Conférence de presse de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur les questions économiques, sociales et sanitaires concernant l'Union européenne, à Porto le 8 mai 2021.

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Circonstance : Réunion des chefs d'État et de Gouvernement de l'Union européenne

Texte intégral

Emmanuel MACRON
Bonjour à toutes et tous,
Heureux de vous retrouver avant cette dernière session que nous allons tenir avec le premier ministre MODI et pour vous rendre compte rapidement des discussions que nous avons pu avoir entre Européens hier après-midi, hier soir et ce matin. Le principal objet de ce rendez-vous de Porto était évidemment le sommet social, et le travail, les débats que nous avons eus hier après-midi avec les partenaires sociaux, la société civile européenne et l'ensemble des chefs d'État et de gouvernement et des chefs de délégation qui consacrent à mes yeux ce qui est la réponse européenne à la crise que nous venons de vivre.

Je veux juste m'arrêter une seconde sur ce que nous sommes en train collectivement de faire et le comparer à ce que nous avons vécu il y a dix ans. Je pense que nous sommes en train véritablement en ce moment, de bâtir la réponse européenne à la pandémie. Il y a 10 ans, rappelez-vous, nous avons subi un choc, celui des crises financières et des crises souveraines, et nous y avons répondu par une solidarité tardive, des politiques extrêmement dures et asymétriques à l'égard de pays qui ont conduit à des programmes de privatisation, des réformes dures et plutôt des reculs de nos droits sociaux, en particulier dans un pays comme le Portugal.

Les pays qui avaient été le plus attaqués, ont fait l'objet d'une solidarité européenne, mais qui est venue plusieurs années plus tard, à partir de l'été 2012 et de la politique monétaire réellement à la hauteur. Je crois pouvoir dire qu'au moment de cette pandémie, nous avons tiré les leçons de ce que nous avons appris au moment de la crise économique et financière du début des années 2010. Une réponse monétaire rapide dès avril 2020, une réponse budgétaire solidaire et ambitieuse, ce fut la relance de juillet 2020 ; et une réponse sociale conforme à nos valeurs, c'est le sommet de Porto et je dirai tout ce qu'il embarque dans le cadre du plan de relance, d'ambition à cet égard.

La déclaration est explicite, mais je vois plusieurs sujets d'importance qui vont maintenant faire partie du semestre européen et donc des rendez-vous réguliers auxquels les États seront soumis.

Derrière cette déclaration, on rentre vraiment dans les procédures européennes. Mais donc l'avancée sur les salaires minimaux, l'égalité femmes- hommes, le droit individuel de formation, le droit des travailleurs de plateformes sont autant de sujets que nous n'avons pas simplement mis sur la table, mais inclus dans le processus de travail économique et social de l'Union européenne.

Au-delà de cette conférence et de ce sommet, il y a évidemment tout notre agenda économique et social, celui que nous avons poussé depuis maintenant près de 4 ans avec de vrais acquis : le renforcement d'Erasmus+, l'encadrement du travail détaché, la lutte contre ses abus, la mise en place d'une autorité européenne du travail, pour ne citer que quelques exemples. Puis, il y a tout ce que nous voulons poursuivre en vue de la présidence française de l'Union européenne. Je pense à la directive sur les salaires minimaux. Je pense à la protection des travailleurs, justement des plateformes ; la France a pris une disposition là-dessus il y a quelques semaines, nous allons le poursuivre en vue de notre présidence. Je pense aussi à la gouvernance durable des entreprises sur laquelle le sommet, justement, de Porto marque une avancée, mais qui, à mes yeux, devra se renforcer dans le cadre de ce que nous allons préparer pour la présidence française. Au-delà de ces sujets, je crois que notre ambition commune est aussi d'avoir une politique renforcée à l'égard de notre jeunesse. Nous l'avons longuement évoqué hier. Mais le droit individuel à la formation, cette ambition économique et sociale, c'est aussi prendre en compte le fait que notre jeunesse est celle à laquelle nous avons demandé le plus d'efforts pour faire face à la crise, et celle qui a besoin d'une réponse économique et sociale ambitieuse pour ne pas être la victime des conséquences de la pandémie en étant touché au premier chef par le chômage. Donc relance économique forte dans des secteurs d'avenir, formation initiale et continue sont les piliers de cette réponse pour notre jeunesse, c'est ce que nous faisons dans le cadre du plan de relance français, c'est ce que nous poussons au niveau européen avec aussi la définition d'un espace européen de la jeunesse.

Au-delà de ces ambitions de ce texte, nous avons évoqué plusieurs sujets d'intérêt généraux sur lesquels nous reviendrons le 25 mai prochain en particulier la Russie ou le Brexit sur lequel j'ai demandé qu'un point détaillé puisse nous être fait à l'égard justement du Conseil du 25 mai prochain et la mise en oeuvre de l'ensemble des accords que nous avons signés. La discussion d'hier soir a permis aussi d'avancer sur le suivi de l'épidémie. Notre politique de vaccination en Europe et à l'international, la confirmation des achats de doses pour les prochains mois, comme des perspectives de nouveaux vaccins. Dans un instant, nous retrouverons le premier ministre MODI pour évoquer là aussi notre relation stratégique avec l'Inde et toutes ses composantes.

Je profite de cette expression et de ce point rapide pour également me réjouir de la décision américaine qui a été notifiée ce matin de nous rejoindre dans le cadre de l'appel de Christchurch.

Vous vous en souvenez peut-être, mais il y a presque deux ans, avec la Première ministre ARDERN, après les terribles attentats de Christchurch, nous avions organisé la réponse internationale. Elle s'était tenue à Paris et cet appel de Christchurch pour supprimer les contenus terroristes et l'extrémisme violent en ligne avait donné lieu à une réponse inédite. Plusieurs gouvernements de tous les continents, des associations et des entreprises s'étaient rejoints pour avancer dans ce sens avec de vrais résultats comme la fameuse Golden Hour pour le retrait des contenus terroristes en ligne qui aujourd'hui, a été d'ailleurs actée par un texte européen il y a encore quelques semaines. Presque deux ans après, les États-Unis ont décidé de nous rejoindre et je m'en félicite. Nous sommes désormais 52 États, la Commission européenne, 10 grandes entreprises et plateformes de l'internet mondiale et plusieurs dizaines d'associations de la société civile. Nous tiendrons la semaine prochaine le sommet des deux ans, le 14 mai prochain, où nous mettrons en place ailleurs un programme ambitieux sur lequel nous avons beaucoup travaillé avec la Première ministre ARDERN mais qui nous permettra d'aller plus loin contre ces contenus haineux et cette violence en ligne, avec en particulier un travail accru sur le rôle des algorithmes dans le cadre de cette diffusion des discours de haine. Voilà ! Je souhaitais aussi pouvoir marquer, en tout cas, ce temps important lié à la décision américaine de nous rejoindre. Je vais maintenant répondre aux questions que vous posez.


Journaliste
Bonjour Angélique Bouin, FranceInfo, Radio France. Pouvez-vous nous dire qui, autour de la table du Conseil, a autant envie d'Europe que vous en général ? Et sur le social et comment vous analysez l'absence physique d'Angela MERKEL à ce sommet ? Merci.

Emmanuel MACRON
Je pense que l'Europe, ça marche en collectif, donc on a tous envie d'Europe. Parfois, les visions ne sont pas les mêmes. C'est la grande difficulté. Il y en a qui ont envie d'avancer plus vite, d'autres plus lentement. Mais je pense que ça ne marche que si on est à chaque fois enthousiaste et si on a l'enthousiasme contagieux. Parce que si on veut avancer qu'on est seul, ça ne progresse pas. J'ai vu le Premier ministre COSTA qui avait très envie qu'on avance. Hier, il y avait une vraie convergence de vues dans les expressions, y compris dans les panels. Donc, je pense qu'il y a vraiment une volonté d'avancer. Quant à l'absence de quelques-uns de nos collègues, dont la Chancelière MERKEL, je crois que c'était vraiment lié aux contraintes liées à la pandémie et à des contraintes aussi de perception politique interne. C'est comme ça que ça a été présenté. Je pense malgré tout que c'était important qu'on puisse se retrouver et je pense que dans la mesure où les partenaires sociaux, la société civile avaient pris la peine de venir ici, c'était important qu'on soit là. Mais je pense que chacun a des contraintes qui correspondent à nos vies politiques et je les respecte pleinement. Ça ne nous a pas empêchés de travailler. La Chancelière, le Premier ministre néerlandais étaient avec nous hier soir et jusque dans la nuit tard et ce matin aussi. Donc on a pu travailler ensemble, parfaitement et avec une vision commune.

Journaliste
Bonjour Monsieur le Président. La question des brevets a été abordée. Alors, vous avez déjà précisé votre position. Est-ce que votre position, elle, n'est pas liée à une certaine crainte de délocalisation vers l'Inde et la Chine ? Et puis, sur ce sujet-là, est-ce que vous n'êtes pas un peu agacé par une espèce de « Biden-mania » ambiante sur les brevets, une simple annonce un peu incomplète du président américain, il vous impose un agenda sur cette levée des brevets. Est-ce qu'au fond, BIDEN ne gagne pas une victoire morale et éthique quand l'Europe rate sa communication et prend encore des airs de diesel, dont vous avez souvent parlé ?

Emmanuel MACRON
Alors pour le coup, non. On peut nous reprocher des choses, mais on ne peut pas nous reprocher tout et son contraire. C'est-à-dire que si l'Europe avait été très vite sur les vaccins au début, en étant, entre guillemets, « nationaliste » ou centrée sur elle-même, vous ne nous auriez pas reproché de la lenteur. Pourquoi on a été plus lents que d'autres ? Parce qu'on a tout de suite été ouvert. C'est ça la réalité. Sur les 400 millions de vaccins produits par l'Europe depuis le début de la crise, nous en avons exporté 200 millions. Quand on a comparé les Britanniques et l'Europe en disant : regardez les Britanniques, ils vont beaucoup plus vite ; c'est parce que nous étions ouverts et que nous n'avons pas procédé comme les Américains qui ont gardé pour eux-mêmes tout ce qu'ils ont produit au début. Donc on peut nous reprocher ou la lenteur ou l'égoïsme, mais pas les deux à la fois. Nous avons été plus lents parce que nous avons été plus ouverts, mais nous avons été plus généreux que tous les autres réunis. Aucune plaque continentale, pardon de le dire comme ça, mais si je compare l'Union européenne, les Britanniques, les Américains, nous sommes de loin ceux qui avons le plus exporté de doses produites sur notre continent. 400 millions de doses produites, 200 millions d'exports. Maintenant, moi, j'aime surtout ce qui est efficace, je crois, je l'ai dit depuis le début, il y a un an, quand le silence était assourdissant, à commencer par l'autre côté de l'Atlantique et le reproche ne peut pas en être fait au président BIDEN, nous avons porté, nous Français, nous Européens, l'idée d'un vaccin bien public mondial, il y a un an. Bien public mondial, ça veut dire que vous devez en disposer de la manière la plus directe sans que cela vous coûte ou que l'argent soit un rempart. C'est ça notre but. La question que je pose, c'est est-ce qu'aujourd'hui, quel qu'habitant que ce soit dans un pays, vous dit : je ne peux pas disposer du vaccin à cause de la propriété intellectuelle ou des brevets ? Non, ce serait un mensonge. Donc la proposition qui est faite, est tout à fait pertinente pour les temps à venir, mais elle ne répond pas aux problèmes que nous avons aujourd'hui. Ça, on se trompe. Nous devons donc travailler à ce que ce vaccin soit un bien public mondial. Qu'est-ce que ça veut dire ?

Premièrement, en produire plus. Donc, j'appelle très clairement les États-Unis d'Amérique à mettre fin aux interdictions à l'export non seulement de vaccins, mais de composantes de ces vaccins qui empêchent la production. Nous avons aujourd'hui CureVac qui nous dit : « Je ne peux pas produire un vaccin en Europe parce que, en tout cas, je vais être bloqué parce que des composants sont bloqués depuis les États-Unis ». La vraie, la clé pour produire plus vite des vaccins pour tous les pays pauvres ou à revenu intermédiaire, c'est de produire plus. Levez les interdictions à l'export. Levez-les, sur les ingrédients et les vaccins.

Deuxième point, libérez les doses. Nous, on a mis des contrôles à l'export pour éviter les fraudes, mais on n'a pas interdit les exports, contrairement à ce que certains ont dit. Comme je vous l'ai dit, on a exporté la moitié de ce qu'on a produit. Aujourd'hui, les États-Unis d'Amérique ont exporté 5 % de ce qu'ils ont produit pour livrer quelques doses au Canada et au Mexique. Il faut qu'ils exportent davantage. Ça c'est la première réponse. La deuxième réponse, c'est de produire plus partout, ce qui suppose d'avoir des capacités de production renforcées, en particulier en ARN Messager. La clé de cela, c'est le transfert de technologie. C'est ce que nous sommes en train de construire en Européens avec l'Allemagne, avec les Pays-Bas, la Belgique, la Commission européenne, la Banque européenne d'investissement pour aider des plateformes de production, en particulier en Afrique. J'aurai l'occasion de me rendre dans quelques semaines en Afrique du Sud, où j'irai justement aux côtés du président RAMAPHOSA pour initier une plateforme de production pour les vaccins Covid-19 que nous avons cofinancés et surtout, que nous accompagnons technologiquement ; de la même manière avec les réseaux d'Institut Pasteur, c'est ce que nous voulons faire à Dakar, au Sénégal. C'est très concrètement permettre le transfert de technologies et produire davantage dans les pays à revenu intermédiaire ou dans les pays les plus pauvres. Nous devons aider l'Afrique du Sud, le Sénégal, l'Inde aussi pour continuer à faire des doses.

Troisième point, c'est le don de doses. C'est ce que nous avons lancé il y a un an dans le cadre d'ACT-A et en particulier le mécanisme Covax. Aujourd'hui, l'Union européenne est le premier financeur de Covax, le premier. Je n'espère qu'une chose, c'est que nous soyons dépassés par les États-Unis d'Amérique. Ce n'est pas encore le cas, j'espère que ça va arriver. Nous avons aujourd'hui par Covax, transféré 50 millions de doses. Il faut continuer à accélérer, mais c'est l'appel que nous avions fait au G7. Dans ce cadre-là, la levée des brevets est une réponse. Mais elle le sera quand on aura produit suffisamment et que ce ne sera plus qu'une question de coût, et qu'en fait, c'est le prix de la propriété intellectuelle qui sera un frein pour l'accès de certains pays. Mais on n'en est pas là aujourd'hui. Par contre, je pense que c'est un très bon débat qu'ont lancé les Américains et quelques autres, à l'appel d'ailleurs de l'Afrique du Sud ou de l'Inde, sur lequel nous devons avancer. Moi, je le dis avec beaucoup de force, je suis favorable à ce qu'on avance sur ce sujet et qu'on y apporte une réponse. Je suis favorable à ce qu'on y apporte la même réponse que nous avons su le faire dans le cadre de la lutte contre le VIH. Quand il s'est agi de diffuser, par exemple, les trithérapies vers les pays les plus pauvres, nous avons construit avec Unitaid, je rappelle, initiative française et le Medicines Patent Pool, le cadre juridique qui a permis - sans fragiliser l'innovation, en permettant que les autres pays rémunèrent justement les innovateurs, les inventeurs publics ou privés - mais permis de lever le coût de la propriété intellectuelle pour les pays les plus pauvres. On l'a fait pour les trithérapies. Faisons-le pour le Covid-19. Mais c'est ça le vrai débat. C'est ça la réalité. Donc, je dis juste il faut remettre les choses dans le bon cadre. Sinon, on va se mentir à nous-mêmes et on agitera des faux débats. Nous nous diviserons sur des faux débats en oubliant les vraies réponses. Je suis pour la solidarité internationale parce que c'est notre devoir moral et parce que c'est la condition pour terrasser le Covid-19. Si on ne vaccine pas partout dans le monde, nous n'arriverons jamais à stopper l'épidémie et ses variants. Mais la vraie réponse, c'est celle que je viens d'évoquer : le bien public mondial par plus de production, plus d'export, transfert de technologie, don de doses et la levée de propriété intellectuelle dans un cadre OMC OMPI comme on l'a fait pour les trithérapies du VIH.

Journaliste
Mais vous aurez noté, pardon, que Joe BIDEN impose l'agenda jusqu'au Vatican. Cette question désormais est posée. On a l'impression qu'il a le leadership sur cette question.

Emmanuel MACRON
Mais moi, je ne suis pas dans la déploration. Je suis dans l'efficacité. Je constate que quand il y a un an - vous êtes un peu drôle quand même, je vous pose une question presque psychologique pour vous, presse européenne : quand il y a un an, nous, Européens, on lance ACT-A, vous ne dites pas « vous, Européens, vous avez le leadership moral » mais « Ah ! Les États-Unis ne vous suivent pas ». Et quand les États-Unis nous suivent, ce qui est de fait ce qu'ils sont en train de faire sur l'appel de Christchurch vous savez. « Ah ! Les États-Unis ont le leadership ». Non, ils nous rattrapent. Vous avez l'impression… Vous avec l'impression… Vous me donnez vous le sentiment de vous réveiller ? Vous n'avez pas suivi le film ? Il y a un an qu'on en parle.

Journaliste
Mais si, mais si ! L'Europe a du mal à communiquer là-dessus. C'est la réalité.

Emmanuel MACRON
Vous avez … Non, je ne crois pas. La réalité des chiffres que je vous ai donné de l'action est celle-ci. Après, je ne peux pas traiter vos complexes. Moi, je n'en ai pas. Non, il n'y a aucun sujet de… Et en plus, je dirais d'un point de vue très égoïste, la France, par exemple, n'ayant pas de propriété intellectuelle sur ce vaccin, nous n'avons pas tellement peur des sujets sur la propriété intellectuelle. Et donc, délocalisation, relocalisation, c'est autre chose, c'est des capacités de production, donc on va tous en faire. Notre intérêt, c'est qu'on en ait au maximum, sachant que ces techniques d'ARN Messager, c'est pour le Covid-19. On va l'avoir pour d'autres pandémies et on va l'avoir pour d'autres pathologies. Donc, ce n'est pas du tout un sujet… Enfin ! Là-dessus, je ne crois qu'il ne faut vraiment pas s'arrêter là-dessus. Il y a une crainte de l'industrie pharmaceutique très claire partout dans le monde, plus anglo-saxonne qu'européenne entre nous soit dit, mais sur ce sujet, ce que nous apportons comme réponse et ce que nous avons déjà apporté comme réponse ne doit pas céder à quelque lobbying que ce soit parce que nous l'avons déjà fait. Donc, très honnêtement, par rapport à votre préoccupation, vous savez que je n'ai pas répondu sur ce point. Moi, je vous dis très franchement, il n'y a aucun sujet sur ce volet-là. Le fait d'ouvrir la propriété intellectuelle et sa rémunération pour les pays à bas coût ne crée pas, en quelque sorte un rempart à la production dans nos économies, ni fait courir de risque de délocalisation. Ça permet de produire plus vite et de rendre plus accessible. Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'aujourd'hui, la clé sur les adénovirus, c'est-à-dire les vaccins type AstraZeneca ou Johnson, il y a quelques éléments de transfert de technologie, mais maintenant les capacités existent. Par exemple, en Inde, le Serum Institute a les capacités de produire. Le paradoxe est qu'il a beaucoup produit au début, pour d'autres, parfois d'ailleurs des Européens. Le Serum Institute a exporté vers le Royaume-Uni, le Canada, l'Arabie saoudite avant de connaître cette crise. Donc là, ils ont refermé leurs frontières. Mais ils ont cette capacité. La clé, pour beaucoup de ces pays comme pour nous en Europe, c'est de produire plus d'ARN messager. Vous voyez quand même là, la puissance est peut-être demain, les protéines recombinées. Normalement, c'est 3 à 5 ans pour construire une usine. Et donc là, notre enjeu, c'est plutôt de produire des capacités partout dans le monde pour en faire beaucoup plus vite, et donc pour réussir dans les 12-18 mois à venir, à produire ces vaccins en Europe, mais évidemment en Inde, en Afrique du Sud ou autres. Notre intérêt est lié : plus l'on produit, plus on réussit à écraser l'épidémie, y compris dans ces géographies. Donc il n'est vraiment pas là-dessus, il ne faut pas voir en quelque sorte de, si je puis dire, un double agenda ou une crainte de l'industrie européenne. Ce serait faux. Et encore une fois, parce que quand je regarde aujourd'hui le portefeuille qu'il y a : Moderna est incorporé aux Etats-Unis ; BioNTech est européen, mais Pfizer est américain ; Johnson & Johnson est américain, donc ce serait faux de dire qu'il aurait un agenda européen pour bloquer cela. Non, ce n'est pas le cas.

Journaliste
Marie CHANTRAIT, TF1-LCI. Monsieur le Président, bonjour. La protection économique et sociale, les conséquences de la pandémie sont l'une des préoccupations premières des Français, la sécurité en est une également. Le policier Éric MASSON a été tué mercredi dernier à Avignon. Vous n'avez pas encore réagi. Que répondez-vous à ceux qui vous accusent aujourd'hui que l'autorité de l'État serait au plus bas ? Marine LE PEN, notamment, affirme qu'il n'y a plus un seul endroit en France où l'on est en sécurité. Merci beaucoup.

Emmanuel MACRON
J'ai pour habitude de ne pas répondre depuis l'étranger sur les sujets domestiques. J'ai réagi le soir même en relayant la parole du ministère de l'Intérieur et en appelant la famille. Il est évident d'abord que c'est la Nation tout entière qui est aux côtés de la famille de notre policier, et je veux ici leur apporter notre affection, notre soutien et apporter aussi notre soutien sans faille à toutes nos forces de sécurité intérieure. C'est une réalité de dire qu'il y a de la violence dans notre société et qu'elle enfle ; et que le rôle chaque jour de nos policiers est rendu plus difficile par cette violence. Nous avons connu des attaques terroristes contre nos policiers. Nous voyons aussi aujourd'hui le très grand danger de leur intervention quand il s'agit de lutter contre les stupéfiants, quand il s'agit parfois de maintenir l'ordre public. Donc, il nous faut continuer d'avancer pour que la réponse pénale soit au rendez-vous de la réalité de la société et de son évolution, et qu'aussi les équipements, la protection de l'intervention soient au rendez-vous. C'est ce à quoi oeuvre le Gouvernement. Le Premier ministre recevra aussi les syndicats de police. Le ministre de l'Intérieur, le Premier ministre, le garde des Sceaux sont pleinement mobilisés et continueront de l'être. Ces sujets sont trop importants pour notre société et la considération que j'ai à la fois pour Monsieur MASSON et sa famille et tous ses collègues font que je n'ai envie de tomber dans aucune forme d'instrumentalisation nauséabonde. Je vous remercie.

Journaliste
Excusez-moi, journaliste portugaise, vous me permettez une question.

Emmanuel MACRON
Allez-y, si vous voulez, mais la toute dernière puisque je vais faire attendre votre Premier ministre, parce qu'on commence avec le Premier ministre MODI.

Journaliste
Bonjour Monsieur le Président, et merci pour me laisser poser cette question. Le Premier ministre portugais Antonio COSTA a dit que ce n'est pas le moment d'ouvrir la discussion sur le montant du Fonds global de l'Union européenne. Mais c'est une position que vous ne défendez pas.

Emmanuel MACRON
Alors, je pense que la priorité, c'est d'abord que tous les gouvernements puissent voter et ratifier leurs programmes nationaux et les notifier à la Commission et les ressources propres que nous avons décidé il y a maintenant presqu'un an, pour que la Commission puisse examiner les programmes le plus vite possible, que nous puissions cet été émettre en commun, ce qui sera une révolution historique, et que nous puissions avancer sur les ressources propres. En temps voulu, nous aurons à ouvrir le débat, là pour le coup, parce que par rapport à la question de tout à l'heure, à juste titre, les Américains nous stimulent et leurs réponses nous poussent à regarder quand même, en particulier en matière d'investissement, recherche et développement, si nous sommes au rendez-vous de l'ambition. Mais il faut faire les choses avec méthode et le Premier ministre COSTA a raison de dire qu'il faut le faire dans le bon ordre. Voilà, merci à vous et bon courage.