Interview de Mme Marlène Schiappa, ministre de la citoyenneté, à Sud Radio le 30 mars 2021, sur l'épidémie de Covid-19 et la loi sur les principes républicains.

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Média : Emission La Tribune Le Point Sud Radio - Sud Radio

Texte intégral

PATRICK ROGER
Bonjour Marlène SCHIAPPA.

MARLENE SCHIAPPA
Bonjour.

PATRICK ROGER
Avec un petit décalage, vous êtes à distance. Alors, zéro mort à Londres dimanche, on l'évoquait tout à l'heure avec l'auditrice, résultat d'un confinement plus dur et d'une vaccination massive, est-ce que c'est la recette à suivre ?

MARLENE SCHIAPPA
Alors moi, écoutez, je ne suis pas épidémiologiste, ni médecin, donc je ne vais pas prétendre savoir donner des recettes, mais ce que je peux vous dire c'est que la France est extraordinairement mobilisée sur la question de la vaccination, vous avez vu que le président de la République s'est déplacé hier, dans une démarche qu'il a appelé le « aller vers », c'est-à-dire aller identifier les personnes qui n'ont pas encore été vaccinées, de plus de 75 ans, aller vers elles, les faire contacter, pour qu'elles soient, au mieux vaccinées, et au plus... le vaccin c'est notre lumière au bout du tunnel pour nous sortir enfin de cette pandémie.

PATRICK ROGER
Pour ça il faudrait étendre davantage justement la vaccination à des populations parmi les actifs, c'est ce qui est évoqué par certains aujourd'hui, pour pouvoir casser un petit peu les chaînes de contamination.

MARLENE SCHIAPPA
Oui, oui alors le président de la République a expliqué là encore quelle était la stratégie, c'est-à-dire de vacciner d'abord les personnes les plus fragiles, les plus à risque, et notamment les personnes les plus âgées. Moi j'étais samedi à Valence, avec le Premier ministre Jean CASTEX nous étions dans un centre de vaccination, dans l'hôpital de Valence, et nous avons pu rencontrer des soignants qui sont extraordinairement mobilisés, et je veux une fois encore leur rendre hommage et leur dire merci vraiment pour cette mobilisation extraordinaire qui est la leur. Il y a des personnes, une dame, qui était infirmière scolaire habituellement, qui est venue prêter main forte à l'hôpital, des gens qui sont venus d'autres services pour organiser la vaccination, y compris d'un point de vue administratif, et ça je crois que ça doit être salué. Et puis par ailleurs on a pu rencontrer, avec le Premier ministre, beaucoup de personnes, notamment parmi les plus anciens, ou les plus fragiles, venues se faire vacciner, et ça c'est positif, parce que rappelez-vous, il y a encore quelques semaines, quelques mois plutôt, on débattait de savoir si la France allait accepter le principe de la vaccination, il y avait beaucoup de choses qui circulaient, de propos anti-vaccin qui circulaient, et là j'ai l'impression qu'il y a au contraire une envie, un désir, de se faire vacciner et ça c'est très positif.

PATRICK ROGER
Mais il n'y a pas forcément suffisamment de doses. Est-ce qu'il faut arrêter les tabous, par exemple avec le vaccin SPOUTNIK, et pourquoi pas avoir recours à ce vaccin s'il le faut ?

MARLENE SCHIAPPA
Alors moi, écoutez, très honnêtement, comme je vous l'ai dit, je ne suis pas médecin, je ne suis pas épidémiologiste, ni ministre de la Santé, donc je ne veux pas me perdre en conjoncture sur, ni donner des avis scientifiques sur l'efficacité de tel ou tel vaccin, je ne sais pas, j'ai des avis très tranchés sur les questions de laïcité, sur les questions d'égalité entre les femmes et les hommes, sur les questions scientifiques d'analyse d'efficacité des vaccins je vais les personnes compétentes en la matière exprimer un avis.

PATRICK ROGER
On comprend bien. Marlène SCHIAPPA, puisque vous êtes au ministère de l'Intérieur, en charge de la citoyenneté, il y a quand même les élections régionales qui pourraient être repoussées, le Conseil scientifique laisse le soin à l'exécutif de trancher. Quand est-ce qu'il y aura une décision, une annonce éventuellement ?

MARLENE SCHIAPPA
Alors, vous avez absolument raison de rappeler le contexte. Moi j'ai représenté le gouvernement à l'Assemblée nationale et au Sénat justement pour voter une première loi de report des élections régionales, elles étaient prévues plus tôt, et les parlementaires ont décidé de voter le report en juin, et donc à l'heure actuelle les élections régionales, et les départementales, elles sont prévues le 13 et le 20 juin. Nous avons reçu hier, le gouvernement a reçu ce rapport du Conseil scientifique et maintenant nous allons, émettre cet avis plus exactement du Conseil scientifique et nous allons formuler un rapport pour le remettre aux parlementaires, je serai auditionnée au Sénat le 1er avril pour présenter la position du gouvernement, qui sera donc officielle à ce moment-là, puisque nous avons besoin encore d'étudier cet avis, de consulter les uns et les autres. Moi j'observe qu'à ce stade il y a plutôt des responsables politiques qui se sont prononcés pour le maintien au mois de juin des élections régionales et départementales, il faut, encore une fois, que le Parlement se prononce, le Parlement c'est une chambre de débats, mais c'est aussi une chambre de décisions, et donc il reviendra aux parlementaires de s'exprimer. Et je veux juste préciser que si nous devions reporter les élections régionales et départementales, ce n'est pas le gouvernement seul qui pourrait le faire, on passerait par une loi, et c'est pourquoi je rappelle que dans ce cas-là ce serait les parlementaires qui auraient le dernier mot.

PATRICK ROGER
Marlène SCHIAPPA, la loi sur les principes républicains pendant 15 jours au Sénat, la majorité de droite veut plutôt durcir un peu le texte, notamment sur la limitation du port du voile, sorties école, services publiques, compétitions sportives, est-ce que ça fait partie des mesures sur lesquelles vous pourriez être vous-même d'accord ?

MARLENE SCHIAPPA
Moi je crois qu'il est fondamental de rappeler deux choses. Un, de rappeler la liberté de conscience dans notre pays, une personne qui souhaite pratiquer une religion et arborer un signe religieux dans l'espace public, dans la rue, en se promenant, etc., que ce soit un voile, une kipa, une croix autour du cou ou d'autres choses, c'est tout à fait possible et permis, la loi de 1905 prévoit que chacun a la liberté de pratiquer sa religion sans être inquiété pour que cela. Maintenant il y a une particularité, c'est la laïcité à la française, il y a une neutralité religieuse, notamment en ce qui concerne les services publics, et donc je suis aussi très attachée à ce que toute personne qui est fonctionnaire, qui représente l'Etat, quelqu'un qui est au guichet au service des impôts, ou de la CAF par exemple, n'arbore pas de signe religieux. Et d'ailleurs, dans cette loi, le gouvernement a déjà étendu l'obligation de neutralité religieuse, puisque nous l'avons étendue aux délégataires de service public, c'est très important parce que ça concerne les transports notamment. Vous savez, il y a eu un certain nombre de rapports parlementaires et d'enquêtes journalistiques, ces dernières années, qui nous ont expliqué qu'il y avait des dérives en la matière, notamment dans le secteur des transports, on a entendu parler par exemple d'un chauffeur qui, un conducteur de bus qui ne voulait pas passer après une femme, ou qui ne voulait pas saluer ses collègues femmes, ce sont des affaires qui ont été révélées publiquement, eh bien grâce au projet noir que nous sommes en train de porter avec Gérald DARMANIN sur les principes républicains, désormais ça, ça ne sera plus possible, puisque la neutralité religieuse elle sera étendue, y compris aux délégataire de services publics.

PATRICK ROGER
Il y a, dans la même veine, Marlène SCHIAPPA, certains qui voudraient interdire le port du burkini aussi dans les piscines et les espaces de baignades, quelle est votre position ?

MARLENE SCHIAPPA
Le port du burkini théoriquement il n'est pas permis dans les piscines municipales, il y a souvent des règlements intérieurs, et moi d'ailleurs j'ai été très fortement opposée à l'inertie du maire Europe Ecologie-Les Verts de Grenoble qui avait laissé faire en disant que c'était une forme de liberté d'expression et qui avait mis des jours avant de réagir lorsque la ville de Grenoble, la piscine municipale de Grenoble, avait été la cible d'une action coup de poing avec des personnes en burkini qui voulaient imposer le port du burkini. Moi je crois qu'il convient de respecter la loi, mais aussi les règlements, et donc quand il y a un règlement intérieur d'une piscine municipale qui dit qu'on ne porte pas burkini, je crois qu'il est important de le respecter.

PATRICK ROGER
Il y a aussi, Marlène SCHIAPPA, dans ce texte, le contrôle des associations avec une charte, notamment sur le respect de la laïcité, etc., est-ce que dans le cas présent de la mosquée de Strasbourg, dont on a beaucoup parlé ces derniers temps, est-ce que cette charte sera suffisante pour limiter la direction de cette future mosquée ?

MARLENE SCHIAPPA
En ce qui concerne la mosquée de Strasbourg, d'abord je veux peut-être rappeler à vos auditrices et auditeurs qui n'auraient pas suivi tous les épisodes, que moi, avec Gérald DARMANIN et avec plusieurs personne, nous nous sommes opposés très fermement à la décision du groupe Europe Ecologie-Les Verts de Strasbourg, puisque la maire Europe Ecologie-Les Verts de Strasbourg a voté une subvention de 2,5 millions d'euros pour cette mosquée qui promeut l'islam politique et qui a refusé de ratifier la charte des cinq fédérations de l'islam pour reconnaître la prévalence des lois de la République. Moi j'ai demandé, et je demande encore, à la maire de Strasbourg de renoncer à ce projet de financement, 2,5 millions d'euros, je rappelle, ça représente des places en crèche pour 200 familles pendant 1 an.

PATRICK ROGER
Oui, mais c'est dans le cadre aussi... il y a le concordat, il y a en fait, vous le savez, certaines règles là-bas, c'est dans ce cadre-là que ça avait été décidé.

MARLENE SCHIAPPA
Alors, j'ai entendu qu'elle donnait cet argument, et je ne suis pas sûr que vous-même vous soyez convaincu par son argument si je peux me permettre, parce que le concordat, vous savez, les règles concordataires elles permettent un certain nombre de choses, mais elles n'obligent pas la municipalité de Strasbourg à financer cela. Et donc, oui, moi je crée un contrat d'engagement républicain, qui est un contrat que toute association devra signer dès lors qu'elle demande de l'argent public, et si l'association ne respecte pas les principes de la République déterminés dans ce contrat, les subventions cesseront et il sera possible de se faire rembourser les subventions qui auront été versées dans le passé.

PATRICK ROGER
Sur la charte, encore une question, sur cette fois-ci les couples homosexuels et le mariage. La Grande Mosquée de Paris a dénoncé vos propos en les jugeant inacceptables, qu'est-ce que vous répondez encore aujourd'hui, alors qu'on étudie aussi ce texte sur les principes des lois républicaines ?

MARLENE SCHIAPPA
D'abord vous dire que j'ai reçu immédiatement après, avec beaucoup de plaisir au ministère, le recteur de la Grande Mosquée de Paris, et que nous avons pu dialoguer les yeux dans les yeux, parce qu'il y a des propos que j'ai tenus qui ont été complètement déformés et auxquels certains ont donné en outre sens en faisant croire que je voudrais écrire les prêches des mosquées ou d'autres religions, ce n'est absolument pas le cas, je rassure tout le monde, je n'ai pas vocation à écrire les prêches, j'écris les lois, c'est déjà une grosse responsabilité.

PATRICK ROGER
Ça pouvait être ambigu dans ce que vous disiez !

MARLENE SCHIAPPA
Oui, probablement, quand un message est mal compris c'est qu'il est mal émis, donc probablement j'ai manqué de clarté, et je le déplore, j'ai été plus claire ensuite, et tout simplement ce que je demande c'est qu'on respecte les lois de la République, dans les lois de la République il y a le mariage pour deux personnes de même sexe, et je souhaite qu'on s'engage contre l'homophobie, et là-dessus moi j'ai eu un dialogue très franc et très constructif avec le recteur de la Grande Mosquée de Paris, qui a rappelé d'abord qu'il souhaitait sa liberté dans l'écriture des prêches et je lui ai rappelé que je n'allais pas les écrire, et que ce n'était pas mon ambition, mais qui m'a également rappelle son engagement pour rejeter toutes les discriminations, y compris les haines vis-à-vis des personnes homosexuelles.

PATRICK ROGER
Dernière question Marlène SCHIAPPA, à propos d'ambiguïté, vous qui venez des rangs de la gauche, est-ce que vous estimez qu'elle doit davantage se prononcer sur toutes les polémiques actuelles, et notamment celle qui a concerné récemment l'UNEF et Audrey PULVAR ?

MARLENE SCHIAPPA
Absolument, et moi je déplore d'ailleurs qu'on dise que ce sont des polémiques, comme si c'était des choses anecdotiques, à la surface, c'est fondamental. L'idée qu'on se fait de la citoyenneté, c'est fondamental. Dire qu'il y aura des citoyennetés ou des droits et des devoirs de citoyen à géométrie variable en fonction des moments et en fonction de la couleur de votre peau, c'est inacceptable, et moi je refuse d'être prise en étau entre d'un côté l'extrême droite identitaire, avec des théories racistes, et de l'autre côté des indigénistes qui ont des théories tout aussi identitaires, donc oui, moi je viens de la gauche républicaine, je suis très attachée aux questions de laïcité, aux questions d'égalité entre les femmes et les hommes, et j'attends de la gauche qu'elle clarifie ses positions sur ces questions-là.

PATRICK ROGER
Merci Marlène SCHIAPPA, ministre déléguée délégué en charge de la citoyenneté, qui était ce matin l'invitée de Sud Radio.

MARLENE SCHIAPPA
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 31 mars 2021