Déclaration de Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie, sur le point d'étape sur le plan d'actions pour les métiers du grand âge et de l'autonomie, Bordeaux le 30 janvier 2021.

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Texte intégral

Madame la Préfète,
Madame la vice-présidente du conseil régional de Nouvelle Aquitaine, chère Françoise Jeanson,
Madame la directrice générale de la cohésion sociale, chère Virginie Lasserre,
Cher Michel Laforcade,
Mesdames, messieurs,
Chers tous,


Je suis très heureuse de m'exprimer devant vous aujourd'hui pour ce premier point d'étape sur le plan d'actions pour les métiers du secteur du grand âge et de l'autonomie. Ce plan, c'est d'abord une ambition : la mienne, la vôtre et celle d'un pays qui sait regarder devant lui et préparer l'avenir. Ce plan, c'est aussi le premier chapitre de ma feuille de route ministérielle et c'est une réponse forte à des attentes fortes.

Avant toute chose, permettez-moi de dire quelques mots sur la situation sanitaire qui nous préoccupe tous. Hier soir le Premier ministre a annoncé des mesures complémentaires visant à accélérer le freinage de l'épidémie.

Celles-ci puisent dans une situation épidémiologique qui est certes moins dégradée que chez nos partenaires mais qui n'en n'appelle pas moins la responsabilité de tous alors que la campagne de vaccination se poursuit comme j'ai pu le constater hier dans les Ehpad que j'ai visités en Charente et en Charentes Maritimes.

Protéger nos aînés, sans les isoler, protéger les Français en tenant compte des efforts qu'ils ont accomplis, en leur faisant confiance dans ces moments tourmentés, telle est notre cohérence.

Depuis plusieurs mois déjà, nous avons engagé une vaste réforme du grand âge et de l'autonomie, qui va être amenée à s'amplifier, à se décliner et à s'intensifier dans les mois à venir. Elle nous appelle à agir en profondeur sur différents champs et je pense en particulier aux droits des personnes âgées et de leurs proches-aidants ; à l'adaptation des structures d'accompagnement ; ou encore à l'investissement pour l'attractivité des métiers du prendre soin.

Le plan pour ces métiers sera le fer de lance de la réforme, il en sera la force motrice.

Alors merci, Madame Jeanson, chère Françoise, de nous avoir rappelé les constats que la mission de Myriam El Khomri à laquelle vous avez participé a pu faire : des déficits, certes mais aussi de formidables volontés, et là où il y a une volonté, il se dit qu'il y a un chemin, que nous allons emprunter tous ensemble.

C'est sur la base de vos travaux que j'ai engagé la formalisation d'une stratégie globale de renforcement de l'attractivité des métiers du Grand âge.

Dès ma nomination, peut-être en raison de mon histoire personnelle et de ma connaissance du secteur, j'ai exprimé publiquement la conviction que la réforme du grand âge passerait par la pleine reconnaissance des professions du soin, aussi essentielles que dévalorisées.

Depuis longtemps, trop longtemps, nous regardons ceux qui prennent soin de nos aînés avec admiration, mais dès lors qu'il est question de les reconnaître, l'admiration laisse soudain place à un silence coupable.

Contre ce silence coupable il doit y avoir une parole donnée, il doit y avoir des engagements, parce que chacun sait qu'il n'y a pas d'amour sans preuves d'amour.

Je le dis devant vous aujourd'hui, mais je n'ai pas hésité à le dire au Président de la République et au gouvernement à mon premier conseil des ministres en juillet dernier !

Dès ma prise de fonction, j'ai concentré mon attention sur les métiers. Il le fallait, parce que sans celles et ceux qui font, nous ne pourrions rien faire. Les projections statistiques, nous les connaissons, elles sont vertigineuses, elles sont écrasantes. Mais regarder les choses à travers des chiffres et des courbes n'a jamais fait une bonne politique publique. Je crois à l'expérience vécue et l'humanisme n'a de sens que s'il se frotte à une réalité brute. Tout le reste, c'est de la spéculation, c'est du commentaire et à la fin, c'est du renoncement.

J'ai donc immédiatement rencontré Myriam EL KHOMRI et les membres de sa mission ; J'ai également rencontré toutes les fédérations de services et d'établissements.

Alors que le Ségur de la santé s'achevait, j'ai veillé à ce que la revalorisation socle dite « complément de traitement indiciaire » concerne également les EHPAD, quel que soit leur statut.

Si les services d'aide et d'accompagnement à domicile étaient bien inclus dans le périmètre de l'exonération sociale et fiscale d'une prime Covid versée par l'employeur, la compensation financière n'était pas assurée sinon par une petite vingtaine de départements qui en avaient pris l'initiative. C'est cette injustice que j'ai voulu lever à mon arrivée, parce qu'une reconnaissance à géométrie variable, j'appelle cela une injustice. En trouvant un partenariat avec l'Assemblée des départements de France et grâce à la proposition de cofinancement de 80 millions d'euros faite par le Premier ministre sur ma proposition, c'est la quasi-totalité des conseils départementaux qui ont voté le principe d'une telle prime. Nos efforts ont fini par payer et c'était indispensable.

Vous nous l'avez rappelé, le secteur du grand âge et de l'autonomie est confronté depuis plusieurs années à d'importantes difficultés de recrutement et de fidélisation des personnels. La fidélité ne se décrète décidément pas : elle se promet, elle se mérite et elle se gagne. A cette fidélité contrariée s'ajoute un sentiment de « perte de sens » et d'isolement, chez des professionnels qui estiment à juste titre ne pas être assez reconnus par la société.

Un chiffre témoigne à lui seul de ce que je qualifie de « malaise dans une profession »: 20% des postes d'emplois d'aide à domicile sont aujourd'hui vacants. 20%, rendez-vous compte, c'est 1 emploi sur 5 qui n'est pas pourvu! Pourtant, chacun sait que les besoins en recrutement sont très importants. Le rapport de Myriam El Khomri estimait en 2019 que les recrutements de 350 000 aides-soignants et accompagnants éducatifs et sociaux seront nécessaires d'ici 2025 pour y faire face. Passer des constats à l'action, c'est l'ambition de ce plan et c'est notre mission à tous.

La crise sanitaire a mis en exergue, si besoin était, les tensions continuelles qui traversent le secteur du grand âge et de l'autonomie. Elle a aussi durement éprouvé les professionnels et je tiens une nouvelle fois à vous remercier, à remercier tous ceux qui, depuis le début de l'épidémie, se sont engagés au quotidien pour aider, accompagner et soigner nos aînés à domicile ou en établissement.

Votre engagement, les Français l'ont regardé sous un jour nouveau, et ils vous ont applaudi, parce que face à l'impensable, face à un péril mortel, ils ont vu que vous étiez là.

Il faut aujourd'hui parler aux Français qui vous ont applaudi des enjeux qui sont devant nous et qui sont immenses.

Il faut leur dire que la transition démographique n'attendra pas, qu'elle est déjà là sous nos yeux. Il faut leur dire que d'ici 2025, notre population comptera 1 million de personnes âgées supplémentaires, dont 100 000 qui seront en perte d'autonomie.

Chacun doit donc se préparer à ce qui n'est ni une apocalypse, ni un fléau, mais un changement de société, ni plus, ni moins.

Se préparer à ce changement de société, c'est répondre au souhait de vieillir le plus longtemps possible « chez soi », avec un appui plus soutenu au secteur du domicile et une transformation profonde de l'offre en établissement. C'est le fameux « virage domiciliaire », avec l'offre de services et de soins nécessaire, sur un territoire dans lequel les aînés prennent une part active à la citoyenneté.

Enfin, la crise sanitaire a plongé notre pays dans une crise économique d'une ampleur inédite, laissant nombre de nos concitoyens sans emploi. Il nous appartient de les aider à engager des reconversions, les emplois dans le secteur du grand âge sont une opportunité.

Les objectifs de notre stratégie pour les métiers du grand âge et de l'autonomie sont clairs, ils sont simples :

C'est d'abord le renforcement de leur attractivité, pas uniquement financière, pour sécuriser les recrutements en volume et en compétences. Ce volet est indispensable pour répondre aux besoins actuels et anticiper la croissance démographique ;
C'est ensuite la garantie systématique d'un accompagnement personnalisé et de qualité pour nos aînés en perte d'autonomie

Notre stratégie se décline en quatre principaux axes, que j'ai l'occasion aujourd'hui de détailler.

1 / Le premier axe consiste à changer l'image associée à ces métiers, pour faire face à la fois à l'urgence mais aussi aux enjeux de long terme du secteur. Cette mauvaise image est liée au regard que l'on porte sur les personnes âgées en perte d'autonomie, souvent considérées comme des charges pour notre société. En réalité, ce que j'ai observé au fil de mes nombreuses rencontres, c'est d'abord le goût des autres, c'est la quête de sens et, je ne pense ni être grandiloquente, ni faire entorse à la laïcité, en disant que ce qui se matérialise chaque jour dans la pratique de ceux qui travaillent auprès de nos aînés, c'est l'amour du prochain.

Il y a dans ces métiers la force d'une vocation. Parler de « vocation », ça n'est pas ignorer toutes les duretés de ces métiers, ça n'est pas jeter un voile pudique sur leur pénibilité, qui est bien réelle, c'est au contraire mesurer tout ce que nous leur devons.

Vivre une vocation c'est bien ; en vivre bien, c'est mieux.

Dans l'urgence, il nous fallait donc attirer des candidats vers ces métiers. C'est ce que nous avons fait et continuerons de faire avec Elisabeth Borne, dans le cadre la campagne « un métier pour nous », qui est une coopération fructueuse entre Pôle Emploi et des ARS. A ce jour, près de 11 600 offres d'emploi en EHPAD et 23 500 à domicile ont été satisfaites, soit 80%.

C'est ce que nous avons fait également avec Sarah El Haïry sur le déploiement de 10 000 jeunes « EngAgés » dans la lutte contre l'isolement. Je vous le dis comme je le pense, nous ne réussirons pas sans les jeunes, nous ne réussirons pas sans leur parler et sans leur donner envie de s'engager au service de nos aînés.

Les travaux ont également débuté sur la délivrance d'une carte professionnelle aux intervenants à domicile, dont la formation d'aide-soignant ou d'accompagnant éducatif et social sera révisée pour plus de transversalité et de complémentarité dès la rentrée 2021.

Et depuis 2020, le concours d'entrée aux formations d'aide-soignant a été supprimé.

Enfin, et prochainement, nous lancerons une campagne « grand public » de mobilisation en faveur de ces métiers. Je ne sais pas si je peux piquer à Florence Parly le fameux « L'armée de terre recrute », mais l'idée est rigoureusement la même : « Le secteur du grand âge et de l'autonomie recrute », alors engagez-vous !

2 / Le deuxième axe de notre stratégie repose sur une action massive en faveur du développement des formations professionnelles. L'objectif, c'est de diversifier les voies d'accès, c'est de développer les passerelles vers les métiers du grand âge et de l'autonomie, c'est de favoriser les synergies entre les établissements et le domicile, et c'est évidemment de lever les freins à l'engagement.

Nous sommes d'ores et déjà en discussion avec les régions pour acter des objectifs concrets de hausse des capacités de formation, que l'Etat financera dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences : 16 000 places de formations sanitaires et sociales dont 6 000 places en IFSI et 10 000 places en IFAS ou en DEAES.

C'est également la voie de l'apprentissage et de la VAE, trop peu investies, que nous allons libérer. Nous avons eu la bonne idée de déverrouiller les fameux quotas de formation en apprentissage et j'ai vu en début de semaine avec Elisabeth Borne que nous pouvions aller encore plus loin.

3/ Le troisième axe de notre stratégie, c'est d'améliorer la qualité de vie au travail et c'est lutter avec la dernière énergie contre la sinistralité. La réduction de la sinistralité dans ce secteur particulièrement touché est non seulement possible, mais elle est impérative.

Outre la mobilisation des ARS, notamment financière, autour des projets de QVT permettant l'achat de petits équipements et le financement de formation pour l'amélioration des pratiques professionnelles, un plan de lutte contre la sinistralité portée par la CNAM est en cours de finalisation.

Ce plan n'est pas une coquille vide, loin de là, puisqu'il est doté d'une enveloppe de 50 millions d'euros sur quatre ans, qui permettra une communication spécifique et un dispositif qui permettra aux TPE de recourir davantage aux équipements et à la formation, pour réduire notamment les troubles musculo-squelettiques.

4/ Last but not least, le quatrième et dernier axe du plan conduira à assurer de meilleures conditions d'emploi et de rémunération des professionnels du grand âge. Nous devons parler sans fausses pudeurs de la case en bas à droite de la fiche de paie. En effet, il n'y a pas de reconnaissance sociale sans reconnaissance salariale, et il n'y pas de reconnaissance tout court sans espèces sonnantes et trébuchantes. Elle est nécessaire pour lutter contre la précarité des travailleurs du secteur et pour susciter des orientations durables vers ces carrières.

Les conventions collectives seront amenées à évoluer. Outre les revalorisations financières du Ségur qui concernent tous les EHPAD, il nous faut maintenant concrétiser la revalorisation des aides à domicile prévue dans le PLFSS 2021. Pour la mettre en oeuvre, les partenaires sociaux de la branche de l'aide à domicile, en lien avec les départements, sont associés aux réflexions. L'Etat sera aux côtés des départements qui ont la responsabilité du financement de l'aide à domicile, en contribuant à hauteur de 150 millions d'euros dès 2021 et, 200 millions d'euros les années suivantes.

Enfin, j'ai retenu la proposition-phare du rapport EL KHOMRI, en lançant début janvier 2021 un appel à projet pour le déploiement de plates-formes d'accompagnement vers les métiers du grand âge, dans une logique de construction de parcours, au profit des demandeurs d'emploi, vers les métiers de ces secteurs.

Je suis convaincue qu'il s'agit d'un outil pertinent de soutien aux employeurs, parce qu'il traduit une vraie politique de recrutement et de gestion des emplois et des compétences.

Mais la réussite de ce plan d'action nous concerne tous ! C'est la raison pour laquelle un grand nombre de ces mesures sera porté par l'Etat et les partenaires sociaux dans le cadre d'un engagement de développement des emplois et des compétences, qui sera signé avant la fin du premier trimestre.

Pour sa mise en oeuvre, je m'appuie sur la Direction générale de la cohésion sociale en lien avec la Direction générale de l'offre de soins et la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle. Je m'appuie sur la DGCS évidemment et même « naturellement », qui est l'interlocuteur historique du secteur et j'ai demandé à sa Directrice, Virginie Lasserre, d'assurer, au-delà de la mission de Michel Laforcade, les fonctions de « secrétariat général » du plan des métiers du grand âge et de l'autonomie.

Chère Virginie, je vous cède la parole.

(…)

Merci Madame Lasserre, Chère Virginie,

Vous l'aurez compris, ce plan a une forte dimension interministérielle : il traite autant des problématiques propres au secteur des métiers du prendre soin que des problématiques de l'emploi, de la formation et de l'éducation. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé au Premier Ministre qu'un coordonnateur national soit nommé pour accélérer la mise en oeuvre opérationnelle de certaines mesures importantes durant les quelques mois de sa mission.

Il est incarné par Michel LAFORCADE, qui bénéficie d'une large reconnaissance des acteurs du secteur, qui plus est dans cette région qui est lui est si chère. Il a pour principale mission de préciser les modalités opérationnelles du déploiement de la stratégie relative à l'attractivité des métiers de l'autonomie. A cet effet, il peut mobiliser tous les leviers disponibles. Son rôle est primordial pour garantir une réponse aux besoins structurels du secteur et améliorer son attractivité. Il a, vous avez, Cher Michel, toute ma confiance.

Je vais d'ailleurs tout de suite vous céder la parole pour vous laisser détailler la philosophie et l'avancée de vos travaux.

(…)

Merci beaucoup pour ces précisions très riches et très enthousiasmantes. Grâce à votre mobilisation jusqu'à l'été et votre étroite collaboration avec la DGCS, nous serons en mesure de concrétiser rapidement les mesures qu'attendent les professionnels du grand âge, les personnes accompagnées et leurs proches. Vous allez engager des échanges avec de nombreux acteurs et je sais combien la consultation de terrain et la prise en compte des spécificités de chaque territoire vous sont chères.

Cher Michel Laforcade, je tenais à vous adresser tous mes voeux de réussite pour votre mission qui nous est précieuse. Sachez que vous n'êtes pas seul et que je suivrai attentivement l'avancée de vos travaux. Nous installerons prochainement ensemble un comité de pilotage et je vous donne d'ores et déjà rendez-vous chaque mois, afin que vous m'informiez de l'état de votre mission.

Une nouvelle fois, je vous remercie toutes et tous pour votre présence aujourd'hui. Elle illustre l'importance du sujet et montre que nous pouvons tous nous rassembler autour de la valorisation d'une filière professionnelle qui en a tant besoin.

Le voyage est dans le chemin et l'aventure dans laquelle nous nous engageons en vaut la peine. Nous avons le devoir de réussir. Beaucoup a été préparé depuis des mois, depuis des années même. Aujourd'hui, nous quittons le camp de base pour relever un immense défi. J'y suis prête.


Je vous remercie.


Source https://www.lemediasocial.fr, le 4 mai 2021