Texte intégral
Q - Vous êtes secrétaire d'Etat chargé des affaires européennes dans le gouvernement Castex, vous êtes l'un des plus jeunes membres de ce gouvernement en charge d'un dossier très sensible, l'Europe. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que vous ne devez pas chômer. Pass sanitaire, passeport vaccinal, vous travaillez là-dessus, on l'a vu avec la Commission, sur comment voyager à partir de la mi-juin. Alors quand vous entendez dans ce sujet par exemple, certaines personnalités qui ont peur du contrôle, de la surveillance, et même de la discrimination, en fonction d'un état de santé présumé, que répondez-vous ?
R - Bonsoir. Je partage une réticence initiale. Je comprends que l'on n'a pas envie que dans nos vies, un certain nombre d'activités soient régies par un ordinateur ou un document que l'on doive présenter ici ou là. C'est pour cela que l'on encadre vraiment les choses. Ce passeport sanitaire, d'abord j'insiste sur le mot sanitaire, il n'est pas vaccinal, donc ce n'est pas uniquement si vous êtes vacciné que vous avez le droit de faire telle ou telle chose. Surtout, on n'en fait pas l'outil de la vie quotidienne, je pense que cela c'est très important. Vous n'irez pas boire votre café le matin ou votre orange pressée, ou au restaurant en fonction d'un pass sanitaire. D'autres font ce choix, si on compare avec Israël, la Chine ou même d'autres pays européens qui font ce choix : ce n'est pas le nôtre. Et cela, c'est très important aussi, je pense qu'à juste titre d'ailleurs, nous n'accepterions pas cette espèce d'intrusion dans une vie du quotidien où l'on n'a pas envie de biper chaque fois que l'on rentre au restaurant.
Après, il y a un certain nombre d'événements qui ne sont pas des événements de tous les jours, des grands rassemblements sportifs, des grands festivals de musique où il y a du contact entre les gens, inévitablement, même s'il y aura des jauges et des limites, où je pense qu'avoir cette vérification, ce n'est pas une contrainte insupportable, c'est une question de curseur.
Et puis, pour les déplacements européens, peut-être plus tard internationaux, c'est aussi un outil qui je pense est utile. Il faut aussi voir d'où nous partons. Aujourd'hui, ce que l'on dit, c'est d'un outil de restriction, aujourd'hui, on a restreint les déplacements, nous avions besoin de le faire pour des raisons sanitaires en Europe, encore plus à l'égard du reste du monde, nous avons fermé des frontières avec beaucoup de pays. Et si on veut retrouver, d'abord en Europe, la capacité de circuler, c'est un outil pour le faciliter.
Q - Je ne veux pas faire injure aux autres invités, mais c'est avec vous que j'avais envie de discuter le plus impatiemment parce que je ne comprends rien à l'histoire des pass, et rien non plus à l'histoire de la levée des brevets, et vos premières explications ne m'éclairent pas beaucoup.
R - Ah... On va essayer d'approfondir.
Q - Vous dites que le pass sanitaire ne servira pas pour les actes quotidiens, vous avez notamment cité les restaurants. Mais cela ne va-t-il pas être remplacé par une obligation qui sera imposée par les établissements eux-mêmes, et dans ce cas, quelle sera votre réaction ? L'accepteriez-vous ?
R - Non. Un restaurant aujourd'hui, - pardon mais je prends un pas de recul - il ne peut pas décider qu'en fonction de votre état de santé, évidemment en fonction de je ne sais quel motif qui serait de la discrimination (la couleur de peau,...), il ne peut pas décider, il y a des lois et ce n'est pas lui qui peut créer de la discrimination, on crée de la restriction. On crée un cadre légal justement pour encadrer les cas dans lesquels ce genre de sésame est autorisé. Et on limite ces cas-là. Un restaurateur qui, alors que ce n'est pas permis par la loi, vous dirait, Monsieur, vous ne rentrez que si vous êtes vacciné ou si vous êtes testé négatif, il ne respecterait pas la loi puisque la règle de notre société, heureusement, c'est la liberté par défaut.
Q - Il n'y aura donc pas d'exception sanitaire à ce principe.
R - Qu'il y ait des professionnels qui en parlent et qui le réclament oui, je le vois comme vous, mais non ! La loi ne le permet pas, un restaurateur, un cafetier ne peut pas l'imposer. Et nous avons fait un choix qui je pense est équilibré, il faudra un débat parce que ce n'est jamais blanc ou noir, c'est une question de curseur, de dire : ce n'est pas la vie quotidienne, ce sont quelques grands événements qui rassemblent du monde et qui en sont pas les endroits où vous allez a priori. Peut-être l'été en événement sportif, ou un festival de musique je ne sais pas, mais ce ne sont pas des événements où vous allez tous les jours et qui créent, c'est très important, une forme de société à deux vitesses où pour aller boire votre jus d'orange, vous devriez montrer patte blanche.
Q - Dernière chose, et ensuite je reviendrai sur les brevets, excluez-vous que cette doctrine évolue à terme ? Est-ce que ce n'est pas une position provisoire ?
R - Non je ne crois pas. Il y a eu ce débat, on l'a vu au Parlement d'ailleurs, il a été sensible parce que ce sont des sujets qui ne sont pas négligeables, ce ne sont pas des sujets techniques, ce sont des sujets de liberté. Et donc il me paraît nécessaire qu'il y ait un débat. Moi je ne souhaite pas qu'on l'étende et je crois que c'est la position ferme et collective du gouvernement pour que ce ne soit pas le sésame de la vie de tous les jours.
Q - Moi, je comprends très bien votre point de vue, je comprends la distinction que vous faites entre les événements quotidiens et ceux qui ne le sont pas, tout cela me va. Sauf que, vous savez très bien, et c'était d'ailleurs le sens des remarques qui sont assez pertinentes des gens comme Marion Maréchal ou le député de la France insoumise, qui disent que l'on commence comme cela et après, on va étendre puisqu'on le voit bien en Chine etc... et que ce sont des méthodes qui ont déjà été appliquées par des régimes totalitaires comme le régime chinois...
Q - En Israël aussi.
Q - En Israël aussi qui n'est pas un régime totalitaire, même un régime plus libéral et démocratique qui applique ces méthodes-là. On sait donc très bien que l'on commence comme cela et on va finir inexorablement et inéluctablement là-dedans. C'est cela le risque. Et on est d'accord là-dessus, il y a un vrai risque et il faudra vraiment faire très attention parce qu'on a vraiment l'impression que cela alimente toutes les thèses plus ou moins complotistes. Je me méfie de ce mot parce qu'aujourd'hui, on emploie ce mot pour tout et n'importe quoi.
Q - C'est galvaudé.
Q - Oui, c'est toujours notre discussion avec Eric, dès que l'on essaie de comprendre quelque chose, on vous traite de complotistes. En tout cas, toutes les thèses qui disent : ils se servent de cela pour contrôler les gens et pour accroître le contrôle des gens dans une logique totalitaire importée de Chine. D'après moi, cela vous allez avoir du mal à vous déprendre de cette accusation.
R - Je suis d'accord avec cette menace. Moi je ne crois pas à la théorie de l'engrenage ou d'un seul engrenage si je puis dire. Ce que je veux dire, et je partage complètement ce risque, je suis un libéral au sens politique du terme, donc je pense que ce n'est pas rien, ce ne serait pas rien de dire aux gens, vous allez au restaurant, vous allez au café avec un pass. Je trouve que c'est quelque chose qui, philosophiquement pour prendre des grands mots, me gêne. On met un curseur quelque part, c'est vrai.
Je vais vous dire, cette menace, indépendamment de la Covid, c'est peut-être un débat supplémentaire lié à la pandémie. Mais elle existe, moi elle m'angoisse. Elle m'angoissait avant la Covid, et elle m'angoisse, pass sanitaire ou pas pass sanitaire. C'est la question de la reconnaissance faciale.
(...)
R - Mais le jour où vous avez un smartphone, un téléphone intelligent, ce risque existe. Le jour où vous avez une connexion internet, j'imagine que vous l'avez, ce risque existe. Donc de toute façon, il n'y a pas, sans mauvais jeu de mots, une sorte de muraille de Chine qui l'empêche. C'est une vigilance constante. C'est vrai que c'est l'histoire de l'humanité, la technologie, en général, finit par permettre l'usage. Et ce n'est que la mobilisation politique qui permet de le limiter.
Je suis entièrement d'accord avec cela. Ce qui est d'ailleurs intéressant dans ce débat, c'est le rapport public-privé dans cette affaire. On l'a vu au moment où l'on a installé ces applications, presque tous les pays européens l'ont fait, en France, TousAntiCovid. Nous sommes le seul pays à avoir choisi ce que l'on appelle une approche centralisée. Cela fait un peu peur comme cela, mais concrètement cela veut dire qu'on ne passe pas par les GAFA, Google, Apple, etc... pour citer quelques marques.
Et les gens ont été plus inquiets en disant "c'est le site du ministère de l'intérieur, de Monsieur Castex, du gouvernement français, etc... Que vont-t-il faire avec ces fichiers ?". Je vous dis, pas seulement comme responsable politique mais comme citoyen, il faut contrôler tout cela, il faut des autorités indépendantes, il faut des juges, cela sert à cela dans une démocratie. Je suis quand même moins inquiet quand c'est le gouvernement sous surveillance, sous contrôle, qui rassemble les données, que quand c'est une société qui n'est pas basée en France, dont je ne connais aucun des dirigeants et dont je ne sais pas comment elle est gouvernée. Et là on a - collectivement parce que je me mets dans le lot - aucun problème à livrer tous les jours des données infiniment plus personnelles. Parce que Monsieur Google ou Madame Apple savent à qui vous avez écrit, ce que vous avez raconté, votre vie privée. Plus que Monsieur Beaune ou Monsieur Castex.
(...)
Q - Au sujet de la levée des brevets, vous cherchez un accord au niveau des 27, une sorte d'unanimité européenne. Est-ce que c'est possible à obtenir dans la mesure où la situation des pays est très différente, entre ceux qui produisent des brevets, qui ont un intérêt financier, pour parler un peu crûment, et les autres ?
R - D'abord, c'est plutôt en ce moment Europe contre Etats-Unis, Europe et Etats-Unis, pour le dire diplomatiquement. Parce que ce qu'a dit M. Biden la semaine dernière, j'avoue que je trouve cela un peu agaçant, parce qu'il y a un côté chevalier blanc : "écoutez, nous, on a vacciné une population", et ils ont fait bien, "maintenant ce qu'on va faire, c'est qu'on va lever les brevets ; enfin on ne va pas vraiment les lever, on va discuter d'une possible levée des brevets". En communication, c'est devenu : "les Etats-Unis sont pour la levée des brevets". Quand vous regardez d'ailleurs dans le communiqué du ministre du commerce que j'ai aperçu M. Biden à l'écran, c'est plus ambigu que cela mais admettons. C'est très fort en communication.
Q - Du coup, vous en discutez ?
R - Du coup, on en discute. Ce qui montre bien, malgré tout, que les Américains ont cette force de, comme on dit en politique, définir l'agenda. C'est ainsi, il faut y réfléchir. Mais là où quand même, il faut dépasser la communication, c'est que la question n'est pas la levée des brevets aujourd'hui. C'est un débat qui viendra en son temps et je pense qu'il faut y être ouvert. Parce que ceux qui disent, plutôt à gauche ou à l'extrême-gauche, "on a déjà levé des brevets dans le passé, il y a des cas exceptionnels qui appellent des mesures exceptionnelles", tout cela est vrai.
Mais aujourd'hui, est-ce que cela sert à quelque chose ? Je maintiens que non. Et que ce qui sert à quelque chose, si l'on veut que la pandémie soit traitée, pas seulement chez nous, pas seulement à nos portes, mais plus largement, et je crois que c'est notre intérêt sanitaire direct, c'est de donner des vaccins et d'essayer de faire en sorte qu'en Afrique par exemple, on produise. Au Sénégal on est capable de le faire ; en Afrique du Sud on est capable de le faire. Ce n'est pas un problème de brevet à court-terme.
Q - C'est un peu étrange ce que vous dîtes car on a quand même l'impression que c'était dans les tuyaux.
R - C'est discuté à l'OMC.
Q - Oui mais pour vous, ce n'est pas une bonne idée en principe ?
R - Non, mais je dis qu'on ne va pas s'écharper entre Européens sur la levée des brevets alors que dans les six mois, neuf mois qui viennent, ce n'est pas utile. Maintenant il y a un débat et c'est ouvert, c'est ainsi, et il peut servir pour un peu plus tard, pour savoir si l'on doit permettre à des pays qui n'ont pas les moyens d'acheter la propriété intellectuelle, de produire quand même. Et pourquoi pas ?
Je pense qu'il faut l'encadrer parce que moi j'assume de dire que le brevet n'est pas sorti de nulle part. Ce n'est pas un délire capitaliste pour écraser les plus pauvres. Cela rémunère l'innovation. Je pense que dans une société, c'est quand même utile. BioNTech, je prends cet exemple parce que c'est une société allemande et européenne, ce sont deux fondateurs qui, maintenant sont milliardaires, certes, mais il y a quelques mois étaient tranquillement dans leur labo, ont pris un risque. On a pris un risque en les finançant, cela a marché. Ce n'est pas anormal qu'il y ait une rémunération. On peut discuter du niveau, mais ce n'est pas anormal qu'il y ait une rémunération et une incitation.
Q - Il faudrait rappeler aussi que trois des vaccins sur quatre sont européens.
R - C'est vrai. On ne le dit pas assez. Et la découverte de l'ARN messager, au départ, est européenne.
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Q - Dans cette histoire qu'on se glorifie des succès allemands me parait un peu dérisoire. (...)Je me glorifie des succès français et la en l'occurrence je me peine des lamentables échecs français.
R - Dans ce cas, il faut être cohérent Monsieur Zemmour. En vrai, on n'était pas si loin, il y a aussi une part de hasard. Sanofi, notre grand laboratoire, n'a pas trouvé.
(...)
R - Le fait est, pour être concret, que Sanofi n'a pas à ce stade de vaccin. J'espère qu'ils en auront un dans quelques mois et Pasteur également. Mais on n'a pas de vaccin français. Je le regrette comme vous. Mais allons jusqu'au bout de la logique, c'est aussi pour cela d'ailleurs que c'est utile que l'on ait une logique européenne dans cette affaire. Si l'on avait fait du tout national, aujourd'hui vous attendriez comme moi le vaccin Sanofi.
(...)
R - Je ne me résous pas à ce que durablement, on soit importateur de vaccin et que l'on soit dépendant de l'extérieur.
(...)
R - Je suis plus pragmatique que vous. Je pense que cela dépend des cas. Je viens sur l'industrie. On peut faire la liste des échecs et des échecs nationaux. Parfois, on n'a pas besoin des autres pour échouer. Et parfois, on réussit collectivement. C'est vrai aussi. Je pense que dans le spatial...
(...)
Mais je ne dis pas que tout ce qui est européen - quand je dis européen, vous serez d'accord avec moi que ce n'est pas toujours l'Union européenne, là je vous rejoins -.
(...)
(Les vaccins), c'est un très bon exemple. On est parti à quatre pays. La vérité, c'est que la commission de Bruxelles n'avait pas encore mis sa patte là-dedans. Je vais vous dire : on était déjà un peu en retard, on l'a su après. Et donc on l'aurait fait tout seul, on n'aurait eu aucun meilleur résultat, je pense même qu'on aurait eu de moins bons résultats. Et on irait au bout de la logique où chacun aurait des "exports bans" - pour le dire en bon anglais, puisque ce sont les Américains qui ont inventé cela, les interdictions d'exportation -, aujourd'hui, si la Belgique et les Pays-Bas faisaient cela, on pourrait se brosser pour avoir des doses de vaccins.
Mon modèle, c'est que l'on soit capable d'avoir notre vaccin français - j'aimerais bien aussi -, qu'on ait une stratégie industrielle européenne, parce qu'on n'a pas la taille, malgré tout, des Etats-Unis et de la Chine... Et Israël d'ailleurs - pardon, je finis là-dessus- (et Taïwan) ont parfois des niches d'excellence. Très bien ! Je ne dis pas le contraire. Je dis que si on a une ambition qui est d'être bon dans tous les secteurs, ce qui est plutôt l'ambition française, aujourd'hui il y a des domaines où l'on doit faire tout seul, quand on est très bon, et des domaines où l'on doit coopérer.
Et Israël, je pense sur la durée - c'est un bon exemple -, de par leur taille, ils sont très innovants, ils ont beaucoup de start-ups très innovantes dans beaucoup de domaines de la défense et autres ; en matière vaccinale, ils n'auront pas l'autonomie dans les dix ans ou vingt ans qui viennent. Ils sont dépendants des autres, et ils ont donné leurs données médicales. Il y a là un sujet de souveraineté. Ils ont été forts, peut-être qu'on aurait pu faire pareil. Si on avait été en compétition tous les Etats européens les uns contre les autres et les labos, je ne sais pas si la France pourrait remporter le morceau, par ailleurs.
(...)
Très bien la Serbie, très bon exemple. C'est d'ailleurs je pense un échec européen d'une autre façon. Parce que je pense que c'est nous qui aurions dû aider la Serbie, qui n'a pas les moyens de développer ses propres vaccins, qui a été livrée, parce qu'ils en ont fait un outil diplomatique et de communication... Je finis parce que tout le monde ne le sait pas : par le vaccin chinois et le vaccin russe. Les Russes et les Chinois sont malins, et ciblent des pays souvent à notre porte, dans lesquels ils livrent des doses pour faire un coup.
Vous savez quel pourcentage de leur production internationale ont livré les Russes ? Ils font des promesses. En Serbie, ils ont livré. En Slovaquie, en Autriche où ils font des promesses, en Bavière où ils font des promesses, en moyenne, ils livrent 1% des contrats qu'ils signent avec d'autres Etats. Donc ne dites pas que les Russes produisent massivement et vaccinent le monde. Ce n'est pas exact. Ils font quelques coups.
(...)
Q - Est-ce qu'il y a des réussites européennes ?
R - Bien sûr ! Et je crois que là-dessus, on a bien fait. Parce que pour moi, il y a un argument, qui va faire peut-être bondir M. Zemmour au départ, mais je vais finir. Il y a un argument qui est très important dans ce choix européen. Je reconnais quand il y a des choses que nous avons mal faites : j'ai dit dans l'exportation de nos vaccins dans nos voisinages par ailleurs. Mais je pense que l'on a bien fait de prendre cette voie.
Et il y a un point qui est très important : si on avait choisi chacun de faire notre stratégie, je ne sais pas dans quelle situation serait la France, mais élargissons. On est 27 dans l'Union européenne. Il y aurait surement des pays, un peu moins riches, un peu plus petits que nous, qui ne seraient pas vaccinés. Vous pourriez me dire : c'est leur problème. En fait, je ne crois pas. Parce qu'à nos portes, au moins pour les pays frontaliers directs, nous ne sommes pas une île. Israël, de fait, est une île, parce qu'elle vit isolée de son champ géographique, pour des raisons qu'on connait bien. C'est vrai d'ailleurs de Taïwan aussi. On aurait eu sans doute un pays, peut-être l'Autriche, peut-être même l'Espagne, qui n'aurait pas eu de doses, ou pas eu autant de doses. Et donc, on n'aurait pas vacciné au même rythme. Le miracle européen, j'insiste - cela vous fait sourire -, c'est qu'on vaccine à peu près tous au même rythme dans l'Union européenne.
Q - A un rythme d'escargot.
R - Non, ce n'est pas vrai. Et pardon, je finis juste là-dessus, je serai rapide, on aurait des usines à variants en Europe. Ce qui se passe au Brésil, ce qui se passe en Inde, évidemment ce sont des pays plus grands, on l'aurait en Europe, où des pays qui sont à 100 ou 200 km n'auraient pas de doses et auraient aujourd'hui la circulation du virus, on le réimporterait.
(...)
Q - Dernière question : où en est-on avec le vaccin français ? Quel sera le calendrier ? Et question subsidiaire : qu'est-ce que pensent de cette histoire de levée des brevets ceux qui ne sont pas encore sur le marché ?
R - Les vaccins français ? C'est d'ailleurs pour cela que les Américains - c'est d'ailleurs assez amusant, car comme vous l'avez remarqué, trois des vaccins sur quatre qui sont aujourd'hui utilisés sont européens. C'est toujours plus facile de faire de la solidarité avec les moyens des autres. Cela ne mange pas de pain et fait plaisir. Je vois que M. Mélenchon a fait de M. Biden le phare de l'extrême gauche française, c'est amusant.
Sur le vaccin Sanofi, je ne suis ni industriel ni scientifique. L'estimation, c'est que cela sera au dernier trimestre de l'année 2021. C'est l'indication que nous donne à peu près l'entreprise aujourd'hui. J'espère un peu plus tôt, mais après il faut une autorisation de mise sur le marché... Le vaccin sera disponible, je pense - pour ne pas créer de faux espoirs - vers la fin de l'année 2021. Mais il sera tout de même utile, et puis il y a des vaccins qui vont être adaptés à des variants. Il y aura peut-être d'autres épidémies. Donc il ne faut surtout pas renoncer à une industrie pharmaceutique française. Et la levée des brevets...
Q - Elle est en piteuse état. Elle était le phare de l'Europe il y a dix ou quinze ans.
R - Mais pourquoi ? Il y a eu une raison principale : c'est que l'on a fait peser tous nos efforts en matière de réduction des dépenses de santé sur le prix du médicament. Et on n'a pas rémunéré- on revient à la question des brevets, l'autre élément - on n'a pas rémunéré l'innovation, on n'a pas rémunéré la recherche et le développement. Et je n'ai pas d'action dans le produit, si je puis dire, je n'ai pas de sympathie particulière pour l'industrie pharmaceutique, mais si on veut des champions nationaux ou européens, il faut qu'ils aient les moyens d'investir. Le brevet en fait partie. Et je pense qu'eux-mêmes, pas parce qu'ils sont méchants par nature, mais parce qu'ils investissent et qu'ils innovent, ils ont aussi besoin de cette protection.
source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 mai 2021