Entretien de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'Etat au tourisme, aux Français de l'étranger et à la francophonie, à France 5 le 21 janvier 2021, sur la lutte contre l'épidémie de Covid-19 et la fermeture des stations de ski.

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  • Jean-Baptiste Lemoyne - Secrétaire d'Etat au tourisme, aux Français de l'étranger et à la francophonie

Média : France 5

Texte intégral

Q - Bonsoir Jean-Baptiste Lemoyne, vous êtes secrétaire d'Etat chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la Francophonie. Les vacances de février sont censées commencer dans deux semaines ; une question simple, va-t-on pouvoir partir en vacances, Jean-Baptiste Lemoyne ?

R - Vous savez, ce virus nous a habitués à beaucoup d'évolutions, à beaucoup d'inattendus, c'est un peu l'inattendu permanent, et donc le corolaire hélas, c'est un peu l'incertitude permanente. Voyez-vous, le Président de la République tient chaque semaine des conseils de défense pour s'adapter à la situation.

Q - Et vous y étiez hier d'ailleurs.

R - Tout à fait, et nous avons évoqué la situation des stations de ski, nous y reviendrons. Tout cela pour dire que nous avons un principe : c'est d'abord, sauver les vies et lutter contre le virus. Que voit-on aujourd'hui ? On voit un plateau, qui est plutôt haut, dans les nouveaux cas, on est en moyenne entre 18 et 20 000 cas.

Q – 26 000 cas en 24h hier.

R – 26 000 cas hier, mais je prenais une moyenne sur sept jours. Tout cela fait que cela nous incite à la plus grande prudence, et d'ailleurs beaucoup d'acteurs du tourisme se sont engagés pour donner de la flexibilité dans les conditions de réservation.

Q - Vous nous dites que l'on peut malgré tout, toujours réserver et qu'il faut réserver en ce moment les locations et les billets de train ?

R - Ce que je dis, c'est que, compte tenu de la situation sanitaire, nous avons encore besoin d'un peu de temps pour évaluer ce que donnent les résultats du couvre-feu national à 18h, c'est encore de la prudence. C'est de la prudence, parce que ce qui nous guide, encore une fois, c'est la situation sanitaire et c'est endiguer le virus.

La vaccination monte en puissance, mais nous avons besoin d'être extrêmement prudents.

Q - Je lis entre les lignes, j'analyse entre les mots, un confinement général à nouveau pourrait être d'actualité, dans les jours qui viennent ? Olivier Véran dit que c'est une course contre la montre.

R - C'est une course contre la montre parce que nous avons cette nouveauté depuis trois semaines, des variants anglais ou sud-africain qui sont d'une extrême contagiosité. Regardez l'emballement dans certains pays voisins où ce sont des courbes qui montent très vite, très fort.

Q – 20 000 morts en trois semaines en Grande-Bretagne.

R - Et donc nous avons déjà maintenu nos mesures de freinage, c'est pourquoi au 1er février, par exemple, les remontées mécaniques ne rouvrent pas, et s'il faut prendre des mesures additionnelles, on n'en a pas encore la teneur, on verra les résultats. C'est vrai que c'est un peu frustrant peut-être pour les téléspectateurs parce qu'on a du mal à se projeter à plusieurs semaines.

Q - Ce que l'on entend quand même, c'est que l'on pourrait devoir faire un trait sur nos vacances.

R - Non, c'est que nous sommes dans de l'incertitude encore, parce que la priorité, c'est la lutte contre le virus.

Q - Ce que l'on sait en tout cas, c'est que le 1er février on ne pourra pas skier, vous l'avez annoncé hier, et peut-être aussi tout le reste de la saison. C'est une catastrophe économique, bien sûr, pour tout un secteur.

(...)

Q - Vous comprenez la colère des professionnels, ils demandent de l'aide, là ?

R - Vous savez, c'est un crève-coeur. Pour eux en premier lieu parce que les montagnards, j'ai travaillé avec eux depuis plusieurs mois, plusieurs années. Ce sont des gens qui sont travailleurs, qui sont courageux, qui sont dans des milieux difficiles, et ce qu'ils veulent c'est travailler.

Q - Ils avaient mis tout un protocole en place...

R - Bien sûr, on a travaillé ensemble sur ces protocoles. Mais aujourd'hui en fait, la décision qui a été prise de ne pas rouvrir les remontées mécaniques c'est parce que, on le voit, c'est l'élément d'attractivité de la station. C'est ce qui fait que cela génère la venue de beaucoup de monde...

Q - Et qu'ils rentrent dans leurs frais.

R - C'est pour cela qu'à côté de cette décision, il est normal, l'Etat a cette responsabilité morale, de devoir accompagner tous ces acteurs, les hôteliers, les restaurateurs, les remontées mécaniques, les moniteurs de ski, on a mis en place, déjà, dès le mois de décembre, des dispositifs d'indemnisation. Et je parle d'indemnisation parce qu'ils font face à une décision de l'Etat.

Q - On pourrait en avoir des nouvelles, justement ?

R - Tout à fait. On est en train d'y travailler avec Bruno Le Maire, Alain Griset. Le Premier ministre recevra les acteurs dans quelques jours et je suis en train de travailler avec les acteurs. Il y a encore une heure j'étais avec le bureau du comité de filière tourisme, pour voir quels sont les trous dans la raquette, et puis compte tenu du fait que cette fermeture va se prolonger, encore, quels sont les besoins supplémentaires.

Il y a aussi des négociations à voir avec Bruxelles, mais on a cette responsabilité morale d'être à leurs côtés.

Q - Concrètement alors, cela serait quoi les pistes ? Rassurez-les s'ils vous écoutent.

R - Par exemple, les moniteurs de ski sont d'ores et déjà éligibles au fonds de solidarité jusqu'à 10 000 euros par mois. Voilà, pour faire face à la perte du chiffre d'affaires.

Q - C'était déjà le cas.

R - C'était déjà le cas, depuis décembre. Les remontées mécaniques, l'idée c'est de prendre en charge 70% de leurs charges fixes, pour pouvoir aussi passer le cap.

Q - Mais cela, ce n'est pas suffisant. Il y a les restaurateurs, les saisonniers...

R - J'y viens. On met en place au niveau de la montagne un dispositif unique : c'est une prise en compte territoriale. C'est-à-dire que les commerces, non seulement de la station, mais des commerces dans la vallée. Parce qu'il y a des commerces dans la vallée qui vivent grâce à l'afflux des voyageurs, des touristes, et faute de présence de ces touristes, ils souffrent également d'un manque à gagner. Et donc, on va les prendre en compte, aussi, pour les indemniser. Et donc, vous voyez que l'on cherche à être aux côtés de chacun. Parce que c'est un choc, depuis que les stations existent, c'est-à-dire un siècle, ça n'est jamais arrivé, une saison qui est à ce point-là amputée, ou ne peut pas voir le jour. Et il faut tenir jusqu'à décembre prochain, après.

Q - Et c'est un choc, vous l'avez dit, pour tous les métiers autour. On parle des restaurants ou des hôtels d'ailleurs c'est très important aussi, pour le tourisme. Les restaurants : une rumeur évoquée par l'hebdomadaire "Le Point", d'une réouverture repoussée au mois d'avril. Est-ce que vous confirmez ?

R - Vous savez, nous sommes dans un moment où, justement, beaucoup de choses se disent, s'écrivent, mais il ne faut pas commenter...

Q - C'est dur pour les restaurateurs.

R - C'est dur. De ne pas avoir de perspective. Le monde de la culture aussi est durablement entravé. Mais là aussi, on a fait ce qu'il faut pour mettre les moyens, indemniser au mieux, faire en sorte que les prêts puissent être reportés, etc... Je peux vous dire que l'on se met en quatre. Et ce n'est pas un slogan, ce ne sont pas des mots que je dis. Depuis le mois de mai dernier, on a mis 16 milliards d'euros pour accompagner le secteur du tourisme en général. Ce sont aussi les exonérations de charge, l'activité partielle...

Q - Quand est-ce que les restaurateurs, du coup, pourraient être fixés ?

R - Pour l'instant, il est trop tôt pour vous le dire. Je suis désolé de ne pas être plus précis. Mais la vérité, c'est que l'on est, là, dans cette course contre la montre. D'abord, il faut qu'on arrive à infléchir les courbes dans le bon sens, pour pouvoir à nouveau réfléchir à des calendriers. Voilà. Pour l'instant, je crois que c'est un combat collectif.

Q - Alors, justement, combat collectif. Excusez-moi, je vous coupe....

R - Plus chacun respecte les gestes barrières, plus chacun se protège, et plus on pourra retrouver cette vie et ces petits plaisirs qui manquent énormément, j'en suis conscient, pour chacune et chacun.

Q - Dans l'idée du combat collectif, pour l'Union européenne qui se réunit en ce moment, c'est un débat sur le contrôle des frontières. Est-ce que cela pourrait être le cas en France ?

R - Alors déjà, on a mis en place depuis quelques jours des mesures supplémentaires pour tous les voyageurs qui viennent d'en dehors l'espace européen. On leur demande désormais un test PCR, on leur demande un isolement de sept jours, et un deuxième test PCR. Parce que l'on veut éviter l'introduction de nouveaux cas de variant, justement, puisqu'il est très contagieux, sur le territoire. Donc, on continue et cet après-midi, c'est la concertation européenne. J'étais moi-même à Madrid, avant-hier, avec mes collègues à l'organisation mondiale du tourisme, et il y a ces débats pour pouvoir avoir la meilleure approche, tous ensemble.

Q - Une dernière question : la Grèce qui demande un passeport vaccinal européen qui permettrait justement aux voyageurs d'aller et venir s'ils sont vaccinés. Vous êtes pour ? En un mot.

R - La question du passeport, elle renvoie à un sujet un peu prématuré. Ce qui est sûr, c'est qu'en revanche, il y a peut-être de la place pour travailler sur des outils, y compris peut-être un certificat qui permet d'attester qu'il y a une reconnaissance mutuel des tests, des tests antigéniques, etc... Là, il y a des choses à faire. Vous voyez qu'il y a encore peu de gens à l'échelle de l'Europe, peut-être quatre ou cinq millions qui sont vaccinés, sur 300 millions, donc conditionner un déplacement au vaccin... Et puis il se pose aussi une question éthique.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 janvier 2021