Texte intégral
MAGUED RABIA
Dans l'actualité aujourd'hui, on se pose cette question à deux semaines de la deuxième étape du déconfinement : comment ça se passe pour nos aînés, Soizic BOUR ?
SOIZIC BOUR
Oui. C'étaient les premiers à être vaccinés. Seront-ils les derniers à être déconfinés ? Il semble que les protocoles sanitaires mettent du temps à s'assouplir dans les établissements pour personnes âgées. Vous êtes concerné par ce sujet, vous avez envie d'en parler, c'est le moment. La ministre en charge de l'Autonomie, Brigitte BOURGUIGNON, est notre invitée spéciale ce matin sur France Bleu Paris. Bonjour Brigitte BOURGUIGNON.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Bonjour.
SOIZIC BOUR
Vous êtes là pour répondre à nos questions et aux questions des auditeurs. Le standard est ouvert au 01 42 30 10. 10. On vous attend. On va démarrer si vous le voulez bien avec un état des lieux. On est le 6 mai aujourd'hui, le déconfinement a démarré. Quelle est la situation aujourd'hui dans les EHPAD ? Qu'est-ce que les résidents ont le droit de faire ? Qu'est-ce que les proches ont le droit de faire et de ne pas faire ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
On est parti de la situation vaccinale évidemment pour commencer à alléger les protocoles qui protégeaient les personnes les plus vulnérables dans ces établissements et c'était normal dans un premier temps. Mais dès le mois de juillet, on avait commencé à alléger les protocoles, on avait commencé à dire : on peut protéger sans isoler, parce qu'il y avait trop de dégâts sur l'isolement des personnes âgées. Aujourd'hui on a encore allégé bien sûr depuis la couverture vaccinale. Ce qu'on a le droit de faire, c'est recevoir des visites et on a le droit de sortir, je le réaffirme.
SOIZIC BOUR
Oui mais alors, vous c'est ce que vous dites aujourd'hui et on a cependant beaucoup de témoignages qui vont dans l'autre sens. Des familles qui disent qu'elles ne peuvent toujours pas voir leurs proches ou alors au travers des vitres, d'un plexiglas sans pouvoir les toucher. Des résidents aussi qui ne peuvent pas sortir. Comment on peut expliquer ces situations-là aujourd'hui ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Tout d'abord, je voudrais vous dire que j'entends évidemment cette douleur parce que je la partage et que j'ai beaucoup de remontées en ce sens. Beaucoup trop à mon goût. Je dirais que je ne ferai pas de généralités parce que beaucoup d'établissements appliquent l'allégement des procédures, remettent la possibilité de visites en chambre, allègent aussi les droits de visite et les temps programmés parce que ça aussi c'est une difficulté. Mais dans un contexte sanitaire bien sûr qui avait été refermé aussi à toute la France et je rappelle que les résidents sont des citoyens à part entière, trop de remontées me viennent de droit non assoupli dans les établissements et je demande aux établissements aujourd'hui d'assouplir et d'appliquer les protocoles que nous avons mis en place parce que c'est inacceptable.
SOIZIC BOUR
On parlait des témoignages tout à l'heure. J'aimerais qu'on écoute Paulette. Bonjour Paulette.
Question de Paulette, auditrice
MAGUED RABIA
Alors Paulette, votre question à la ministre c'est de savoir quand vous allez pouvoir visiter vos proches. C'est ça ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Je me permets de répondre, pardon. D'abord je compatis à ce que vous dites, madame, parce que ces troubles cognitifs ne me sont pas inconnus. Et d'autre part, j'avais demandé déjà à ce qu'on retire par exemple les plexiglas qui empêchaient bien sûr tout contact même avec la personne alors que ces troubles-là nécessitent du contact humain. Tout ça a été fait, il y a des endroits où ça n'est pas encore fait. Je demande à ce que ce soit fait. Et ensuite pour les visites en chambre, elles sont autorisées aujourd'hui. Donc les tests, on peut comprendre aussi que nous avons aujourd'hui des autotests, des tests très rapides à faire. Ça peut être possible aussi pour empêcher la circulation qui existe encore dans des établissements. On ne peut pas le nier, il y a encore des circulations même si vacciné. Donc voilà, ce sont des précautions mais qui n'empêchent pas la liberté d'aller et venir dans les établissements.
SOIZIC BOUR
Pour les visites en chambre, c'est sans restriction, sans limite, sans contingent ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors pour l'instant, vous vous souvenez que nous étions tous confinés en ce moment. Bien sûr qu'elles étaient encore programmées, sur des temps programmés. Je demande à ce que tout ça s'assouplisse en même temps que les citoyens français vont recouvrer une liberté. Il n'est pas normal que les résidents ne puissent pas la retrouve, cette liberté.
SOIZIC BOUR
Mais est-ce que vous entendez, Brigitte BOURGUIGNON, la détresse aussi des directeurs et des directrices d'EHPAD et de maison de retraite qui sont un petit peu pris entre deux feux, entre les directives du gouvernement qui, pour certains, ne sont pas claires - c'est en tout cas ce qu'ils nous disaient la semaine dernière sur notre antenne ici à France Bleu Paris - et les ARS et les médecins coordinateurs qui parfois leur disent : « non, non, il est trop tôt. Il ne faut pas déconfiner si vite. Il ne faut pas leur donner la possibilité de sortir à ces résidents. » Qu'est-ce que vous leur dites ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
C'est pour ça qu'on ne peut pas avoir de décisions comme ça plaquées. Ce sont les protocoles qui vous donnent un cadre avec des recommandations. Mais dans ce cadre, on ne dit pas « peuvent » aux directeurs on dit « doivent » et c'est toute l'importance.
SOIZIC BOUR
Il y en a beaucoup qui ne le font pas.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Bien sûr. Mais moi, je ne charge pas les directeurs d'établissement qui eux aussi ont cette ligne de crête à respecter entre la protection sanitaire que l'on doit aux résidents et qu'on nous reprocherait si on ne le faisait pas. Parce que dans le même temps, j'ai beaucoup entendu aussi dire qu'on avait mis en danger des résidents. Donc on ne peut pas non plus tout à coup passer d'une extrême à l'autre alors que nous-mêmes, citoyens, nous sommes tenus à des règles sanitaires. Donc bien sûr qu'on applique la même chose, mais sur la liberté d'aller et venir, je le redis et je demande aux directeurs d'EHPAD d'être très vigilants là-dessus.
MAGUED RABIA
Merci Paulette pour votre appel et pour votre question. Si vous aussi vous avez des questions, que vous voulez savoir comment ça va se passer dans les prochaines semaines pour aller dans les EHPAD, vous nous appelez au 01 42 30 10 10. La ministre en charge de l'Autonomie Brigitte BOURGUIGNON répond ce matin à toutes vos questions en direct sur France Bleu Paris et France 3 Paris Ile-de-France. (…)
- Soyez les bienvenus. Vos questions à la ministre en charge de l'Autonomie un jusqu'à 8 heures 30 sur France Bleu Paris. 01 42 30 10 10. Brigitte BOURGUIGNON répond à toutes vos questions si vous avez du mal à voir vos proches en EHPAD, comment ça se passe, faut-il assouplir les règles ? Appelez-nous au 01 42 30 10 10.
SOIZIC BOUR
Brigitte BOURGUIGNON, en début de semaine la Défenseure des droits, Claire HEDON, a rendu un rapport très inquiétant sur la situation des résidents en EHPAD. J'imagine que vous l'avez lu ce rapport. Claire HEDON estime que leurs droits sont grandement entravés, neuf cents réclamations reçues depuis six ans dont - et c'est ça qui est inquiétant – deux cents depuis le début de la crise sanitaire.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors tout d'abord, j'ai reçu bien sûr Claire HEDON. J'ai entendu et je ne découvrais pas par endroits ce qu'elle décrivait. D'abord sur ce que j'assimilerais dans les recommandations qu'elle donnait sur les moyens parce que nous travaillons déjà depuis longtemps sur ces moyens, nous avons renforcé l'encadrement, nous avons mis - nous mettons – 2,1 milliard avec le Ségur et le plan de relance pour rénover les établissements, les ouvrir vers l'extérieur. Donc tout ça est entendu et est en cours. D'autres recommandations que je retiens, celle par exemple de référents dans les établissements, dans chaque établissement parce que je crois à la médiation, je crois au dialogue.
SOIZIC BOUR
Donc ça va être le cas ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Bien sûr. Nous allons y travailler et nous y travaillons déjà bien sûr puisque je crois beaucoup plus à la médiation qu'en ce dialogue qui s'est interrompu parfois par endroits, et qui est tout à fait nuisible à la bonne cohabitation. Et puis d'autres me dérangent parce que je ne suis pas dans la dénonciation des EHPAD et dans l'EHPAD bashing, et donc il faut faire attention entre ce qu'on pourrait qualifier par exemple… On a parlé du personnel qui pouvait être voleur ou qui pouvait s'attribuer…
SOIZIC BOUR
Avec des violences aussi.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors ça je ne peux pas l'entendre parce que si ça existe, il faut que ce soit dénoncé. Nous mettrons une enquête de suite mais on ne peut pas mettre des généralités sans dire où ça se passe. Parce que là, bien sûr, de suite il y aura une réaction. Donc voilà, moi je ne partage pas cette vision des choses. Je crois qu'aujourd'hui, il y a beaucoup de très belles choses qui sont faites. Il y a des soignants qui sont restés vivre avec les résidents pendant la première vague. On oublie tout ça déjà pour repasser à cette phase un peu offensive. Donc on est aujourd'hui en train de construire cette liberté d'aller et venir, de la réaffirmer parce que les citoyens, les personnes âgées sont des citoyens jusqu'au bout de leur vie. Il faut qu'ils aient des droits respectés. Tout le reste est exception. Exception pendant une crise sanitaire soit, mais ça ne doit pas perdurer.
SOIZIC BOUR
Oui. Claire HEDON qui dit aussi dans son rapport que les restrictions sanitaires - donc on y revient - ne peuvent pas être laissées à la seule appréciation des directions d'EHPAD. On revient vraiment à ce problème entre eux. Les injonctions gouvernementales et la réalité.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Ce ne sont pas des injonctions gouvernementales.
SOIZIC BOUR
Les directives données par le gouvernement.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Voilà. Mais c'est surtout que bien sûr qu'il y a une libre appréciation qui ne doit pas se transformer en une gestion d'établissement.
SOIZIC BOUR
Parce que eux, ils ont peur de revivre la même chose que pendant la première vague et ils ont peur aussi des poursuites pénales.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Bien sûr. Parce que dans le même temps, vous savez très bien que les mêmes se retourneraient contre ces directions d'établissement pour dire : « on n'a pas protégé mon père, ma mère » et c'est normal. Donc il faut entendre ça, et c'est pourquoi je prône cette médiation. J'ai demandé et je demande ce soir aux directions des ARS de revoir cas par cas les situations où on me signale des situations abusives, que je qualifie d'abusives. Pour le reste, elles doivent être proportionnées à la situation.
SOIZIC BOUR
Brigitte BOURGUIGNON, comment rendre l'EHPAD de demain plus humain ? Parce que c'est aussi ça le problème. Il faut se tourner plus vers l'humain, et c'est ce que vous demandez d'ailleurs aujourd'hui.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Bien sûr. D'abord se rappeler que ce ne sont pas des établissements hospitaliers. Le H d'EHPAD, ça veut dire hébergement, ça ne veut pas dire hôpital. Donc voilà ce qu'on mélange un peu en ce moment. Et donc se dire que ce sont des lieux qui doivent devenir attractifs mais au bout d'un parcours de l'autonomise. C'est pourquoi je suis en charge de l'autonomie et non pas de la dépendance. Et donc, on doit construire des logements adaptés qui vous permettent de vivre chez vous le plus longtemps possible et voire même jusqu'au bout. A 85 %, les Français le demandent. Et les EHPAD de demain doivent être ouverts vers ce domicile avec des tiers lieux culturels, sportifs, de l'animation sociale et ouverts à l'extérieur pour ne plus avoir cette opacité et cette sensation d'enfermement.
SOIZIC BOUR
Je rappelle que vous participez aujourd'hui à une journée de réflexion sur la question intergénérationnelle en partenariat avec Radio France. Vous nous avez donné quelques pistes. Ces pistes-là, on imagine qu'elles vont être mises en place en tirant les leçons de la crise sanitaire.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui. On ne peut pas aborder ce chantier-là sans tirer les leçons. D'abord ce que ça nous a enseigné, c'est que c'est un chantier éminemment interministériel et puis j'y ajouterai intergénérationnel. C'est ça qui est intéressant. On est dans une transition démographique. On sait aborder la transition écologique, la transition numérique, la transition démographique pas encore suffisamment. Dans ce colloque, moi je suis très intéressée parce qu'on l'aborde de cette manière. D'une manière d'abord de transition démographique avec tous les emplois que cela peut créer, tout l'enjeu économique aussi que cela représente puisqu'on va dans une société de la longévité. On y est déjà, et on aura beaucoup plus de personnes âgées en 2050 que de jeunes. Donc il faut se préparer à cette situation.
SOIZIC BOUR
Mais la question à mille points j'ai envie de dire, c'est est-ce qu'il y a assez de moyens pour faire ça ? Parce que c'est aussi le nerf de la guerre l'argent, finalement.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Bien sûr. Mais justement si on l'aborde de cette manière, en se disant que c'est un atout économique et non pas un coût, qu'on arrête de parler de ce parcours autonomie comme un coût et qu'on le tourne vers le domicile avec tous les métiers que ça peut engendrer : des métiers du prendre soin, des métiers de l'animation, des logements adaptés, des logements partagés, je le vois fleurir un peu partout sur les territoires. Cette notion d'intergénérationnel, elle commence à prendre, tout le monde commence à en parler. Les seniors et les jeunes ne sont pas des entités abstraites qui ne se parlent pas. Au contraire, tout ça travaille ensemble et c'est un parcours de vie.
SOIZIC BOUR
Merci beaucoup Brigitte BOURGUIGNON d'être venue ce matin à France Bleu Paris. Je rappelle que vous êtes la Ministre en charge de l'Autonomie. Merci beaucoup.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 mai 2021