Entretien de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'Etat au tourisme, aux Français de l'étranger et à la francophonie, à Sud Radio le 19 mai 2021, sur la réouverture des terrasses des cafés et restaurants, le retrait progressif des aides aux professionnels du secteur de l'hôtellerie restauration jusqu'en août 2021 .

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  • Jean-Baptiste Lemoyne - Secrétaire d'Etat au tourisme, aux Français de l'étranger et à la francophonie

Texte intégral

Q - Bonjour, Jean-Baptiste Lemoyne.

R - Bonjour.

Q - Le premier petit café en terrasse, vous aussi vous l'attendiez ?

R - Ah, écoutez, depuis longtemps, c'est juste le bonheur de la liberté retrouvée. Et vraiment, je crois que tous, on a à coeur, non seulement de partager ce moment, de retrouver les uns et les autres, de retrouver les restaurateurs, et puis aussi d'être en solidarité avec eux parce que depuis quatorze mois, ils ont un peu pris la foudre, et là, c'est l'éclaircie, et je crois que quelque part, cela doit être le moment du printemps des restaurants, du printemps de la gastronomie... Voilà, tout simplement, on retrouve la convivialité.

Q - Oui, voilà, alors avec toujours la jauge, bien sûr...

R - Exactement.

Q - Alors, pour ceux qui nous voient en vidéo, les masques, nous ne portons pas de masque, mais nous sommes à 2 mètres, et nous avons des plexis que nous avons apportés. C'est important de respecter quand même le protocole.

R - Enorme, parce qu'on est tous content, mais on doit être tous prudent. Parce que, encore une fois, là on est à une étape, l'étape du 19 mai ; il y a d'autres étapes où l'on va, à nouveau, desserrer l'étau, avoir de nouvelles activités qui repartent : c'est le 9 juin, c'est le 30 juin. Et c'est important qu'on ne menace pas ces étapes, et donc pour qu'elles puissent bien se dérouler, il faut qu'on soit encore une fois très prudent. Les professionnels - je peux vous le dire, hier, j'étais à Saint-Malo, avant-hier à Paris, faire la tournée des popotes - ont préparé des protocoles sanitaires qui sont béton, très stricts. Et donc ils sont prêts, mais nous aussi, à nous de faire notre part en tant que consommateurs.

Q - Il va y avoir quand même un peu de tolérance sur la jauge, sur les mètres carrés, ou pas ?

R - Alors, ce qui se passe, c'est que pour la jauge par exemple, en terrasse, ici c'est 50 %, donc c'est une table sur deux. En revanche pour les plus petits établissements, ceux qui ont moins de 10 tables, il est possible de s'organiser différemment, de maintenir vos 10 tables, mais de mettre des séparations, un peu comme les parois que vous avez ici, qui permettent tout simplement de concilier l'activité et la prudence.

Q - Pour vous, Jean-Baptiste Lemoyne, en charge du tourisme, c'est aussi le coup d'envoi de la saison touristique, là, finalement, aujourd'hui ?

R - Oui, c'est vrai, on le voit déjà depuis le 3 mai, depuis que la circulation est à nouveau possible entre régions, les Français ont eu à coeur de s'oxygéner, de retrouver leurs racines. Regardez le week-end dernier, à l'Ascension, cela a été très fort en réservations, très fort en déplacements, de la même façon au week-end de la Pentecôte. Et c'est le coup de départ, effectivement, de cette saison 2021. Et moi j'appelle d'ailleurs à ce que cette saison soit à nouveau un été bleu, blanc, rouge...

Q - Eté bleu, blanc, rouge, c'est quoi, alors ?

R - Eh bien écoutez, j'espère que ce sera le tube de l'été 2021, voilà. C'est-à-dire tout simplement le fait que les Français redécouvrent toutes les richesses de notre territoire, que ce soit en littoral, que ce soit à la montagne, que ce soit en rural ou dans nos villes, mais il y a ce besoin aussi d'être en soutien de cette économie touristique.

Q - Vous leur demandez de rester plutôt sur le territoire national, de ne pas partir ?

R - Je ne demande rien parce que les Français ont subi suffisamment de contraintes, ils sont grands garçons, ils sont majeurs, et vaccinés, pour beaucoup maintenant, pour pouvoir faire leur choix. Parce qu'il y a aussi naturellement des destinations qui vont rouvrir en Europe, par exemple, de la même façon que nous-mêmes nous serons contents d'accueillir des Européens. Donc ce que je veux dire, c'est que mon but, c'est de convaincre les Français que, en France, vous pouvez faire le tour du monde parce que, encore une fois, il y a une diversité de paysages, de propositions, etc... Et puis aussi convaincre les Européens que pour retrouver l'essentiel finalement, pour se retrouver, la France est quand même ce qu'il y a de mieux.

Q - Alors, on va détailler cela dans un instant, notamment aussi autour du pass sanitaire, mais le tourisme c'est une vache à lait de notre économie, l'un des secteurs les plus touchés également par cette crise. À combien vous estimez aujourd'hui les pertes, et puis, par conséquence aussi les aides ?

R - Alors, on a à peu près perdu 50% des nuitées, c'est une étude de l'INSEE publiée hier qui le dit, sur le tourisme international. Puisque nous étions numéro 1 avec 90 millions de touristes internationaux, on estime qu'on a perdu à peu près 50 % des recettes internationales. Donc, c'est au moins 30 milliards d'euros sur le volet international, plus également ce qu'on a perdu en domestique. Donc, on le voit, ce sont des pertes qui se chiffrent à plusieurs dizaines de milliards d'euros. Mais à côté de cela, on a mis en place, nous, des dispositifs d'aides pour les accompagner, et depuis un an, d'ailleurs je vous donne le chiffre qui est actualisé, on en est à pas loin de 29 milliards d'euros d'aides. Et je parlais avec la propriétaire, ici, des "Deux Magots" qui m'a dit "merci l'Etat, parce que grâce à vous, avec le prêt garanti par l'Etat, avec l'activité partielle, on a pu passer le cap". Et très concrètement, 29 milliards d'euros...

Q - Ça, ce sont les aides, 29 milliards.

R - Ça, ce sont les aides, les aides, les soutiens.

Q - Et les pertes sont plus colossales, minimum 30 milliards.

R - Oui, sur l'aspect international, bien sûr. Donc, c'est un choc massif. Je crois qu'on a tous pris conscience d'ailleurs - enfin nous on l'avait, je crois que les acteurs du tourisme ont été bien conscients du poids du secteur -, mais je crois que le pays entier s'est rendu compte que le tourisme, c'est bien plus que cela. Cela touche les secteurs de l'amont, parce que des restaurants fermés sont autant de débouchés en moins pour les producteurs, c'est également moins d'activité pour les transporteurs, pour un certain nombre de services associés. Et donc, c'est bien plus que les activités touristiques en elles-mêmes. Et c'est pourquoi d'ailleurs le Président a souhaité que ce soit une priorité nationale.

Q - Et les aides, Jean-Baptiste Lemoyne, elles seront au rendez-vous jusqu'à quand ? Parce que certains vont quand même avoir du mal à tout remettre en route ?

R - Alors on le voit, aujourd'hui la reprise est progressive. Aujourd'hui on ne reprend que sur les terrasses, on ne reprend pas à l'intérieur. À l'intérieur, ce sera le 9 juin. Cela veut dire que d'un point de vue d'équilibre de son affaire, on n'y est pas forcément tout de suite. C'est pourquoi on a souhaité, vraiment, avec le Premier ministre, avec Bruno Le Maire, que l'on puisse maintenir et adapter les aides. Il ne s'agit pas de les enlever d'un coup d'un seul. Au mois de juin par exemple, il y a un assouplissement du fonds de solidarité qui permet à des gens qui n'ont pas perdu, qui ont perdu peut-être 10, 20, 30% de leur chiffre d'affaires, d'y prétendre, d'avoir une compensation de leur perte de chiffre d'affaires à hauteur de 40%. On continuera, en juillet, en août, de façon dégressive. Et pareil pour l'activité partielle, qu'on maintient avec un reste à charge zéro, au mois de juin, et puis petit à petit, voilà, le reste à charge augmentera. Donc, l'idée c'est ça : la reprise est progressive, les aides sont maintenues également de façon dégressive.

Q - Jean-Baptiste Lemoyne, vous avez parlé des étrangers, des touristes étrangers, comment vous allez faire pour essayer de les attirer et quelles seront les conditions ? Est-ce qu'il y a un calendrier, d'ailleurs, par rapport aussi aux pays dont les liaisons sont suspendues aujourd'hui avec la France ?

R - Alors, donc 1) comment va-t-on les attirer ? On lance, avec Atout France, les régions, les destinations, une grande campagne de promotion de la destination France - 10 millions d'euros -, pour justement se positionner sur les 10 marchés européens prioritaires. Je pense notamment au marché belge, cher à Cécile de Menibus, aux marchés suisse, allemand, britannique. Et donc, on va leur dire avec un slogan qui est "Ce qui compte vraiment". Ce qui compte vraiment, c'est "what really matters", c'est se retrouver, c'est le retour aux fondamentaux, à l'essentiel. Cela, on l'illustre avec des visuels, mais à couper le souffle, et c'est vrai qu'il y a tellement...

Q - Donc ça, pour les voisins européens ?

R - Pour les voisins européens. Mais on fait aussi une campagne domestique à l'attention des Français, avec cette campagne #jeredecouvrelafrance. L'été dernier c'était " je visite la France" ; cette année c'est "je redécouvre la France". Et je peux vous dire que les réservations sont là, sont en train de monter en puissance. C'est ce que me disent, d'ailleurs, les professionnels que j'ai rencontrés hier à Saint-Malo. Donc ça, c'est : comment on va les chercher. Et puis, moi, je vais prendre mon bâton de pèlerin, et aller justement dans tous ces pays pour vendre la destination France, pour dire " bienvenue, on vous déroule le tapis rouge ".

Q - Et les Asiatiques, ceux qui viennent de plus loin, les Américains par exemple, de l'ensemble des continents ?

R - Et donc pour répondre à votre deuxième question, à partir du 9 juin, on se met en position d'accueillir des clientèles internationales plus lointaines. Alors on a en méthodologie un travail que nous conduisons avec nos amis européens pour déjà avoir une classification. Il y aura les pays verts : les pays qui sont sûrs d'un point de vue sanitaire, dont on peut accueillir les voyageurs. Ensuite, il y aura les pays orange, sur lesquels il faudra prendre quelques précautions. Et les pays, je dirais, dits "rouges", où là en revanche, il y aura des mesures. Il faudra des motifs impérieux pour venir parce que la situation n'est pas très bonne.

Et par conséquent, on espère accueillir des Américains. Le Président de la République, d'ailleurs, s'est adressé au public américain, il a parlé sur CBS, c'était mi-avril. On a tout de suite vu les conséquences : des réservations qui sont arrivées, y compris pour l'arrière-saison. C'est important parce qu'on va faire comme Joe Dassin, on va jouer "l'Eté indien". Il faut étirer la saison. Et puis, les clientèles asiatiques, je pense, qu'elles mettront un peu plus de temps à revenir. Cela va être plutôt en début d'année prochaine parce que ce sont des clientèles qui effectivement sont très précautionneuses, et puis parfois aussi les gouvernements qui prennent des décisions...

Q - Et qu'en est-il, alors ? Est-ce qu'il faudra un pass sanitaire et un pass sanitaire européen, où en est-on ?

R - Alors, effectivement, on travaille, et il va voir le jour dans quelques semaines, à ce qu'on appelle un certificat vert numérique. C'est très simple, on a tous cela dans nos poches : cela vous permettra de télécharger - alors pour nous cela sera dans "Tous Anti-Covid", version améliorée -, la preuve qu'on est soit vacciné, soit qu'on a le test PCR négatif, soit qu'on est immunisé parce qu'on a été touché et rétabli. Et cela permettra de faciliter les déplacements, de remettre de la mobilité. C'est un outil qui sera interopérable avec les autres applications en Europe.

Q - Mais il n'y aura pas une obligation d'être vacciné pour venir de l'étranger en France faire du tourisme, cet été ?

R - Alors non, mais à ce moment-là, il faudra que vous soyez, enfin pour les Européens, il faudra que vous montriez que vous avez votre test négatif ou bien que vous êtes immunisé. C'est ou, ou, ou. Mais en revanche, il est possible, il est vraisemblable, on y travaille avec les Européens, que le fait d'être vacciné lorsqu'on vient d'une destination lointaine permettra d'éviter un certain nombre de dispositions un peu contraignantes à l'arrivée. Voilà, c'est dans les discussions.

Q - Donc un pass sanitaire européen va voir le jour, et il sera obligatoire ?

R - Alors le certificat pour être précis, c'est ce certificat vert numérique, il verra le jour au mois de juin et, en principe, entrée en vigueur le 26 juin dans l'Europe entière.

Q - Les Français qui veulent rentrer également en France puisqu'il y a beaucoup d'expatriés, ils le pourront également, ceux qui viennent des pays classés à risque encore ?

R - Les Français ont ce droit imprescriptible à revenir sur le sol national, naturellement. En revanche, si vous venez d'un pays qui est classé rouge, il faudra vous soumettre, naturellement, à toutes les précautions sanitaires qui seront mises en place. Par exemple, il y a 17 pays qui sont aujourd'hui classés rouge : il faut un test PCR au départ, il faut un test antigénique à l'arrivée, et on vous demande de vous isoler 10 jours. Mais ce sont des précautions à prendre pour éviter que des variants qui circulent de façon active dans certains pays ne circulent en France.

Q - On a évoqué cette question à un moment donné sur la vaccination, est-ce que des centres de vaccination vont nous suivre sur les lieux de vacances ? A priori non, il faudra rentrer là où on est convoqué, ou pas alors ?

R - Non mais moi je peux vous dire qu'on fait un travail avec le ministère de la santé justement, pour bien voir quelles sont les zones de vacances avec le surcroît de population que cela génère, pour mettre plus de doses à disposition des centres qui sont dans ces zones-là.

Q - Oui, donc si vous avez pris un rendez-vous et que votre rappel est prévu le 3 août, et que vous n'êtes pas près de chez vous, vous pourrez le faire à distance ?

R - Il sera possible de compléter sa vaccination sur son site de vacances, on est en train de travailler là-dessus.

Q - Oui. Les touristes étrangers, également, ils pourront bénéficier toujours des tests PCR gratuits en France avant de repartir, par exemple ?

R - C'est le cas aujourd'hui et naturellement, on continue ce dispositif. C'est vrai que cela peut être un avantage concurrentiel, parce que vous prenez les Britanniques, le test PCR là-bas, c'est l'équivalent de 100 euros.

Q - Cela va coûter aux Français, aux contribuables français, ça alors, non ?

R - Oui mais vous savez le tourisme, c'est beaucoup de retombées économiques pour les territoires. Vous savez qu'on a parfois une balance commerciale qui est déficitaire ; le tourisme, lui, est excédentaire. C'est-à-dire qu'on génère plus de recettes par l'accueil des touristes en France que les Français eux-mêmes n'en dépensent à l'étranger.

Q - Oui, il y a quelque chose qui est assez surprenant, en tout cas quand on le prend au premier degré, les remontées mécaniques vont pouvoir rouvrir. Pourquoi ?

R - Eh bien, tout simplement parce que si vous voulez par exemple découvrir la vue fantastique du pic du Midi, accéder à cet observatoire ou au restaurant panoramique, il faut utiliser un câble. Et donc, on a rouvert, c'était une demande des professionnels de pouvoir utiliser leurs remontées mécaniques.

Q - Ça rouvre là.

R - Cela rouvre : Pic du Midi c'est aujourd'hui, 19 mai. Si vous voulez aller faire du VTT à Tignes, vous êtes bien content de pouvoir prendre le télésiège sur lequel vous pouvez mettre votre vélo. C'est prévu comme ça. Donc il y a une demande parce que la montagne, ce n'est pas seulement l'hiver, c'est également l'été. Et d'ailleurs l'été dernier, la montagne a très bien fonctionné. Et j'ai bon espoir que cette année encore elle soit une destination de prédilection.

Q - Jean-Baptiste Lemoyne, une dernière question avec Cécile de Minibus, Cécile.

Q - Oui, je vais vous parler d'un Français qui est à l'étranger, le retour de Karim Benzema en équipe de France. Et puis, au-delà de l'aspect sportif, dont les performances sont largement saluées, est-ce qu'il y a une symbolique importante à son retour dans cette période agitée avec les jeunes, par exemple ?

R - C'est vrai que cela fait partie de ces jeunes qui ont marqué les esprits. Et puis, surtout, on a l'envie d'avoir la meilleure équipe possible alignée sur le terrain, donc voilà. Là aussi, je vais vous dire, aujourd'hui c'est le premier café, moi j'ai hâte du retour dans les stades. Mon équipe de coeur, l'AJ Auxerre, cela fait longtemps que je n'ai pas pu aller la soutenir dans les stades, donc, j'espère pouvoir retrouver les tribunes dans quelques semaines.

Q - Donc Didier Deschamps a bien fait de rappeler Karim Benzema, c'est ce que vous dites.

R - Je fais confiance au sélectionneur. Ce qu'il faut, c'est avoir les meilleurs sur le terrain. Donc, s'il considère que c'est le meilleur, écoutez, on y va.

Q - Merci Jean-Baptiste Lemoyne, premier café donc à la terrasse des "Deux Magots" ce matin, secrétaire d'Etat en charge du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie, qui était l'invité, ce matin, de Sud Radio.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 mai 2021