Texte intégral
ALBA VENTURA
Bonjour Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Alba VENTURA.
ALBA VENTURA
Vous, quel mot vous vient à l'esprit pour décrire la situation, parce qu'on a compris que confinement, il ne fallait plus l'utiliser ?
BRUNO LE MAIRE
C'est un renforcement des règles qui étaient en usage jusqu'à présent, après, je ne suis pas sûr que les Français se passionnent pour ce débat sémantique, ce qui compte pour eux, ce qui compte pour nous tous, c'est que nous sortions le plus vite possible de cette période, où nous sommes depuis maintenant novembre, depuis novembre, les Français vivent soit en confinement, soit avec un couvre-feu, et c'est pénalisant, il y a une immense lassitude en France face à ces mesures de restrictions sanitaires. Donc ce qu'attendent les Français, ce n'est pas un débat sémantique, c'est qu'on en sorte le plus vite possible, qu'on mette le virus derrière nous, et pour ça, il y a une seule solution, et je suis content que chacun en prenne conscience, c'est la vaccination de masse et la vaccination accélérée.
ALBA VENTURA
On va bien sûr en parler. Alors, ils ne se passionnent peut-être pas les Français pour le débat sémantique, comme vous dites, mais on les a entendus ce matin sur RTL, et très largement, ils n'y comprennent rien, c'est Kafka, disent-ils, et il n'y a qu'à voir cette attestation de 2 pages avec 15 motif de déplacement qui a finalement été supprimée ; toutes ces mesures hybrides, puisque c'est comme ça que… vous les comprenez, vous ?
BRUNO LE MAIRE
Je les comprends puisque nous les avons adoptées avec le Premier ministre et le président de la République…
ALBA VENTURA
Mais comment on peut en arriver à dire c'est ok pour les coiffeurs et ce n'est pas ok pour les instituts de beauté par exemple ?
BRUNO LE MAIRE
Nous, ce que nous avons voulu faire, c'est d'abord limiter la circulation des personnes dans des lieux clos, donc nous avons fermé les centres commerciaux de plus de 20.000 mètres carrés, 10.000 mètres carrés pour les départements qui sont sous surveillance renforcée, nous avons voulu limiter encore plus cette circulation en fermant un certain nombre de commerces, et c'est extrêmement pénalisant pour eux. Mais nous sommes en soutien complet…
ALBA VENTURA
Mais vous y étiez favorable, vous, ministre de l'Economie ?
BRUNO LE MAIRE
Et moi, je suis dans un gouvernement, Alba VENTURA, et donc je suis solidaire de toutes les décisions d'un gouvernement…
ALBA VENTURA
J'ai cru comprendre que vous auriez préféré que les week-ends soient fermés.
BRUNO LE MAIRE
Mais, mes préférences, ce que je peux exprimer en Conseil de défense et qui malheureusement sort dans la presse, ce que je regrette profondément, ça ne regarde que les membres du Conseil de défense, le président de la République, le Premier ministre et les autres ministres, une fois qu'une décision est arrêtée, que les choses soient bien claires, elles engagent tout le gouvernement sans exception, donc nous avons pris des décisions, une fois encore, pour limiter les regroupements de personnes dans les commerces, nous avons fermé un certain nombre de commerces, et je veux le dire très clairement, là aussi, c'est un déchirement de fermer ces commerces, bien sûr que comme ministre de l'Economie, j'aimerais que tous les commerces soient ouverts, et si nous voulons limiter la circulation du virus, il faut aussi limiter le regroupement des personnes dans un certain nombre de commerces, nous avons fait des exceptions, pourquoi, mais tout simplement pour le moral des Français, c'est le cas pour les coiffeurs, nous l'avons fait parce qu'il y a des professions, prenez les fleuristes, ils font la moitié de leur chiffre d'affaires pendant cette période de printemps, et derrière, il y a toute l'horticulture, nous l'avons fait pour les chocolatiers parce que c'est Pâques, je ne dis pas que c'est parfait, et je le reconnais très volontiers, je ne dis pas que c'est parfait. Je reconnais bien volontiers…
ALBA VENTURA
Mais en toute honnêteté, vous pensez que ça aura un impact sur la situation sanitaire, en toute honnêteté ?
BRUNO LE MAIRE
Mais, je pense que toutes ces mesures permettront d'éviter les regroupements de personnes dans des lieux clos, donc je suis persuadé qu'elles auront un impact sur la situation sanitaire, est-ce que cet impact sera suffisant, je ne le sais pas, parce que je ne suis pas épidémiologiste, et je pense que, autoriser les Français à sortir pour prendre l'air, en évitant qu'ils se regroupent dans des magasins, dans des grandes surfaces, dans des grands centres commerciaux, c'est la solution que nous avons trouvée, c'est une solution de compromis, je n'ai pas la prétention qu'elle soit idéale, et nous accompagnerons chacun des commerces qui est condamné aujourd'hui à la fermeture.
ALBA VENTURA
Je vais vous soumettre deux cas, parce que, par exemple, l'un des patrons d'un groupe d'institut de beauté vous a interpellé ce week-end dans la presse, en demandant ironiquement : si entre un coiffeur et une esthéticienne, c'était une question de poils, que lui répondez-vous, pardon pour la question, mais elle vaut le coup d'être posée ?
BRUNO LE MAIRE
Mais la question, elle est parfaitement légitime, le soin de soi, c'est très important, c'est pour ça que nous avons autorisé l'ouverture des coiffeurs, je comprends parfaitement la remarque de tous les salons d'esthétique qui aujourd'hui me disent, je les ai écoutés tout ce week-end, certains ont mon numéro de téléphone, d'autres savent me trouver pour me dire : mais attendez, pourquoi est-ce que nous, nous sommes fermés alors que les autres restent ouverts ? Nous allons regarder chacune de ces situations, là encore…
ALBA VENTURA
Ah, ce n'est pas fini donc ?
BRUNO LE MAIRE
Nous allons regarder chacune de ces situations pour voir, comme l'a dit le ministre des PME hier, s'il y a des situations qui doivent être corrigées, je pense que nous avons montré depuis le début de cette crise dans le traitement de la crise économique et financière, qu'à chaque fois qu'il fallait corriger quelque chose, parce que, soit, ça paraissait injuste, soit ça paraissait peu efficace, nous l'avons fait, donc ma porte n'est pas fermée, nous regarderons s'il y a effectivement des choses qui peuvent être améliorées. Et nous verrons quelles décisions prendre…
ALBA VENTURA
Quand ? Quand, Monsieur le Ministre ?
BRUNO LE MAIRE
Mais je suis au contact permanent…
ALBA VENTURA
Parce que, effectivement, Alain GRISET a parlé d'aberration…
BRUNO LE MAIRE
Je vais vous dire, depuis ce week-end, j'ai eu des contacts permanents avec des salons d'esthétique, avec des coiffeurs, qui nous expliquaient comment est-ce qu'ils allaient faire, avec des restaurateurs qui s'inquiètent sur leur date d'ouverture, c'est mon quotidien, c'est ma responsabilité, et je vais vous dire c'est mon honneur d'écouter toutes ces personnes pour savoir comment est-ce qu'on peut mieux leur répondre. Donc nous allons regarder chacun de ces cas, je ne peux pas vous dire quelles seront les décisions qui seront prises, je peux simplement vous dire que je garderai le même esprit de dialogue et d'ouverture qui m'anime depuis le premier jour de cette crise.
ALBA VENTURA
Alors, j'ai un autre cas à vous soumettre, le maire de Compiègne, dans l'Oise, Philippe MARINI, a autorisé par arrêté municipal ses commerçants à vendre sur le trottoir, donc devant leur boutique, mais la police a finalement tout fait remballer, cela vous paraît absurde ce qu'a fait Philippe MARINI, puisque, après tout, il y a des marchés en extérieur ?
BRUNO LE MAIRE
Ce que je crois surtout, c'est que nous sommes dans une période qui est difficile, chacun le mesure, chacun le mesure, je le redis, la très grande lassitude des Français, on ne s'en sortira qu'ensemble, c'est-à-dire si chacun fait preuve de sens de responsabilité, n'essaie pas d'inventer le petit truc ici ou le petit truc là qui pourrait marcher un peu mieux, il faut que collectivement…
ALBA VENTURA
Non, mais les gens n'essaient pas d'inventer, on leur dire tout ce qu'on peut faire dehors, on le fait dehors, alors, ils le font…
BRUNO LE MAIRE
Non, il faut que collectivement, nous soyons responsables, s'il y a des idées intéressantes, qu'on les soumette et qu'on les adopte collectivement, mais la France ne s'en sortira que unie et rassemblée, et certainement pas en inventant des choses ici ou là, sans qu'elles aient été adoptées collectivement, personne n'a des solutions faciles, personne ne peut s'en sortir tout seul, regardez ce qui se passe en Europe, on voit bien que dans les autres pays européens, là aussi, j'ai été en Italie la semaine dernière, l'Italie a été obligée contre son gré de confiner, l'Allemagne qui est en confinement depuis des semaines, qui pensait pouvoir lever les restrictions, a dû les maintenir. Donc il n'y a pas de solution…
ALBA VENTURA
Donc vous dites : on fait ce qu'on peut ?
BRUNO LE MAIRE
Bien sûr, on fait ce qu'on peut. On fait le mieux possible. Et s'il faut améliorer le mieux, nous améliorerons le mieux possible que nous essayons de faire, je le redis, je n'ai absolument pas la prétention ni sur les questions économiques, ni sur les questions financières, qui sont de ma responsabilité, que nous fassions tout toujours parfaitement, je dis simplement qu'on essaye de faire le mieux possible, avec mes équipes.
ALBA VENTURA
Vous avez déjà envisagé des schémas de réouverture pour dans quatre semaines, Monsieur le Ministre ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, il y a des schémas de réouverture qui sont à l'étude, il y a des modalités avec l'utilisation des QR Codes, lorsqu'on se rend dans un commerce, dans un restaurant ou dans des lieux culturels, donc on travaille là-dessus, mais ça ne sera possible, chacun en a conscience, que lorsque la crise sanitaire sera derrière nous, moi, je pense à tous ces soignants aujourd'hui qui au moment où nous parlons sont en train d'accueillir dans les salles de réanimation un, deux ou trois nouveaux patients, qui sont inquiets de la saturation, et qui se disent qu'ils ont conscience de cela, je comprends ces soignants, et c'est pour cela que nous prenons ces mesures.
ALBA VENTURA
Les magasins de vêtements et de chaussures se retrouvent avec des stocks sur les bras, est-ce que là, vous avez déjà envisagé des choses pour les aider, des facilitations de paiement ou une manière d'écouler leurs stocks ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, nous avons commencé à réfléchir là-dessus, Alain GRISET doit me faire des propositions, nous travaillons sur deux options qui peuvent être complémentaires d'ailleurs, la liquidation des stocks, qui, normalement, n'est possible qu'en période de soldes, nous pourrions autoriser la liquidation des stocks, y compris si nous ne sommes pas en période de soldes, et puis, pour tous ceux pour lesquels l'indemnisation du fonds de solidarité ne serait pas suffisante, même si elle est déjà très généreuse, voir s'il peut y avoir des compensations financières. Donc nous travaillons sur ces deux options qui – je le redis – sont complémentaires pour…
ALBA VENTURA
Ça veut dire qu'il pourrait y avoir des soldes au mois d'avril ou mai par exemple ?
BRUNO LE MAIRE
Ça voudrait dire que les commerçants pourraient être autorisés à liquider leurs stocks, alors même que nous ne sommes pas en période de soldes.
ALBA VENTURA
Vous avez dû remettre au pot sur les aides, sur les charges, sur les loyers ou est-ce qu'on continue avec les mêmes aides qu'ils sont prévues ?
BRUNO LE MAIRE
Non, on continue avec le même budget qui a été prévu, mais nous avons complété effectivement là où il y avait encore des lacunes, je pense par exemple à tout ce qui est couverture des charges fixes, à partir du 31 mars, l'intégralité des charges fixes pourront être couvertes pour les entreprises de plus d'un million d'euros, des secteurs du tourisme et de la restauration, avec une indemnisation qui pourra aller jusqu'à 10 millions d'euros. Et on a mis dans ce dispositif charges fixes, disponible au 31 mars, un certain nombre d'activités, je les ai complétées, il y avait à l'origine les eaux, il y avait les thermes, on a rajouté les parcs à thèmes, comme par exemple Vulcania, en Auvergne, parce qu'ils souffrent terriblement du manque de visiteurs, on a rajouté les Escape Game, pour être tout à fait précis, donc on essaie à chaque fois d'accompagner tout le monde et de trouver des solutions adaptées à chacun.
ALBA VENTURA
Bruno LE MAIRE, Monsieur le Ministre, avec le télétravail, plusieurs entreprises en ont profité pour supprimer les Tickets Restos, une économie de petits bras, c'est ce qu'a dénoncé hier Laurent BERGER, de la CFDT au Grand Jury RTL, il a raison ?
BRUNO LE MAIRE
Nous allons aujourd'hui avec Geoffroy ROUX DE BEZIEUX, le patron du MEDEF, puis, avec le patron de la CPME, que je recevrai cet après-midi, regarder toutes ces questions, il y a la question des Tickets Restaurants, il y a la question du télétravail, où, bien sûr, qu'il y a, là encore, une fatigue de tous ceux qui sont concernés par le télétravail, mais il y a aussi le besoin de tenir nos objectifs, de maximiser le nombre de personnes qui sont au télétravail, donc je vais regarder toutes ces questions dès cet après-midi avec le patron du MEDEF et le patron de la CPME, avec lesquels je tiens à dire, on a travaillé en bonne intelligence depuis le début.
ALBA VENTURA
Alors, évidemment, tous les espoirs reposent sur la vaccination, vous l'avez dit hier soir, Thierry BRETON, le commissaire européen au Marché intérieur, chargé de la stratégie vaccinale au niveau européen, a promis une immunité collective pour le 14 juillet dans toute l'Europe ; c'est jouable ça ?
BRUNO LE MAIRE
S'il le dit, c'est que ça doit l'être, en tout cas, ça doit être notre objectif…
ALBA VENTURA
Vous y croyez donc ?
BRUNO LE MAIRE
Eh bien, moi, je vais vous dire, je crois surtout à la capacité de rebond de l'économie française, et je suis convaincu que si on regarde un tout petit peu plus loin que la journée immédiate ou la semaine à venir ou les difficultés actuelles, et qu'on se projette d'un peu plus loin, d'abord, il faut se dire que nous avons réussi à produire en quelques mois un vaccin qui normalement met des années à être produit, que nous sommes en train de le délivrer, que nous accélérons sa délivrance avec 10 millions de doses de personnes vaccinées prévues pour le 15 avril, 20 millions pour la fin mai, et que nous pouvons avoir l'espoir que, effectivement, à l'été, nous retrouvions tous ensemble une vie normale, et qu'à ce moment-là, parce que c'est ma conviction profonde, l'économie française surprendra par sa capacité de rebond, de création d'emplois, d'innovations, et quand on regardera encore un peu plus loin, je suis convaincu qu'au lendemain de cette crise, nous allons pouvoir inventer une économie qui sera plus juste, plus décarbonée…
ALBA VENTURA
Mais en attendant…
BRUNO LE MAIRE
Et plus compétitive, je comprends qu'aujourd'hui, chacun soit à 24h près…
ALBA VENTURA
Exactement. En attendant, les gens veulent être vaccinés…
BRUNO LE MAIRE
Je demande juste à chacun… mais c'est ma responsabilité politique, Alba VENTURA, de voir un tout petit peu plus loin que le bout de mon doigt.
ALBA VENTURA
Bien évidemment, mais…
BRUNO LE MAIRE
Et de regarder un peu plus loin pour dire aux Français : cette crise va être aussi une opportunité pour inventer collectivement avec nos partenaires européens. Un modèle économique qui nous donnera plus d'indépendance, plus de force, et une économie plus verte.
ALBA VENTURA
Bruno LE MAIRE, à un moment dans votre vie, vous avez eu envie d'être président de la République, vous vous êtes présenté même à la primaire de la droite, Anne HIDALGO hier a appelé à débrider – donc ces questions, forcément, vous les avez à l'esprit – Anne HIDALGO, hier, a appelé à débrider la campagne de vaccination, il y a aujourd'hui un débat parlementaire à l'Assemblée, parce que ça ne tourne pas rond au niveau de la vaccination, il faudrait peut-être des logisticiens, est-ce qu'il faudrait que les vaccinodromes soient ouverts 24 heures sur 24, comme aux Etats-Unis par exemple, est-ce qu'il faudrait que ce soit géré par l'armée, par la Sécurité sociale ou bien par les pompiers ; c'est toutes ces questions qui se posent, vous avez quand même des réponses, vous ?
BRUNO LE MAIRE
D'abord, ces questions sont légitimes, ensuite, des réponses, je n'en ai pas, et je n'ai pas à en avoir, parce que je pense que c'est bien que le ministre de l'Economie et des Finances et de la Relance se concentre sur l'économie, les finances et la relance, en revanche, je trouve très bien qu'il y ait un débat sur ces sujets. Il y aura aussi un débat ce soit à l'Assemblée nationale sur un sujet qui me tient très à coeur, qui est celui de la dette, de la dette publique française, c'est très bien, c'est une grande démocratie, la France, donc il est légitime que nous ayons ces débats, et sur la vaccination, qui n'est pas de mon ressort, et sur la dette qui, elle, est de mon ressort, donc je ferai dès ce soir des propositions pour éteindre la dette sur le long terme.
ALBA VENTURA
Merci beaucoup Bruno LE MAIRE.
YVES CALVI
Je suis solidaire de mon gouvernement, une fois que les décisions sont prises, ce sont par définition des choses qui peuvent être améliorées, vient de nous dire Bruno LE MAIRE, la France ne peut s'en sortir qu'avec des mesures communes et concertées. Bruno LE MAIRE qui annonce une réflexion sur les liquidations de stocks hors périodes de soldes pour nos magasins. On vous retrouve, Monsieur le Ministre, dans une trentaine de minutes, puisque vous répondrez aux questions de nos auditeurs, ils vous les posent au 32 10 pour le Standard, et par SMS, avec le code matin au 64 900. Donc retour de Bruno LE MAIRE dès 08h20 sur RTL, pour répondre à toutes vos questions.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 mars 2021