Texte intégral
CAROLINE ROUX
Bruno LE MAIRE, le ministre de l'Economie, alors que les économies et les économistes en particulier craignent une surchauffe, avec un plan de relance historique aux Etats-Unis, 1 900 milliards de dollars. Bonjour Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Caroline ROUX.
CAROLINE ROUX
D'abord, un mot sur la société anglaise GREENSILL qui a déposé le bilan en Grande Bretagne hier. Alors, c'est une société qui finance Liberty, qui possède plusieurs sites industriels en France, voilà pourquoi on en parle ce matin, des sites Comme Hayange ASCOVAL, vous aviez donné votre accord pour cette reprise, est-ce que vous craignez des réactions en chaîne, est-ce que vous craignez des destructions d'emplois en France ?
BRUNO LE MAIRE
Non, moi je n'ai pas de crainte là-dessus, et tous les salariés d'Hayange d'ASCOVAL, Dunkerque, doivent savoir que l'Etat sera derrière eux, qu'il est là a pour les protéger. Vous savez que je me suis beaucoup engagé pour le redressement du site d'ASCOVAL, il a maintenant des commandes, il est profitable, donc l'Etat protégera les salariés. Et je veux que les salariés qui nous écoutent n'aient aucune inquiétude…
CAROLINE ROUX
Oui, parce qu'il y a une inquiétude ce matin, forcément.
BRUNO LE MAIRE
Mais je comprends parfaitement qu'ils aient des inquiétudes quand ils voient les difficultés financières de Liberty, le groupe qui possède ces industries, mais dans tous les cas de figure, l'Etat sera derrière ces sites industriels, et derrière les salariés, comme il l'a été depuis le premier jour.
CAROLINE ROUX
Qu'est-ce que ça veut dire « l'Etat sera derrière les salariés, les sites industriels » ?
BRUNO LE MAIRE
Ça veut dire que s'il y a une difficulté financière, l'Etat saura faire le pont, trouver des solutions alternatives, mais je ne laisserai pas tomber les salariés que j'ai soutenus depuis 2017, en faisant vraiment le maximum pour que le site d'ASCOVAL puisse poursuivre son activité.
CAROLINE ROUX
Parlons du plan de relance américain, je le disais, 1 900 milliards de dollars, des chèques de 1 400 $ par adulte et par enfant, sans condition de ressources, vont arriver sur le marché américain, sur l'économie américaine, est-ce que cela vous fait craint une surchauffe de l'économie américaine ? Et deuxième question en une : est-ce que vous souhaitez des répercussions sur la zone euro, de ce plan de relance ?
BRUNO LE MAIRE
Non, je n'ai pas de crainte particulière sur l'effet du plan américain, sur l'économie européenne, et sur les taux. On suit ça évidemment de très près, mais la première conséquence c'est que l'activité économique va redémarrer vie aux Etats-Unis, c'est-à-dire chez un des grands clients de l'Union européenne et un des grands clients de la France. Donc c'est une bonne nouvelle pour nous…
CAROLINE ROUX
Donc la zone euro peut en profiter.
BRUNO LE MAIRE
La zone euro peut en profiter économiquement. Après il faudra être vigilant sur le risque d'inflation et donc de surchauffe sur les taux d'intérêt, nous regardons ça de très près, mais ça n'est pas…
CAROLINE ROUX
C'est un risque ? Il y a eu une alerte la semaine dernière.
BRUNO LE MAIRE
Il y a eu une alerte, mais vous avez vu que les marchés ont corrigé très rapidement, donc je n'ai pas d'inquiétude, je crois que la réaction des marchés elle a été naturelle, l'économie redémarre, la croissance redémarre aux Etats-Unis, il y a un ajustement, cet ajustement il est naturel et il est maîtrisé. Je pense que ce qu'il faut surtout voir, c'est que nous avons désormais notre premier partenaire commercial qui va pouvoir investir, qui va pouvoir consommer, c'est aussi une bonne nouvelle pour les producteurs européens.
CAROLINE ROUX
Le gouverneur de la Banque de France dit : la BCE peut et doit agir. Christine LAGARDE va prendre la parole jeudi, justement après ce mouvement de hausse brutale des taux, est-ce que vous attendez quelque chose de particulier de la part de la BCE ?
BRUNO LE MAIRE
La Banque centrale européenne, depuis le début de cette crise, a bien agi et a agi au bon moment, c'est d'ailleurs elle qui nous a permis et qui nous permet toujours d'emprunter à des taux très attractifs sur le marché. Donc j'ai toute confiance dans Christine LAGARDE, comme dans la Banque centrale européenne.
CAROLINE ROUX
L'emploi salarié en France en baisse de 0,1% au 4ème trimestre avec 20 600 postes détruits, ce sont les chiffres ce matin de l'INSEE. Est-ce que notre économie et l'emploi continuent de souffrir avec des mesures de restriction de notre économie, je pense naturellement en particulier au couvre-feu ?
BRUNO LE MAIRE
Il souffre, mais il souffre moins que ce qui avait été anticipé. 320 000 emplois salariés privés perdu en 2020, c'est évidemment 320 000 emplois salariés perdus de trop, mais c'est 3 fois moins que ce qui a été anticipé. On annonçait 11% de récession, c'est ce que nous pensions, il y a eu un peu plus de 8% de récession. Qu'est-ce que ça prouve ? L'économie française a des capacités de rebond qui sont exceptionnelles, et l'économie française va surprendre la zone euro et le reste de l'Europe par sa capacité de rebond d'ici la fin de l'année 2020.
CAROLINE ROUX
Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?
BRUNO LE MAIRE
Eh bien, ce qui me fait dire ça, c'est le maintien de l'investissement des entreprises, c'est une très bonne nouvelle, c'est la mobilisation des entrepreneurs, c'est une très bonne nouvelle, c'est la résistance du marché du travail grâce aux mesures que nous avons prises pour protéger les salariés et éviter le chômage de masse, dès que les mesures de restrictions sanitaires seront levées, c'est la seule inconnue, parce que ça dépend évidemment de la circulation du virus…
CAROLINE ROUX
4 à 6 semaines, a dit le président de la République.
BRUNO LE MAIRE
L'économie française retrouvera des couleurs. Le plus tôt sera évidemment le mieux, mais je le dis, l'économie française retrouvera des couleurs très rapidement, dès que les mesures de restrictions sanitaires seront levées, et c'est pour ça aussi que nous accélérons le déploiement du plan de relance, que je suis sur le terrain toutes les semaines pour aller voir ces industries qui investissent, ces entreprises qui embauchent, parce que c'est elles qui feront la croissance de demain.
CAROLINE ROUX
Olivier DUSSOPT a expliqué que 2021 marquerait la fin du « quoi qu'il en coûte », si on sortait de cette épidémie. Le président annonce, je le disais, des perspectives plutôt heureuses dans 4 à 6 semaines. Est-ce que vous, vous scénarisez déjà, est-ce que vous pensez déjà à l'après, c'est-à-dire au moment où il faudra sortir des aides d'Etat ? De quelle façon cela doit-il se passer, de manière progressive, secteur par secteur ? Est-ce que vous y pensez déjà ?
BRUNO LE MAIRE
Bien sûr, je pense que c'est une stratégie qui a trois étapes, et c'est très important que les Français sachent vers où nous voulons aller avec le président de la République. La première étape ça a été 2020, et jusque dans cette année, la protection de tous les Français, de tous les salariés et notamment des entreprises les plus touchées. La deuxième étape, qui a déjà commencé, l'une a commencé avant que l'autre soit finie, c'est la relance. Il faut l'accélérer parce que c'est ce qui fera les emplois de demain. Et puis la troisième étape, elle viendra un peu plus tard, c'est celle où on commencera à retirer les dispositifs parce que la croissance le permettra, et à rétablir les finances publiques.
CAROLINE ROUX
Plus tard, quand ? C'est ça la question que se posent peut-être es Français qui vous regardent.
BRUNO LE MAIRE
Mais nous ne le ferons que lorsque ce sera possible pour les entreprises. Nous ne le ferons que de manière différenciée, ça ne sera pas la même chose pour tous les secteurs, et nous ne le ferons que progressivement. Et là aussi je veux que tous les chefs d'entreprise qui nous écoutent, qu'ils soient restaurateurs ou qu'ils soient patrons de PME dans le secteur aéronautique, sachent bien que nous ne ferons rien brutalement et subitement. On ne va pas perdre en quelques semaines le bénéfice de ce que nous avons réussi avec le président de la République depuis plus d'un an, c'est-à-dire protéger les entreprises. Il y a des secteurs qui vont rebondir très très rapidement, moi je suis sûr que les restaurants, vous comme moi, comme tous ceux qui nous écoutent, le jour où ça rouvre, les Français seront heureux de retrouver les restaurants. En revanche, sur l'aéronautique, on est sur des délais beaucoup plus longs de 2 ans, 3 ans, peut-être 4 ans, et il faudra continuer à accompagner l'aéronautique pendant encore 2 ans, 3 ans ou 4 ans.
CAROLINE ROUX
Et nos finances publiques le permettent.
BRUNO LE MAIRE
Nos finances publiques nous permettent de continuer à soutenir, le quoi qu'il en coûte ne peut pas disparaître comme ça, du jour au lendemain, mais il faudra le moment venu, c'est-à-dire quand la croissance sera de retour, rétablir des Finances publiques. Pourquoi ? Mais tout simplement pour reconstituer des réserves financières, si d'ici 5 ans, 10 ans ou 15 ans il devait y avoir une nouvelle pandémie, pour être en mesure d'y faire face.
CAROLINE ROUX
Marine LE PEN justement on parle des finances publiques et de la dette, a surpris en se rangeant la semaine dernière du côté de ceux qui pensent que rembourser une dette est une obligation morale. Elle se range dans la catégorie de ceux qui ont un projet économique crédible pour la présidentielle, Marine LE PEN ?
BRUNO LE MAIRE
Tant mieux si le Rassemblement national découvre subitement qu'une dette ça se rembourse. Ils seraient plus crédibles s'ils avaient tenu le même discours depuis plusieurs années, de façon constante, et sur tout ils seraient plus crédibles s'ils ne nous disaient pas « il faut rembourser la dette » mais comment il faut rembourser la dette. Et c'est là que Marine LE PEN fait preuve d'une incohérence totale, parce qu'elle nous dit d'un côté, il faut rembourser la dette, mais de l'autre elle nous dit il faut revenir à la retraite à 60 ans. Je rappelle que les retraites, Caroline ROUX, c'est un quart des dépenses publiques dans notre pays. Un quart. Que revenir à la retraite à 60 ans c'est 40 milliards d'euros de dépenses supplémentaires chaque année. Alors, expliquez-moi comment vous faites pour combler le trou de la dette, tout en accumulant des déficits supplémentaires chaque année de 40 milliards d'euros ? Mais c'est ce qui caractérise Marine LE PEN.
CAROLINE ROUX
C'est-à-dire ?
BRUNO LE MAIRE
C'est des grandes déclarations, mais une incohérence totale sur des sujets qui méritent sérieux, cohérence et constance, parce que derrière c'est les économies des Français qui sont en jeu, c'est leur épargne, c'est leurs investissements dans les produits d'assurance vie, donc il faut un tout petit peu de sérieux, de cohérence pour pouvoir défendre ce genre de position.
CAROLINE ROUX
Ça ne l'empêche pas d'être très bien placée dans les sondages pour la prochaine présidentielle, Bruno LE MAIRE, 47% au second tour face à éventuellement Emmanuel MACRON, est-ce que vous pensez toujours qu'Emmanuel MACRON est encore le mieux placé pour faire barrage au Rassemblement national ? Parce qu'il y a eu tout un tas de déclarations, notamment celle de Jean-Luc MELENCHON, récemment, qui expliquait qu'il refuserait de donner de nouveaux des consignes de vote au second tour, ou certains qui étaient à votre place la semaine dernière, de la France Insoumise qui disent « je ne voterai plus pour Emmanuel MACRON pour faire barrage » ?
BRUNO LE MAIRE
Non, moi je crois qu'Emmanuel MACRON est le mieux placé pour diriger la France. C'est pour ça que je le soutiendrai en 2022, et c'est ça qui compte, beaucoup plus qu'un duel qui est totalement hypothétique, on est à 14 mois des élections présidentielles, je ne me résigne pas à un duel entre Emmanuel MACRON et Marine LE PEN. Marine LE PEN n'est pas automatiquement qualifiée de droit pour le second tour de l'élection présidentielle. Quant à Jean-Luc MELENCHON et Olivier FAURE, qui refusent de faire le choix entre un éventuel deuxième tour Marine LE PEN – Emmanuel MACRON, moi mon engagement de gaulliste ça a été toujours de refuser que le pouvoir puisse tomber dans les mains du Front national, c'est ce qui m'a fait quitter mon parti en 2017 parce qu'il refusait de faire ce choix. Jean-Luc MELENCHON et Olivier FAURE étaient un peu égarés, ils sont maintenant totalement égarés. Je vais vous dire la réalité, tout le monde l'a parfaitement comprise, ils sont tellement aveuglés par leur haine pour le président de la République et par leur volonté de le voir battu, qu'ils en oublient leurs valeurs, l'histoire de leur famille politique et de leur parti, et l'intérêt supérieur de la Nation. Ça a un nom, Caroline ROUX, c'est du cynisme, du pur cynisme. Et je pense que le cynisme n'a pas sa place en politique.
CAROLINE ROUX
Merci beaucoup Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 mars 2021