Texte intégral
"Bonsoir, Monsieur le Président. Vous venez de présider une réunion de mobilisation sur la vaccination. Est-ce que ça veut dire qu'aujourd'hui, en France, on vaccine encore trop lentement ?
Le Président de la République : La campagne de vaccination qui est lancée est une campagne européenne et nous avons besoin de le faire en Européens. Je veux insister là-dessus, parce que nous ne pourrons vaincre le virus que si, dans tous les pays d'Europe où nous circulons librement, nous arrivons à avoir au même rythme la même campagne de vaccination. Nous avons acheté des vaccins, nous, Européens, plusieurs vaccins. Trois sont aujourd'hui homologués, d'autres viendront dans les prochaines semaines.
Aujourd'hui, nous sommes en train de dérouler notre campagne de vaccination. Elle se déroule au rythme qui était prévu. Alors, ça peut paraître trop lent quand on se compare à d'autres pays qui avaient fait d'autres paris, qui sont aussi des pays qui, comme le Royaume-Uni, sont des îles, donc peuvent fonctionner différemment ; ou les Etats-Unis d'Amérique qui, eux, ont acheté massivement les tout premiers vaccins. Mais je défends la stratégie que nous avons adoptée avec l'Allemagne, avec l'Union européenne, qui est précisément de vacciner en Européens.
Aujourd'hui, nous allons continuer, d'abord de nous concentrer sur les plus fragiles, c'est-à-dire nos aînés et nos concitoyens qui sont les plus vulnérables. Dans quelques semaines, c'est-à-dire début mars, nous aurons vacciné l'ensemble des pensionnaires de maisons de retraite, ce qu'on appelle les EHPAD, qui l'ont souhaité, 80 % l'ont souhaité, ça représente environ 500 000 de nos concitoyens. Ils seront tous vaccinés début mars. On aura vacciné largement, au-delà de ces établissements, dans cette période aussi, les plus de 75 ans. Nous allons continuer cette stratégie et d'ici à la fin de l'été, nous aurons proposé en France à tous les Français adultes qui le souhaitent un vaccin. C'est exactement le même rythme, la même solution que nos voisins allemands et que nos autres voisins européens.
Aujourd'hui, ce qui nous contraint, c'est l'accès aux doses, et donc ceux qu'il faut réussir à mobiliser, ce sont tous les laboratoires qui permettent de produire ces vaccins homologués par nos autorités sanitaires pour, le plus vite possible, acquérir le maximum de doses en toute sécurité.
Mais ça veut dire, cette mobilisation, qu'on va produire plus de doses ? A quelle échéance ?
Le Président de la République : Ça veut dire que nous avons un échéancier. A court terme, il n'y a pas d'incertitude. Il y a un calendrier et nous mettons la pression. Vous avez vu ces dernières semaines, c'est ce qui fait que beaucoup, d'ailleurs, de vos téléspectateurs, de nos concitoyens, ont pu avoir des rendez-vous décalés ou reprogrammés, parce qu'il y a eu des doses qui devaient être livrées à une date qui avait été décalée par nos fournisseurs. En même temps, il y a quelques semaines encore, nous ne pensions pas avoir de vaccin si vite, donc il faut qu'on se représente tous l'extraordinaire accélération que nous sommes en train de vivre. Tout ça est en train, aujourd'hui, de se stabiliser. On a de la visibilité maintenant sur les prochaines semaines, de manière sûre. Ce qu'on veut faire, c'est produire encore davantage à court terme. Dès les prochaines semaines, c'est-à-dire dès fin février, début mars, nous aurons des sites qui vont, en France, produire le vaccin. On en aura quatre qui vont produire ce vaccin et qui, à partir de fin février, début mars et sur les semaines et mois qui suivront, vont progressivement s'ouvrir et produire. Donc ce que j'ai voulu faire cet après-midi, c'est mobiliser les laboratoires pharmaceutiques qui ont trouvé ce vaccin, ceux qui le produisent à grande échelle et ceux qui, sur notre sol français et en Europe, produisent aussi ou conditionnent ce produit pour le mettre dans ces fameuses doses. Là, on mobilise pour encore faire plus et essayer d'accélérer ces doses-là. C'est la deuxième chose, parce qu'il faut toujours anticiper, c'est que comme je vous l'ai dit il y a plusieurs mois, nous allons vivre avec le virus, et on entend beaucoup parler de ces variants. Le virus va continuer à évoluer. Nous allons devoir y répondre en adaptant aussi soit ces vaccins, soit ce qu'on appelle des rappels vaccinaux. Donc on doit tout de suite prévoir ce qu'on doit produire à l'automne-hiver prochain pour faire face à une éventuelle évolution du virus. Ça, ça se prépare dès maintenant pour pouvoir avoir les sites de production et les doses à l'automne, l'hiver ou au début de l'année prochaine.
Mais ça veut dire que les laboratoires qui produisent aujourd'hui des vaccins vont devoir céder leur licence ? Comment ça va s'organiser ?
Le Président de la République : Alors, il y a deux choses différentes. Ce qu'on appelle la licence, c'est la propriété intellectuelle. Quand quelqu'un innove, il est normal qu'il y ait une propriété intellectuelle. Par contre, dès le début - vous m'avez entendu le dire il y a quasiment un an - ce qu'on doit absolument assurer, c'est l'accès mondial. C'est-à-dire qui que ce soit qui invente, il est de manière juste rétribué pour sa propriété intellectuelle mais il doit la partager avec toutes celles et ceux qui peuvent le produire.
Aujourd'hui, notre contrainte, parce que j'entends les débats qui montent sur ce sujet, notre contrainte n'est pas la propriété intellectuelle des vaccins. Notre contrainte, c'est la capacité à produire ces vaccins en grande quantité. Vous avez les vaccins Pfizer BioNTech et Moderna, pardon de rentrer dans les détails mais je sais que tous nos concitoyens suivent ce sujet de très près. Ces vaccins-là, jusqu'à il y a quelques semaines, nous ne les maîtrisions pas. C'est ce qu'on appelle les vaccins qui reposent sur l'ARN messager. Nous sommes en train de convertir des sites en Europe pour les produire. Sanofi, par exemple, va convertir un de ses sites en Allemagne, pendant les prochains mois, pour pouvoir le produire. Et donc, là où nous avons aujourd'hui une contrainte, c'est dans notre capacité à produire plus vite et à large échelle ces vaccins d'abord pour nous-mêmes, mais il nous faut aussi tout de suite penser aux pays les plus pauvres, aux pays émergents et en développement, parce que si nous ne vaccinons pas aussi dans ces pays, le virus tournera, fera à nouveau des mutants, et d'abord il frappera de manière injuste les plus pauvres, et ensuite le virus reviendra dans nos pays. Ce qu'il est important d'organiser, c'est plus vite, plus fort, la production partout où on le peut de ces nouveaux vaccins et permettre une production mondiale pour fournir également les concitoyens des pays les plus pauvres du continent africain, latino-américain, etc.
Est-ce que vous pouvez chiffrer le nombre de doses supplémentaires qu'on va ainsi produire et est-ce que ça nous permet de garantir que tous les Français sont vaccinés avant l'été ?
Le Président de la République : Alors nous avons aujourd'hui sécurisé au niveau européen environ 2,3 milliards de vaccins. Ça c'est ce qui est aujourd'hui certain. Nous espérons faire encore plus si on arrive à accélérer, si on arrive à plus vite homologuer de nouveaux vaccins et à accélérer la production de certains autres. Ce que je peux vous dire aujourd'hui, c'est que compte tenu des contrats que nous avons sécurisés en Européens, cela signifie pour la France que pour tous les adultes qui le souhaiteront, nous serons en mesure de leur proposer un vaccin avant la fin de l'été.
Monsieur le Président, vous évoquez la mobilisation en France. Il y a des vaccins qui existent à l'étranger, Spoutnik par exemple en Russie. La chancelière allemande dit ce soir que tous les vaccins qui seront autorisés sont les bienvenus. Qu'est-ce que vous dites ?
Le Président de la République : Exactement la même chose. C'est d'ailleurs comme ça que nous avons toujours conçu les choses. Mais pour qu'un vaccin soit autorisé, il doit déposer une autorisation de mise sur le marché. Il y a plusieurs semaines, j'ai pris l'initiative d'envoyer une mission scientifique en Russie pour pouvoir échanger avec les équipes. Les échanges ont été tout à fait positifs. On a vu aujourd'hui des publications qui semblent indiquer une très forte efficacité du vaccin Spoutnik. Mais nous ne pouvons pas le distribuer en France tant que le producteur russe n'a pas soumis une autorisation de mise sur le marché à nos autorités. C'est normal, c'est une question de responsabilité sanitaire. A la minute où il la déposera dans les meilleurs délais, les autorités européennes, et avec elle chacune de nos autorités nationales évidemment, regarderont scientifiquement, de manière indépendante ce vaccin et, en fonction de ses résultats et des preuves, l'homologueront ou pas. Ce n'est pas une décision politique, c'est ça qu'il faut comprendre. C'est une décision qui est scientifique et heureusement parce qu'il s'agit de vaccins qu'on va inoculer dans votre corps, donc il faut que nos concitoyens soient protégés.
En France, la Haute Autorité de santé a recommandé aujourd'hui l'utilisation du vaccin AstraZeneca chez les moins de 65 ans et elle indique qu'il peut être administré par les pharmaciens et les sages-femmes. Est-ce que c'est ce que nous allons faire ?
Le Président de la République : Oui, c'est ce qui est souhaité. Le vaccin AstraZeneca est plus simple en termes d'utilisation que ce qu'on a connu jusqu'alors parce qu'il se conserve et se distribue à des conditions qui sont à peu près équivalentes à celles du vaccin de la grippe qu'on connaît bien. Donc nous allons évidemment respecter cette consigne, si je puis dire. Conformément à la stratégie de vaccination qui a été présentée par le Gouvernement, ce vaccin AstraZeneca va d'abord être utilisé pour les personnels soignants qui ont moins de 60 ans parce que ça correspond justement à ce ciblage, en quelque sorte, ces recommandations. On le sait, ce sont nos personnels soignants qui sont les plus exposés, qui ont besoin d'être le plus rapidement vaccinés. Ensuite, en fonction de l'âge, ce vaccin sera proposé je dirais par tranche d'âge, en passant toujours de celles et ceux qui sont le plus exposés, donc les plus âgés. Mais pour ce vaccin AstraZeneca, on ne le proposera pas aux plus de 65 ans.
Est-ce que ce sont ces vaccins et cette stratégie qui nous permettra d'éviter le confinement ?
Le Président de la République : Écoutez, ce sont deux choses différentes pour être tout à fait transparent avec vous. Ça n'est pas notre stratégie de vaccination qui permettra d'éviter à court terme un reconfinement ou non, qui nous permettra de gérer la situation de l'épidémie que nous connaissons. Aujourd'hui, le virus circule à une grande vitesse. Nous sommes sur ce qu'on appelle un plateau, c'est-à-dire qu'on a environ entre 20 et 25 000 cas par jour depuis plusieurs semaines. Nous sommes à cette situation parce que nous avons pris les décisions plus tôt que d'autres et parce que nos concitoyens ont fait beaucoup d'efforts, en particulier durant les fêtes puis avec ce couvre-feu, à 20 heures puis à 18 heures, ce qui fait que nous n'avons pas le pic que connaissent d'autres pays. Mais ce n'est pas la campagne de vaccination qui permettra de répondre à la pression que nous avons sur nos hôpitaux, sur nos réanimations. C'est notre mobilisation à tous, c'est-à-dire notre capacité d'abord à tenir les gestes barrières pour éviter de l'attraper ; ensuite notre capacité à bien respecter le triptyque tester, accompagner, protéger. Dès qu'on a des symptômes, se tester. Et maintenant, nous avons des tests qui se font dans la journée. Quand on est testé positif, tout de suite se déclarer pour que les cas contacts soient identifiés ; et se mettre à l'abri, ne jamais aller travailler, ne jamais aller au contact des autres quand on est positif parce qu'à ce moment-là, on diffuse le virus. Ce deuxième pilier de notre stratégie est absolument clé pour essayer de réduire la circulation du virus et de l'épidémie. En parallèle de ça, on va continuer à avancer sur le traitement pour éviter les formes graves, et sur le vaccin. Mais à court terme : gestes barrières, se tester, s'isoler, déclarer ses cas contacts, être suivi si on le souhaite par un médecin ou une infirmière, et collectivement être extraordinairement responsables comme nos concitoyens le sont depuis plusieurs semaines et je les en remercie très profondément. On va continuer à gérer ainsi cette épidémie avec un objectif qui est de tenir, de protéger les plus faibles, de protéger notre système de santé et de pouvoir au maximum aussi protéger notre jeunesse qui a besoin d'étudier, d'aller à l'école, d'avoir un pays le plus ouvert possible malgré le virus.
Et tout cela fonctionne suffisamment aujourd'hui pour qu'on puisse garder ce confinement encore loin ?
Le Président de la République : Chaque jour, nous vérifions les chiffres. Chaque jour, nous suivons la situation. Elle est, vous le savez bien, extrêmement tendue. Mais j'ai confiance dans notre capacité à nous mobiliser. Nous avons une part de la réponse dans nos mains, dans notre responsabilité individuelle, dans notre responsabilité collective. Chaque jour, nous regardons très précisément les chiffres de contamination, les chiffres d'hospitalisation, les chiffres de réanimation. Faites-moi confiance, j'essaierai de prendre à chaque étape les décisions les plus adaptées pour tenir ensemble tous ces objectifs pour notre pays.
Merci beaucoup, Monsieur le Président, d'avoir répondu à nos questions.
Le Président de la République : Merci à vous".
Source https://ue.delegfrance.org, le 8 février 2021