Entretien de M. Clément Beaune, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, à BFM TV le 20 mars 2021, sur l'Union européenne et les vaccins contre le coronavirus.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : BFM TV

Texte intégral

Q - Avant cela, vous êtes membre du gouvernement. Qu'est-ce que c'est que cette histoire d'attestation, pas d'attestation, de justificatif de domicile ? Il faut dire la vérité : nous sommes, je dis " nous ", parce que je me compte parmi les Français, peut-être l'êtes-vous vous-même, perdus. Nous sommes perdus.

R - Ecoutez, il y a eu une complexité excessive, qui était dans l'attestation que chacun a découvert ce matin, qui est liée au fait qu'on territorialise, d'abord. Et donc forcément, il y a des situations un peu différentes d'un département à l'autre. Et puis pour les seize départements qui font l'objet de mesures beaucoup plus dures depuis ce matin, cette nuit, il y avait cette complexité sur cette question des dix kilomètres. Et donc je crois que le bon sens s'est imposé, j'espère que cela va être derrière nous. Maintenant il est clair que dans la journée, quand vous faites une activité, que vous vous aérez, dans un périmètre de 10 km, vous n'avez pas besoin de remplir une attestation puisque par définition vous n'avez pas de durée limite dans ce périmètre de 10 km. Donc faisons simple. Il y a eu un peu de Kafka, cela est réglé. Maintenant, c'est clair et vous avez simplement besoin de montrer votre adresse pour qu'on puisse vérifier la seule condition que vous soyez bien dans le périmètre des 10 km.

Q - Juste un dernier mot à ce sujet. Ce n'est pas de votre ressort directement, mais l'attestation va demeurer obligatoire entre 19h00 (donc nouvel horaire de couvre-feu) et 6h00 du matin. Pourquoi est-ce qu'on en est encore là ? Les Français se sont montrés plutôt exemplaires, depuis un an, Clément Beaune. Ils ont été extrêmement respectueux - évidemment, il y a des gens qui bravent les règles -, mais dans l'ensemble, dans l'immense majorité. Et pourtant le gouvernement continue de demander aux Français de se justifier de leur comportement. Et dans le même temps, appelle à leur responsabilité. On marche un peu sur la tête...

R - Ecoutez, c'est cet équilibre que l'on a trouvé pour la journée. Je pense que c'est bien. Pour le soir, il aurait été difficile de comprendre que l'on durcissait les mesures, et que l'on supprimait un système d'attestation qui maintenant est connu, si je puis dire, malheureusement, depuis plus d'un an. Donc, bien sûr, on fait appel à la responsabilité, c'est avant tout comme cela que l'on procède, et dans la journée, on se promène sans attestation ; le soir, il y a encore ce contrôle possible qui est un peu la contrepartie aussi de la liberté plus grande de s'aérer, de se promener dans la journée. J'espère que tout cela sera dans quelques semaines derrière nous, parce que je le vis comme chacun. C'est pénible, c'est vrai, mais il faut que l'on tienne bon encore un certain nombre de semaines.

Q - A priori, vous pouvez vous déplacer peut-être plus facilement que les gens qui nous regardent, en tant que membre du gouvernement ?

R - Je reconnais, pour des raisons professionnelles, mais le week-end, quand je vais faire mes courses, je me promène, je m'astreins aux mêmes règles, c'est normal.

Q - Alors, Clément Beaune, dans ces déplacements professionnels dont vous parlez, il y a effectivement des allers-retours avec vos homologues européens. Ursula von der Leyen a ... Il y a un problème avec AstraZeneca. Donc, on va essayer d'y voir clair avec vous, que vous nous disiez ce que vous savez ce soir, parce que cela nous concerne tous. Où en est-on des livraisons d'AstraZeneca ? Moi, j'ai des chiffres sous les yeux, on va voir si vous nous les confirmez, si vous pouvez nous donner ces informations. En gros, pour résumer les choses, ils ont apporté beaucoup moins que ce qu'ils devaient et les prévisions au fur et à mesure des semaines ne cessent de diminuer. Donc, on était à 6 millions de doses, cumulées, prévues pour le mois de mars ; finalement, a priori, 4 millions et demi. 9 millions de doses, un peu plus, cumulées pour le mois d'avril, finalement 7,4 millions. Est-ce que ces chiffres sont toujours d'actualité ce soir ?

R - Oui. Ils ont, - je prends les choses plus globalement, mais cela revient au même, puisque la France a une quote-part des commandes européennes, pour faire court, pour montrer aussi la gravité du problème -, sur le premier trimestre, ils ont honoré à peu près un quart de leurs engagements. Et les annonces qu'ils ont faites sur le deuxième trimestre, c'est de baisser de presque 40% par rapport aux prévisions initiales, les livraisons. Donc, c'est grave et ce n'est pas acceptable.

On fait plusieurs choses face à cela, parce que le but, ce n'est pas simplement de faire pression, ce que l'on va faire, c'est d'avoir le plus de doses possible le plus vite possible pour les Français. Donc, il y a eu cette mise en demeure qui a été décidée par la Commission européenne à l'égard d'AstraZeneca. Cela veut dire quoi ? Cela veut dire qu'on se lance dans une possible procédure juridique à l'égard d'AstraZeneca, c'est la première étape. On demande des explications, des améliorations, on va voir ce que l'entreprise est capable de répondre pour la France et pour tous les Européens. Et en fonction de cela, on pourra aller vers une procédure juridique, judiciaire. Il faut être clair : cela prend du temps, et ce n'est pas cela qui va régler le problème à court terme. Donc, on a aussi une discussion, si je puis dire politique et industrielle avec le groupe AstraZeneca pour améliorer les choses, le plus vite possible.

Q - Pardon de vous interrompre, pour qu'on soit très clair. C'est un groupe suédois et britannique. Où sont fabriqués ces vaccins ? Ils sont fabriqués dans l'Union européenne ? Les sites de production, je parle de l'endroit où on les met dans les bouteilles, où on les fabrique, où est-ce ?

R - Alors dans le contrat que l'Union européenne a signé avec AstraZeneca, il y a deux sources d'approvisionnement possibles pour nous, ça, c'est fixé dans le contrat, des usines dans l'Union européenne, et puis deux usines au Royaume-Uni, qui sont, c'est explicite, même si cela a été un moment contesté par l'entreprise, c'est prouvé, c'est dans le contrat, qui sont au Royaume-Uni et qui sont censées nous livrer des doses. Ce que l'on est en train de vérifier, pour être très précis et défendre nos intérêts, je fais toute la transparence au moment où l'on a l'information, c'est que nous pensons, enfin nous voyons, que les usines britanniques ne nous livrent pas. Or, manifestement, la campagne de vaccination britannique sur AstraZeneca, elle, se déroule normalement. Même si, ces derniers jours, il y a des alertes au Royaume-Uni aussi. Mais peu importe, nous, ce qui nous intéresse, ce sont nos livraisons à nous. Et donc on dit au groupe, c'est écrit dans le contrat, c'est signé : les usines britanniques doivent être mobilisées pour livrer l'Union européenne sur AstraZeneca.

Q - Est-ce que vous savez aujourd'hui si cette forme de rétention des doses de vaccin, au Royaume-Uni, elle est du fait de l'entreprise ? Ou elle est du fait d'une pression du gouvernement britannique sur l'entreprise pour conserver ces doses ?

R - On ne le sait pas exactement pour être très clair. Donc on fait plusieurs choses : on a ce dialogue avec cette pression, y compris avec cette menace juridique avec l'entreprise que mène la Commission européenne, que nous menons. Et puis, on va avoir un dialogue si je puis dire de plus en plus ferme avec les autorités britanniques, parce qu'il y a deux choses : d'abord, s'ils font pression sur AstraZeneca pour qu'on soit moins livré, c'est un problème, évidemment ; et par ailleurs, on ne peut pas accepter au-delà d'une entreprise particulière que nous, en Europe, on produise des doses de vaccin, tant mieux, on a une capacité industrielle de production importante pour d'autres entreprises, Pfizer, etc... qui approvisionnent aussi le Royaume-Uni. Et que du côté britannique, quel que soit le groupe concerné, on n'ait pas les flux. Pour être clair, on va mettre en place une règle, on soutient la proposition de la commission qui propose de mettre en place une règle de réciprocité dans les livraisons entre pays. Il n'y a pas de raison que les Britanniques reçoivent les doses, industriellement, et pas nous. Donc, on va vérifier cela, et le sanctionner si besoin.

Q - Combien de doses sont fabriquées dans l'Union européenne et partent pour le Royaume-Uni ?

R - Au total, tous laboratoires confondus, parce qu'on a cette information pour l'instant agrégée, c'est dix millions de doses de vaccin qui ont été produites dans l'Union européenne et livrées vers le Royaume-Uni. Je précise tout de suite : en soi, ce n'est pas forcément un problème. Tant mieux si l'on a la capacité de production industrielle, qu'on l'exporte et qu'on la vend. C'est plutôt bon signe sur notre capacité. Mais en revanche, il faut que cela aille dans les deux sens. Et qu'on donne la priorité évidemment aux Européens. Et puis, le dernier point, le point clé pour les gens qui s'impatientent et qui veulent un vaccin, pour être clair, c'est qu'on essaie de compenser les mauvaises nouvelles qu'on a avec d'autres bonnes nouvelles ; on en a, avec Pfizer notamment : il y aura au deuxième trimestre dix millions de doses supplémentaires et c'est pour cela que le Premier ministre a pu confirmer les objectifs de vaccination. On va s'efforcer de trouver de plus en plus de sources, de plus en plus de doses, avec tous les laboratoires.

Q - Alors en attendant évidemment l'homologation qui est faite de Janssen - Johnson et Johnson - juste pour préciser les choses si vous nous regardez, à chaque fois il y a un laboratoire et un industriel, c'est pour cela qu'il y a toujours deux noms - là aussi les prévisions - c'est la direction générale de la santé, les chiffres que je donne, on ne les invente pas évidemment - les prévisions ne sont pas bonnes. Un million de livraisons a priori au 9 mars, c'était 2,7 millions, fin février, et en fait, 400.000 pour le mois d'avril !

R - Il n'y a pas si je puis dire de nouvelles mauvaises nouvelles. C'est à dire que les prévisions qui sont intégrées dans lesquelles on dit - au total, c'est cela qui est important pour les Français - que l'on pourra vacciner 10 millions de personnes d'ici mi-avril, 20 millions de personnes d'ici mi-mai, 30 millions d'ici juin, cela tient avec les prévisions de Johnson et Johnson. On a homologué plus vite qu'on pensait au départ le vaccin de Johnson et Johnson, dès le mois de mars. Il va commencer par des petites livraisons au mois d'avril, mais au total, les objectifs que le Premier ministre a rappelés jeudi, on peut les tenir, en additionnant toutes les sources d'approvisionnement. Il y a eu des mauvaises nouvelles, il y a des mauvaises nouvelles qu'on peut comprendre, parce qu'il peut y avoir des problèmes industriels. C'est parfois le cas de Pfizer, cela a été le cas, au début, de Moderna. On a réglé ça. Et puis il y a des mauvaises nouvelles que l'on ne comprend pas, là, on met la pression. Et il y a des bonnes nouvelles, avec de nouveaux contrats qu'on signe pour améliorer la capacité de vaccination.

Q - Une question qui n'est pas complètement de votre ressort, mais les gens se la posent. Il y a des doses qui ont été reçues, certaines ont été injectées, et d'autres qui ne sont nulle part. Elles n'ont pas été injectées. Où sont-elles ?

R - Elles ne sont pas nulle part.

Q - Alors où sont-elles ?

R - J'essaie de préciser les choses. Il y a à peu près 10 millions de doses qui ont été reçues aujourd'hui en France. On est presque à 8,5 millions d'injections. Il y a des doses qui sont stockées pour les deuxièmes injections, il y a toujours un petit fond de roulement, si je puis dire ainsi. Et puis il y en a parfois, on peut accélérer, on peut aller un peu plus vite, c'est ce que l'on a fait avec des campagnes de vaccination accélérées certains week-ends, pour qu'on ait une petite marge, c'est normal, ce sont les doses stockées pour les deuxièmes rendez-vous de beaucoup de monde, mais que l'on ait, au-delà de cette marge de précaution, pas plus, et qu'il n'y ait pas des doses dormantes, si je puis dire. C'est pour cela que le Président avait notamment mis la pression pour qu'on accélère cette vaccination.

Q - Vous suivez évidemment la situation de près. Vous voyez ce qu'il se passe aux Etats-Unis où on est à plusieurs millions de vaccinations par jour. En France, lorsque nous sommes à 300.000, c'est un chiffre qui est présenté comme un chiffre extrêmement performant par le gouvernement, et ça l'est sans doute. Quand on ouvre des stades, c'est le cas du Vélodrome de Marseille et du Stade de France, on attend 2000 vaccinations/jour. Pourquoi est-ce que c'est aussi peu ? C'est uniquement dû à cet approvisionnement ? Pourquoi est-ce que la France ne peut pas faire plus, Clément Beaune ?

R - On a essayé d'accélérer les choses, à partir des doses qu'on a. Et le sujet central, on peut le retourner dans tous les sens, c'est d'avoir plus vite plus de doses, et c'est de produire.

Q - Pourquoi est-ce qu'on ne va pas les chercher en Russie ? Il y a trois vaccins homologués, pourquoi est-ce qu'on ne va pas les chercher en Chine ? Pourquoi est-ce qu'on ne va pas les chercher à Cuba ? Ils en envoient en Iran, par exemple.

R - Il y a eu beaucoup d'intox, parfois de confusions, là-dedans. En Chine, je rappelle que les Chinois qui ont à certains égards été efficaces, ils vaccinent deux fois moins leur population que nous proportionnellement ; donc, je ne vois pas là, pour la vaccination, un exemple. Puis, on cherche des doses en Europe pour les gens, le plus vite possible, mais dans le respect de nos règles sanitaires et de sécurité. Le vaccin chinois n'a même pas déposé de dossier à l'Agence européenne. Ce n'est pas une question bureaucratique ou administrative, c'est parce qu'il ne donne pas l'information sur son vaccin. On ne va pas vacciner, quand bien même on l'aurait, on ne l'a pas disponible comme ça, mais on ne va pas vacciner des gens avec un vaccin qui n'a pas été vérifié par nos autorités scientifiques européennes. Le vaccin russe, on l'a dit, on est ouvert ; on ne fait pas de politique anti-russe. On est ouvert. Il a déposé un dossier à l'Agence européenne des médicaments. Il n'est pas question de l'injecter sans avoir fait cette vérification scientifique. Par ailleurs, la production du vaccin Sputnik, s'il est homologué tant mieux, on pourra l'utiliser, on est ouvert à ça, évidemment, on ne va pas s'interdire une solution, mais pour l'instant il est très peu produit, et les doses que les Russes ont promis à quelques pays européens, elles sont arrivées au compte-goutte. La population russe est vaccinée deux fois moins que la population européenne. Donc, il y a des vraies solutions, notamment Pfizer, signer des contrats supplémentaires, livrer plus vite. Il y a des solutions dont il ne faut pas avoir non plus de mirages en tête. Cela ne sera pas à court terme le vaccin chinois, ni dans les prochains jours le vaccin russe, qui peut nous aider.

Q - Cela en est où de l'homologation du vaccin russe ? Le dossier est déposé...

R - Le dossier est déposé. On ne sait pas exactement parce que c'est une évaluation scientifique, mais il y en a encore sans doute pour quelques semaines, au total c'est une procédure qui prend à peu près deux mois. Donc, c'est une question de semaines d'ici le mois d'avril ou le mois de mai, sans doute. Après, il faut le produire.

Q - Cela veut dire qu'il pourra être produit dans l'Union européenne, comme c'est le cas avec Pfizer par exemple on le sait, produit par Sanofi en France.

R - Oui, mais vous avez vu qu'il y a eu une entreprise en Italie, il faut voir ce qu'il en est, qui s'est déclarée capable et disponible pour produire des doses de vaccin russe. Si c'est le cas, et si c'est homologué par l'Agence européenne, très bien, on est ouverts à tout ça. Le but, c'est d'avoir des vaccins sûrs, et vite. Donc la solution à court terme, c'est d'augmenter notre production avec des vaccins qui sont homologués, ceux qu'on a évoqués, Moderna, Pfizer, AstraZeneca, Johnson & Johnson, d'homologuer d'autres, s'ils sont sûrs, et de produire vite. Pour l'instant, les objectifs qu'on a rappelé jeudi tiennent, parce qu'on a aussi compensé les mauvaises nouvelles par de la production supplémentaire.

Q - Le vaccin AstraZeneca, je parle d'un point de vue sanitaire désormais, est une source de stress pour les Français, vous le savez, qui ont pour certains moins de 55 ans, qui ont reçu la première injection, à qui on a dit "désormais ce n'est peut-être pas une bonne idée de le recevoir", et qui voient certains de nos voisins européens, suspendre. Je vais répéter cette phrase, je la dis souvent sur ce plateau, il n'y a pas de politique de santé au niveau européen, même si je sais que vous y travaillez désormais. Pourquoi il y a cette espèce de cacophonie ? Pourquoi est-ce que la Finlande continue de suspendre alors que l'Autorité de santé en France dit "en fait tout va bien" ?

R - Parce que, pour être franc, quand la crise a commencé, nous n'avions effectivement pas, je le regrette, de politique de santé européenne. On en a construit une qui n'est pas encore parfaite, loin de là, je le reconnais. Je pense qu'on a bien fait, malgré les difficultés, d'acheter le vaccin ensemble, parce qu'on aurait les mêmes difficultés si on ne l'avait pas fait, en pire. En plus, on se ferait la guerre des doses. Pour ce qu'on a vu cette semaine, la confusion sur le vaccin AstraZeneca, c'est qu'il y a eu des procédures nationales, parce que ce sont aujourd'hui les autorités nationales qui font les recommandations sanitaires. On a dit : stop, on passe à l'avis européen commun. Il a été rendu jeudi. Notre Autorité sanitaire a fait une recommandation de prudence supplémentaire, c'est l'âge, plus de 55 ans. Il y a des pays qui en ont d'autres, parce que les autorités sanitaires ont parfois rajouté des prudences ou des recommandations.

Q - C'est ça qui est compliqué. C'est votre métier, vous êtes là-dedans tous les jours. L'Agence européenne du médicament rend un avis jeudi, vous venez de le dire. Une heure après, j'étais ici, la Finlande dit "nous, on s'en fiche, on suspend".

R - Globalement vous avez raison, il y a des cas qui ne fonctionnent pas, mais au total ce qu'on a fait et qui est quand même bien, c'est qu'on s'en est remis à un juge de paix européen scientifiquement sûr. Il a dit "on reprend" et à une exception près, tout le monde reprend. C'est quand même cela qui est important, et les Français, pour être honnête, ils se fichent un peu de ce qu'il se passe en Finlande, au jour le jour, ils veulent savoir s'ils ont une dose de vaccin.

Q - Ils s'en fichent mais quand ils voient que la Finlande suspend ils se disent "est-ce que nous on devrait le faire ?".

R - C'est pour cela d'ailleurs, on nous l'a reproché, qu'on a pris cette précaution quand plus de dix pays avaient suspendu temporairement, on a pris la même mesure, pour cette raison. On n'harmonisera jamais parfaitement dans les mois qui viennent, je préfère être sincère et le dire, je regrette, mais on n'harmonisera jamais parfaitement sur des questions qui sont nationales, parfois régionales. On fait au mieux et l'important c'est d'avoir de la confiance. On a eu un avis européen, en Allemagne, dans la plupart des pays, en Italie, en Espagne, en France, on a repris la vaccination AstraZeneca. Le Premier ministre, lui-même, s'est fait injecter une dose, signe de confiance. Allons-y. Moi le jour où c'est ouvert à mon public, je me ferai vacciner à l'AstraZeneca. Je n'ai pas de doute, donc, allons-y.

Q - J'ai encore deux questions. Vous dites "nous n'arriverons jamais à l'harmonisation parfaite",

R - A court terme.

Q - Sans doute à court terme. Thierry Breton, commissaire européen français, a été chargé de réfléchir à cette politique européenne. Il a parlé de la mise en place d'un pass sanitaire dans les prochaines semaines, qui porterait des mentions, donc guéri, vacciné, testé... On en est où ? Est-ce que c'est un vrai espoir pour que les gens qui vous regardent puissent, peut-être pas là au printemps mais cet été, prendre l'avion et partir en vacances ?

R - Oui c'est un espoir mais il faut le faire bien, il faut le faire dans un cadre européen, et là justement, on anticipe. Tant mieux. On ne l'a pas toujours fait dans cette crise, mais on anticipe ensemble, en Européens. La Commission a proposé un pass européen, dès mercredi dernier, on va y travailler techniquement. Oui, c'est un espoir. Mais je veux être clair. D'abord, il faut faire monter en puissance la campagne de vaccination et quand ce pass, pour cet été par exemple, pour des mouvements de tourisme, en Europe, existera, partout, il faudra qu'il soit ouvert, évidemment, à la preuve vaccinale, montrer que vous êtes vacciné, par exemple. Il faut aussi qu'il prenne en compte d'autres dimensions, c'est pour cela que j'insistais sur les tests, parce qu'on ne va pas dire aux gens, par exemple les gens de 18 ans, 15 ans, qui sont les jeunes qui ont beaucoup souffert dans cette crise et qui n'auront pas été vaccinés d'ici cet été, parce qu'on parle de la population adulte d'ici cet été. On ne va pas leur interdire tout déplacement pour toujours. Donc, il faut que ce pass, s'il existe, quand il existe cet été, il puisse montrer que vous êtes sans risque par la vaccination, ou que vous êtes sans risque par un test négatif, autrement dit, pas un pass vaccinal, mais vraiment un pass sanitaire avec différentes options. Puis je le dis, pas tout de suite, une fois que la campagne de vaccination sera montée en puissance, pour que chacun ait une chance d'accéder au vaccin.

Q - Le gouvernement français, enfin, je pense vraiment au Conseil d'Etat, le conseil national d'éthique, devra se prononcer sur ce sujet ?

R - Oui, on l'a dit. C'est pour cela qu'il faut encore prendre quelques semaines. Il y a des questions scientifiques et éthiques qui se posent. Ce n'est pas rien de dire que des gens ont plus de droits que d'autres. Donc, on doit y réfléchir. Et ce n'est pas rien non plus de vérifier sur le plan scientifique, on ne le sait pas encore complètement, si quand vous êtes vacciné, vous êtes contagieux ou pas. On sait que vous êtes protégé, c'est déjà beaucoup, mais on ne sait pas encore complètement si vous pouvez diffuser le virus ou pas en tant que personne vaccinée. On doit évidemment d'abord répondre à cette question, avant de mettre en place un tel pass possiblement.

Q - Je voudrais juste vous montrer deux images. Ce sont des manifestations aujourd'hui en Allemagne et au Royaume-Uni je crois, on va me confirmer ça tout de suite. J'ai confirmation. En Allemagne d'abord, à Cassel, avec une foule assez importante, et au Royaume-Uni la manifestation contre le confinement, contre des mesures d'enfermement. Pour dire les choses simplement, est-ce que c'est une crainte ? Pour l'instant, les Français sont plutôt dans l'acceptation des mesures qui ont été posées, mais est-ce que vous craignez que cette situation ne fasse tache d'huile ?

R - Pas forcément ça, mais j'ai une crainte au-delà de ça, c'est que les Français en aient ras le bol. On le voit dans nos entourages, dans la vie...

Q - C'est déjà le cas.

R - Bien sûr, je le sais. C'est aussi pour ça qu'on n'est pas dans les mêmes mesures qu'il y a quelques semaines. Même le confinement d'automne. Ce n'est pas pareil aujourd'hui, parce qu'on est au printemps, parce que cela fait un an, parce que les gens sont fatigués. Quand je vois ce qu'il s'est passé aux Pays-Bas, où il y a eu des violences il y a quelques semaines, je dis aussi chapeau à nous, aux Français, parce qu'il y a eu un grand sens, parfois on a dit le contraire, mais ce n'est pas vrai, il y a eu un grand sens de la responsabilité, un grand sens du collectif, un grand sens de la gravité de cette crise. Maintenant, tout le monde est épuisé, mais en France on n'a pas vécu ces scènes parce que je crois qu'on a expliqué, je crois que les gens ont été individuellement responsables, et je veux montrer aussi l'admiration qu'on a pour ce courage français collectif, depuis un an. Il faut tenir encore un peu.

Q - Merci beaucoup, Clément Beaune.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 mars 2021