Interview de Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement, à LCI le 9 avril 2021, sur la suppression de l'Ecole nationale d'administration, la rénovation énergétique, l'énergie nucléaire et l'élection présidentielle.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Emmanuelle WARGON, vous êtes ministre chargée du Logement ; merci d'avoir accepté l'invitation de LCI. On va commencer par parler de vous parce que vous, vous êtes énarque, vous savez que ce n'est pas bien.

EMMANUELLE WARGON
Si, si, c'est très bien !

JEAN-MICHEL APHATIE
Vous faisiez partie de la promotion, je l'ai marqué, je ne sais plus …

EMMANUELLE WARGON
Marc BLOCH …

JEAN-MICHEL APHATIE
Marc BLOCH, oui, comment l'oublier ! Et quand vous êtes sorti de l'ENA en 97, vous avez tout de suite intégré la Cour des comptes et votre parcours est exactement celui, si on a bien compris le chef de l'État hier, qui a posé les problèmes à la France et que donc on veut supprimer et je me suis dit, vous n'avez pas eu sans doute l'impression de poser des problèmes particuliers à ce pays, comment vous vivez cette réforme vous qui êtes exactement le profil de ce qui est dénoncé aujourd'hui ?

EMMANUELLE WARGON
Alors c'est vrai que moi, je suis énarque et haut fonctionnaire, que j'ai fait l'essentiel de ma carrière d'abord à la Cour des comptes mais après essentiellement dans les ministères sociaux.

JEAN-MICHEL APHATIE
Mais tout de suite, vous êtes entrée à la Cour des comptes !

EMMANUELLE WARGON
Exactement !

JEAN-MICHEL APHATIE
L'un de ces grands corps.

EMMANUELLE WARGON
Exactement, j'ai fait l'ENA et je suis sortie dans ce qu'on appelle l'accès direct aux grands corps et donc je suis sortie à la Cour des comptes.

JEAN-MICHEL APHATIE
Ça veut dire bonne élève.

EMMANUELLE WARGON
Ça veut dire bonne élève exactement. Moi, je soutiens ce que fait le président de la République parce que, en fait, je pense que le système dans lequel on est, dont j'ai bénéficié, sur lequel j'ai vécu, auquel j'ai contribué, ce système, il faut le changer très, très profondément parce qu'il y a une différence trop importante dans les carrières. Moi, j'étais du bon côté, j'en ai profité, j'en ai bénéficié mais il y a une différence trop importante dans les carrières entre la liberté que donne le fait d'appartenir à un grand corps qui permet essentiellement de changer plus facilement de ministère, de secteur, de sujet et le côté plus cloisonné quand vous sortez dans un ministère et que vous avez plus de mal ensuite à passer d'un sujet à un autre.

JEAN-MICHEL APHATIE
Mais ça, on comprend, il y a une logique à réformer mais attribuer à ce système-là pas tous les maux du pays mais presque, est-ce que ça vous paraît sérieux ?

EMMANUELLE WARGON
Moi, je ne lis pas, je ne comprends pas cette réforme, cette transformation très, très profonde comme ça. D'abord moi, je suis haut fonctionnaire. Je connais les hauts fonctionnaires, je sais à quel point ils travaillent, ils sont dévoués, à quel point ils portent le pays et je n'entends pas …

JEAN-MICHEL APHATIE
Personne ne le nie !

EMMANUELLE WARGON
Le président l'a dit, il l'a dit dans son discours d'hier …

JEAN-MICHEL APHATIE
Ce n'est pas ce qu'on retient !

EMMANUELLE WARGON
Il le redira mais je le redis très profondément et très sincèrement, j'en ai fait partie très longtemps, ce sont des gens qui sont compétents, dévoués, qui travaillent énormément et qui ont l'intérêt général chevillé au corps.

JEAN-MICHEL APHATIE
Coupés de la société ?

EMMANUELLE WARGON
Après les carrières telles qu'elles sont faites sont des carrières qui vous mènent plutôt à rester à l'endroit où vous êtes sorti de l'ENA des années et des années avant et je le sais parce que moi j'ai essayé de changer. J'ai quitté la Cour des comptes après quatre ans ; je suis partie dans le champ du social qui était un choix pas très évident à l'époque. Mes collègues allaient plutôt vers Bercy, vers des fonctions entre guillemets plus prestigieuses, j'étais au ministère de la Santé, j'étais au ministère du Travail, j'étais quelque temps l'Agence du médicament et puis, j'ai eu une expérience dans le privé qui était aussi un choix personnel justement d'aller voir ailleurs. Ces carrières-là ne sont finalement pas tellement encouragées, vous êtes plutôt encouragé à être toujours dans le même ministère, toujours dans la même fonction. Donc je crois que c'est utile mais y compris pour les hauts fonctionnaires eux-mêmes d'avoir la possibilité d'avoir un choix plus large et puis, il y a un autre point que je trouve très, très important qui est administration active ou contrôle. Les grands corps de l'État sont des corps d'inspection de contrôle ou des juridictions. Et c'est utile mais ce n'est pas raisonnable de mettre les élèves qui sortent des écoles à 30% dans des fonctions de contrôle. Quand on fait ce choix, on a envie d'agir, on a envie de participer à l'évolution du pays, on a envie de gérer, on a envie de répondre aux besoins des Français. Le contrôle y répond mais il y répond de façon très directe et donc dire "les corps de contrôle, les fonctions de contrôle c'est après" et franchement quand vous arrivez, vous n'avez pas d'expérience professionnelle, vous faites des contrôles et vous expliquez au reste du monde comment il aurait fallu faire, il y a un truc qui ne va pas.

JEAN-MICHEL APHATIE
C'est un peu arrogant et pour en terminer avec ce sujet, vous pensez que l'ENA a nui à la France plutôt qu'elle ne l'a servie ?

EMMANUELLE WARGON
Pas du tout. Je pense que l'ENA a fondamentalement servi la France, je pense qu'on est à la fin d'un modèle qui ne marche plus, sur lequel on a mis beaucoup de rustines, on a fait beaucoup de réformes de la scolarité. Ce qui est intéressant, c'est que là ce n'est pas une réforme de la scolarité, c'est une réforme de la haute fonction publique. Refonder l'ENA, créer une nouvelle école et surtout retravailler les carrières, ça fera une vraie différence ! Je vous vois sourire !

JEAN-MICHEL APHATIE
Oui parce que vous êtes un bon soldat au fond !

EMMANUELLE WARGON
Non parce que je le crois profondément ! Parce que je l'ai vécu, je l'ai vécu ce cloisonnement, vous ne savez pas comment vous allez trouver votre prochain poste ! Vous ne savez pas comment vous allez vous faire connaître dans un ministère qui ne vous connaît pas, qui n'a jamais entendu parler de vous parce qu'il y a 15 personnes avec lesquelles vous travaillez tous les jours mais vous n'arrivez pas à changer d'univers. Moi, j'aurais adoré aller dans la culture, c'était totalement impossible, donc oui j'y crois !

JEAN-MICHEL APHATIE
La loi Climat et Résilience continue d'être discutée à l'Assemblée un peu dans l'indifférence générale.

EMMANUELLE WARGON
Non pas dans l'indifférence générale mais le texte est long, c'est une discussion qui va durer trois semaines. Donc forcément en trois semaines, il y a des moments un peu plus visibles et puis des moments un peu plus calmes ; moi, j'attends avec impatience ma partie qui arrive probablement plutôt demain sur le logement, rénovation des logements d'un côté et puis lutte contre ce qu'on appelle l'artificialisation des sols. Le mot est un peu barbare mais en gros, c'est le fait que la nature recule au profit du béton ou du bitume et ça, ces deux parties arrivent, voilà, dans les jours qui viennent.

JEAN-MICHEL APHATIE
Qui vous concernent. Qu'est-ce qui va changer sur le logement ?

EMMANUELLE WARGON
Sur le logement, on accélère très, très fortement la rénovation énergétique des logements.

JEAN-MICHEL APHATIE
Les passoires énergétiques.

EMMANUELLE WARGON
On rend cette rénovation obligatoire pour ce qu'on appelle les passoires, c'est-à-dire les logements vraiment très, très mal isolés quand ils sont mis en location avec des étapes progressives (2025 puis 2028) et on améliore beaucoup l'accompagnement pour tous les ménages. On en fait déjà beaucoup, de la rénovation énergétique.

JEAN-MICHEL APHATIE
Pour les ménages, c'est-à-dire pour les propriétaires ?

EMMANUELLE WARGON
Oui, oui pour tout le monde, pour les propriétaires qu'ils soient occupants, donc vous êtes chez vous, ou qu'ils soient bailleurs, vous mettez en location, l'accompagnement et les aides seront améliorés d'un côté et il y a une obligation pour les logements mis en location que nous posons dans cette loi. Donc c'est un progrès. Ça va nous permettre d'aller encore plus vite que ce qu'on fait aujourd'hui.

JEAN-MICHEL APHATIE
Et il y a, j'imagine, un parc immobilier important à rénover de ce point de vue ?

EMMANUELLE WARGON
Alors il y a 30 millions de résidences principales en France, c'est de l'ordre de grandeur et sur ces 30 millions, il y en a un petit peu moins de 5 millions qui sont ceux qui sont vraiment très, très mal isolés. Donc dans ces 5 millions, notre objectif, c'est de les avoir tous rénovés d'ici à 2028.

JEAN-MICHEL APHATIE
Vous travaillez donc aux côtés de Barbara POMPILI.

EMMANUELLE WARGON
Absolument.

JEAN-MICHEL APHATIE
La ministre de l'Environnement, je ne sais pas, il y a le terme …

EMMANUELLE WARGON
De la Transition écologique …

JEAN-MICHEL APHATIE
De la Transition écologique, il m'avait échappé à l'instant et je vais vous demander de choisir votre camp entre Barbara POMPILI qui dit qu'on peut se passer du nucléaire, elle l'a redit mercredi en citant des études et en disant que ce qu'elle affirmait, "on peut se passer du nucléaire", reposait sur une observation de scientifiques et puis, à votre place il y a dix jours, François BAYROU, commissaire au Plan, était là et lui, il dit "on ne peut pas se passer du nucléaire". On l'écoute.

FRANÇOIS BAYROU, COMMISSAIRE AU PLAN
Si on n'avait pas le nucléaire, on serait obligé d'avoir des centrales thermiques, au pétrole ou au gaz et on augmenterait nos rejets de gaz à effet de serre. Il n'existe aucune autre solution pour le pays que d'avoir cet équilibre, d'un côté énergies renouvelables développées, de l'autre nucléaire.

JEAN-MICHEL APHATIE
Alors choisissez votre camp, vous êtes POMPILI, on peut se passer du nucléaire ou BAYROU ?

EMMANUELLE WARGON
Le nucléaire, ce n'est pas la seule solution pour produire de l'énergie et ce qu'a apporté Barbara POMPILI dans le débat, c'est de montrer qu'on a des études sérieuses, y compris de l'Agence internationale de l'Energie qui montrent que sous beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup d'hypothèses, on peut aller vers un système d'énergies renouvelables quasiment intégral. Moi, je crois qu'on en est très, très loin et donc sur le cas de la France, aujourd'hui, je pense qu'on a besoin d'une part de nucléaire. On avait une part de nucléaire trop importante, on était à 70, 75% de nucléaire dans la production d'énergie. Pour moi, c'est trop, c'est trop mais y compris sur une question de bon sens qui est ne pas avoir toute notre production énergétique qui dépend d'une énergie, d'un modèle. Le nucléaire, cela pose des questions de risques ; ça pose des questions de déchets et j'ai accompagné, après Sébastien LECORNU, la fermeture de la centrale de Fessenheim. Donc je me suis engagée sur ce sujet pour que nous réduisions la part du nucléaire dans notre modèle. En parallèle, j'ai aussi accompagné la fermeture des quatre centrales à charbon qui sont en train de fermer, celle du Havre a fermé, la centrale de Saint-Avold et celle de Gardanne sont en train également de fermer. Je pense que nous ne sommes pas prêts à nous passer complètement du nucléaire en France, qu'il faut trouver la bonne part. Est-ce que c'est 50% ? C'est ce que dit aujourd'hui notre stratégie, 50% en 2035 ; est-ce qu'après 2035, on peut baisser encore ? Peut-être. Zéro nucléaire, moi je pense que c'est un scénario qui est très, très, très difficile à atteindre.

JEAN-MICHEL APHATIE
Très difficile à atteindre mais vous dites, vous l'avez dit là à l'instant, que le nucléaire, ce sont des risques pour la sécurité et l'environnement s'il y a un accident nucléaire et les déchets et pourtant, EDF demande, et obtiendra sans doute parce que la pente est comme ça, la possibilité de construire de nouvelles centrales. On voit bien que le pouvoir politique ne cède pas tout de suite et avant 2022, probablement, il n'y aura pas de décision mais on ne prend pas du tout la pente de réduire la part du nucléaire même si …

EMMANUELLE WARGON
Si, si !

JEAN-MICHEL APHATIE
…avec les nouvelles centrales, on la réduira mais l'esprit demeure toujours très favorable.

EMMANUELLE WARGON
Si, si on la prend, cette pente !

JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, je sais, je me suis mal exprimé.

EMMANUELLE WARGON
L'équilibre que nous avons à trouver, c'est de trouver la bonne part et aujourd'hui, nous en avons beaucoup, beaucoup de réacteurs arrivent à une durée de vie maintenant proche des 40 ans et dont certains vont être renouvelés ou pas.

JEAN-MICHEL APHATIE
Et il faut prendre la décision de faire de nouveaux réacteurs ?

EMMANUELLE WARGON
Mais en fait, c'est une question globale.

JEAN-MICHEL APHATIE
On voit bien qu'il y a une hésitation !

EMMANUELLE WARGON
Quelle est la cible du nucléaire en France ? Une fois qu'on a défini cette cible, la part des réacteurs tels qu'ils existent aujourd'hui qui peuvent être prolongés pour une partie d'entre eux et éventuellement du nouveau nucléaire mais je pense que la bonne question, c'est : quelle est la part du nucléaire dans notre total ? Je pense que Barbara POMPILI a eu le mérite de dire "il n'y a pas de fatalité, on peut probablement réduire." Moi, je ne crois pas au scénario zéro.

JEAN-MICHEL APHATIE
Elle est opposée au nucléaire, oui, voilà !

EMMANUELLE WARGON
Moi, je ne le suis pas !

JEAN-MICHEL APHATIE
Et vous, vous ne l'êtes pas. Donc je vous avais demandé de choisir votre camp, vous l'avez fait. Comme ça …

EMMANUELLE WARGON
C'est plus compliqué qu'une question binaire mais …

JEAN-MICHEL APHATIE
Vous avez raison, le journalisme et simplificateur, c'est pour se faire comprendre, faites-nous ce crédit, c'est gentil !
Je disais que vous apparteniez donc à la promotion Marc Bloch à l'ENA, j'y reviens, j'en suis désolé !

EMMANUELLE WARGON
Mais je suis plutôt fière d'appartenir à cette promotion.

JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, le nom de la promotion effectivement peut rendre fier et donc parmi vos amis de l'ENA, il y avait à l'époque Edouard PHILIPPE, Edouard PHILIPPE qui revient sur le devant de l'actualité avec son livre Impressions et lignes claires où il raconte son expérience gouvernementale, je ne sais pas si vous l'avez lu.

EMMANUELLE WARGON
Non je n'ai pas lu encore !

JEAN-MICHEL APHATIE
Vous allez le lire ?

EMMANUELLE WARGON
Oh, j'imagine, oui.

JEAN-MICHEL APHATIE
Est-ce que vous avez observé la réticence d'Edouard PHILIPPE à dire "oui, il faut qu'Emmanuel MACRON soit à nouveau candidat et oui, je le soutiendrai" et est-ce que cette réticence vous gêne ?

EMMANUELLE WARGON
J'ai effectivement observé qu'il est sur une ligne de prudence ou de retrait sur ce sujet. Moi, je pense qu'un jour le moment viendra où il faudra qu'il s'exprime plus clairement pour soutenir ; il s'est exprimé très clairement sur son soutien au président de la République par définition dans l'action qu'il a menée aux côtés du président de la République depuis 2017.

JEAN-MICHEL APHATIE
Sa loyauté !

EMMANUELLE WARGON
Sa loyauté, son soutien, l'adhésion au projet et je pense qu'un moment viendra où il faudra qu'il dise clairement qu'il adhère au projet du président pour la suite, si et quand le président se lance dans la prochaine campagne présidentielle et à ce moment-là, il n'y aura pas d'ambiguïté possible. Après moi, je pense, je crois, j'espère qu'il lèvera cette ambiguïté et qu'il sera très clairement aux côtés du président à ce moment.

JEAN-MICHEL APHATIE
C'est une ambiguïté qui porte préjudice aujourd'hui, qui gêne ?

EMMANUELLE WARGON
Non, je ne crois pas. C'est, je pense qu'il considère que le moment n'est pas venu de s'exprimer là-dessus. Par ailleurs, la campagne présidentielle n'est pas lancée et par ailleurs, on est au moment de gestion d'un pic de l'épidémie, de toutes ces mesures de restriction, de la préparation de la sortie progressive de ces mesures de restriction avec un débat encore sur la possibilité de tenir les élections régionales et départementales. Donc on voit bien que la présidentielle, ce n'est quand même pas le sujet du moment.

JEAN-MICHEL APHATIE
Non bien sûr, ce n'est pas le sujet immédiat mais vous l'avez fait vous-même à l'instant, il n'est pas difficile de dire "si le président souhaite être candidat à nouveau mandat, je le soutiendrai, je souhaite qu'il le soit" oui.

EMMANUELLE WARGON
J'espère qu'Edouard PHILIPPE le fera.

JEAN-MICHEL APHATIE
Voilà qu'il dira comme vous parce que vous souhaitez qu'Emmanuel MACRON fasse un second mandat.

EMMANUELLE WARGON
Oui, moi je souhaite que le président de la République soit candidat et que cette candidature aboutisse.

JEAN-MICHEL APHATIE
Vous notez le climat autour des gens qui gouvernent, je pense à la polémique sur un ministre qui a participé ou pas à un repas dans un restaurant clandestin. Le climat est quand même très, très dur, il y a beaucoup de critiques et l'accusation de ces ministres qui ne respectent pas la loi révèle un sentiment populaire qui est très négatif vis-à-vis du gouvernement, de ceux qui dirigent en général ?

EMMANUELLE WARGON
Oui, c'est frappant, ça ne date pas d'aujourd'hui. Moi, ça me renvoie aussi à cet épisode des Gilets jaunes dans lequel une colère du même type s'est exprimée, alors c'était pas autour d'une question de savoir si quelqu'un était allé dans un restaurant clandestin – sur ce sujet d'ailleurs, soit on a une information soit on clôture ce débat, d'ailleurs la rumeur, le soupçon, quelqu'un qui a vu quelqu'un qui a vu quelqu'un, un moment, c'est juste insupportable – donc sans information, on considère que, en fait, il n'y a pas d'information parce qu'il n'y a pas de faits et donc comme il n'y a pas de faits, on passe à autre chose mais ça révèle effectivement une forme de colère et de défiance vis-à-vis des dirigeants que nous devons absolument réparer, à laquelle nous devons nous attaquer. Finalement, la réforme de la haute fonction publique, la suppression de l'ENA, la transformation en autre chose, c'est aussi la volonté que cette haute fonction publique soit reconnue pour ce qu'elle est au service du pays et ça vaut aussi pour le personnel politique. D'ailleurs, beaucoup d'entre nous, nous ne sommes pas des professionnels de la politique au sens où nous n'en avons pas fait depuis longtemps, nous n'en ferons pas forcément très longtemps, il faut qu'on arrive à retrouver ce lien entre ceux qui gouvernent et qui sont au service du peuple et les Français et je suis d'accord avec vous, cette polémique est finalement assez préoccupante, pas sur son contenu qui en fait est creux mais sur ce qu'elle révèle.

JEAN-MICHEL APHATIE
Est-ce que, sans vouloir exagérer, c'est difficile quand on …vous êtes au gouvernement, vous essayez de rendre service à la société, c'est difficile d'être confronté à cette hostilité-là ?

EMMANUELLE WARGON
En fait, le débat d'idées n'est pas difficile puisque par définition c'est le principe même. Vous faites des choses, certains vous disent "vous faites bien", d'autres vous disent "vous faites mal", certains vous disent "vous en faites trop", d'autres vous disent "vous n'en faites pas assez", ça c'est le jeu normal de la démocratie. La défiance personnelle ou la défiance vis-à-vis de ce que nous représentons, ce que les gens pensent que nous sommes, ça, ce n'est effectivement pas toujours facile à vivre même si ça fait visiblement partie de la règle du jeu et qu'il faut l'accepter quand on s'engage.

JEAN-MICHEL APHATIE
Merci Emmanuelle WARGON …

EMMANUELLE WARGON
Merci à vous !

JEAN-MICHEL APHATIE
… d'avoir accepté l'invitation de LCI.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 avril 2021