, voyez, donc on était à 99,7 ou 99,8% des agents de l'Etat qui travaillaient, donc on suit ça bien sûr avec beaucoup de vigilance. Cet arrêt de travail il est important parce qu'il permet d'être extrêmement efficace dans l'isolement qu'on demande à tous ceux qui pensent qu'ils ont des symptômes avant un test, qui sont cas contact, ou qui sont même d'ailleurs malades, il a un intérêt également, c'est qu'il respecte secret médical. Votre employeur, qu'il soit public, ou privé, sait que vous êtes arrêté, qu'il n'y a pas de jour de carence, vous n'avez pas de conséquences financières, mais ne sait pas si c'est parce que vous êtes cas contact ou positif, c'est important dans notre pays que l'employeur ne sache pas si vous êtes malade et de quoi.

ORIANE MANCINI
Là il est récent, c'est mis en place depuis le 10 janvier, vous n'avez pas de chiffre depuis le 10 janvier sur le nombre de fonctionnaires qui ont eu recours… c'est trop court ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Non, je pense que, on va suivre les choses évidemment, moi je fais d'ailleurs confiance aux Français sur le fait que, évidemment, dès qu'ils ont des symptômes, ils s'arrêtent, ils se font tester et ils s'isolent, et le but, voyez, ce n'est pas faire un pilotage par le chiffre, le but c'est de stopper l'épidémie, et donc si à un moment donné il y a beaucoup de gens qui doivent s'isoler, eh bien il vaut mieux qu'on le fasse, plutôt qu'on pilote ça… ce n'est pas un enjeu de performance, c'est un enjeu de stopper l'épidémie.

PASCAL JALABERT
Sur le télétravail, le télétravail, où en êtes-vous, combien de fonctionnaires le pratiquent aujourd'hui ?

AMELIE DE MONTCHALIN
On est monté jusqu'à peu près 45% des agents de l'Etat, or enseignants, pendant l'automne, là, au début de l'année, on est autour de 35%, donc à nouveau je crois qu'il y a aussi des personnes qui ont eu besoin psychologiquement de revenir, comme c'est permis, ou comme c'est possible surtout, un jour par semaine sur le lieu de travail pour mettre fin, au fond, a aussi beaucoup d'isolement, donc on continue bien sûr de faire du télétravail à la fois un outil de lutte contre la pandémie, c'est aussi, plus structurellement, une évolution des méthodes de travail, de la confiance managériale, et donc vous pouvez compter sur notre envie d'aller plus loin, et d'ailleurs de négocier, comme ça a été le cas dans le secteur privé, mais dans le secteur public, un nouveau cadre sur le télétravail, pérenne, qui nous occupera, avec les organismes syndicales et les employeurs, dans les prochaines semaines.

ORIANE MANCINI
A quelle échéance ce nouveau cadre ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Le but c'est d'avoir au printemps quelque chose de stabilisé, qui nous permette de nous organiser en cas de crise, mais aussi en temps normal, je crois que, on a vu à la fois les bénéfices du télétravail, mais aussi les limites, et donc il faut qu'on puisse se donner un cadre qui permet à tous de retrouver à la fois de la confiance, mais derrière on voit bien que c'est les pratiques managériales, c'est comment on gère une équipe, comment on conceptualise même le travail, ça veut dire quoi travailler ensemble, et ce n'est pas forcément parce qu'on vient sur le lieu de travail que les choses fonctionnent mieux, donc c'est aussi un outil intéressant de transformation des pratiques.

ORIANE MANCINI
Un dernier mot sur ce sujet avant de passer aux réformes, sur les complémentaires santé pour les fonctionnaires, là aussi il va y avoir des nouvelles mesures ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Exactement. Ce matin c'est un moment important, nous réunissons tous les employeurs publics, et je réunis les organisations syndicales, pour un Conseil commun de la fonction publique, qui va acter le fait qu'on a une ordonnance, donc un texte législatif sur la table, qui va permettre que d'ici 2026 tous les agents publics aient une prise en charge à 50% de leur complémentaire santé, ça commence en 2022, dans l'Etat, avec 12 à 15 euros par mois pour tous les agents publics, qu'ils soient contractuels, qu'ils soient titulaires, parce que là aussi, après une crise sanitaire, il y a des inégalités qui étaient objectivement pas acceptables, ce n'est pas normal que quand vous êtes dans le privé votre employeur paye 50% la mutuelle, et que dans le public, aujourd'hui, il y a des endroits où on n'avait quasiment pas, voire pas du tout, de prise en charge, donc c'est un sujet sur lequel on a beaucoup travaillé, c'est un engagement que j'avais pris en juillet, de conclure cette réforme, et donc elle sera… elle était dans la loi de 2019 comme une éventualité, c'est maintenant une réalité, que nous actons ce matin.

ORIANE MANCINI
Et justement on va parler du bilan des réformes, Pascal.

PASCAL JALABERT
Oui. Donc vous avez mis en place un baromètre des réformes dans la fonction publique, alors, où en êtes-vous de ce baromètre, et quel est son objectif ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Donc, ce baromètre il est sur le site du gouvernement, donc tous les citoyens Français peuvent aller sur la page du gouvernement, rentrer leur code postal, et département par département, ils peuvent savoir ce qui s'est passé dans leur vie quotidienne, dans leur département, de changements depuis 3 ans. Ça peut être des questions sur l'accès à la santé, les Maisons de santé, l'accès aux services publics, les enjeux d'éducation des enfants, les enjeux de transition écologique, c'est vraiment 25 réformes, chantiers, de la vie quotidienne, où nous présentons ce qui a avancé, et peut-être ce qui a moins avancé. Pourquoi on fait ça ? On fait ça parce qu'on doit la transparence aux Français. C'est aussi un enjeu de confiance, à quoi ça sert de voter si personne ne vous rend compte des actions qui sont prises après les lois qui sont votées au Sénat, à l'Assemblée, et après les débats parlementaires ? Les débats parlementaires ils ont un objectif, c'est de faire changer la vie quotidienne, ce n'est pas d'occuper des sénateurs et des députés. Donc, d'abord, par la transparence, rétablir la confiance. Et c'est ensuite aussi un outil d'accélération. Comment, dans les 18 prochains mois, tous les endroits où on pense que les résultats ne sont pas à la hauteur de nos attentes ou de nos objectifs, on se donne les moyens d'accélérer en mettant les faits au milieu de la table. Pourquoi on fait ça ? parce qu'il y a des gens de l'opposition, ici à Paris, Madame HIDALGO, Monsieur JACOB, Monsieur LARCHER, qui vous disent "on n'aurait rien fait", "on ne fait rien", ou alors "la crise sanitaire, de toute façon tout arrêter", "et vite vite 2022 pour qu'on change tout ça." J'étais dans les Ardennes vendredi, on a réuni tous les élus locaux, tous les élus, départementaux, régionaux, communaux, des Ardennes, la discussion que j'aie avec eux, ce n'est pas une discussion sur les présidentielles, ce n'est pas sur on n'a rien fait, on n'a pas fait, c'est comment, là, en 2021, maintenant, sur des enjeux, où l'apprentissage, la réussite des étudiants à l'université, les choses du territoire, l'accès à la fibre, sur le territoire…

PASCAL JALABERT
Oui, alors justement, on voit de grosses disparités, par exemple sur l'accès à la fibre, vous venez d'en parler, il y a d'énormes disparités d'un département à l'autre. Ça, comment vous faites ? Vous le rectifiez tout de suite, vous donnez des consignes ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Non, d'abord, ce qu'on voit c'est quoi ? C'est que l'ensemble des chantiers, au niveau national, et en moyenne, progressent. Si on s'en tenait là, bon, on pourrait s'auto-congratuler, ce n'est pas ce qu'on cherche à faire. Ce qu'on cherche à faire, c'est-à-dire ça progresse, maintenant il y a des endroits où il faut qu'on soit beaucoup plus vigilant, peut-être qu'on mette plus de moyens, peut-être qu'on accompagne plus les choses, peut-être qu'on secoue un peu le système, peut-être que les gens se sont collectivement un peu endormis. Ces actions elles nécessitent beaucoup de travail de coordination entre différents acteurs, entre différents élus, entre l'Etat parfois et des entreprises privées, c'est le cas de la fibre, et notamment on peut, avec le plan de relance, s'il y a besoin de moyens financiers supplémentaires, accélérer. Sur la fibre, le Premier ministre était dans l'Allier ce week-end, il annonce que dans le plan de relance il y a 570 millions d'euros pour accélérer le déploiement de la fibre, et dans l'Allier il y a 39 % des habitants qui ont la fibre, et dans les départements en Ile-de-France on a 80 %. Ce n'est pas acceptable, parce que c'est une politique où tous les Français, pour, on le voit, le télétravail, pour l'accès des enfants à l'Education sur de nouvelles possibilités, pour développer son entreprise, on a tous besoin d'être aujourd'hui connectés. Donc pourquoi on fait ça ? Transparence, accélération, et l'accélération peut notamment venir du plan de relance mais pas que, et donc ce que je peux vous dire c'est que les élus que j'ai rencontrés, au fond ces objectifs ils sont partagés, tous les élus de terrain, tous les Français ont tous très envie, et ils voient bien que c'est urgent, que, je vous dis, sur l'apprentissage, sur la fibre, sur l'accès aux services publics, dans tous les territoires les choses progressent. Et c'est important pour nous.

ORIANE MANCINI
Mais, est-ce que ça va progresser d'ici la fin du quinquennat, ou est-ce que vous dites : eh bien, il y a des réformes, on ne pourra pas réussir d'ici la fin du quinquennat ?

AMELIE DE MONTCHALIN
D'abord, ce que je peux vous dire c'est qu'il y a énormément des résultats qui sont publiés aujourd'hui, qui sont le fruit de l'action de 2020. Donc 2020 ça n'a pas été une année où je vais dire, le coronavirus a tout effacé. Bien sûr la crise remplit une partie de nos vies, mais nos vies ne se résument pas à la crise. La vie quotidienne des Français, tous les enjeux dont je vous parle, sont des enjeux qui resteront d'ailleurs après la crise, et les Français seront bien en droit de nous demander qu'est-ce qu'on a fait, et donc nous notre objectif ce n'est pas de faire diversion. J'entends certains qui disent : ah, vous êtes en train de nous parler d'autre chose pour tourner le regard de la crise sanitaire. Mais c'est tout l'inverse. Pour sortir de la crise, on a besoin d'accélérer. Et ce que je peux vous dire, c'est qu'on va tout à fait le temps, en 18 mois, d'aller dans les 10 départements qui sur telle politique publique ont manifestement un peu un retard à l'allumage ou des difficultés, de concentrer nos moyens, notre soutien politique et aussi un peu de pression constructive, pour que les choses avancent. Et je crois que les Français sont en demande, non seulement de résultats, mais ne résultats dans tous les territoires. Ce que ce baromètre montre, et d'ailleurs les Gilets jaunes d'une certaine manière avaient déjà tiré la sonnette d'alarme, c'est qu'en moyenne les choses peuvent aller plutôt bien, mais que certains territoires sont victimes d'une certaine façon, de vraies inégalités. Ce n'est jamais les mêmes territoires, donc il n'y a p as d'endroit où rien ne se passe, mais dans chaque territoire vous avez des forces et des faiblesses qu'il faut qu'on corrige, avec un esprit constructif et coopératif, et avec les élus locaux.

ORIANE MANCINI
Justement, puisque vous parlez des Français, on sait que le gouvernement aime bien associer les citoyens à ses réformes, est-ce que là les citoyens seront associés au suivi de ces réformes et de la mise en place…

AMELIE DE MONTCHALIN
Tout à fait. Aujourd'hui, vous voyez je rencontre un panel de citoyens qui représente plusieurs départements, pour échanger sur l'outil, et ensuite dans chacun de mes déplacements, à partir de vendredi en Charente, eh bien il y aura un moment de ce Tour de France que je fais, où non seulement je vois les services de l'Etat, je vois bien sûr tous les élus, mais je rencontre aussi des citoyens, pour qu'on s'assure que la photo qu'on leur donne de la réalité, corresponde à leur perception, car parfois d'ailleurs d'avoir un échange sur la manière dont ils voient différemment les choses que ce qu'on leur met comme étant des faits, et c'est des faits de choses observables, et puis aussi pour parler de ces réformes, comment ils les voient, comment ils les comprennent, comment peut être il faut qu'on simplifie l'information. Je crois que c'est très important comme vous le dites, on fait ça pour les Français dans leur vie quotidienne. Donc ce n'est pas, voyez, des grandes réformes qui sont pilotées depuis Paris, depuis juste nos bureaux ministériels, c'est sur le terrain que ça se passe.

ORIANE MANCINI
Et dernière question Pascal.

PASCAL JALABERT
Oui. Alors justement, toutes ces réformes, y-a-t-il encore le temps d'engager de grandes réformes ? Bon là il y en a deux ou trois qui viennent ; la loi contre le séparatisme islamiste, on va avoir la loi environnement, est-ce que ça ne suffit pas ? Y-a-t-il le temps d'engager d'autres réformes sociales et économiques ?

AMELIE DE MONTCHALIN
La première chose c'est déjà mettre en oeuvre, dans tous les territoires, pour tous les Français, tout ce qu'on a lancé, c'est absolument essentiel, je vous l'ai dit, à la confiance démocratique, et je crois que c'est une réforme en soi. Beaucoup de gouvernements se sont arrêtés avant de faire ce travail, et déjà de finitions, et on sait que la finition ça compte beaucoup, parce que c'est ça qui fait qu'à la fin les objectifs sont atteints ou pas. Ensuite, évidemment sur le séparatisme, évidemment sur le climat, on a d'ailleurs devant nous des textes importants.

PASCAL JALABERT
Oui, mais est-ce qu'il faut s'arrêter là ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Vous savez, le président de la République et son gouvernement…

PASCAL JALABERT
Mais il y a les retraites, il y a l'assurance chômage, il y en a d'autres.

AMELIE DE MONTCHALIN
On n'est pas d'humeur à s'arrêter, on essaie de faire le maximum, il faut que les conditions soient réunies pour que ça puisse se faire, mais nous sommes un gouvernement qui jusqu'au bout ne prendra jamais le prétexte de la crise sanitaire pour arrêter l'ambition transformatrice qui est la nôtre, et donc évidemment il y a encore beaucoup beaucoup de choses, les Français le savent, sur lesquelles on doit progresser, donc on va continuer.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup.

AMELIE DE MONTCHALIN
Merci.

ORIANE MANCINI
Merci Amélie de MONTCHALIN d'être venue nous voir ce matin.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 janvier 2021