Texte intégral
MARC FAUVELLE
Bonjour Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour.
MARC FAUVELLE
Des contaminations qui bondissent partout en France, nos voisins européens qui nous classent les uns après les autres en zone rouge, et des médecins désormais qui disent qu'ils vont devoir bientôt faire le tri entre les malades. Est-ce qu'on va droit dans le mur ?
BRUNO LE MAIRE
On va vers une aggravation, on le voit bien, de la situation sanitaire, je pense que chacun l'a constaté, je crois que le président de la République a été extrêmement clair ce week-end en disant que s'il y avait des mesures supplémentaires à prendre, ces mesures seraient prises. Je crois que si on prend juste un tout petit peu de recul, pour bien comprendre la méthode qui était celle du gouvernement, c'est d'adapter en permanence les dispositifs à la réalité de la situation sanitaire, essayer de conjuguer vie économique, vie sociale, et protection contre le virus, et adapter les dispositifs en fonction des résultats sanitaires, c'est ce que nous faisons depuis maintenant plusieurs semaines avec la volonté, à la fois parce que c'est la priorité absolue, de protéger la sécurité sanitaire des Français, mais de tenir compte aussi de ce que sont les conséquences économiques, les conséquences sociales, je dirais aussi les conséquences morales de la fermeture des commerces, d'une économie qui tourne, pas à plein régime, tout ça a des conséquences sur les Français, sur leur vie sociale, sur l'emploi. Et nous devons aussi en tenir compte.
MARC FAUVELLE
Mais est-ce qu'aujourd'hui, l'économie n'a pas pris le pas sur tout le reste, et surtout, sur le sanitaire ?
BRUNO LE MAIRE
Absolument pas, mais vraiment, je vous dis très clairement : absolument pas, parce que ce n'est pas comme ça que nous réfléchissons avec Olivier VERAN, avec le Premier ministre, avec le président de la République, il n'y a pas un camp contre l'autre, il n'y a pas l'économie contre la santé, d'abord, ce serait stupide, et ce serait irresponsable. Quand je fais les recommandations comme ministre de l'Economie et des finances au Premier ministre, au président de la République, c'est en tenant compte aussi de la sécurité sanitaire des Français. Quand Olivier VERAN fait des recommandations sanitaires, il a aussi à l'esprit qu'elles peuvent avoir des conséquences économiques, et que ces conséquences économiques peuvent être dramatiques.
MYRIAM ENCAOUA
Mais on a beaucoup entendu...
BRUNO LE MAIRE
Il y a un seul gouvernement, une seule majorité qui essaie de concilier sécurité sanitaire et maintien d'une activité économique, qui est vitale pour une nation comme la France.
MYRIAM ENCAOUA
Bruno LE MAIRE, on a beaucoup entendu ces derniers jours, dans la bouche de l'exécutif, qu'un jour de non-confinement, c'est un jour de gagné, vous le dites ce matin encore aujourd'hui ?
BRUNO LE MAIRE
Eh bien, je dis que, éviter aux Français le confinement, éviter la fermeture des écoles aussi longtemps que c'est possible, oui, c'est une bonne décision. Enfin, quand les enfants ne sont pas scolarisés...
MYRIAM ENCAOUA
Il n'y a pas d'entêtement de la part du président de la République ?
BRUNO LE MAIRE
Tous ceux qui ont des enfants le savent parfaitement, ce n'est pas la même chose d'avoir ses enfants chez soi, c'est pénalisant, c'est pénalisant pour les parents, c'est difficile de leur faire cours, le cours par visio, c'est très bien, mais chacun sait que c'est un pis-aller, que c'est beaucoup mieux qu'ils puissent être à l'école, chacun sait que les enfants les plus défavorisés sont ceux qui prennent le plus de retard lorsqu'ils ne vont pas à l'école, donc, oui, je pense que c'est un choix responsable de dire que tant que nous pouvons faire autrement que prendre des mesures de confinement strictes et fermer les écoles, il faut faire autrement, c'est le choix qui a été fait par le président de la République, et je pense que c'est un choix responsable.
MARC FAUVELLE
Donc l'exécutif aujourd'hui ne s'interdit rien, Bruno LE MAIRE, en fonction de l'évolution de l'épidémie, tout est sur la table, y compris le confinement version 1, version printemps 2020 ?
BRUNO LE MAIRE
Mais toutes les options sont sur la table pour garantir la sécurité sanitaire des Français, il faut juste s'assurer que c'est efficace, parce que je vois beaucoup de conseils qui sont donnés par les uns et par les autres, qui vous disent : oh, on aurait dû faire ceci, on aurait dû faire cela, enfin, je regarde aussi ce qui se passe dans d'autres pays européens, je vois qu'il y a des choix différents ont été faits de confinements d'ailleurs plus ou moins stricts, de confinements régionaux, de confinements nationaux avec des résultats qui sont malheureusement, reconnaissons-le, décevants, avec un coût qui est élevé, et des résultats sanitaires qui sont décevants, on le sait tous, la seule solution, il n'y en a pas deux, c'est la vaccination de masse, et c'est dans cette course-là que nous sommes engagés, accélérer la vaccination et essayer de limiter le plus possible des mesures qui, je le redis, quand on ferme une école, quand on ferme des commerces, quand on ferme une activité économique, ont des conséquences sociales, morales de long terme sur la nation française.
MYRIAM ENCAOUA
Justement, un mot sur les écoles, que va-t-il se passer pour les parents dont les enfants verront leur classe fermée ?
BRUNO LE MAIRE
Je ne suis pas ministre de l'Education nationale, donc il faudra poser la question à Jean-Michel BLANQUER...
MYRIAM ENCAOUA
Est-ce qu'il y aura des arrêts de travail, des mesures d'aide ?
BRUNO LE MAIRE
Mais vous voyez, rien que la question que vous posez montre à quel point il y a à chaque fois des conséquences en chaîne, et tous ceux qui vous expliquent que c'est très simple, c'est très facile, ils ont la solution toute faite, ceux-là ne sont pas aux responsabilités...
MYRIAM ENCAOUA
Chômage partiel, c'est possible de l'envisager ?
BRUNO LE MAIRE
Et ne mesurent pas est à quel point cela a des conséquences qui sont lourdes pour nos compatriotes.
MARC FAUVELLE
La liste des commerces fermés, Bruno LE MAIRE, a-t-elle vocation à changer dans les jours qui viennent, tout le monde vous a donné le même exemple ces derniers jours, pourquoi les vendeurs de chaussures sont fermés quand les cordonniers eux sont ouverts, pourquoi les coiffeurs sont ouverts quand les visagistes sont fermés, est-ce que tout ça est gravé dans le marbre, ou est-ce que tout ça peut encore bouger ?
BRUNO LE MAIRE
Non, la liste des commerces fermés ou autorisés à ouvrir ne changera pas, cette liste des commerces, nous l'avons arrêtée avec le président de la République et le Premier ministre il y a plusieurs jours, je ne dis pas que c'est une liste parfaite, on peut prendre chacun des exemples, je ne vais pas me lancer dans des explications techniques, pourquoi est-ce que les cordonniers sont ouverts, parce qu'ils sont dans le code des réparateurs, et que les réparateurs sont importants, pour les outils informatiques, par exemple, mais la liste des commerces ne changera pas, pourquoi, tout simplement parce qu'il y a une dégradation de la situation sanitaire, et je pense qu'il ne serait pas compréhensible qu'au moment où la situation sanitaire se dégrade, où c'est difficile pour les soignants, c'est difficile pour les personnels hospitaliers, nous envoyions un message d'ouverture d'autres commerces ; je sais à quel point c'est dur pour les commerçants, c'est pénalisant, je sais qu'il y a des incompréhensions, je suis à leurs contact et je les écoute tous les jours, tous les jours, tous les jours avec mon ministre délégué aux PME, Alain GRISET, nous soutenons...
MYRIAM ENCAOUA
Donc même si les mesures de restriction devaient durer, cette liste ne bougera pas ?
BRUNO LE MAIRE
Non, cette liste ne bougera pas. Je pense que, aujourd'hui, lancer le signal que nous rouvrons des commerces alors même que la situation sanitaire se dégrade, ça n'est pas l'intérêt général du pays....
MARC FAUVELLE
Et des fermetures...
BRUNO LE MAIRE
L'intérêt général du pays, c'est de bien faire comprendre que la situation sanitaire n'est pas satisfaisante, qu'il faut tous que nous respections les gestes barrière et que nous soyons responsables, moi, je veux dénoncer l'irresponsabilité totale de ceux qui font des carnavals à Marseille ou à Sète, qui pensent qu'ils font la révolution, ils ne font en fait que menacer la santé des autres, c'est tout, et je trouve que c'est une attitude qui est fortement condamnable, parce qu'elle touche la santé de leurs proches, donc au moment où cette situation sanitaire se dégrade, une fois encore, il ne serait pas compréhensible de modifier la liste des commerces. Moi, je suis à la disposition de tous les commerçants...
MARC FAUVELLE
Ni dans un sens ni dans l'autre, Bruno LE MAIRE, pas de fermetures supplémentaires ni d'ouvertures ?
BRUNO LE MAIRE
En tout cas, vous m'interrogez sur est-ce qu'on va élargir la liste des commerces qui sont autorités à ouvrir, la réponse est clairement non. Les Français ont besoin de clarté, je préfère assumer cette décision, le dire clairement à tous ceux qui nous écoutent, dire aussi aux commerçants que, comme toujours, ma porte est ouverte pour regarder comment les protéger, comment les indemniser, notamment sur la question des stocks sur laquelle nous avançons bien avec Alain GRISET, et les choses doivent être claires, nous n'ouvrirons pas de nouveaux commerces.
MARC FAUVELLE
C'est-à-dire sur les stocks, est-ce qu'on pourrait autoriser les commerçants à organiser des soldes exceptionnels, cet été par exemple en dehors des périodes classiques ?
BRUNO LE MAIRE
On peut les autoriser à faire des soldes exceptionnels, à liquider leurs stocks, je crois surtout que ce que nous proposons, c'est qu'il y ait un inventaire qui soit fait au moment où les commerces rouvriront, que cet inventaire, pour éviter tous les abus, soit fait par un tiers de confiance, et que sur la base de cet inventaire fait par un tiers de confiance, il y ait une indemnisation des commerçants qui sont concernés, avec une priorité, je le dis, vous avez cité des magasins de chaussures, pour l'habillement et pour tous les magasins d'habillement, les chausseurs en particulier, parce que c'est eux qui sont aujourd'hui les plus pénalisés par la fermeture des commerces.
MYRIAM ENCAOUA
Toujours avec Bruno LE MAIRE, ministre de l'Economie et des finances, on va parler de du plan de relance français, européen, mais d'abord quand est-ce que quoi qu'il en coûte va s'arrêter ?
BRUNO LE MAIRE
Il s'arrêtera quand la crise économique sera derrière nous, ce n'est pas au moment où la situation sanitaire se tend que nous allons expliquer aux commerçants qui sont fermés, aux restaurateurs, aux hôteliers qui souffrent....
MYRIAM ENCAOUA
Donc pas cette année, pas 2021... ?
BRUNO LE MAIRE
Aux touristes, au monde du tourisme que nous allons retirer les soutiens. Nous verrons, mois après mois, comment la situation évolue, ce que je veux garantir à tous ceux qui bénéficient des aides, c'est que nous ne retirerons aucune aide brutalement, on ne va pas perdre en quelques semaines le bénéfice de tout ce que nous avons gagné sur 14 mois, c'est-à-dire protéger les salariés, protéger les compétences et protéger les entreprises, la deuxième garantie que je veux donner, qui est très importante, c'est qu'il pourra être nécessaire de poursuivre le soutien à certains secteurs, je pense en particulier au secteur de l'industrie aéronautique, aux sous-traitants, c'est un secteur qui ne va pas redémarrer du jour au lendemain, c'est une affaire de 2 ou 3 ans, s'il faut par exemple prolonger le fonds qui permet aux PME de l'industrie aéronautique d'investir au-delà de début 2022, puisqu'il doit s'arrêter début 2022, moi, je suis prêt à regarder avec les acteurs de l'aéronautique s'il est nécessaire de prolonger ce fonds, parce que derrière, c'est toute la puissance économique du pays qui est en jeu, c'est des territoires, c'est des emplois, c'est des PME industrielles, et il est hors de question de perdre ces compétences.
MYRIAM ENCAOUA
Il y a d'autres secteurs à part l'aéronautique dans lesquels vous prolongez le soutien...
BRUNO LE MAIRE
Dans les secteurs industriels qui sont aujourd'hui les plus fragilisés par la crise, il y a l'industrie aéronautique, et puis, je pense aussi à tous les secteurs qui aujourd'hui vont faire l'objet de transition très brutale et qu'il faudra accompagner, prenez l'industrie automobile, le passage à la voiture électrique, qui s'accélère, va entraîner des transitions qui peuvent être brutales sur certains territoires, qu'est-ce qu'on fait des fonderies ? Moi, je propose que nous ayons un tour de table avec l'ensemble des acteurs des fonderies, qui font des fonderies à partir de pièces de fonte, qui sont très menacés ou très fragilisés par la disparition des moteurs thermiques qui est prévue d'ici quelques années, et qu'on regarde comment accompagner les salariés, comment accompagner les ouvriers, nous en avons discuté avec le secrétaire général de la CGT, Philippe MARTINEZ, je trouve que c'est une idée intéressante.
MYRIAM ENCAOUA
Alors, accompagner les salariés, c'est de la relance dans les secteurs stratégiques, industriels notamment, beaucoup estiment que le plan de relance au fond est mal calibré. François BAYROU estime que vous lésinez sur l'investissement, 60 milliards pour le plan de relance français.
BRUNO LE MAIRE
Je pense que c'est une mauvaise critique, et je pense que ce n'est pas voir les vrais enjeux de la relance, le vrai enjeu de la relance, je vais vous dire, c'est que l'argent aille à ceux qui en ont besoin, à ceux qui sont fragilisés par la crise, aux entreprises, aux industries, aux territoires, c'est ce qu'il y a de plus difficile, je suis allée par exemple à Fos-sur-Mer la semaine dernière, près de Marseille, on a investi 15 millions d'euros dans l'aciérie ARCELOR MITTAL pour qu'elle se décarbone, et là, on va voir un projet concret, une usine qui va être décarbonée, de l'argent qui va être décaissé, et des emplois pour les ouvriers au bout du compte, ça, c'est très concret, mais il faut des semaines pour trouver ce projet, pour le financer, pour monter le montage financier et s'assurer que l'argent crée bien de la relance économique...
MYRIAM ENCAOUA
Donc il est suffisant le plan de relance ?
BRUNO LE MAIRE
Donc mon défi pour 2021, et ce n'est pas que mon défi, c'est le défi de tous les Français, de tout le monde économique, c'est s'assurer que l'argent est décaissé, qu'il va là où on en a besoin, qu'il crée de la croissance et de l'emploi, et je veux dire très clairement, je veux dire simplement très clairement à François BAYROU, s'il est nécessaire au bout de l'année 2021, au début de l'année 2022, où on se dit : voilà, on a accéléré la relance, on a bien décaissé, il faut plus d'argent pour tel ou tel projet, on regardera à ce moment-là, mais c'est à ce moment-là seulement qu'il faudra faire le point.
MARC FAUVELLE
Donc pourquoi pas une rallonge au plan de relance, si je vous suis bien ?
BRUNO LE MAIRE
Mais parce que, aujourd'hui, une rallonge...
MARC FAUVELLE
Non, non, là, je reprends vos propos, ce n'était pas une nouvelle question, j'interprétais vos propos...
BRUNO LE MAIRE
Si nous voyons au début de l'année 2022 qu'il y a d'autres projets qui doivent être financés, que la relance ne suffit pas, très bien, mais aujourd'hui, on a 100 milliards d'euros qui sont disponibles, on en a décaissé 26, je vise à en décaisser 40 en 2021, si on arrive à décaisser plus que 40 en 2021 et qu'on voit qu'il y a d'autres projets qui restent sur la table, qui ont besoin de financement, on fera le point à ce moment-là, mais si on ne veut pas s'emmêler les pinceaux, je vais dire les choses très clairement, il faut procéder avec méthode, on a bâti le plan, on le décaisse et on verra fin 2021 si des moyens supplémentaires sont nécessaires.
MARC FAUVELLE
Le plan de relance, Bruno LE MAIRE, c'est 100 milliards d'euros, vous avez rappelé le chiffre, dans le même temps, les Français les plus aisés ont mis de côté depuis le début de la crise, un peu plus de 130 milliards d'euros, ça grimperait même à 200 milliards, si l'on en croit les prévisions de la BANQUE DE FRANCE ; est-ce que vous allez taxer cet argent ou inciter les Français qui ont de l'épargne à la retirer ?
BRUNO LE MAIRE
D'abord, je vous arrête tout de suite, ce n'est pas les Français les plus aisés, c'est tous les Français qui ont épargné, une minorité de Français qui sont en grande difficulté et que nous soutenons, avec tous les moyens qui ont été mis dans le plan de relance, mais c'est une grande majorité de Français qui ont pu mettre de l'argent de côté, d'ailleurs volontairement ou non...
MYRIAM ENCAOUA
Mais ce ne sont pas les plus modestes tout de même, vous le reconnaissez, qui ont épargné ?
BRUNO LE MAIRE
Mais c'est la majorité des Français, mais nous faisons des choses pour les plus modestes, et il ne faut pas oublier non plus les classes moyennes, il ne faut pas oublier ceux qui travaillent et qui ont pu épargner, il faut s'occuper de tous les Français, sans exception, en tout cas, ça a toujours été ma ligne de conduite...
MARC FAUVELLE
Taxe ou pas ?
BRUNO LE MAIRE
Et à tous les Français, sans exception, je vais dire des choses très claires : nous ne taxerons pas leur épargne, ce serait profondément injuste, alors qu'ils ont mis de l'argent de côté pour faire face à des dépenses imprévues pendant la crise, et ce serait totalement inefficace, parce que ça empêcherait justement la relance économique.
MARC FAUVELLE
Alors vous lisez la presse comme nous vous, vous voyez les papiers qui fleurissent depuis plusieurs semaines, sur l'angle, Bruno LE MAIRE veut favoriser les donations, favoriser les parents pour qu'ils donnent de l'argent à leurs enfants, les grands-parents, est-ce que c'est exact et est-ce que vous allez le faire ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, c'est exact, j'y suis favorable, qu'est-ce que nous pouvons faire de cette épargne, ces 200 milliards qui représentent quasiment le double du plan de relance lui-même, et donc qui vont être très précieux pour la relance de l'activité économique, d'abord, permettre aux Français d'investir dans l'économie, dans les PME, dans les entreprises, ils le font, 800.000 PEA qui ont été ouverts depuis deux ans, le plan d'épargne retraite que nous avons mis en place dans la loi Pacte, qui fonctionne remarquablement bien, les propositions de développement de l'actionnariat salarié qui ont été faites notamment par Jean Noël BARROT, on a réussi à développer l'actionnariat salarié en baissant les taxes sur cet actionnariat salarié, s'il faut aller plus loin, là aussi, nous sommes ouverts, parce que l'actionnariat salarié, c'est une très belle ambition, et que nous sommes un peu en retard par rapport à d'autres voisins européens. Et puis, il y a un deuxième aspect, c'est de dire...
MARC FAUVELLE
Et sur les donations ?
MYRIAM ENCAOUA
Et sur les donations alors, vous supprimez les impôts, jusqu'à combien de don ?
BRUNO LE MAIRE
Mais, soyons très concrets, vous avez un enfant de 20, 22 ans, il n'a pas pu faire son stage, il n'a pas eu son contrat, il n'a pas eu la rémunération sur laquelle il comptait, est-ce que vous ne trouvez pas que ce serait juste de permettre à sa grand-mère, à son grand-père, peut-être à ses parents, de lui donner quelques milliers d'euros, sans aucune taxe, sans aucun impôt, de façon à lui permettre de passer des mois qui viennent sans trop de difficultés...
MARC FAUVELLE
C'est déjà le cas aujourd'hui, Bruno LE MAIRE, on peut donner 115.000 euros tous les...
BRUNO LE MAIRE
Mais je parle des grands-parents, ce n'est pas 115.000 euros pour les grands-parents...
MARC FAUVELLE
Ah, c'est combien ?
BRUNO LE MAIRE
C'est beaucoup moins. Et je pense que permettre à des grands-parents de soutenir leurs petits-enfants, de soutenir les jeunes qui sont ceux qui ont probablement le plus souffert de cette crise économique et de cette crise sanitaire, moi, ça me paraît juste, est-ce que c'est une politique pour les riches, mais enfin, dans quel pays est-ce qu'on vit, donner quelques milliers d'euros à son petit-fils ou à sa petite-fille, pour moi, ce n'est pas une politique pour les riches, c'est une politique de justice pour les classes moyennes, pour la solidarité entre générations qui est si importante, c'est une manière de dire que nous sommes tous dans la même nation, que nous sommes tous solidaires, et qu'il faut permettre à ceux qui sont plus âgés d'aider ceux qui sont plus jeunes...
MARC FAUVELLE
Jusqu'à quel plafond on pourrait donner sans être taxé ?
BRUNO LE MAIRE
Je vais être très clair là aussi, ce sera un plafond réduit, parce qu'évidemment, si vous faites des plafonds qui sont trop élevés....
MYRIAM ENCAOUA
Combien ?
BRUNO LE MAIRE
Je ne vais pas vous donner de chiffres précis aujourd'hui, mais quand je dis...
MYRIAM ENCAOUA
10.000, 20.000 ?
BRUNO LE MAIRE
Quand je dis quelques milliers d'euros, ce n'est pas quelques dizaines de milliers d'euros, je pense que...
MARC FAUVELLE
C'est en milliers d'euros avec zéro taxe dessus...
BRUNO LE MAIRE
C'est zéro sur le montant que ça pourrait représenter...
MYRIAM ENCAOUA
Une fourchette peut-être ?
BRUNO LE MAIRE
Zéro taxe, zéro impôt, quelques milliers d'euros, pas plus, il ne s'agit pas de faire sauter les plafonds et de faire une politique qui, effectivement, pour le coup, là, bénéficierait uniquement aux catégories les plus aisées de la population française, de façon à marquer la solidarité entre générations, le soutien aux jeunes et la possibilité pour les grands- parents d'aider leurs petits-enfants sans aucune taxe et sans impôt...
MARC FAUVELLE
Voilà, et pour être parfaitement précis, uniquement pour les petits enfants ?
BRUNO LE MAIRE
Non, ça peut être les enfants ou les petits-enfants, mais je pense que ceux pour lesquels, c'est le plus judicieux, même si on peut laisser les choses totalement ouvertes, c'est pour les grands-parents, où là, le plafond est plus bas.
MYRIAM ENCAOUA
Elle est arbitrée cette mesure, cette proposition que vous faites ce matin par l'Elysée ?
BRUNO LE MAIRE
Mais elle sera arbitrée dans les jours qui viennent, mais j'ai l'habitude de défendre ce en quoi je crois. Et comme je crois à la solidarité entre générations, et je pense que ce principe de donation, s'il est limité et qu'on n'y a pas un plafond trop élevé est une bonne chose, j'ai l'habitude de défendre des idées dans lesquelles je crois.
MYRIAM ANKAOUA
Bruno LE MAIRE, dans le dossier AIR FRANCE, Bruxelles réclame des contreparties au plan de sauvetage, est-ce qu'on est près d'un accord ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, nous sommes sur le point de conclure un accord avec la Commission européenne sur le dossier AIR FRANCE Je pense que c'est une très bonne chose. La négociation aura été longue et difficile, elle n'est pas encore totalement achevée, mais elle est sur le point de s'achever. Ensuite la Commission européenne devra adopter définitivement cette décision, c'est une affaire de jours pour moi, parce que maintenant le temps presse, et puis cette décision devra être soumise au Conseil d'administration d'AIR FRANCE.
MYRIAM ANKAOUA
Alors, quelles sont les contreparties aux aides d'Etat ? Est-ce qu'AIR FRANCE va devoir fermer des lignes, supprimer des postes ?
BRUNO LE MAIRE
Il ne s'agit pas de fermer des lignes ou de supprimer des postes, il y a des contreparties qui sont demandées pour maintenir une concurrence, qui sont une concurrence loyale entre AIR FRANCE et les autres compagnies aériennes. On a beaucoup et longuement négocié. Pourquoi ? Parce que je ne voulais pas que les décisions qui soient demandées à AIR FRANCE puissent affaiblir cette grande entreprise nationale, que précisément nous voulons soutenir, ça aurait été totalement contradictoire. Je pense que nous approchons d'un règlement qui est juste, qui sera protecteur pour AIR FRANCE, qui garantira nos intérêts, dans le respect du droit de la concurrence.
MARC FAUVELLE
Et qui passera par une hausse de la participation de l'Etat, aujourd'hui c'est 14 % l'Etat dans AIR FRANCE, ce sera beaucoup plus à la sortie ?
BRUNO LE MAIRE
Ça je ne vais pas vous donner de chiffres là-dessus, tant que la décision n'est pas définitivement arrêtée par la Commission et validée par le Conseil d'administration d'AIR FRANCE. Là aussi respectons la méthode et respectons les étapes. Et le fait que nous approchions d'une solution définitive pour AIR FRANCE est une très bonne nouvelle pour AIR FRANCE.
MARC FAUVELLE
Un mot sur une réforme qui va entrer pleinement en vigueur dans quelques mois, le 1er juillet c'est la réforme de l'assurance chômage, les dernières prévisions de l'UNEDIC, le régime qui gère les indemnisations chômage, disent que 1,1 million de demandeurs d'emploi vont y perdre et qu'en moyenne la perte sera de 17 %, ce qui n'est pas négligeable. Est-ce que vous soutenez cette réforme avec le même enthousiasme que vous avez soutenu la réforme des donations il y a quelques instants ?
BRUNO LE MAIRE
C'est le même UNEDIC je crois qui nous avait annoncé 900 000 suppressions d'emplois en 2020. Il y en a eu 330 000. Donc je prendrai les estimations de l'UNEDIC avec beaucoup de précautions.
MARC FAUVELLE
C'est une réforme qui va faire des économies à la fin, ça on le sait, non ?
BRUNO LE MAIRE
C'est une réforme surtout qui va mettre de la justice. Vous trouvez ça juste vous que lorsque vous êtes en permittence, c'est-à-dire lorsque vous enchaînez les CDD, vous êtes mieux indemnisé que lorsque vous êtes en travail à temps partiel ? Vous trouvez ça juste que le temps moyen du contrat à durée déterminée en France soit passé de 10 à 5 jours ? Vous trouvez ça juste qu'on emploie 10 fois plus de CDD en France que dans les autres pays européens ? Vous trouvez ça juste cette précarité organisée ? Vous trouvez ça efficace d'avoir 40 milliards d'euros de dette du régime de l'UNEDIC ? Il y a un moment donné où il faut simplement que l'on dise la vérité aux Français et qu'on arrête de considérer comme négligeables des réalités qui vont se rappeler à nous. Avoir un régime d'assurance chômage déficitaire de 40 milliards d'euros ce n'est pas bon et c'est une préoccupation pour tous ceux qui sont menacés par le chômage. De la même façon que je vous dirai...
MARC FAUVELLE
Donc il y a bien des économies à faire.
BRUNO LE MAIRE
Mais, il y a des économies à faire mais surtout il y a de la justice à mettre dans le dispositif. Il y a de plus en plus de contrats à durée déterminée et ils sont de plus en plus courts, donc mettre en place un bonus-malus pour favoriser ceux qui développent des contrats longs et au contraire sanctionner le recours excessif aux contrats courts...
MYRIAM ANKAOUA
Mais ce n'est pas cette mesure qui est d'application immédiate. Bruno LE MAIRE, Laurent BERGER, la CFDT estime que cette réforme est un non-sens, vous ne pouvez pas inciter au retour à l'emploi au moment où il n'y a pas d'emploi. Qu'est-ce que vous lui répondez ?
BRUNO LE MAIRE
Mais je ne suis pas d'accord avec cette analyse, parce qu'on a le sentiment que l'économie française serait aujourd'hui sans aucune perspective, et c'est exactement l'inverse que je crois. Je crois qu'il y aura en 2021 le retour à une croissance forte, je pense que l'économie française a monté...
MYRIAM ANKAOUA
Combien ?
BRUNO LE MAIRE
Je maintiens le chiffre de 6% de croissance pour 2021, ça doit être notre objectif collectif. Je pense que nous arriverons à recréer des emplois dans les prochains mois, et d'ailleurs je rappelle qu'il y a une clause de retour à meilleure fortune qui protège dans l'application de cette réforme, et je vous dirais la même chose aussi de la réforme des retraites. Regardons la réalité en face. Vous savez, la politique ce n'est pas se mettre la tête sous le sable et ignorer des réalités. Nous ne pouvons pas avoir un régime d'assurance chômage...
MYRIAM ANKAOUA
Il faudra la faire cette réforme avant la fin du quinquennat.
BRUNO LE MAIRE
... structurellement déficitaire. Nous ne pouvons pas continuer à avoir un système de retraite par répartition, si nous ne savons pas le financer correctement, parce que c'est prendre une responsabilité écrasante vis-à-vis des générations qui viennent.
MARC FAUVELLE
Quand vous dites ça à Emmanuel MACRON, Bruno LE MAIRE...
BRUNO LE MAIRE
La politique c'est dire la vérité, voir les réalités en face et apporter des solutions justes et efficaces aux Français.
MARC FAUVELLE
Quand vous dites ça Emmanuel MACRON : « Il faut faire la réforme des retraites », qu'est-ce qu'il vous répond aujourd'hui ?
BRUNO LE MAIRE
Mais ces discussions entre le président de la République et son ministre des Finances ne regardent que le président de la République et son ministre des Finances. Il faut juste savoir...
MARC FAUVELLE
Il y a encore une chance juste infime qu'elle se fasse, cette réforme ?
BRUNO LE MAIRE
Il faut juste savoir Marc FAUVELLE, si nous voulons garantir à nos enfants et nos petits-enfants le même niveau de vie, la même prospérité, que celle que nous avons eu, et moi je sens que c'est notre responsabilité collective. Il ne s'agit pas de faire des choses brutales, il s'agit juste de dire que si nous voulons protéger un système de soins, un système de protection sociale qui est un des plus généreux au monde, il faut aussi que nous acceptions tous collectivement de travailler davantage, le moment venu, je ne vous dis pas qu'on va la faire demain ou après-demain cette réforme...
MYRIAM ANKAOUA
Mais quand ? Avant 2022 ?
BRUNO LE MAIRE
... je dis simplement que lorsque la croissance sera de retour, lorsque le pays ira mieux, lorsque nous nous remettrons à créer des emplois, cette question des retraites, comme aujourd'hui la question de l'assurance chômage, reviendra au premier plan.
MYRIAM ANKAOUA
Mais quand précisément ? Avant la fin du quinquennat ou pas ?
BRUNO LE MAIRE
Mais je ne suis pas Madame Soleil, je ne suis pas Madame Irma, je ne peux pas vous dire au jour près ou à la semaine près quand est-ce que nous recréerons des emplois et quand est-ce que la croissance redécollera vraiment, je pense que c'est pour la fin de l'année...
MARC FAUVELLE
Vous venez de nous dire 6% cette année.
BRUNO LE MAIRE
Je pense que c'est pour la fin de l'année, mais tout ça se joue à la semaine ou au mois près, donc attendez de voir ce qui se passera, je dis simplement sur le long terme que les Français aient confiance, l'économie française sortira plus forte, plus juste, plus décarbonée de cette crise.
MARC FAUVELLE
Merci Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Merci à vous.
MARC FAUVELLE
Et bonne journée à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 mars 2021