Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Emmanuelle WARGON, ministre déléguée au Logement, bonjour.
EMMANUELLE WARGON
Bonjour Jean-Jacques BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Nous allons parler du logement, qui est une préoccupation majeure pour tant de Français, le logement impacté par la crise sanitaire. Puisqu'on parle de crise sanitaire, vous êtes membre du gouvernement, les vacances scolaires commencent vendredi dans la zone A, y aura-t-il des restrictions de déplacements pour les vacances de février ?
EMMANUELLE WARGON
Pour l'instant pas de restriction de circulation, les vacances peuvent avoir lieu, après, bien sûr, comme vous le savez, nos décisions évoluent tous les jours, tous les quelques jours, au fur et à mesure de l'évolution du virus.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, pendant les vacances scolaires, il n'y aura pas de restriction de déplacement ?
EMMANUELLE WARGON
Aujourd'hui nous n'avons annoncé aucune restriction de déplacement pour les vacances scolaires, mais, encore une fois, les choses peuvent toujours évoluer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Conseil de défense demain, vous n'êtes jamais conviée au… ça vous arrive d'être conviée ?
EMMANUELLE WARGON
Non, je ne suis pas conviée au Conseil de défense parce que, c'est normal, les décisions à prendre sur mon secteur, le logement, ce ne sont pas des décisions de Conseil de défense, même si, après, le logement est très impacté par la crise, à la fois économique, sur le secteur même de la construction, et sociale, donc ça a évidemment un rapport important.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Si je comprends bien, une partie du gouvernement découvre les décisions, comme nous, à la télévision quoi !
EMMANUELLE WARGON
On en parle en Conseil des ministres aussi, Jean-Jacques BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous en parlez au Conseil des ministres une fois par semaine, oui. La crise et ses conséquences, Emmanuelle WARGON. La pandémie crée de la pauvreté, on le sait, et aggrave la situation de millions de personnes déjà pauvres et mal logées, pauvres et mal logées, j'insiste. L'appel à l'aide des jeunes étudiants, des jeunes salariés, nous allons y revenir, mais ça veut dire quoi, quelles conséquences cette crise ? Tiens, je vais parler des sans-abri pour commencer, les sans-abri, les plus vulnérables au Covid. Certains pays d'Europe, certains pays d'Europe, ont rendu prioritaire la vaccination des sans-abri, pourquoi la France ne le fait-elle pas ?
EMMANUELLE WARGON
Pour les sans-abri, je voudrais d'abord dire que notre première obligation c'est de mettre un toit au-dessus de leur tête, et on a fait ça avec un effort sans précédent cette année, en 2020, on est passé d'environ 140 000 personnes hébergées chaque nuit à presque 190 000, on n'avait jamais hébergé autant de personnes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça c'était avant la crise.
EMMANUELLE WARGON
Non, on a commencé début 2020, au moment du premier confinement, à partir de mars, et nous avons continué à ouvrir des places tout au long de l'année 2020, j'en ai rouvert encore 20 000 entre octobre et décembre, et donc on n'a jamais autant hébergé de personnes sans-abri qu'en ce moment, et c'est nécessaire puisque dans ces périodes aussi difficiles il faut bien leur proposer d'avoir un toit sur leur tête. Sur la vaccination, on est pour l'instant dans cette idée de vacciner des personnes prioritaires, à commencer par les âges, donc vous savez qu'on vaccine d'abord les personnes âgées, on vaccine les personnes avec ce qu'on appelle des comorbidités, c'est-à-dire avec des risques, et les personnels soignants, la vaccination des sans-abri…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On va vacciner d'ailleurs le personnel soignant de moins de 50 ans, avec ASTRAZENECA.
EMMANUELLE WARGON
C'est probablement la décision qui arrive, on attend que la Haute autorité de santé nous dise comment utiliser ce vaccin. La vaccination des sans-abri est prévue, plutôt dans quelques semaines, au fur et à mesure qu'on déploie la stratégie vaccinale, mais bien sûr cette vaccination aura lieu.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-il vrai que vous allez organiser une Nuit de la solidarité ?
EMMANUELLE WARGON
J'aimerais beaucoup organiser une Nuit de la solidarité nationale, parce que, aujourd'hui certaines villes le font, Paris le fait depuis quelques années, d'autres, mais comme elles le font chaque fois à un moment différent, on perd un peu en intensité et en efficacité. En intensité, parce que si c'est une initiative nationale ça veut dire qu'on propose aux Français, partout en France, d'aller à la rencontre des sans-abri, et en efficacité, parce que ça permet aussi de compter, de savoir combien de personnes. Donc j'ai écrit aux 20 plus gros maires de France, pour leur proposer ça, j'ai déjà une dizaine de réponses positives, Bordeaux, Toulouse, Marseille, Strasbourg, Nancy, Saint-Etienne, Grenoble, j'attends la réponse de la Maire de Paris, j'espère qu'elle ne fera pas cavalier seul parce que je pense que cette initiative c'est une initiative citoyenne qui doit être collective.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, Nuit de la solidarité, c'est-à-dire que les habitants de ces grandes villes iraient, pendant cette nuit-là, à la rencontre des sans-abri, de ceux qui sont à la rue.
EMMANUELLE WARGON
Exactement, c'est ce qui se fait dans certaines villes qui l'organisent déjà, et là l'idée c'est d'aller à la rencontre, à la fois pour les aider, et aussi pour compter. On a du mal à savoir combien de personnes dorment à la rue.
JEAN-JACQUES BOURDIN
300 000 dit-on.
EMMANUELLE WARGON
Non, 300 000 c'est le nombre de personnes qui n'ont pas de domicile, mais on en héberge, entre les places que moi j'ai ouvertes, et les place sous la responsabilité du ministère de l'Intérieur pour les demandeurs d'asile, on est à presque 290 000 places ouvertes en tout, donc les gens qui dorment à la rue c'est probablement entre 10 et 20 000 personnes, ça reste beaucoup, ça reste trop, et c'est ce comptage qu'il faut qu'on fasse tous ensemble. Et puis je trouve ça très beau, moi, qu'on ait une Nuit de la solidarité nationale, où, partout en France, ceux qui le souhaitent peuvent aller à la rencontre de ces personnes qu'on ne voit pas, qu'on ne remarque pas au quotidien, donc j'aimerais bien organiser cette initiative de solidarité nationale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quand ?
EMMANUELLE WARGON
Probablement plutôt en mai-juin, il faut le temps de l'organiser, il faut le temps de la coordonner entre les villes, et puis là on est en période de couvre-feu, donc ça ne serait pas très responsable de demander à tous les Français de sortir la nuit alors qu'on est en période de couvre-feu.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien sûr. La trêve hivernale, nous sommes en période de trêve hivernale, j'apprends que vous reportez la fin de cette trêve hivernale.
EMMANUELLE WARGON
Oui, c'est ma responsabilité, Jean-Jacques BOURDIN, on ne peut pas, dans cette période de crise, avec les questions sur les mesures sanitaires de restrictions, vont-elles arriver ou pas, et comment, laisser une épée de Damoclès au 1er avril sur les expulsions locatives, donc j'ai décidé, j'ai proposé au Premier ministre, qui l'a accepté, de reporter la trêve hivernale jusqu'au 1er juin. Mais, derrière ce report, moi, l'inquiétude que j'aie, c'est une inquiétude que j'aie depuis 6 mois, j'y travaille, notamment avec la Fondation Abbé Pierre, c'est la suite. Je pense qu'on ne peut pas arrêter les expulsions locatives en France, parce que je pense aussi aux propriétaires, qui ont besoin de récupérer leur bien ou d'être indemnisés, et donc quand on va reprendre, il faut reprendre différemment, en échelonnant, en priorisant, en trouvant des solutions pour les familles, ou les personnes qui vont quitter les logements parce qu'ils sont sous le coup d'une expulsion locative, donc ce travail-là, se laisser jusqu'au 1er juin ça nous permet de l'anticiper, donc c'est vraiment pour ces deux raisons, parce que c'est la crise, et parce qu'il ne faut pas mener ces expulsions comme on le ferait habituellement, que nous avons décidé de reporter de 2 mois.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors justement, vous reportez de 2 mois, est-ce que sera reporté aussi, de 2 mois, le paiement des factures d'énergie ?
EMMANUELLE WARGON
Oui, on reporte en même temps…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Même chose ?
EMMANUELLE WARGON
Que la trêve des expulsions locatives…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Gaz, électricité, même chose ?
EMMANUELLE WARGON
Le paiement des factures. Enfin, plus précisément on reporte l'interdiction de couper le gaz ou l'électricité, si les factures ne sont pas payées.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Emmanuelle WARGON, les propriétaires, vous avez parlé des propriétaires, il va bien falloir les indemniser tout de même ces propriétaires, il y a un fonds d'indemnisation.
EMMANUELLE WARGON
Aujourd'hui cette indemnisation est payée par le ministère de l'Intérieur, ce sont les préfectures qui gèrent ça, mais les préfectures le gèrent chacune avec sa méthode, certaines payent tout de suite, d'autres payent en plus longtemps, et donc, avec Gérald DARMANIN et Marlène SCHIAPPA nous avons décidé de mettre plus d'argent sur cette indemnisation pour qu'elle soit plus rapide, plus automatique, et moi, ma proposition, c'est que cette indemnisation soit reprise, cette année ou l'année prochaine, par le ministère du Logement, parce qu'en fait ça fait partie de la politique du logement et donc il faut qu'on puisse la maîtriser et la financer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que, je suis propriétaire, on ne paie pas mon loyer, une personne est expulsée, c'est bien cela, je me tourne vers le ministère du Logement pour être indemnisé ?
EMMANUELLE WARGON
Vous êtes propriétaire, votre locataire ne paye pas son loyer, d'abord il faut qu'on fasse plus de prévention, j'y reviendrai après pour répondre à votre question, mais admettons que la prévention ne marche pas, vous avez une décision de justice, et ensuite vous dites il faut que cette décision de justice soit appliquée. Si l'État refuse que la police vienne vous aider à appliquer la décision de justice, l'État doit vous indemniser, là, les 2 mois qu'on reporte seront couverts par l'indemnisation, avril et mai seront bien indemnisés, et il faut que cette indemnisation arrive plus vite et soit plus complète.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Emmanuelle WARGON, je pense aux étudiants, je pense aux salariés, aux jeunes salariés qui ont des contrats courts ou qui sont des saisonniers, et qui aujourd'hui ont peu de revenus, ou pratiquement plus de revenus, alors pour les étudiants des repas à 1 euro, on en a parlé, plus de cours en présentiel, très bien. Oui, mais le logement, le logement Emmanuelle WARGON, quand vous vous rendez compte, quand vous vous… vous prenez en compte la précarité de ces personnes-là, de ces jeunes, j'ai vu qu'INTERMARCHE offre des bons d'achat de 10 euros, moi ça me fait mal au cœur, pas vous ? Le gouvernement, dans un pays riche, dans un pays riche, alors vous faites un effort effectivement pour les étudiants, mais, pour le logement, quel effort pourriez-vous faire et allez-vous faire ?
EMMANUELLE WARGON
En fait, le logement, il faut qu'on fasse deux très gros efforts. Le premier c'est de construire et le deuxième c'est de faciliter l'accès de ceux qui sont toujours rembarrés du marché du logement. Alors, pour construire, il faut plus de logements, si c'est tellement difficile de se loger c'est simplement parce qu'on n'a pas assez de logements en France, et pas assez de logements abordables, et là, aujourd'hui à votre micro, je vais lancer un défi à tous sur la construction du logement social, parce qu'on a construit 90 000 logements sociaux cette année, France entière, et ce n'est pas assez, c'est moins que nos objectifs, et avec les organismes HLM, avec les partenaires sociaux, moi je propose qu'on construise 250 000 logements sociaux en 2 ans, que le plan de relance 2021-2022 soit l'occasion de rattraper notre retard et de construire en 2 ans beaucoup plus que ce qu'on construit chaque année.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est un engagement.
EMMANUELLE WARGON
C'est un défi. Ce défi je le finance avec de l'argent de l'État, et avec l'accord des partenaires sociaux nous allons mettre ensemble 1,5 milliard d'euros avec Action logement, qui est l'organisme, un des partenaires sociaux sur le logement, avec la CAISSE DES DEPOTS, et maintenant je le lance aux organismes HLM pour qu'ils se remettent à construire, et aux élus locaux, parce qu'in fine la construction ça dépend d'un objet très simple conceptuellement, mais difficile à obtenir, qui est le permis de construire, et ça ce sont les maires qui le donnent. Donc, la première chose à faire Jean-Jacques BOURDIN, c'est de construire, et ce qui est vrai pour le logement social est vrai pour le logement privé. Et puis la deuxième, c'est qu'on arrête d'avoir un marché du logement à deux vitesses, où dès que vous avez un contrat court, dès que vous êtes indépendant, dès que vous êtes en période d'essai, vous n'arrivez jamais à louer un logement sur le marché privé, parce que les bailleurs, les propriétaires, trouvent toujours que votre dossier il est trop ci, pas assez ça, etc.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais évidemment, évidemment, le propriétaire a peur.
EMMANUELLE WARGON
C'est normal que le propriétaire a peur, mais parfois il a peut abusivement alors que vous pourriez payer votre loyer, parce que le pire c'est que les défauts de paiement de loyer ils sont très bas en France, ils sont un des pays dans lequel les défauts sont les plus bas, 2, 3%, et donc pour ça, toujours avec les partenaires sociaux, et je voudrais dire qu'on travaille vraiment bien avec eux, moi c'est aussi ma manière de faire, ça fait longtemps que je travaille avec eux, on va étendre une garantie ouverte à tous les salariés qui s'appelle Visale, on va l'étendre, alors les partenaires sociaux sont en train d'en discuter, d'en décider, la décision sera annoncée jeudi, donc ce n'est pas tout à fait une annonce, mais presque, étendre cette garantie, si les partenaires sociaux le confirment jeudi, à tous les salariés qui gagnent moins de 1 500 euros nets par mois, et ça c'est 6 millions de salariés, donc c'est énorme.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, je résume, 6 millions de salariés…
EMMANUELLE WARGON
Enorme.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je résume. Je veux louer un appartement, par exemple, je gagne moins de 1 500 euros par mois, l'État se portera caution, c'est bien ça ?
EMMANUELLE WARGON
Action logement, qui est un organisme…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Voilà, Action logement, l'organisme d'État…
EMMANUELLE WARGON
Voilà, se portera caution. Vous êtes salarié, vous gagnez moins de 1 500 euros, votre propriétaire vous dit "oui, vous avez l'air d'avoir de quoi payer ce logement, mais j'ai besoin d'une garantie", vous n'avez pas de garantie, vous allez chercher cette garantie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, un point complémentaire, les assurances habitation, parce que ça coûte cher aussi les assurances, est-ce que les assureurs ne pourraient pas faire un peu d'efforts…?
EMMANUELLE WARGON
Moi j'aimerais bien aussi que les assureurs y contribuent, et puis par ailleurs on a des blocages stupides, administratifs, qu'on va lever, par exemple quand un propriétaire a pris une assurance privée, cette assurance privée ne lui permet pas d'aller chercher un locataire qui a cette garantie publique, donc ça c'est quelque chose qui est aberrant en réalité et qu'on va faire sauter cette année. Donc, oui, il y a de l'amélioration à faire, mais là on arrive avec une mesure de protection, une mesure de protection des salariés, pour que tout le monde puisse avoir accès au marché locatif.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et puisqu'on parle des logements sociaux, pourquoi ne pas faciliter la colocation en logement social, parce que, je regardais les chiffres, il y a très peu de jeunes, de jeunes, dans les HLM, par exemple ?
EMMANUELLE WARGON
D'abord il y a peu de rotation dans les HLM, c'est-à-dire comme c'est difficile…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Peu de rotation, avec souvent des personnes seules ou un couple, âgé bien souvent, avec des appartements qui sont souvent 3, 4, 5 pièces, ça tourne peu.
EMMANUELLE WARGON
Alors, d'abord comme c'est difficile de se loger sur le marché privé, on sort moins du logement social, et donc c'est un cercle vicieux qu'il faut qu'on casse. Après, pourquoi pas regarder la colocation, pour faire en sorte que ces grands appartements, dans lesquels à un moment il y a eu une famille, mais finalement maintenant il y a moins de monde, ils puissent être occupés et c'est aussi très bien pour de l'intergénérationnel, ça marche dans le logement social, mais ça marche aussi dans le parc privé. Il y a une semaine j'étais en banlieue de Nantes, enfin à côté de Nantes plus précisément, allé voir une dame qui louait à deux étudiants les chambres de ses enfants, ça se passait extrêmement bien, c'était un loyer vraiment modéré, c'est le CROUS qui lui avait envoyé les étudiants, ça marche très bien.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quel est le taux d'occupation des logements sociaux, vous l'avez ?
EMMANUELLE WARGON
Alors, là vous me posez une colle, je ne vais pas vous donner de chiffre, mais…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Moi je vous dis qu'il y a au moins 30 000 logements sociaux vides et vacants, aujourd'hui.
EMMANUELLE WARGON
Oui, il y a à peu près 5 millions de logements sociaux, donc vous voyez, 30 000 sur 5 millions, ça ne fait pas un taux très élevé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais les deux tiers des logements sociaux sont occupés par des personnes seules ou un couple.
EMMANUELLE WARGON
Dans les logements sociaux il n'y a pas que des grands logements, mais là où vous avez raison c'est qu'en période de pénurie ou de manque de logements, il faut occuper au mieux. Après, on ne va pas forcer tous les locataires de logements sociaux à être en location intergénérationnelle.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et vous allez revenir sur ma manière dont sont attribués les logements sociaux ?
EMMANUELLE WARGON
Oui, ça c'est un sujet qui me tient particulièrement à cœur. Le Premier ministre en a parlé, vous savez, à Grigny vendredi quand on a annoncé des mesures de politique de la ville, et franchement on n'en a pas beaucoup entendu parler dans les médias parce que c'est des sujets qui ont du mal à percer, mais oui, je pense qu'il faut changer la manière d'attribuer les logements sociaux, parce que, aujourd'hui, quand on attribue les logements sociaux, on met les ménages les plus en difficulté dans les quartiers les plus en difficulté, et donc on contribue à créer des ghettos, et c'est ça aussi la lutte contre le séparatisme, c'est ça aussi la lutte pour les principes républicains ; je pense qu'il faut que ça change, qu'on remette les travailleurs, et notamment ceux qui ont besoin d'habiter proches de leur lieu de travail, dans les priorités, et puis, qu'on fasse de la mixité sociale avec le logement social, 70% des Français sont éligibles au logement social ; le logement social, c'est un très bel outil de mixité sociale, ça lutte contre la ségrégation spatiale, contre la ségrégation sociale, encore faut-il le vouloir. Donc moi, je souhaite qu'on soit beaucoup plus volontariste.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, eh bien, justement, à propos de logements sociaux, la loi SRU arrive à échéance en 2025, c'est bien cela, Emmanuelle WARGON…
EMMANUELLE WARGON
Tout à fait…
JEAN-JACQUES BOURDIN
En 2025, est-ce que vous allez changer les règles ?
EMMANUELLE WARGON
On va surtout les prolonger, parce qu'un certain nombre de maires…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire ?
EMMANUELLE WARGON
Se disent : bon, c'est pénible, la loi SRU, mais en 2025…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est 20 à 25% de constructions de logement social…
EMMANUELLE WARGON
La loi SRU, elle dit à tous les maires dans les communes grandes ou dans des grandes agglomérations : vous devez avoir entre 20 et 25% de logements sociaux, beaucoup…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, peu de sanctions ?
EMMANUELLE WARGON
Beaucoup cherchent à construire, et donc je voudrais commencer par saluer les maires qui cherchent à construire, parce que c'est la grande majorité, d'autres se disent : à tout prendre, je préfère encore payer les amendes, on a été le plus strict qu'un gouvernement n'ait jamais été sur les amendes de la dernière période qui ont été décidées, là, il y a quelques mois, et pour la première fois, on a sanctionné plus de la moitié des maires qui ne respectent pas, mais cette loi s'arrête en 2025, et moi, je dis, il y a urgence, il y a urgence à continuer, urgence à dire qu'il faut des logements sociaux partout, et donc je cherche une disposition législative…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle sera donc prolongée ?
EMMANUELLE WARGON
Elle sera prolongée par la loi, et le Premier ministre à Grigny a annoncé son attachement à cette loi et sa volonté de la prolonger.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et les amendes seront durcies ou pas ?
EMMANUELLE WARGON
Je pense qu'il faut…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les règles seront changées ?
EMMANUELLE WARGON
Je pense qu'il faut à la fois durcir les amendes pour ceux qui manifestement n'essaient même pas, et aider, et peut-être donner un peu de souplesse aux maires qui essayent et qui n'y arrivent pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, j'ai compris, j'ai compris, à la carte en quelque sorte.
EMMANUELLE WARGON
Eh bien, aujourd'hui, c'est déjà très à la carte, et demain, ça pourrait être plus encadré.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je pense aux propriétaires, aux propriétaires qui voudraient louer à des familles modestes, mais qui hésitent à louer…
EMMANUELLE WARGON
Mais vous avez raison, ces propriétaires-là, en fait, il existe plein d'aides pour qu'ils louent à des familles très modestes, alors ça a un nom technique, parce que vous savez dans le logement, on est vite très techno, mais ça s'appelle l'intermédiation locative sociale, c'est très peu connu, c'est très peu utilisé, on a quelques dizaines de milliers de logements qui sont comme ça, quand vous louez, vous êtes un propriétaire privé, vous avez un appartement qui était vide, vous le louez à une famille modeste, vous avez un énorme abattement fiscal sur les revenus, et vous pouvez le faire avec une association, comme la Fondation Abbé Pierre ou d'autres, ou Emmaüs, ou Aurore, il y a plein de grandes associations qui s'occupent de tout. Et là, vous êtes vraiment sécurisé, l'association, c'est elle qui vous paye le loyer, c'est elle qui gère le locataire, et donc vous faites une bonne action en hébergeant, en logeant une famille en difficulté…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et le loyer est payé…
EMMANUELLE WARGON
Et le loyer est payé, et par ailleurs, c'est totalement. Défiscalisé, c'est totalement inconnu, donc…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Totalement inconnu.
EMMANUELLE WARGON
Totalement inconnu, je vous le confirme. Moi-même, je l'ai découvert il y a à peine quelques semaines. Et je voudrais le rendre plus visible, peut-être plus simple, il y a plusieurs dispositifs, ramener tout ça à un seul dispositif et faire une grande campagne, parce que, si vous voulez, de même que quand on donne à une grande association caritative, on a une belle déduction fiscale, c'est l'amendement Coluche, et ça a vraiment beaucoup aidé, c'est-à-dire que ça a soutenu la générosité, je pense qu'on a plein de propriétaires qui seraient prêts à remettre en location s'ils étaient sûrs de ne pas avoir à s'en occuper et savoir qu'ils le font, voilà, en faisant une bonne action, et c'est possible.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et je pense encore aux propriétaires et aux investisseurs, la loi Pinel sera donc prolongée ?
EMMANUELLE WARGON
La loi Pinel a été prolongée, ça a été mon premier combat…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle a été prolongée…
EMMANUELLE WARGON
Elle a été prolongée dans la loi de Finances 2021, jusqu'à 2024.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Jusqu'à 2024.
EMMANUELLE WARGON
Exactement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On peut imaginer encore un peu plus loin…
EMMANUELLE WARGON
Eh bien, 2024, c'est déjà dans un certain temps.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, très bien, merci beaucoup, Emmanuelle WARGON, merci d'être venue nous voir ce matin, ministre déléguée au Logement, sur RMC et BFMTV.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 février 2021