Texte intégral
Q - Bonjour Clément Beaune.
R - Bonjour.
Q - Tous les voyageurs qui viennent du Brésil, du Chili, d'Afrique du Sud, d'Argentine, doivent être soumis à une quarantaine de dix jours à leur arrivée sur le sol français,quarantaine obligatoire, je le précise. Est-ce que c'est déjà en place ? Cela va être mis en place à partir de quand exactement ?
R - Pour être très précis, ce sera mis en place à partir de samedi matin. Nous avons décidé une mesure d'urgence et de précaution à l'égard du Brésil dans une premier temps - le Premier ministre l'a annoncé dès mardi dernier -, de suspension complète des vols, parce que les scientifiques notamment nous disaient que la situation sanitaire était telle, la circulation du virus était telle, que la multiplication des variants, dans ce contexte, était possible, risquée.
Donc on a dû encore renforcer un dispositif, qui était déjà strict, et c'est pour cela qu'on a pris cette mesure de suspension. Et maintenant, on construit un dispositif de quarantaine parce que la suspension, cela ne peut pas durer très longtemps. D'abord parce que vous avez un certain nombre de ressortissants français, quelques motifs impérieux, mais surtout nos ressortissants, qui ont un droit constitutionnel à rentrer sur le territoire, il faut pouvoir l'organiser.
Puis vous pouvez avoir des contournements par d'autres pays européens. Donc on essaie, le plus possible de manière coordonnée au niveau européen, d'avoir un dispositif strict de quarantaine et de l'élargir à d'autres pays qui sont aussi des zones à risque.
Q - Alors on va revenir sur ce dispositif européen. Juste pour préciser, cette quarantaine elle concerne aussi, ou non, les personnes qui reviennent de Guyane, à partir de samedi, donc d'un territoire français ?
R - Oui, absolument, pour les mêmes raisons sanitaires.
Q - La Guyane, mais pas La Réunion ou Mayotte, par exemple, où circule le variant sud-africain ?
R - Non, c'est un critère sanitaire qui est retenu, parce qu'il y a évidemment, notamment en raison de la proximité avec le Brésil, un risque plus important.
Q - Et pourtant le variant sud-africain, par exemple, c'est 80% des contaminations à Mayotte. L'Afrique du Sud est concernée par cette mesure de quarantaine, mais pas Mayotte, ni La Réunion.
R - On a pris une mesure supplémentaire pour les retours d'Afrique du Sud, comme un certain nombre de partenaires européens, et nous l'avons annoncé dès ce week-end, il y a élargissement de la liste. Donc au-delà du Brésil, Afrique du Sud, Argentine, Chili, qui sont très à risque. Et nous pourrions augmenter encore le champ des pays ou des territoires couverts, nous en discutons avec nos partenaires européens. Ce matin-même, j'aurai une réunion avec les ministres européens.
Q - Juste, je me permets de revenir sur la liste que vous venez de citer. Pour le Brésil les vols ont été suspendus, pas pour le Chili, pas pour l'Afrique du Sud, pas pour l'Argentine. Cela veut dire qu'il y a encore des voyageurs qui arrivent sur le sol français et qui ne sont pas placés en quarantaine. Pourquoi on met autant de temps pour placer ces voyageurs en quarantaine ? Parce que là on prend un risque.
R - Alors, d'abord le dispositif qui existe est strict, restrictif. Aujourd'hui, quand vous venez de n'importe quel pays hors d'Europe...
Q - Il y a le motif impérieux, il y a des tests PCR.
R - Oui, c'est important, il y a un motif impérieux vérifié à l'embarquement...
Q - Mais pourquoi on met autant de temps pour assurer la quarantaine ?
R - Pardon, je voudrais quand même expliquer, pour rassurer aussi, ce qui existe. Il y a un motif impérieux à l'embarquement, il y a un test PCR de moins de 72 heures à l'embarquement, on va encore réduire le délai de validité du test PCR, et il y a un dispositif de contrôles à l'arrivée, dès aujourd'hui, avec ces trois pays, Afrique du Sud, Argentine et Chili. Nous avons des tests renforcés systématiques aussi à l'arrivée. Le dispositif de quarantaine met quelques jours de plus pour être complètement mis en place, Pourquoi ? Parce qu'il y a un travail juridique à finir, et notamment un décret avec un avis du Conseil d'Etat, sans rentrer dans trop de technique, mais il faut que ce soit robuste juridiquement, organisé aussi opérationnellement. Parce que très précisément, comment cela va marcher ? Ce sera, pour chaque arrivée en France, de ces pays-là, un arrêté préfectoral qui vous assigne à une adresse que vous aurez déclarée et qui sera contrôlée.
Q - Juste une chose Clément Beaune, vous dites un test obligatoire à l'arrivée, et des dispositifs à l'arrivée en France. France Info était ce matin à l'aéroport d'Orly et l'aéroport de Roissy, je peux vous dire qu'il n'y a aucun dispositif qui est prévu. Les gens sortent de l'avion et sont laissés totalement libres de s'isoler ou pas ,et de se tester ou pas.
R - Il y a deux choses. Il y a le dispositif de quarantaine tel qu'on le décrit, qui sera avec arrêté préfectoral, qui vous sera remis à la sortie de l'avion, vérification que vous restez à l'adresse que vous avez indiquée, c'est à partir de samedi matin pour tous ces pays, ces quatre pays...
Q - Donc pour l'instant, il n'y a pas de contrôles à l'arrivée.
R - Non, pardon. Et le contrôle de test, il est aujourd'hui aléatoire, donc il ne se fait pas sur chaque vol, même si on les a augmentés, et il sera, dans la journée, systématique, pour ces pays-là, à chaque passager, de chaque arrivée...
Q - Donc des personnes contaminées peuvent arriver sur le sol français ?
Q - Ont pu arriver, vous dites que cela sera dans la journée...
R - Attendez, pour être précis, il y a un test PCR systématique, à l'embarquement, pour ces destinations, qui doit être négatif...
Q - Mais vous savez très bien qu'avec les tests PCR, il y a des périodes d'incubation.
R - C'est vrai. C'est pour cela que nous réduisons encore la durée et que nous mettons ce dispositif de vérification à l'entrée. Nous n'avons pas tardé à le faire, et dès aujourd'hui, ces tests seront systématisés dans les aéroports français, et parisiens en particulier.
Q - Clément Beaune, sur ces sujets des quarantaines, pourquoi il n'y a pas de coordination européenne ? C'est-à-dire que si par exemple, je prends un vol Santiago-Berlin, je peux venir de Berlin en voiture et arriver en France tranquillement sans être placée en quarantaine ? A partir de samedi par exemple, est-ce qu'il va y avoir une coordination ?
R - Alors d'abord, pas tranquillement, parce que vous pouvez avoir des contrôles, mais je veux être précis...
Q - Aléatoires là aussi.
R - Je veux être précis sur la coordination européenne. Moi je regrette profondément, pas seulement parce que je suis pro-européen, mais pour des raisons sanitaires, que nous n'ayons pas de compétence commune, qui n'existait pas du tout avant la crise, pour prendre ce genre de décision, le même jour, la même heure, tous ensemble. Je constate que ce n'est pas le cas parce que nous n'avions pas les outils européens, on ne s'est jamais préoccupé de ces questions auparavant, il faudra le faire.
Q - Mais là, cela fait un an qu'on traverse cette crise sanitaire.
R - Oui, mais ce sont des sujets qui appartiennent, qui sont, comme on dit, régaliens, qui appartiennent à la souveraineté de chaque Etat. Moi j'aimerais qu'on fasse ce pas européen, mais cela n'a pas été possible aujourd'hui. On a coordonné le plus possible. Je veux quand même rappeler un certain nombre de choses qui sont très coordonnées, ce sont tous les pays européens, tous les pays européens, qui depuis un an appliquent des mesures de fermeture à l'égard du hors-Schengen, des pays qui sont en dehors de l'espace Schengen. Il y a des modalités qui varient, en réalité pas tant que ça, entre pays. Je prends l'exemple du Brésil. Tous les pays européens ont mis en place, soit la suspension des vols, soit la quarantaine obligatoire. Donc tous les pays sont stricts, il n'y a pas un pays qui serait aujourd'hui laxiste vis-à-vis de zones dans le monde qui sont à risque...
Q - Ils l'ont fait à des moments différents.
R - On l'a fait à des moments...
Q - La question c'est, à partir de quand il y aura une coordination ?
R - Ce matin même, à la demande de la France, nous avons une nouvelle réunion des ministres des affaires européennes, où je porterai cette question précise, concrète, des pays que nous considérons comme les plus à risque, Brésil, nous l'Afrique du Sud, le Chili et l'Argentine. Et je pense que ces critères-là doivent être européens, européanisés le plus vite possible, pour qu'il n'y ait pas d'effet de contournement.
Q - Et l'Inde ne figure pas dans cette liste ?
R - Non, pas encore, mais c'est un des points de débat que nous avons. Nous avons saisi les experts sanitaires, français et européens, pour établir des critères, parce qu'on voit les situations...
Q - L'Inde, c'est 200 000 contaminations par jour, Monsieur le Ministre.
R - Oui, bien sûr, c'est une situation...
Q - Repérées.
Q - On attend quoi ?
R - On va essayer, vous avez raison, de le faire au niveau européen, pour qu'il n'y ait pas d'effet de contournement.
Q - Mais même la France. On a pris les mesures pour le Brésil, le Chili, l'Argentine, pourquoi la France ne suspend pas les vols venant de l'Inde ?
R - Parce que nous avons pris un certain nombre de mesures d'urgence, sur des avis scientifiques, c'est la question des variants qui est la plus inquiétante. En Inde, nous en avons...
Q - Il y a un variant particulier.
R - Qui sont en train de se développer, peut-être ailleurs dans le monde... C'est justement cela qu'on essaie d'objectiver, parce que pour que vous mettiez en place et vous convainquiez les partenaires européens de le faire, il faut que vous ayez les mêmes critères scientifiques.
Q - Il n'y a pas de raison économique qui a primé ?
R - Non, je veux être très clair...
Q - L'Inde étant un partenaire commercial important.
R - Aucune considération, économique, militaire, diplomatique, ou autres, ne primera sur la santé. Et Jean-Yves Le Drian l'a dit dès ce week-end, si on doit prendre une mesure sur l'Inde très rapidement, nous la prendrons.
Q - Et vous la demanderez tout à l'heure à cette réunion ?
R - Je demanderai qu'on ait les mêmes critères, c'est-à-dire taux de circulation des variants, taux d'incidence, qu'on regarde dans les pays étrangers. Pour l'instant nous sommes...
Q - Mais il n'est pas question pour l'instant que la France demande officiellement, au niveau européen, une suspension des vols ?
R - Aujourd'hui nous ne demandons pas la liste, nous demandons que les scientifiques nous définissent les mêmes critères de risques, parce que sinon on aura un débat tous les jours en disant "mais il y a aussi une situation qui se dégrade au Pakistan, ou ici ou là".
Q - Donc c'est une discussion plutôt sur les critères.
R - Exactement, il faut que les scientifiques nous donnent les critères les plus sérieux pour qu'on ait un dispositif renforcé sur ces pays-là, de quarantaine obligatoire. Je rappelle, j'insiste beaucoup, pour tous les pays du monde, qui ne sont pas des pays européens, vous avez un dispositif extrêmement strict, de vérification des tests, de motif impérieux, que nous restreignons encore. Mais on part de cette situation où le système n'est pas laxiste, et contrairement à ce qu'on dit parfois, n'est pas ouvert, ce n'est pas le cas.
(...)
Q - On est toujours avec Clément Beaune, secrétaire d'Etat chargé des affaires européennes. Alors depuis presque deux mois, les Français qui habitent en Moselle doivent effectuer deux, voire trois tests par semaine, pour pouvoir aller travailler en Allemagne. Combien de temps encore cela va durer ?
R - Je ne peux pas vous le dire aujourd'hui, j'aimerais le moins longtemps possible. Je me suis rendu en Moselle pour voir le dispositif de tests d'abord qu'on a mis en place, pour malgré tout faciliter les déplacements impératifs, professionnels. J'ai rencontré des frontaliers, je vois ce qu'ils vivent, trois tests par semaine, deux à trois tests par semaine selon les cas, c'est beaucoup, c'est pénible. C'est lié à des mesures justement qui ne sont pas exactement les mêmes en France et de l'autre côté en Allemagne.
Q - Un manque de coordination là encore.
R - Oui mais nous avons quand même, je tiens à le dire, notamment pour ces travailleurs, au total il y en a 350 000 frontaliers dans toute la France qui font des déplacements professionnels quotidiens et dont je mesure que parfois c'est pénible pour eux, parce qu'en plus ils entendent que les déplacements, c'est des déplacements de plaisir ; pour eux c'est vital. Donc je veux pour leur apporter mon soutien. Et nous avons évité de retomber dans les affres que nous avions connues au printemps 2020 où justement il y avait zéro coordination même avec l'Allemagne, et où nous avions fermé les frontières. Donc on n'est pas retombé dans ces difficultés. Vous voyez que c'est toujours un équilibre à trouver entre une fermeture, où on nous dit : fermer tout parce que c'est ce qu'il y a de plus protecteur ; et puis notamment en Europe, notamment dans les zones frontalières, un besoin qui n'est pas secondaire ou qui n'est pas touristique... le travail. Et donc on cherche cet équilibre permanent.
Q - Mais là, est-ce que vous demandez aux autorités allemandes de lever ces restrictions ?
R - Je demande aux autorités allemandes d'abord de faciliter un certain nombre de mesures pragmatiques du quotidien. Il y a plus de transport public autorisé entre la Moselle et la Sarre par exemple, ça c'est très pénalisant. Je demande qu'on facilite les passages pour aller à l'école. Ce sont ce type de mesure...
Q - Elles vous disent quoi pour le moment ces autorités ?
R - J'en discute de manière quasi quotidienne avec les autorités allemandes. Ils appliquent un protocole parce qu'en Allemagne, il y a des décisions qui dépendent d'une agence sanitaire et qui sont automatiques. Donc j'essaye de trouver cette flexibilité. On l'a obtenu...
Q - Donc on n'y arrive pas pour le moment.
R - On a obtenu un certain nombre d'assouplissements, je ne rentre pas trop dans le détail, mais on a obtenu un certain nombre d'assouplissements, pas encore suffisant pour que cette vie quotidienne soit moins pénible et j'ai conscience de ce qui est vécue depuis plus d'un mois.
Q - L'été se prépare aussi dès maintenant au niveau européen, le commissaire européen Thierry Breton veut mettre en place un pass sanitaire qui est déjà bien sur des rails mais qui ne sera pas obligatoire, c'est ce qu'il disait sur France Info il y a quelques jours. Pourquoi est-ce qu'il n'est pas obligatoire, il n'est pas prévu qu'il soit obligatoire ?
R - Pour être précis sur ces questions qui sont compliquées, ce que dit la Commission européenne, elle met en place un outil commun au niveau européen et c'est ensuite chaque Etat qui aura une marge de manoeuvre pour décider s'il exige pour rentrer sur son territoire ou non ce certificat numérique ou papier.
Q - Ça veut dire qu'il peut être obligatoire dans certains pays européens et pas dans d'autres ?
R - Oui, ce que dit la Commission européenne, c'est que pour des raisons juridiques, elle n'a pas la compétence de l'imposer. Il y a des Etats membres qui pourront décider que tout le monde rentre, en Européens, et il y a des Etats qui pourront avoir des mesures strictes. Je vais être très clair, ce qu'on voit aujourd'hui, c'est que tous les Etats européens exigent des tests PCR même pour les voyages intra-européens.
Q - Donc c'est déjà en quelque sorte en pratique.
R - Je vais simplifier les choses : en pratique il est très très probable que tous les Etats, je le souhaite d'ailleurs, utilisent ce certificat numérique à l'été. Vous parliez de coordination européenne. L'été dernier, nous avions une cacophonie totale puisqu'il y avait des critères de classement de zones à risque qui n'étaient pas les mêmes d'un pays à l'autre. Cet été, j'espère qu'on va retrouver la liberté grâce à la vaccination et au sérieux qu'on a tous eu. Et on aura, on a anticipé puisqu'on le prépare dès maintenant pour le mois de juin, ce certificat numérique. La France est le premier pays à le mettre en place techniquement.
Q - Mais ça changera quoi ? Puisqu'on peut déjà aller d'un pays à l'autre avec un test PCR négatif. Ce sera la même chose finalement, sauf qu'il y aura le vaccin en plus.
R - Exactement c'est important. Vous aurez d'abord un dispositif simple, harmonisé et qui pourra regarder si vous avez un test négatif, si vous êtes vacciné. Ou, c'est une possibilité qui est offerte par l'outil européen aussi, si vous avez une sérologie négative parce que vous avez eu la Covid et que vous êtes protégé pendant quelques semaines. Il y a encore des questions scientifiques à résoudre, il faut bien vérifier que le vaccin empêche la propagation, c'est important, mais on a anticipé, je crois qu'on aurait eu tort de ne pas préparer l'été, avec ce dispositif européen qui est en place et techniquement en France dès maintenant.
Q - Alors juste pour bien être clair et pour que les gens comprennent bien, si cet été je n'ai pas le pass sanitaire, il se pourrait que dans certains pays européens je n'entre pas ?
R - Je pense pour être très pragmatique que la plupart, sinon tous les pays européens, exigeront cela, au moins pendant l'été, pour rentrer sur leur territoire. De même qu'aujourd'hui, la France comme ses voisins exigent un test PCR même pour les déplacements internes à l'Europe, nous aurons cet outil supplémentaire qui permettra de vérifier le test ou le vaccin.
Q - Une dernière chose : cet outil pourrait être dans l'application TousAntiCovid par exemple ?
R - Ce sera pour la France dans l'application TousAntiCovid, c'est ce que Cédric O, le secrétaire d'Etat au numérique a annoncé hier. Nous avons fait une expérimentation. Nous sommes les plus en avance en Europe parce qu'il faut qu'on prépare. Et ce sera effectivement une fonctionnalité supplémentaire de l'application pour ceux qui ne l'ont pas, il pourrait y avoir un document papier.
Q - On va parler du vaccin, si vous voulez le voulez bien, Clément Beaune, puisque le patron de Pfizer a annoncé que plusieurs doses seraient probablement nécessaires, une troisième, et puis ensuite d'autres doses en fonction de l'arrivée de futurs variants, peut-être des doses annuelles. L'Europe se prépare, commande déjà des milliards de doses principalement auprès de Pfizer. Je crois que l'Union européenne vient justement d'allonger encore ses commandes, 100 millions de doses supplémentaires, c'est bien ça ?
R - Oui, il y a deux choses pour être tout à fait exact. Il y a l'urgence, l'immédiat et nous avons augmenté progressivement en confirmant encore cette dernière tranche de 100 millions de doses, nos commandes à Pfizer pour maintenant.
Q - Ça c'est pour tout de suite.
R - C'est pour toute de suite.
Q - Donc 15 millions pour la France donc.
R - Exactement, c'était pris en compte dans notre calendrier de vaccination, mais nous avons confirmé cette commande et nous avons eu aussi la semaine dernière des accélérations de livraison de Pfizer, par rapport à ce qu'on anticipait. Ce qui représente quand même 750 000 doses supplémentaires par semaine pour la France entre maintenant et la fin du mois de juin. Et puis nous anticipons pour l'avenir, c'est-à-dire que justement parce qu'il y avait eu un manque probablement d'anticipation et de coordination européenne, nous préparons toutes les hypothèses. La vérité, c'est qu'on ne sait pas encore s'il faudra un rappel vaccinal, il pourra y avoir des variants. Donc les laboratoires, nous leur demandons d'adapter leurs vaccins à ces possibles variants, de produire massivement pour que si, il y a besoin de rappel ou de confirmation vaccinale, on ait les doses disponibles sans attendre. Et c'est pour ça, on a beaucoup poussé en ce sens, pour que la Commission européenne...
Q - Vous avez fait plusieurs précommandes auprès de plusieurs laboratoires ?
R - Alors que la Commission européenne a une précommande avec Pfizer, pour près de...
Q - Deux milliards ?
R - Deux milliards de doses, ça c'est pour la deuxième génération, c'est pour l'avenir, c'est pour l'automne, la fin de l'année 2021 et puis les mois suivants 2022-2023. On anticipe. Presque deux milliards de doses avec Pfizer, c'est ce que va commander la Commission européenne, et peut-être des contrats avec d'autres laboratoires pour être prêt, pour anticiper.
Q - Deux milliards de doses, je précise simplement si je compte bien, ça fait 300 millions de doses réservées à la France.
R - Oui c'est à peu près ça, mais quand vous voyez pour vous donner un ordre de grandeur, c'est très large deux milliards de doses parce qu'il y a un peu plus de 400 millions d'Européens, donc c'est quasiment cinq fois la population même si certains vaccins sont à double doses.
Q - Ce qui est le cas de Pfizer. Donc on a de quoi vacciner deux fois...
R - C'est à peu près deux fois la population européenne, mais c'est de la précaution et puis ça permettra aussi de la solidarité internationale pour éradiquer cette épidémie.
Q - Mais est-ce que ces doses, elles vont coûter le même prix que les premières doses qu'on a achetées ? Parce que selon le Premier ministre bulgare, le prix des doses devrait augmenter, elles étaient à douze euros au départ et elles devraient augmenter selon les dires du Premier ministre bulgare, est-ce que c'est vrai ?
R - Alors ce n'est pas encore fixé parce qu'il y a une négociation qui est en cours, notamment sur le prix du vaccin. Je note d'ailleurs qu'on n'est pas à un paradoxe près sur la question des prix. Il faudra de la transparence parce que ça évite les fantasmes et les doutes, mais on nous a reproché au niveau européen de payer pas assez cher et d'avoir, du coup, été non prioritaire par rapport à d'autres pays. Et maintenant on ouvrirait une polémique sans même connaître la réponse finale pour dire que c'est trop cher. Soyons calmes, négocions...
Q - Factuellement ça peut augmenter ou pas ?
R - C'est possible, parce que ce sont des vaccins qui sont adaptés aux variants, qui sont donc d'une complexité sanitaire scientifique plus grande, mais honnêtement on ne sait pas aujourd'hui. Et il y a une négociation d'abord sanitaire mais aussi budgétaire, c'est normal.
(...)
Q - L'Agence européenne du médicament doit se prononcer à 17 h sur le vaccin de Janssen, Johnson & Johnson, qui est soupçonné lui aussi de provoquer des thromboses, comme celui d'AstraZeneca. Est-ce que d'abord vous êtes confiant, et est-ce qu'il faudra garder ce vaccin dans l'arsenal français ?
R - Ecoutez, pour créer de la confiance, il faut respecter des avis et des critères scientifiques, donc ce n'est pas moi qui dois commenter, et vous dire si ce vaccin est bon ou pas, c'est l'Agence européenne des médicaments .On voit, sur AstraZeneca, probablement sur Johnson & Johnson, qu'il y a un certain nombre de cas, mais ce qu'a déjà dit l'Agence européenne du médicament, pour ces deux vaccins d'ailleurs, c'est que le bénéfice est très supérieur aux risques qui sont encourus, qui ne sont jamais nuls dans aucun vaccin, aucun dispositif médical, mais qui sont très faibles. Et c'est aussi pour ça que nous avions pris, en suivant les avis scientifiques, des mesures de précaution en ciblant sur la bonne population, celle pour laquelle les risques sont très réduits, les plus de 55 ans, pour ces deux vaccins Astra et Johnson & Johnson. Pour créer la confiance, il faut faire simple, et suivre les avis scientifiques.
Q - Ces vaccins restent efficaces, c'est ce que vous dites ce matin ?
R - Ils restent efficaces et ils restent nécessaires.
Q - Néanmoins, est-ce que l'Union européenne a décidé de faire de nouvelles commandes, de renouveler les contrats avec ces deux laboratoires, Johnson & Johnson, et AstraZeneca ?
R - Ce n'est pas encore décidé, nous avons dit, notamment à AstraZeneca, qu'un des critères aussi, pour d'éventuels nouveaux contrats, c'était le respect des contrats précédents, il y a bien sûr des critères scientifiques...
Q - Ce qui n'est pas le cas.
R - Ce qui n'est pas le cas pour AstraZeneca, très clairement, et donc...
Q - A ce stade il n'est pas question de renouveler le contrat avec AstraZeneca ?
R - On ne va pas se mettre entre les mains d'un laboratoire qui a eu des problèmes, on peut le comprendre, qui n'a pas toujours fait la transparence sur ces problèmes, et qui en tout cas n'a pas pu honorer toutes ses commandes. Donc il ne faut pas exclure pour l'avenir, anticipation, précaution, comme je le disais, certaines technologies vaccinales, et s'en remettre à une seule technique qui serait par exemple l'ARN messager. Je pense qu'on a besoin de diversifier, comme on l'a fait depuis le départ, notre portefeuille de vaccins, mais on sera vigilant avec les laboratoires, et on exclura peut-être des laboratoires qui ne respectent pas leurs engagements.
Q - Et, diversifier, jusqu'à Spoutnik V, le vaccin russe ?
R - Mais Spoutnik V, c'est très simple, ce n'est pas plus, pas moins, que les autres, en matière d'exigences sanitaires. Il a soumis son dossier à l'Agence européenne des médicaments, il est sous examen scientifique. Moi je ne fais pas de politique avec la santé des Français...
Q - Il manque des éléments, dit ce matin le commissaire européen Thierry Breton.
R - Oui, ce n'est pas moi qui vais le commenter, c'est l'Agence européenne du médicament qui attend encore des éléments. Cela met deux à trois mois, c'est le tarif pour tous les vaccins, parce qu'on a les mêmes exigences scientifiques. Moi je ne veux pas dire aux gens "on va vous donner un vaccin russe parce qu'il est sympathique, parce que M. Mélenchon l'aime bien ou parce que les Russes en font la propagande". On ne l'exclut pas non plus, on l'évalue.
Q - C'est de la propagande, SpoutnikV ?
R - Il y a une action manifeste de propagande pour dire "les Européens n'en veulent pas, nous on peut le produire", ça marche avec certains pays européens. Je rappelle qu'à part la Hongrie, tous les pays européens qui avaient envisagé Spoutnik V l'ont exclu, en Slovaquie ils ont livré des doses manifestement vérolées...
Q - Et la Bavière...
Q - En tout cas différentes de celles... C'est ce qu'a dit l'Agence slovaque du médicament.
R - Exactement, et donc c'est quand même un problème, et donc restons là aussi sérieux et calmes, évaluation scientifique, et s'il est disponible on l'utilisera...
Q - Surtout que chez nous il y a déjà Renaud Muselier, le président de la région PACA...
R - Oui, mais enfin il n'en n'a pas une seule dose, il faut être sérieux...
Q - Qui a fait une précommande.
R - Donc moi je dis aux Français...
Q - Et l'Allemagne négocie.
R - Je ne m'adresse pas à une région en particulier, je veux que ce soit la même vaccination pour tous les Français, en PACA ou ailleurs, sinon on détruit l'égalité républicaine aussi devant la santé. Ils n'ont pas de doses de Spoutnik aujourd'hui, donc avant...
Q - Ils ont fait une précommande de 500 000 doses. Est-ce qu'il a le droit de faire ça Renaud Muselier ?
R - Ecoutez, je pense surtout que ça n'arrivera pas, parce qu'il doit respecter l'avis de l'Agence européenne des médicaments, et il faut que ce soit produit ensuite ce vaccin. Aujourd'hui, même des pays qui ont signé des contrats, ne reçoivent pas les doses russes ou très marginalement. Donc c'est une illusion, mettons ça de côté et travaillons sérieusement pour vacciner aujourd'hui les Français.
Q - Une dernière chose, Clément Beaune, dernier sujet, cette super Ligue européenne créée par douze clubs de football parmi les plus puissants d'Europe, des clubs de Manchester, Chelsea, le Real Madrid, Liverpool. Est-ce qu'elle vient fausser la concurrence, comme le dit très officiellement la France par la voix du président Emmanuel Macron ?
R - Oui, c'est la dérive d'un système, celui qui fait passer dans le foot le fric avant la fête, et celui qui est le système de l'argent roi, qui exclut le mérite, qui exclut la solidarité. Il y a un modèle européen du sport, et du football, qui fait financer l'ensemble d'une filière, des clubs amateurs, des associations, par ceux qui réussissent le mieux, qui sont les plus riches, qui est un système du mérite et de la réussite. Quand vous vous qualifiez, vous pouvez accéder à une coupe nationale ou une coupe européenne. Et là c'est un système fermé, où des riches se réunissent entre eux et disent : on va financer notre cluster de clubs riches et exclure tous les autres même s'ils sont, à un moment, dans la réussite, dans l'exploit sportif, on a besoin de ça, on le voit en Coupe de France, on le voit parfois en Coupe d'Europe.
Q - Mais alors, qu'est-ce qu'on peut faire face à ça, que peut faire l'Union européenne ?
R - Alors, d'abord l'UEFA a dit qu'elle réfléchissait à des mesures d'exclusion, ça lui appartient, et je pense que...
Q - Ça pourrait priver les Bleus de l'équipe de France d'une grande partie de l'équipe pour l'Euro de football cet été, ce serait dommage.
R - Je souhaite justement qu'on n'en arrive pas là. C'est une menace qui doit montrer qu'on doit exclure ce type de compétition fermée, fondée sur le fric, point barre. Moi je suis défavorable à ça. Puis il y a une présidence française de l'Union européenne dans quelques mois, j'espère qu'on aura résolu ce problème-là avant, mais où nous essaierons, même par une législation européenne, de renforcer le système de financement des petits clubs, et finalement consacrer ce modèle européen du foot, du sport, de la fête populaire. C'est ça que ce système du fric roi est en train de détruire.
Q - Le consacrer, mais y compris dans les textes législatifs ?
R - Oui, ce serait une possibilité. Nous avons dans nos pays, par les fédérations professionnelles, des systèmes de financement. Quand on regarde ce qui se passe dans la plupart des pays européens il y a les mêmes exigences, de mérite et de solidarité, et nous sommes en train de regarder, avec la ministre des sports, Mme Maracineanu, si on peut consacrer cela même par des textes législatifs au niveau européen dans les prochains mois.
Q - Parce que pour le moment les traités européens défendent la libre circulation et autorisent idée d'une mise en concurrence des compétitions sportives. Alors clairement, il n'y a pas de marge de manoeuvre pour l'interdire cette Super Ligue ?
Q - En l'état actuel des textes en tout cas.
R - En l'état actuel des textes européens, la SuperLigue n'est pas, si je puis dire, concernée, et d'abord il faut agir beaucoup plus vite que par des textes législatifs. Donc moi je souhaite que la pression politique qui soit exercée, on l'a vu même pour les pays concernés par ce club fermé, y compris le Royaume-Uni, qui n'est plus vraiment européen, mais le Premier ministre Johnson a critiqué ce projet, il a été critiqué par beaucoup de clubs de ces pays-là. Une compétition européenne de cette nature, c'est contre-nature, parce que vous n'avez que deux pays européens, parce que vous avez un système fermé, et j'espère...
Q - Trois, mais peu importe.
R - Si vous rajoutez le Royaume-Uni, mais enfin qui n'est plus tout à fait européen, ça dit quelque chose, et donc je souhaite que l'UEFA, ce n'est pas à moi qu'il appartient de le définir, prenne des mesures les plus fermes dans les jours qui viennent.
Q - Juste une dernière question, le PSG a dit non, est-ce que vous félicitez les dirigeants ?
R - Oui, je félicite tous les dirigeants des clubs français, comme l'a fait le Président de la République, qui ont le souci de préserver ce modèle populaire, de fête, et de mérite, c'est ça qu'il faut défendre.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 avril 2021