Texte intégral
Q - Jean-Baptiste Lemoyne, le secrétaire d'Etat au tourisme, est sur ce plateau. Bonjour.
R - Bonjour.
Q - Merci d'être avec nous ce matin, parce qu'il y a eu beaucoup d'annonces cette nuit, notamment en Europe sur la circulation avec l'obligation pour rentrer en France désormais d'avoir un test PCR, même si on vient d'un pays européen. Une nouvelle fois, c'est un coup de canif dans le contrat Schengen, non ?
R - En fait, il y a eu surtout une coordination. Donc, justement, entre Européens, il était important d'avoir ce débat-là. Et en fait, on a été beaucoup de pays à prendre ce type de décision, de mesure, parce qu'on fait face, vous l'avez vu, du point de vue européen, à une accélération. Et même en France, on est sur un plateau haut, légèrement ascendant, des signaux faibles qui ne sont pas forcément très encourageants ; et donc, il est important de mettre le maximum de freins, si je puis dire, à la propagation de l'épidémie, de ces variants, et donc, très clairement, de décourager la mobilité pour les voyages qui ne sont pas essentiels.
Q - Vous dites aux Français ce matin : ne voyagez plus en Europe.
R - Ursula von der Leyen l'a dit hier, les seuls déplacements qui doivent être maintenus sont des déplacements essentiels. D'ailleurs, c'est pourquoi sont exemptés de cette mesure de test, par exemple, les transfrontaliers, parce que cela fait partie de ceux qui travaillent, qui ont besoin de franchir une frontière, etc. Mais il y a ce besoin de prendre des précautions parce que, on l'a vu, si on ne prend pas ce type de précaution les variants peuvent peut-être pénétrer plus facilement, et aujourd'hui, on est dans une course contre la montre.
Q - Est-ce que vous allez dire cela aux Français sur les déplacements inter-régions dans quelques jours ? Est-ce que vous allez dire aux Français : ne voyagez plus d'une région à l'autre ? Parce qu'il n'y a pas de raison que l'on dise : ne voyagez plus d'un pays à l'autre et de continuer en France à autoriser les déplacements inter-régions.
R - Alors, on a mis en place le couvre-feu national à 18 heures. Et Olivier Véran l'a dit hier soir, on souhaite encore se donner quelques jours pour voir quels sont les effets de ce couvre-feu national, avant d'envisager d'autres mesures. Il l'a dit d'ailleurs, ces autres mesures ça peut aller jusqu'au confinement si d'aventure il y avait une flambée. Donc, de ce point de vue-là, on a encore quelques jours pour observer.
Q - Cela veut dire que c'est quoi ? Une décision la semaine prochaine au bout de quinze jours de couvre-feu à 18 heures.
R - On fera l'état des lieux. Ce qu'on peut déjà voir, c'est que dans les départements qui ont mis en place le couvre-feu de façon précoce, dès le 2 janvier, on a vu une baisse de 16 % des incidences, des nouveaux cas. Donc, c'est plutôt encourageant. Voyons si ça produit le même effet au niveau national avant de prendre d'autres mesures. Mais ce qui est sûr, c'est qu'encore une fois les indicateurs montrent une augmentation du nombre de personnes en réanimation. On a franchi les 2800, on était tombé à 2600. Les nouveaux cas, regardez, on était sur des moyennes à 18 500. On franchit régulièrement les 20 000, ces derniers jours. Je rappelle que début décembre, on était à 10 000. Donc, tout cela effectivement incite en tous les cas à de la prudence, donc on en tirera toutes les conclusions très prochainement.
Q - Jean-Baptiste Lemoyne, vous êtes ministre du tourisme. Vous n'êtes pas sans savoir que le 6 février commencent les vacances scolaires, pour la première zone. Est-ce que les Français pourront changer de région pour les vacances de février ?
R - Comme je vous l'ai dit, c'est le type de décisions ou d'affirmations qui pourront être faites lorsque l'on aura fait ce retour d'expérience du couvre-feu national.
Q - Mais il ne faut prévoir un peu ? Il ne faut pas que les Français sachent s'ils pourront partir en vacances ou pas ?
R - Oui, mais vous savez, le virus il ne vous prévient pas quand il augmente ou quand il baisse. Le virus, c'est l'inattendu permanent. Et donc, tout cela nous plonge tous collectivement dans l'incertitude permanente. Donc je sais que c'est très désagréable et pour un secteur comme le tourisme, c'est même un très gros problème, parce qu'il y a besoin de prévisibilité, parce qu'il y a des plannings, parce qu'il y a des réservations, etc. Moi je tire mon chapeau aux professionnels parce que les grandes fédérations - GNI, UMIH, des gens comme cela, les entreprises du voyage - ont mis en place beaucoup de conditions commerciales très souples, très flexibles, justement pour que les Français puissent le cas échéant s'adapter, reporter, être remboursés, annulés, etc. Donc, c'est un gros effort qui est fait par un secteur qui lui-même est déjà très fortement touché. Mais aujourd'hui, voilà...
Q - Vous diriez aux Français ce matin : allez-y, prenez vos billets de train pour les vacances de février ?
R - Aujourd'hui, je suis plutôt dans le registre de la prudence. Je dis : attention, nous sommes dans un moment où certains indicateurs sont en train de remonter. Nous allons regarder cela de plus près dans quelques jours, le ministre de la santé l'a dit et donc...
Q - Vous préparez les esprits.
R - Aujourd'hui, j'incite à la prudence et puis les Français d'ailleurs, on l'a vu ces derniers mois, ils ont eu un compte tenu de cette incertitude avec laquelle on vit, ils se sont adaptés. La plupart du temps les réservations, tout se fait en ultra dernière minute. On l'a vu l'été dernier. Je crois que les comportements sont en train de s'adapter.
Q - Vous préparez les esprits.
R - En tout cas, on regarde les chiffres tels qu'ils sont. On est dans un dans un combat quotidien et hommage aussi aux Français parce qu'ils font énormément d'efforts. A Noël, on a mis aussi un certain nombre de contraintes : le couvre-feu à 20 heures. Ce que l'on constate, c'est qu'ils ont été au rendez-vous pour le respect de ces contraintes.
Q - C'est vrai.
R - Et donc, c'est pour cela que je le dis...
Q - On s'en tire plutôt mieux que d'autres pays européens aujourd'hui objectivement. On verra ce qui va se passer dans dix jours.
R - C'est vrai.
Q - Puisque vous préparez les esprits, on a ce débat sur ce plateau depuis le début de la matinale. Est-ce qu'il ne faut mieux pas confiner tout de suite ? Les entreprises nous disent majoritairement, très majoritairement : de toute façon, on y va. Alors, ce n'est pas la peine d'attendre parce que plus on attend, plus le confinement sera long, donc, confinons maintenant, très vite et très fort.
R - En fait, ce qu'on veut, c'est sur la base des indicateurs prendre une décision.
Q - Mais oui. Ce que les entreprises vous demandent, c'est de prendre une décision.
R - Oui.
Q - Mais puisque vous préparez les esprits à un confinement, pourquoi vous attendez dix jours ?
R - Dans ces débats, chacun voit midi à sa porte et on voit que finalement le spectre de l'ensemble des positions : confinement, reconfinement, déconfinement etc, existe dans la population. Les Français, c'est un peuple éminemment politique. On débat, on objecte, etc.
Q - Macron parle de Français procureurs. On a le droit de débattre quand même.
R - C'est ce que cela veut dire : c'est que justement on est un peuple éminemment politique, beaucoup plus que les autres et que justement on objecte, on suppute, etc.
Q - On s'interroge, aussi, sur la stratégie, et vaccinale, et de confinement. On se dit pourquoi, puisqu'on sait qu'on va confiner, pourquoi attendre dix jours ?
R - Attendez ! Vous dites : on sait qu'on va confirmer. On dit : on attend d'avoir le recul sur la mise en oeuvre du couvre-feu national, parce que si on peut maintenir le couvre-feu national à 18 heures, plutôt que confiner, on voit que pour la vie économique, c'est quand même plus simple tout en préservant les impératifs de sécurité sanitaire. Parce que le confinement, on l'a vu, phase 1, il a été très dur pour l'économie française, phase 2, en novembre, je crois que l'on a pu le faire de façon un peu plus souple, mais néanmoins ce sont des contraintes très importantes.
Q - Alors quand il y aura des jours meilleurs, il faudra relancer le tourisme, relancer le voyage, relancer les déplacements et certains proposent de mettre en place un passeport vaccinal de manière à ce que... Par exemple, la Grèce s'interroge, est-ce que, pour l'été prochain, je n'ai pas intérêt à demander aux touristes un certificat comme quoi ils sont bien vaccinés pour pouvoir rentrer sur mon territoire et relancer l'esprit libre, le tourisme en Grèce, par exemple ?
R - Alors la proposition grecque, elle est un petit peu plus complexe que résumée à un passeport vaccinal. Parce que l'idée de passeport, en fait, cela induit : "j'ai le droit ou je n'ai pas le droit de bouger selon que je suis vacciné".
Q - Comme lorsque vous vous vaccinez contre la fièvre jaune et que le passeport jaune vous donne le droit d'aller dans certains pays.
R - Avec une différence, Christophe Jakubyszyn, c'est que souvent ce type, la fièvre jaune, par exemple, elle est potentiellement dans un endroit géographique limité, dans un espace géographique limité. La pandémie, là, elle est mondiale, elle est internationale. Et donc dès lors que vous conditionnez les mouvements à la vaccination, cela veut dire que vous obligez quelqu'un à ne plus pouvoir bouger tout simplement. Donc, les enjeux sont quand même très nettement différents.
Q - Ou alors se faire vacciner. Vous n'interdisez pas à quelqu'un de voyager. S'il est vacciné, il peut voyager.
R - On voit bien que ça touche donc un débat éthique aussi et je crois que... Non mais surtout, j'en reviens à l'esprit de la proposition grecque. Il se trouve que j'étais il y a trois jours avec mon collègue ministre du tourisme grec, à qui j'en ai parlé. En fait, ce qu'ils souhaitent plutôt, c'est travailler sur un certificat standardisé, et donc c'est tout simplement avoir aussi des reconnaissances mutuelles, et je pense qu'il est plus intéressant de travailler sur la simplification du parcours du voyageur. Parce qu'aujourd'hui, le parcours du voyageur, c'est le parcours du combattant.
Q - On ne va pas l'encadrer son passeport vaccinal. Si on le crée, c'est pour l'utiliser.
R - Le débat, cela a été dit d'ailleurs par les Européens, il est un peu prématuré puisque pour l'instant, le premier combat c'est la vaccination. Aujourd'hui sur 300 millions d'Européens, vous en avez 5-6 millions qui sont vaccinés, et ceux qui sont en EHPAD ce n'est pas ceux qui voyagent le plus. Donc on voit que le sujet, ce n'est pas un sujet d'aujourd'hui.
Q - Non, mais c'est vrai.
R - En revanche, il faut réfléchir à la reprise effectivement du tourisme, de la mobilité et je pense qu'il y a peut-être d'autres instruments à voir. Aujourd'hui par exemple, les tests PCR ils sont requis mais beaucoup, tout ça se fait en format papier. Il peut y avoir de la fraude documentaire, il y a des filières qui ont été démantelées.
Q - C'est vrai, il y a de la fraude.
R - Peut-être. Le Portugal évoquait l'idée de mettre en place des outils numériques qui permettent de télécharger les résultats de son test, éventuellement de télécharger son attestation de vaccination. Ce sont des outils qui peuvent fluidifier le parcours du voyageur et qui pourraient être utiles à l'avenir.
Q - Là aussi pour clarifier les choses parce que les professionnels ont besoin de clarification, les entreprises : les stations de ski ne rouvriront pas ? Ne rouvriront pas pendant toute la saison ?
R - Alors, les remontées mécaniques ne rouvrent pas au 1er février, c'est hautement improbable qu'elles rouvrent dans le courant du mois de février parce qu'encore une fois ces indicateurs...
Q - Et en mars ?
R - Et donc, on s'oriente quand même plutôt vers une saison blanche. C'est ce qu'on sent et ce que les professionnels disent en disant : février, c'est la locomotive, et dès lors que la locomotive elle ne pourra pas fonctionner, c'est l'ensemble de la saison qui est mis en cause. Donc, là, on travaille d'arrache-pied avec le monde de la montagne, sur les mesures d'accompagnement économique. On en a déjà mis en place en décembre et Jean Castex avait arbitré ces décisions pour pouvoir accompagner les remontées mécaniques, les moniteurs de ski, les commerces.
Q - Les loueurs de logements, par exemple.
R - Les hébergements. Et donc on est en train de recenser tous les trous qui pourraient exister dans la raquette pour pouvoir mettre en place un plan massif. Parce que la montagne française, c'est un vrai joyau, c'est une pépite, c'est dix milliards d'euros sur la saison d'hiver. On est sur le podium, on est troisième et on a besoin de défendre cela, donc il faut être présent avec des investissements et du soutien.
Q - Donc un nouveau plan massif va être annoncé.
R – Exactement.
source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 janvier 2021