Texte intégral
Q - Les vacances de printemps sont bousculées, les déplacements limités, et les règles encore confuses. L'invité éco, ce soir, est Jean-Baptiste Lemoyne. Bonsoir.
R - Bonsoir.
Q - Secrétaire d'Etat chargé du tourisme. Le week-end de Pâques commence, Jean-Baptiste Lemoyne. Les Français qui veulent partir ce week-end ont-ils le droit de partir ?
R - Le Président, dans son allocution, a précisé qu'il y avait une tolérance ce week-end en vue de changer de résidence pour s'isoler, mais cela veut dire : pour s'isoler pour les semaines à venir. Donc, c'est quand même un week-end de Pâques qui n'est pas tout à fait comme les autres. On en appelle encore à la responsabilité des Françaises et des Français, responsabilité dont ils ont fait preuve depuis le début. Et moi, je tire mon chapeau, parce que, que ce soit du côté des Français, que ce soit du côté des acteurs du tourisme, on vit des moments compliqués, mais c'est cette patience, cet effort de patience qui va payer, et nous permettra aussi, je l'espère, d'avoir une saison estivale qui sera la plus normale possible.
Q - Mais quelqu'un qui veut partir demain matin et rentrer, lundi soir, pour s'aérer avant les nouvelles restrictions, que lui arrive-t-il ?
R - Ce n'est pas la philosophie. La philosophie, c'est de pouvoir prendre la route lorsque l'on a besoin, par exemple, pour s'organiser, faire le choix de passer les prochaines semaines peut-être au vert, dans une logique non plus métro-boulot-dodo, mais rando-boulot-télétravail et dodo. Et donc, on n'est pas là dans un week-end où chacun s'égaille...
Q - Donc c'est un appel, mais il n'y a pas de contrainte, il n'y a pas de contrôle là-dessus ?
R - Alors les contrôles vont être renforcés à partir de lundi, cela a été annoncé, parce que...
Q - Donc, il n'y en aura pas ce week-end, c'est ce que l'on a compris. Est-ce que les Français ont le droit de voyager dans un autre pays européen ?
R - Sur le papier, il reste possible de se déplacer dans l'Union européenne, mais beaucoup de pays ont mis en place des quatorzaines à l'égard des Français. C'est le cas de l'Italie, c'est le cas de l'Espagne, etc... Et donc, en fait, on est en train de travailler pour regarder s'il ne faut pas, par cohérence, tout de même restreindre encore ces déplacements au sein de l'Union européenne. Donc, aujourd'hui, on décommande, en tous les cas, les déplacements qui ne sont pas sérieux.
Q - Donc c'est ça, ce n'est pas interdit, donc. À l'intérieur de l'hexagone, les déplacements sont limités, mais si je veux prendre un avion pour une capitale européenne, je peux ?
R - C'est pour cela que nous sommes en train de travailler sur le sujet pour, le cas échéant, prendre une mesure. Mais, encore une fois, je n'incite pas nos compatriotes à le faire, parce que de nombreux Etats ont pris des mesures, et passer cinq jours en quatorzaine...
Q - Mais vous entendez l'incohérence ?
R - C'est pour cela qu'on est en train de regarder pour, peut-être, ajuster ce point-là.
Q - Beaucoup de professionnels doivent tout réorganiser, en France, fermer des résidences de tourisme qui devaient ouvrir, annuler des réservations. Ils nous l'ont dit, depuis quelques heures. Depuis le début de la crise, le secteur a reçu 26 milliards d'aides. Est-ce qu'il y aura de nouvelles aides avec ces nouvelles restrictions ?
R - Alors, en fait, on va poursuivre les dispositifs existant pour faire face à ce nouveau choc. Cela veut dire très concrètement, par exemple : l'activité partielle prise en charge à 100% dans le secteur du tourisme se poursuit. De ce point de vue-là, le compteur va continuer à tourner, on en est à plus de 6 milliards d'euros, déjà décaissés. Mais c'est un choix aussi que l'on fait, c'est le choix de préserver l'outil économique, d'aider ces acteurs à passer le cap pour mieux rebondir.
Et rebondir, c'est aussi une logique d'investissement, et par exemple, nous avons mis en place un plan de 1,3 milliard d’investissement qui fait que par exemple, la banque des territoires ou Bpi peuvent intervenir en fonds propres sur des projets portés par des acteurs du tourisme, parce qu'on considère que la France reste la France, Paris reste Paris, Biarritz reste Biarritz, Vézelay reste Vézelay etc... Et donc, nous avons des fondamentaux qui sont très solides, il convient de les aider à rebondir.
Q - Et donc, sur la distance, combien de temps ?
R - Vous savez, on a toujours été pragmatique, depuis le début de la crise. On a sans cesse ajusté les dispositifs. La semaine dernière encore, par exemple, on a ouvert le guichet pour que les remontées mécaniques puissent déposer leurs dossiers d'indemnisation - jusqu'à 70% de leurs coûts fixes -. Et nous continuons les travaux pour, à chaque fois, mettre fin à certains trous dans la raquette : je travaille avec les entreprises du voyage, je sais qu'elles sont très impactées. Et elles aimeraient pouvoir aussi disposer de certains dispositifs. Donc, vous voyez, c'est un travail que l'on fait chaque semaine, avec le comité de filière tourisme pour essayer de ne laisser personne sur la route.
Q - Ces nouvelles restrictions, combien vont-elles coûter au secteur du tourisme ?
R - Alors, ces restrictions ont été chiffrées, je crois, enfin, elles sont en cours de chiffrage, de façon générale, pour l'économie française. On parle de 9 à 10 milliards d'euros. Le secteur du tourisme représente environ 8 à 10%, et donc on voit qu'il est lui, en revanche, particulièrement exposé.
Q - Cela fait combien à peu près ?
R - Vous savez, on est plutôt dans une logique de constat ex post. On n'est pas là à compter les sous, on est là tout simplement pour mettre en place les dispositifs qui vont permettre de garder la tête hors de l'eau. Il s'agit de cela : de survie, en fait.
Q - Parlons de la suite. Le chef de l'Etat a annoncé la réouverture progressive de certains lieux à partir de mi-mai. Est-ce qu'il faudra pour les Français un pass sanitaire pour aller, quand c'est possible et quand ce sera possible, au restaurant, pour rentrer dans un musée, pour aller dans un parc d'attractions, est-ce qu'il faudra prouver qu'on est immunisé contre le virus ?
R - Ce n'est pas l'esprit qui anime le Gouvernement. Olivier Véran, hier, au Sénat, a dit qu'il n'était pas spécialement favorable à ce type de dispositif, parce qu'il y aurait d'ailleurs une inégalité, quelque part, parce que tout le monde ne sera pas vacciné au 15 juin, on en sera à 30 millions de personnes sur l'ensemble des Français, même si ça monte très fort. Donc, l'idée, c'est qu'on travaille avec Cédric O, qui est secrétaire d'Etat au numérique, à une application, justement, une sorte de tousanticovid version améliorée en matière de tracing pour s'assurer que quand on va dans un établissement, en scannant le QR-code qui est à l'entrée, si quelqu'un se déclare positif, on peut être prévenu, si l'on était au même moment, etc... Donc on est sur ces réflexions - et je dis réflexions, parce que l'on souhaite aussi, naturellement, travailler avec le comité national d'éthique, avec la CNIL... pour que cela se fasse dans les règles de l'art.
Q - Mais donc, c'est plutôt "non" sur le pass sanitaire, mais la Commission européenne prépare son système de passeport sanitaire pour permettre - et c'est important - des voyages à l'intérieur de l'Union à l'horizon de l'été, au milieu du mois de juin. Quand la France va-t-elle adopter ce système ?
R - C'est un travail qu'on fait en Européens, en commun, les ministres du tourisme. Et il s'agit, plutôt que d'un passeport sanitaire, parce que je récuse l'expression : le passeport, on a l'impression que si l'on n'est pas vacciné, on ne peut pas se déplacer. Là, c'est plutôt ce que l'on appelle un certificat sanitaire - une application - dans laquelle on pourra mettre soit son certificat de vaccination, soit la preuve du fait que l'on est immunisé, parce qu'on a été atteint, qu'on est guéri, soit le test PCR négatif. Parce que certains pays maintiendront, pour les gens qui ne sont pas vaccinés peut-être, la demande d'un test PCR négatif. Il s'agit que chacun puisse, d'une façon ou d'une autre, montrer qu'il ne fait pas courir de risque, que lui-même ne court pas de risque...
Q - Et c'est quand, en France ?
R - C'est un travail qui est conduit en Européen, la Commission a présenté sa copie il y a dix jours, et le Parlement européen devrait statuer au mois de juin. Donc, c'est deuxième quinzaine de juin que ce dispositif européen devrait voir le jour.
Q - En France aussi.
R - En Europe, et puis après, les Etats membres restent libres de leur politique par rapport à un certain nombre d'admissions, de circulations, etc...
Q - Et donc, on le fera ?
R - On est en train d'y travailler, je ne peux pas vous donner les résultats avant la fin, mais c'est pour vous dire qu'on y est, d'arrache-pied, avec Thierry Breton, le commissaire en charge.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 avril 2021