Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bruno LE MAIRE, bonjour.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Jean-Jacques BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Demain, jeudi, réunion présidée par Emmanuel MACRON, sur les protocoles de réouverture progressive des lieux accueillant du public. Ça veut dire quoi, ça veut dire qu'à partir du 15 mai, vous confirmez une réouverture progressive ?
BRUNO LE MAIRE
Non, je ne confirme pas, Jean-Jacques BOURDIN, sinon la réunion de demain ne servirait à rien, donc il faut justement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous préparez cette réouverture demain…
BRUNO LE MAIRE
Préparer la réouverture, ça veut dire quoi, ça veut dire regarder d'abord le calendrier, regarder ensuite les différentes activités, ce n'est pas la même chose un restaurant, un restaurant terrasse ou un restaurant en salle, un restaurant, un hôtel, un bar, ce n'est pas forcément la même situation, et regarder ensuite les protocoles sanitaires dont on accompagne les réouvertures, pour que la réouverture soit réussie, moi, je souhaite évidemment que la réouverture se fasse sur des bases solides, des bases sanitaires solides, qui sécurisent le client et qui nous garantissent que, ensuite, on n'est pas forcé à refermer à nouveau.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais à partir du 15 mai ?
BRUNO LE MAIRE
Je ne donnerai pas de calendrier.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne donnez pas de calendrier, le président de la République avait parlé du 15 mai, ce n'est pas moi, Bruno LE MAIRE…
BRUNO LE MAIRE
15 mai fait partie des hypothèses, bien entendu, mais on suit l'évolution sanitaire, la manière dont circule le virus et dont nous arrivons à limiter la circulation du virus, et c'est sur cette base-là que les décisions sont prises, et les décisions sont prises par le président de la République et par le Premier ministre ; le ministre de l'Economie et des Finances ne prend pas de décision sur les calendriers.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, il y a cette inquiétude autour du variant brésilien, tous les vols entre le Brésil et la France sont suspendus jusqu'au 19, je crois, c'est bien cela ?
BRUNO LE MAIRE
Quelques jours…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quelques jours, oui, pourquoi le 19, pourquoi pas... enfin, bon, peu importe, c'est imposé par le droit, on ne peut pas suspendre, c'est ce que disait le ministre des Transports lundi, le lendemain, voilà que le Premier ministre dit le contraire. Y a-t-il incohérence ?
BRUNO LE MAIRE
La seule cohérence que je connais, c'est la cohérence sanitaire, la décision politique, elle est là pour protéger les Français, il y a une vraie inquiétude sur le variant brésilien, on suspend les vols en provenance du Brésil, ça me paraît la sagesse, ça me paraît un principe de précaution pour protéger la santé des Français, je suis totalement favorable à cette décision, je vais même aller plus loin, si jamais nous nous apercevons que la situation continue à se dégrader au Brésil, protéger les Français, c'est continuer à suspendre les vols entre le Brésil et la France, je vous le dis avec autant de franchise que je le pense…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, continuer, sauf qu'il n'y a pas de politique européenne…
BRUNO LE MAIRE
Aussi longtemps que nécessaire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n'y a pas de décision européenne sur la suspension de ces vols ?
BRUNO LE MAIRE
Mais notre première responsabilité, c'est de protéger les Français, je suis membre du gouvernement de la République française, ma première responsabilité de ministre de l'Economie, des finances et de la relance, c'est de protéger les Français, de protéger notre économie, de relancer notre économie nationale, ça s'inscrit dans un cadre européen, mais quand il s'agit de protéger nos compatriotes et nos ressortissants, la décision du Premier ministre était la bonne décision.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, Bruno LE MAIRE, les aides, le coût en avril, 11 milliards d'euros. Est-ce que toutes les aides seront maintenues jusqu'à la fin de cette pandémie. Est-ce que quoi qu'il en coûte sera maintenu jusqu'à la fin de cette pandémie ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, oui, Jean-Jacques BOURDIN, je pense que c'est bien, vous savez, de faire preuve de constance en matière de politique publique. Tant qu'il y a des restrictions sanitaires, il y a un soutien public qui est apporté aux commerçants, aux artisans, aux indépendants, aux petites et moyennes entreprises, aux grandes entreprises également qui souffrent des conséquences de ces restrictions sanitaires. Le jour où nous levons ces restrictions sanitaires, par exemple, un restaurant peut rouvrir, un hôtel peut avoir à nouveau des clients…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais rouvrir avec des jauges sanitaires…
BRUNO LE MAIRE
C'est bien pour cela…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que les pertes engendrées par les jauges sanitaires seront compensées ?
BRUNO LE MAIRE
C'est bien pour cela que nous travaillons sur une dégressivité des aides et pas sur un retrait brutal des aides. Si…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc dégressivité des aides...
BRUNO LE MAIRE
Prenons votre date du 15 mai à laquelle vous semblez tenir beaucoup, admettons que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, non, non, mais c'est la date du président de la République…
BRUNO LE MAIRE
Je sais bien que c'est le président de la République, tout à fait…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas la mienne, ni la vôtre, Bruno LE MAIRE…
BRUNO LE MAIRE
Moi, une fois encore, je ne suis pas responsable du calendrier…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Moi non plus…
BRUNO LE MAIRE
J'ai d'autres responsabilités, elles sont suffisamment lourdes comme ça. Mais admettons que le 15 mai, il y ait une réouverture progressive des restaurants, eh bien, dans ce cas-là, on ne va pas dire à partir du 15 mai, eh bien, il n'y a plus de fonds de solidarité pour les restaurants, déjà, moi, je serais favorable à ce que l'intégralité du fonds soit maintenue pour le mois de mai, parce que je trouve qu'à partir du moment où c'est la mi-mai, il faut tenir compte aussi des pertes de la première quinzaine, et puis, des coûts de la réouverture…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc jusqu'à fin mai au moins…
BRUNO LE MAIRE
Par exemple. Donc c'est une proposition que je fais, et puis, ensuite, sur juin, juillet, faire une dégressivité de l'aide en partant de l'aide dont vous avez bénéficié au titre du fonds de solidarité, en disant : voilà, on va retirer progressivement, parce qu'il y a des jauges, parce qu'il y a des contraintes, parce qu'il faut que les clients reviennent, et parce que vous avez des dépenses liées à la réouverture.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les PGE, les prêts garantis par l'Etat, il y a un problème, est-ce que vous reportez d'un an le remboursement, oui, on est bien d'accord, même pour ceux qui n'avaient demandé le report d'un an ?
BRUNO LE MAIRE
C'est à eux de le demander, c'est-à-dire, ce n'est pas automatique…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas automatique…
BRUNO LE MAIRE
Eh bien, non, certaines entreprises ont intérêt à rembourser le plus rapidement possible. Donc vous avez deux cas de figure, vous avez un prêt garanti par l'Etat, vous avez demandé le report d'un an du remboursement du principal, c'est décalé à 2022, très bien, vous êtes dans une autre situation où vous dites : moi, j'ai surtout besoin d'investir et donc de fonds propres, eh bien, là, vous pouvez avoir accès à ces prêts participatifs, 20 milliards qui vont être mis à disposition des entreprises, qui veulent réinvestir, recréer des emplois, et puis, il y a toutes ces entreprises qui sont menacées de faillite, qui sont face à un mur de dettes et qui savent…
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'ailleurs, les défaillances d'entreprises s'accélèrent...
BRUNO LE MAIRE
Bien sûr…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Fin mars, elles s'accélèrent, début avril…
BRUNO LE MAIRE
Vous savez, je suis cela d'extrêmement près, et je le ferai le maximum pour éviter les faillites dans notre pays. Par quoi est-ce que ça peut passer, d'abord de la prévention, je veux qu'on regarde, au ministère de l'Economie et des finances, on a tous les signaux d'alerte nécessaires, en liaison avec la BANQUE DE FRANCE, pour savoir quelles sont les entreprises qui commencent à avoir un vrai problème d'endettement, à ce moment-là, je propose qu'on puisse réunir l'ensemble des parties prenantes, c'est-à-dire l'Etat, bien entendu, mais aussi le commissaire aux comptes, mais aussi les représentants du tribunal de commerce, et aussi évidemment les créanciers, c'est-à-dire les banquiers, et qu'on dise au cas par cas : voilà, cette entreprise-là, elle est en difficulté, elle est face à un mur de dettes, on le sait, on voit venir le problème, on ne va pas attendre que l'entreprise se prenne le mur, on va regarder sa situation, l'étudier tous ensemble, et voir s'il faut étaler sa dette, voire annuler sa dette, en partie, moi, je suis favorable à ce que nous regardions toutes ces hypothèses-là, et je proposerai d'ici quelques semaines un dispositif de concertation et de conciliation, qui doit permettre pour toutes les entreprises qui sont en train d'arriver face à ce mur de la dette, de leur proposer une solution sur mesure, il faut du sur-mesure pour les entreprises confrontées au mur de la dette…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avec un allongement de la durée de remboursement, on parle de 8 ans ?
BRUNO LE MAIRE
Avec, alors là, je ne parle pas forcément du prêt garanti par l'Etat…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, pas forcément du prêt garanti…
BRUNO LE MAIRE
Ça peut être d'autres créances, vous savez, vous avez des entreprises qui nous disent : moi, mon problème, ce n'est pas le PGE, c'est que j'ai d'autres dettes que je n'arrive pas à rembourser…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je sais…
BRUNO LE MAIRE
Je veux qu'on trouve une solution sur mesure pour toutes les entreprises…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Allongement de la durée de remboursement ?
BRUNO LE MAIRE
Ça peut faire partie des solutions, allongement de la maturité de la dette, annulation d'une partie de la dette, au cas par cas, et pour les entreprises dont on sait qu'en fait, c'est juste une question de délai, elles vont rebondir dans 2 ans ou dans 3 ans, mais il se trouve qu'elles sont dans un secteur d'activité qui est tellement fragilisé qu'elles ne vont pas y arriver, prenez les PME du secteur aéronautique, l'industrie aéronautique est en grande souffrance, et moi, je ne veux pas voir disparaître des compétences d'ingénieurs, de salariés, d'usinage dans une région comme l'Occitanie, parce qu'une entreprise fait face à un mur de la dette, alors que, fondamentalement, elle est saine, donc une entreprise saine, elle doit pouvoir survivre à la crise.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Emmanuel MACRON avait promis en décembre dernier le fameux chèque alimentaire. Quand ? Il est pour quand ce chèque alimentaire ?
BRUNO LE MAIRE
Ça, il faudra interroger le ministre de l'Agriculture, Julien DENORMANDIE, qui travaille là-dessus, c'est un dispositif que je soutiens totalement, il travaille dessus, je trouve que c'est une excellente idée de permettre aux populations les plus défavorisées d'avoir accès…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour qui ?
BRUNO LE MAIRE
Eh bien, ça doit être, à mon sens, pour les populations les plus en difficulté…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les jeunes, les familles modestes ?
BRUNO LE MAIRE
Ça peut être les jeunes, ça peut être les familles modestes, ça, c'est vraiment au ministre de l'Agriculture de faire des propositions sur ce sujet, je trouve que l'intuition est très bonne. Avoir une alimentation de qualité à un coût qui soit raisonnable, je trouve que c'est…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Trois milliards d'euros, dit le ministre de l'Agriculture…
BRUNO LE MAIRE
Oui, on discutera chiffres, on discutera chiffres…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, d'accord, trois milliards d'euros, c'est un peu trop pour vous, si j'ai bien compris…
BRUNO LE MAIRE
On discutera chiffres, trois milliards, c'est beaucoup d'argent, et on en a déjà dépensé beaucoup. Mais je trouve vraiment l'intuition…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais dans le cadre du plan de relance…
BRUNO LE MAIRE
La relance, elle est faite principalement pour transformer notre appareil économique…
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'investissement…
BRUNO LE MAIRE
Elle est pour l'investissement, d'abord, pour l'innovation, les technologies, pour ce qui fera la puissance de la nation française, ça n'exclut pas des idées qui sont des idées justes, comme celle de garantir à tous les Français les plus modestes une alimentation de qualité, bien se nourrir, ça coûte cher, on le sait tous, certains ne peuvent pas se l'offrir, que nous apportions des solutions concrètes sous forme de chèque alimentés, j'y suis favorable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais c'était en décembre, la promesse, il va bien falloir le mettre en place avant la fin du quinquennat…
BRUNO LE MAIRE
Jean-Jacques BOURDIN, je vous parle avec la même franchise que d'habitude, c'est très compliqué à mettre en place.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, ça, j'ai bien compris…
BRUNO LE MAIRE
Moi, je ne veux pas d'usine à gaz où on promet des choses, et puis, il n'y a pas un Français qui en bénéficie parce que c'est trop compliqué, ça doit être simple, ça doit être opérationnel, ça doit aller aux gens qui en ont réellement besoin, et il ne s'agit pas de mettre en place une politique publique qui bénéficierait à des Français qui n'en auraient pas besoin, et nous y travaillons, je suis sûr que Julien DENORMANDIE apportera les réponses nécessaires.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Le programme budgétaire de la France, on va en parler, Bruno LE MAIRE. L'objectif, c'est…
BRUNO LE MAIRE
... Au chèque alimentation, vous voyez que c'est des coûts qui ne sont pas négligeables…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, bien évidemment, oui, pas négligeables…
BRUNO LE MAIRE
Et qui sont durables en plus…
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'un des objectifs évidemment, c'est de réduire les dépenses publiques, pour relancer l'activité, pour la croissance, alors vous dites 5 % de croissance cette année, vous gardez ce chiffre…
BRUNO LE MAIRE
Oui…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Prévision…
BRUNO LE MAIRE
Je garde ce chiffre de prévision, vous avez vu que la BANQUE DE FRANCE d'ailleurs vient de montrer que les prévisions optimistes qui étaient les nôtres étaient des bonnes prévisions, que la France a une capacité de rebond économique exceptionnel, je suis convaincu que la France aura un chiffre de croissance élevé cette année, et qu'elle saura rebondir fort après cette crise économique, et je le dis avec beaucoup de gravité parce que je mesure l'inquiétude, l'angoisse de tous les Français qui nous écoutent, qui se disent : mais le chômage va arriver, les licenciements, les faillites, on vous protège. Et nous allons relancer notre économie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors nous allons relancer notre économie, c'est ce que vous dites, il est temps, et il est tant au niveau européen de relancer l'économie, pourquoi, parce que les Chinois ont pris de l'avance, je ne parle même pas des Américains qui sont en pleine croissance…
BRUNO LE MAIRE
Mais nous aussi, Jean-Jacques BOURDIN…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et nous aussi ?
BRUNO LE MAIRE
Mais nous aussi, Jean-Jacques BOURDIN, enfin, je veux juste qu'on fasse bien la différence entre deux choses, ce que nous faisons au niveau national, le plan de relance français est un des premiers plans qui a été présenté en Europe, un des premiers plans à être mis en oeuvre, au moment où je vous parle, Jean-Jacques BOURDIN, sur les 100 milliards d'euros du plan de relance français, nous en avons engagé 30, un tiers du plan de relance français a déjà été engagé, engagé sur MaPrimeRénov', MaPrimeRénov', rénovation des bâtiments des particuliers, 200.000 primes Rénov' en 3 mois autant que sur l'intégralité de l'année passée. La digitalisation des PME, on avait prévu 280 millions d'euros, on va approcher du milliard d'euros de dépenses engagées pour digitaliser des PME, donc le plan de relance français, il a été réalisé à temps, voté à temps par les députés de la majorité comme d'ailleurs d'une grande partie de l'opposition, et il est exécuté à temps. Ce que je regrette effectivement, c'est que l'Union européenne, qui avait réussi en 2020, du point de vue économique et financier, à apporter des réponses fortes, on vote 750 milliards d'euros de crédits, on a de la dette levée enfin en commun, on a une Banque Centrale Européenne grâce à Christine LAGARDE, qui nous protège, là, en 2021, tout d'un coup, elle perd son élan, que l'Union européenne retrouve son élan et sa force de décision…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais 16 pays sur 27 seulement ont voté ce plan de relance européen…
BRUNO LE MAIRE
C'est bien ce que je vous dis…
JEAN-JACQUES BOURDIN
16 pays sur 27, l'Allemagne qui est elle-même immobile tout à coup…
BRUNO LE MAIRE
Les Etats européens aujourd'hui mettent du temps à ratifier la décision qui permet de décaisser l'argent européen pour les pays qui en ont le plus besoin…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, comment faire accélérer l'Europe ?
BRUNO LE MAIRE
Eh bien, je ne cesse d'appeler l'ensemble des Etats européens à ratifier le plus vite possible ce qu'on appelle la décision ressources propres, pour que l'argent européen arrive aux Etats qui en ont le plus besoin, parce que si on prend l'exemple français, 100 milliards, 60 du budget national, 40 de l'Europe, on peut s'en sortir, on n'y arrivera très bien au niveau national, ça ne pose pas de problème, il y a d'autres États dont l'ensemble du plan de relance, je pense par exemple à l'Italie, dépend du décaissement des sommes européennes, donc il y a urgence à ce que chaque Etat réalise qu'il est responsable de la situation collective de l'Europe, ratifie la décision ressources propres et nous permette de disposer de l'argent…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais je ne sais pas, moi, est-ce qu'il faut provoquer la réunion de tous les chefs d'Etat et de gouvernement européens, une nouvelle réunion spéciale, extraordinaire pour faire accélérer les choses, Bruno LE MAIRE ?
BRUNO LE MAIRE
Je crois que c'est la responsabilité de chaque Etat, mais quand vous regardez chaque situation particulière, prenez l'Allemagne, qu'est ce qui bloque, ce n'est pas le vote de l'Assemblée nationale allemand, le Bundestag, ils ont voté, ce qui pose problème aujourd'hui, c'est la Cour constitutionnelle allemande, la cour de Karlsruhe, qui va regarder si cette décision est conforme au droit allemand, ce qui, d'ailleurs, au passage, je le dis très simplement, pose un petit problème d'avoir une cour constitutionnelle nationale qui ne reconnaît pas que le droit européen, donc cette fameuse disposition ressources propres, l'emporte sur le droit allemand.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Eh bien, à propos, tiens, je fais une petite parenthèse, puisque la France va présider le conseil de l'Union européenne à partir de janvier prochain. Est-ce que vous avez l'intention de supprimer les plafonds de dettes et de déficits publics, les fameux critères de Maastricht, 60% avec 3%…
BRUNO LE MAIRE
Je vais vous répondre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Franchement…
BRUNO LE MAIRE
Il y a deux critères, le 3%, c'est un critère technique, il a un avantage, tout le monde lui tombe dessus à bras raccourcis, mais c'est un pur indicateur technique qui a son utilité, parce que c'est ce qui permet de stabiliser la dette, je ne dis pas que c'est un chiffre magique, les 3%, je dis que c'est un chiffre utile, parce qu'il permet de stabiliser la dette des pays, en revanche, il y a un indicateur qui est désormais totalement dépassé, il faut le reconnaître, c'est l'indicateur de dette publique à 60%, qu'est-ce que ça veut dire un indicateur à 60%, ça avait du sens quand vous aviez des Etats qui avaient 50% de dettes, d'autres 70% de dettes publiques par rapport à leur richesse nationale, aujourd'hui, vous avez des Etats dans la zone euro, comme l'Allemagne, ils vont approcher les 60 % très rapidement de dette publique, ils vont revenir de 70 à 60. D'autres vont être à 120, c'est le cas de la France, nous sommes à 118 en 2021, d'autres vont être à 160…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et nous allons rester à 118 d'ailleurs…
BRUNO LE MAIRE
C'est le cas de l'Italie, vous voyez bien qu'à partir du moment où les niveaux de dette représentent des écarts de 100 points au sein de la zone euro entre les différents membres, ce critère de 60% est dépassé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous demanderez la suppression de ce critère ?
BRUNO LE MAIRE
Je demanderai à ce que, le moment venu, on ne va pas rouvrir maintenant les traités…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, non, mais en janvier prochain…
BRUNO LE MAIRE
Mais que, le moment venu, on puisse différencier la situation de chaque Etat membre de la zone euro plutôt que de soumettre tout le monde à un même critère, qui, franchement, quand il s'éloigne trop de la réalité, n'a plus aucun sens ; vous savez, faire de la politique, c'est être au plus près de la réalité, quand on commence à s'en éloigner trop et à prendre des chiffres comme des références alors que les situations objectives sont déjà très, très loin de ces chiffres-là, ça perd tout son sens.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La baisse, je reviens à la baisse des dépenses publiques, ça doit devenir une règle d'or ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, bien sûr…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça doit devenir une règle d'or, mais je ne sais pas, moi…
BRUNO LE MAIRE
Vous savez, raisonnons simplement, Jean-Jacques BOURDIN…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Contrainte par la loi ?
BRUNO LE MAIRE
Bien sûr, contrainte par la loi. Mais je vais vous expliquer quelle est la stratégie que nous défendrons avec le président de la République, nous avons protégé les Français comme quasiment aucun autre pays ne l'a fait de cette crise, on a évité le chômage de masse, on a évité les faillites, nous relançons, et nous sommes probablement des Etats européens membres de la zone euro qui relancent aujourd'hui avec le plus de rapidité dans l'exécution de son plan de relance. Le moment venu, c'est-à-dire, et je veux être très clair là-dessus, quand la crise économique et la crise sanitaire seront vraiment derrière nous, pour qu'on ne refasse pas l'erreur de 2009, où on avait voulu rétablir les finances publiques trop vite, le moment venu, une fois que la crise économique sera derrière nous, que l'économie aura redémarré, il faudra rétablir les finances publiques, comment est-ce qu'on fait, peut-on y arriver en votant chaque année un budget, et puis, d'une année sur l'autre, finalement, on rajoute des dépenses, on oublie les économies, je pense que ce n'est pas possible ; c'est pour ça que je suis favorable à ce qu'on vote en début de quinquennat l'ensemble des dépenses que l'on va engager sur 5 ans, c'est ce qu'on appelle la pluriannualité des finances publiques…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et que ça devienne une règle d'or…
BRUNO LE MAIRE
Et que ça devienne une règle de nature constitutionnelle, c'est ma position de ministre des Finances français, attaché au rétablissement des finances publiques françaises, il nous faut une règle qui dise en début de quinquennat, on peut choisir les dépenses qu'on veut privilégier, on peut choisir les économies que nous allons faire, c'est ça la démocratie, en revanche, le montant global des dépenses qu'on va engager sur 5 ans, lui, on le choisit collectivement et on n'y touche pas ensuite…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et il est inscrit.
BRUNO LE MAIRE
Et il est inscrit, sauf événement exceptionnel…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il est inscrit sur la proposition d'Emmanuel MACRON ?
BRUNO LE MAIRE
Sauf crise…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce sera l'une des propositions d'Emmanuel MACRON l'année prochaine ?
BRUNO LE MAIRE
C'est la proposition du ministre des Finances…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et de Bruno LE MAIRE…
BRUNO LE MAIRE
Qui est attaché au rétablissement des finances publiques, je crois que c'est son rôle, comme je suis attaché comme ministre de l'économie et la relance économique. Mais la France sera forte, si elle a plus de croissance, et nous allons y arriver, mais également, si elle a des finances publiques bien tenues, et j'y suis attaché.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors baisse des impôts, pas de hausse d'impôts, mais baisse des impôts de production, 10 milliards, 33 milliards disait lundi matin Xavier BERTRAND ici même, si je suis élu président de la République, la baisse sera de 33 milliards d'euros. 33 milliards d'euros, c'est possible ?
BRUNO LE MAIRE
D'abord, vous me permettrez de noter que Xavier BERTRAND ferait un excellent ministre de l'Economie et des finances d'Emmanuel MACRON.…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et un excellent président de la République ?
BRUNO LE MAIRE
Un excellent ministre de l'Economie et des finances d'Emmanuel MACRON, quand Emmanuel MACRON aura été réélu président de la République en 2022…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et un excellent candidat à la présidence, Bruno LE MAIRE ?
BRUNO LE MAIRE
Ce que je souhaite..., le candidat que je soutiens, vous l'avez compris, c'est Emmanuel MACRON, mais j'ai lu avec attention les propositions de Xavier BERTRAND, il demande une baisse des impôts de production, nous sommes la seule majorité, et je suis le seul ministre de l'Economie et des finances sous l'autorité du Premier ministre et du président de la République à avoir engagé cette baisse des impôts de production, il peut la saluer, il peut la soutenir, il peut la poursuivre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il propose plus…
BRUNO LE MAIRE
Il propose également que nous revalorisions les bas salaires, nous l'avons fait depuis 4 ans avec le président de la République, nous avons augmenté la prime d'activité, nous avons baissé les cotisations sociales, nous avons défiscalisé les heures supplémentaires, nous l'avons déjà fait. Il demande la mise en place d'un fonds souverain, nous l'avons déjà fait également, donc sa politique et ses propositions s'inscrivent dans la continuité rigoureuse de ce que nous avons fait avec le président de la République, avec le Premier ministre et avec cette majorité en matière économique et financière depuis 4 ans, c'est pour ça que je dis, dans l'esprit de continuité, que s'il veut être ministre de l'Economie et des finances d'Emmanuel MACRON, il en a toutes les qualités.
JEAN-JACQUES BOURDIN
A votre place, Bruno LE MAIRE, CITROËN a dévoilé avant-hier son nouveau modèle haut de gamme, la C5X, livrable en 2021, fin 2021, fabriquée en Chine, exclusivement, en Chine, à Chengdu, dans le centre de la Chine. La nouvelle limousine DS9 de CITROËN toujours sera aussi assemblée en Chine ; ça veut dire quoi, ça veut dire que le haut de gamme automobile français, c'est du made in China ?
BRUNO LE MAIRE
Mais vous savez, il n'est pas absurde de se mettre près de ses clients, ce qui compte pour moi, c'est que PSA, le groupe PSA…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais attendez, 40 à 50.000 modèles vendus chaque année et beaucoup en Europe, venus de Chine…
BRUNO LE MAIRE
Mais je vais vous dire très sincèrement ce qui compte pour moi, c'est que les grands groupes industriels automobiles français, PEUGEOT et RENAULT, créent de la valeur en France et donc relocalisent toutes les activités technologiques sensibles, production de moteurs, moteurs électriques, chaînes de traction en France, c'est ce qu'ils sont en train de faire...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, même si le moteur de Douvrin est parti en Hongrie, fabriqué à Douvrin est parti en Hongrie…
BRUNO LE MAIRE
Mais Jean-Jacques BOURDIN, pardon, il devait partir en Hongrie, il ne part pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est vrai ?
BRUNO LE MAIRE
Il ne part pas en Hongrie, pourquoi, depuis 3 semaines, je discute avec Carlos TAVARES, j'ai dit au patron de PSA qui, au passage, est un très grand patron de l'industrie automobile, vous ne pouvez pas bénéficier de l'aide à l'hybride rechargeable, dont bénéficie PSA, vous ne pouvez pas bénéficier des aides à la conversion dont bénéficie PSA, vous ne pouvez pas bénéficier de l'ensemble de la politique, les 8 milliards d'euros que nous avons mis sur la transformation de l'industrie automobile française, et délocaliser un moteur hybride rechargeable de nouvelle génération, c'est la troisième génération, en Hongrie, je suis ravi que Carlos TAVARES ait entendu nos arguments et qu'il ait finalement pris la décision de maintenir ce moteur à Douvrin, de la même façon que je suis ravi qu'il ait décidé de relocaliser de Chine en France le moteur électrique, que je suis ravi qu'il ait pris la décision d'investir sur les batteries électriques pour ouvrir toujours sur le site de Douvrin en 2022 une usine de batteries électriques, ça apporte une preuve…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et est-ce que vous êtes ravi de voir…
BRUNO LE MAIRE
Mais ça apporte la preuve, Jean-Jacques BOURDIN, que la relocalisation industrielle, c'est possible si on y met l'énergie et les moyens.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais ça serait mieux la relocalisation industrielle si le modèle haut de gamme de CITROËN, le modèle qui succède à la DS, qui succède à la XM, à la SM, soit…
BRUNO LE MAIRE
Mais je suis un fan de voitures comme vous, Jean-Jacques BOURDIN, mais…
JEAN-JACQUES BOURDIN
A la CX…
BRUNO LE MAIRE
Mais un tout petit peu de cohérence, on n'arrête pas de dire aux français : il faut que vous ayez…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous imaginez LOUIS VUITTON, vous imaginez HERMES faire fabriquer son haut de gamme en Chine, est-ce que vous imaginez cela ?
BRUNO LE MAIRE
Jean-Jacques BOURDIN, mais je préfère de toute façon que le maximum de production soit réalisé en France, je dis simplement qu'il faut un peu de cohérence, je dis : il faut que nous ayons les produits les plus innovants relocalisés en France, c'est ce qui est en train de se passer, et dans un pays qui depuis 30 ans connaît des délocalisations industrielles, avoir enfin des relocalisations industrielles, c'est une très bonne nouvelle, mais on ne peut pas dire aux Français : prenez des véhicules plus petits et plus respectueux de l'environnement, et puis, dans le même temps, réaliser les plus gros véhicules sur le territoire français, il y a un moment donné, il y a un problème de cohérence...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais les plus petits aussi sont fabriqués en Chine, de plus en plus…
BRUNO LE MAIRE
Mais les plus petits modèles électriques…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est la fabrique mondiale, la Chine…
BRUNO LE MAIRE
Mais la fabrique mondiale de véhicules technologiquement avancés, de moteurs, de pièces de production avancées doit se faire en France et est en train d'être relocalisée en France.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un mot pour terminer sur le nucléaire, j'avais Barbara POMPILI à votre place mercredi dernier, elle me disait, nous pouvons nous passer du nucléaire, ministre numéro 3 du gouvernement, nous pouvons nous passer du nucléaire, vous diriez la même ?
BRUNO LE MAIRE
Nous ne pouvons pas nous passer pour le moment du nucléaire. Voilà, je vous le dis avec simplicité, je pense que de Barbara POMPILI le sait aussi bien que moi, arrêtez le nucléaire demain, vous voyez il n'y aurait plus de spots, il n'y aurait plus d'émissions et les téléspectateurs ne pourront plus nous entendre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc construction de nouveaux EPR ?
BRUNO LE MAIRE
Nous manquons d'électricité mais faisons preuve de cohérence et de visions à long terme. Nous voulons décarbonner l'économie française, nous allons avoir besoin, un besoin massif, massif d'électricité décarbonnée immédiatement disponible, qui va produire cette électricité décarbonnée immédiatement disponible pour la domotique, pour vos véhicules électriques, pour la production d'hydrogène vert ? Mais si vous vous privez du nucléaire qui nous permet de produire ensuite de l'hydrogène, d'avoir des véhicules électriques, d'avoir de la domotique, d'avoir tous les instruments dont on sert au quotidien, eh bien nous n'y arriverons pas. Donc nous avons besoin du nucléaire pour réussir la transition écologique. Ça n'exclue pas du tout d'investir massivement dans les énergies renouvelables comme nous le faisons mais soyons réalistes et visionnaires. Réaliste, on a besoin du nucléaire, visionnaire, accélérons la transition écologique, hydrogène, les énergies renouvelables, c'est ce qui fera aussi la force de la France.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Bruno LE MAIRE.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 avril 2021