Texte intégral
ALIX BOUILHAGUET
Agnès PANNIER-RUNACHER, bonjour, merci d'être avec nous ce matin.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour.
ALIX BOUILHAGUET
Hier, l'Europe a donné son feu vert à la vaccination pour le vaccin Janssen, alors ça devrait être une bonne nouvelle, sauf que, sauf que ce vaccin lui aussi il a provoqué quelques cas de thromboses. Est-ce que pour Janssen, finalement le mal est fait ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois qu'il faut écouter ce que nous dit l'Autorité du médicament européen. On a la chance en Europe d'avoir une des autorités les plus rigoureuses sur les sujets de sécurité et les sujets d'efficacité. Et ce que nous dit l'Agence du médicament européen, c'est que ce vaccin il est parfaitement adapté à la pandémie à laquelle nous faisons face, je rappelle que c'est quand même 100 000 morts en France, des millions de morts dans le monde, et que oui bien sûr qu'il faut l'utiliser. En plus il a un avantage, c'est une seule dose en primo-vaccination, donc c'est efficace, plus facile à organiser, donc nous allons déployer ce vaccin dans les prochains jours, on attend les recommandations de l'autorité, de la Haute autorité de santé française, pour dire vers quelle cible de population ce vaccin est adapté. Et encore une fois, ayons confiance dans nos médecins, ayons confiance dans nos experts.
ALIX BOUILHAGUET
Mais, vous voyez bien qu'il y a une part d'irrationnel, quand le doute est là, quand la défiance est là, ça dépasse tout, on voit bien ce qui s'est passé avec AstraZeneca, il y a eu un flop monumental ce week-end dans les vaccinodromes, ils étaient vides parce qu'on a aussi sentiment que pour AstraZeneca, la défiance est installée, définitive.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je ne le crois pas, parce qu'en fait lorsque vous êtes accompagné par un médecin, c'est ce qui se passe en médecine de ville, plus de 73% des stocks qui passent par la médecine de ville, sont utilisés, parce que c'est comme quand vous allez chez le médecin, ce n'est pas vous qui faites la prescription, c'est lui qui sait, qui a fait des études très longues, qui se tient au courant régulièrement pour savoir si ce vaccin est adapté pour vous. Et à un moment, il faut que les commentateurs arrêtent de commenter et que l'on écoute les gens qui sont les experts de la situation. Et je crois que l'on est confronté à une espèce de commentaires permanents, alors que vous avez des gens qui sont sur le pont depuis des jours, pour faire en sorte de prendre en charge et de lutter contre cette épidémie, qu'avec la vaccination nous avons la chance extraordinaire d'avoir développé des vaccins efficaces en très peu de temps, qu'il y a un an personne n'aurait imaginé avoir ces vaccins disponibles, que les résultats de l'AstraZeneca sont bien au-delà de plein de vaccins qui sont aujourd'hui disponibles, et ce n'est pas moi qui le dit, ce sont les experts. Encore une fois, je ne m'élève pas au-dessus de ma condition, mais j'ai confiance dans la médecine française, j'ai confiance dans la médecine européenne.
ALIX BOUILHAGUET
A eux deux, AstraZeneca et Jansen, ça représente à peu près 34%, soit 1/3 des doses en juin. Est-ce que, si cette défiance s'installait, est-ce qu'on pourrait se passer d'AstraZeneca, est-ce qu'on pourrait se passer de Janssen, est-ce que cette défiance elle serait de nature à remettre en cause notre objectif, notamment 30 millions de vaccinés mi-juin et la totalité des Français avant la fin de l'été ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Comme vous le voyez, nous vaccinons au rythme que nous l'avons indiqué. Nous avions annoncé 10 millions de personnes vaccinées, primo-vaccinées, nous avons fait 12 millions de personnes primo-vaccinées au 15 avril. Nous serons 20 millions au 15 mai et nous allons continuer sur ce rythme-là.
ALIX BOUILHAGUET
Donc 30 millions mi-juin, quel que soit le niveau de défiance, la volonté ou pas de se faire vacciner avec ces 2 vaccins, on y sera quoi qu'il arrive, on n'a pas besoin de...
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mon message il est très clair : AstraZeneca, mon père est vacciné à l'AstraZeneca, il a 75 ans, il pouvait avoir accès au BioNTech, c'est son médecin qui lui a recommandé de l'utiliser. Ma mère est vaccinée à l'AstraZeneca. Je crois qu'il est irresponsable d'utiliser et d'entretenir des peurs, à un moment où nous avons un ennemi qui est bien déterminé, qui est le coronavirus, qui a tué des milliers de personnes et contre lequel nous sommes collectivement, sur l'ensemble de la planète, en train de lutter.
ALIX BOUILHAGUET
Si on sentait un peu de doutes, est-ce qu'on pourrait ouvrir, pourquoi ne pas ouvrir à tous les volontaires, à tous ceux justement qui disent : eh bien moi le AstraZeneca, le Janssen je le prends et je n'attends pas un autre vaccin ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais, aujourd'hui précisément, parce que nous avons une Autorité de santé qui fait son travail, avec une rigueur énorme, nous avons fixé un niveau d'âge justement pour que le bénéfice soit très largement supérieur aux effets secondaires. Donc je crois qu'il faut y aller tout simplement. Moi j'invite les Français à se faire vacciner, à prendre le conseil de leur pharmacien, à prendre le conseil de leur médecin traitant. Moi je ne fais pas ma prescription quand je vais chez le médecin, je n'explique pas au médecin que tel médicament est mieux que tel autre médicament. Et je pense que ce rôle de conseil de proximité est indispensable. Derrière cela, ce qu'il y a en jeu, c'est d'arrêter la circulation du virus. Je crois que c'est un objectif collectif, où on a deux choses à faire dans les jours qui viennent : pour ce qui le peuvent, se faire vacciner, se protéger eux-mêmes et désormais on sait que la vaccination permet aussi de protéger les autres, ce qui est une très bonne nouvelle, et c'est aussi de continuer à respecter les gestes barrières, parce que c'est notre meilleure protection et c'est ça qui nous permettra de sortir de cette crise, et je crois que tous les Français l'attendent.
ALIX BOUILHAGUET
Pfizer reste notre propre bateau amiral, on en est où des commandes pour les mois qui viennent ? Il y a une précommande, c'est ça, européenne pour l'automne de 2 milliards de doses, ce qui fera à peu près 300 millions de doses pour la France ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Au total, en France, nous avons déjà commandé, donc ce n'est pas une précommande, nous avons déjà commandés plus de 300 millions de doses sur l'ensemble de nos plateformes vaccinales Ça c'est pour l'année 2021. Il y a 60 millions de Français, 50 millions de majeurs, vous voyez qu'on est très au-delà des besoins éventuels qu'on pourrait avoir, non seulement de vaccins en primo-vaccination, une ou deux dises, mais également de potentiels rappels. Ce sur quoi on travaille, et ce sont les scientifiques qui le font, c'est quel est le protocole vaccinal dont nous allons avoir besoin ? Faut-il se vacciner contre des variants ? Est-ce qu'un vaccin contre les variants, peut être aussi utilisé comme rappel ? Faut-il, débat, ouvrir la vaccination à un moment aux adolescents ? Nous savons que les solutions vaccinales existent, mon rôle est de faire en sorte que nous soyons approvisionnés dans ces différentes solutions vaccinales, et c'est déjà fait pour l'année 2021, et nous y travaillons pour l'année 2022, et l'année 2023, le rôle des scientifiques est de définir le meilleur protocole vaccinal, toujours dans la même optique : sécurité, efficacité. Il ne s'agit pas de faire trop, mais il s'agit aussi de faire juste ce qu'il faut, c'est-à-dire pas de laxisme non plus.
ALIX BOUILHAGUET
On va renouveler le contrat avec AstraZeneca ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est un point qui est en discussion, mais AstraZeneca, nous avons 45 millions de doses, ce qui couvre très largement nos besoins pour l'année 2021, pour l'année 2022 et l'année 2023 ce sont des sujets en discussion. L'intérêt en 2022-2023 c'est que nous voulons élargir notre portefeuille de vaccins, il y a d'autres candidats vaccins qui vont arriver, qui sont intéressants, je pense au vaccin Novavax, au vaccin Sanofi, qui sont des protéines recombinantes, qui sont attendus avec impatience par la communauté scientifique. Donc vous voyez, nous ne manquerons pas de solutions vaccinales et tout l'enjeu c'est d'avoir les meilleures solutions, une meilleure ... de sécurité et d'efficacité.
ALIX BOUILHAGUET
Donc pas forcément AstraZeneca, mais éventuellement d'autres candidats vaccins.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais pourquoi pas, nous verrons.
ALIX BOUILHAGUET
Est-ce que... Il y a un mois, Emmanuel MACRON il a fait son mea-culpa sur le vaccin, il a dit que l'Europe avait manqué d'ambition, que lui-même d'ailleurs n'avait pas pensé que ça irait aussi vite, il n'y a pas cru, alors que les Américains, les Anglais, ils ont investi à tout va dans leurs labos. Qu'est ce qui fait que la France, on n'a pas senti le coup venir ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, je crois d'abord qu'il faut se replacer sur ce qui s'est passé ces 30 dernières années en France. Ces 30 dernières années en France, et je ne parle pas du début du quinquennat, parce que pour le coup on avait commencé à travailler sur ce sujet-là, en prenant des décisions qui allaient totalement à l'encontre de ce qui avait été fait les 30 précédentes années. Nous n'avons jamais considéré le médicament comme étant stratégique. Ça a été constamment une variable d'ajustement dans les budgets publics.
ALIX BOUILHAGUET
Donc ça c'est une erreur.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ça c'est une erreur, c'est une erreur qui a eu une implication directe, certes la France a effectivement un budget de médicaments dans la Sécurité sociale, qui a été toujours très bien négocié ; toujours très bien, mais la contrepartie c'est que nous avons progressivement perdu notre industrie pharmaceutique...
ALIX BOUILHAGUET
Oui mais...
AGNES PANNIER-RUNACHER
Nous sommes passés de la première place européenne à la quatrième place, et ça c'est une erreur, parce que nous avons perdu nos sites de production.
ALIX BOUILHAGUET
Mais, un président, ça peut aussi avoir une vision. Donald TRUMP il a eu une vision, il a investi...
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait, et c'est pour ça...
ALIX BOUILHAGUET
Boris JOHNSON aussi.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais c'est intéressant de savoir que, c'est pour ça que nous avons commencé à investir dès 2018, puisque le Comité stratégique des industries de santé a permis d'augmenter l'enveloppe du médicament innovant, etc. Là où en effet, comme l'a souligné le président de la République, nous avons manqué de leviers et nous avons manqué de moyens, c'était pour financer les essais cliniques, les premiers essais cliniques. La différence, ce n'est pas les commandes, comme on entend beaucoup, parce qu'elles ont été passées grosso modo au même moment, AstraZeneca on a signé un jour avant le Royaume-Uni, donc voyez ça ne fait pas une grande différence. En revanche, nous n'avons pas financé les premiers essais cliniques de ces différents laboratoires...
ALIX BOUILHAGUET
Ce qu'ont fait les Anglais et les Américains, parce qu'ils avaient des moyens.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce qu'on fait essentiellement les Américains puisque je crois que le modèle le plus intéressant c'est objectivement les Américains. Les Anglais c'est l'université d'Oxford qui a développé le vaccin, donc il y a eu une sorte de conjugaison de d'éléments qui fait qu'ils ont pu dérouler derrière un vaccin, c'est comme si l'Institut Pasteur était arrivé dès le mois de mars avec une proposition de vaccin. Là, les Américains ils ont une stratégie systématique de financement des essais cliniques et de la recherche clinique. Ils avaient l'instrument, ils avaient les moyens, et ça met en en lumière tout ce que nous pouvons faire au niveau européen. Au niveau européen, on n'est pas allé assez loin, on a besoin de plus d'Europe et de mieux d'Europe.
ALIX BOUILHAGUET
Merci beaucoup Agnès PANNIER-RUNACHER, bonne journée à vous.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 avril 2021