Entretien de M. Clément Beaune, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, avec Europe 1/CNews le 16 mai 2021, sur l'Union européenne face au conflit israélo-palestinien, l'épidémie de Covid-19 et le plan de relance européen.

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Média : CNews - Europe 1

Texte intégral

Q - Bonjour, on va d'abord évoquer le Conflit au Proche-Orient et ses répercutions en France. Des pro-palestiniens ont manifesté à Paris hier, malgré l'interdiction ; il y a eu des incidents. En revanche, là où elles étaient autorisées, les manifestations se sont plutôt bien déroulées. La question est donc la suivante : le gouvernement a-t-il fait preuve d'un excès de prudence en interdisant cette manifestation parisienne ?

R - Vous l'avez dit, il y a une escalade dramatique et meurtrière au Proche-Orient et on le sait, quand malheureusement ces épisodes se reproduisent, cela peut être, d'une certaine façon, importé sur le territoire national dans des manifestations. Donc, le ministre de l'intérieur avait demandé au préfet d'être très vigilant, je crois qu'il a parfaitement bien fait. Il y a eu dans certains cas des interdictions de manifester

Q - Avec des incidents et des tensions.

R - Oui, bien sûr, parce que l'on ne peut pas empêcher absolument tous rassemblements, mais il y a eu des interpellations qui ont donné lieu à une intervention des forces de l'ordre dont je veux saluer le discernement et le courage face à des épisodes de tensions aussi forts. Cela montre bien que, justement, on a bien fait d'éviter d'autoriser systématiquement ces manifestations parce que cela peut avoir des débordements très importants.

Q - Mais là on voit précisément que cette interdiction a fait polémique, mais n'est-ce pas contre-productif d'interdire ces manifestations, on peut se poser la question, en tout cas ?

R - On peut toujours raisonner à l'envers en se disant que si on avait autorisé cela aurait été plus calme, je ne le crois pas.

Q - Les insoumis disaient justement que vous risquiez d'exacerber les tensions en interdisant.

R - Pardon, mais c'est une façon de ne pas assumer les responsabilités politiques, quand on appelle à des manifestations, pas eux-mêmes, mais il y a des rassemblements qui donnent lieu à des débordements, ce n'est pas la faute des forces de l'ordre. On sait aussi ce qui s'est passé dans des cas précédents, en 2014 notamment quand il y avait eu un épisode déjà très dur au Proche-Orient, très meurtrier, il y avait eu des manifestations, le plus souvent autorisées, qui avaient donné aussi lieu à des débordements. Il n'y a donc pas, malheureusement, de remède parfait dans cette matière, mais je crois que cet appel à la vigilance et cette volonté d'interdire certains rassemblements était nécessaire dans le moment que nous vivons. Et j'appelle chacun, on peut avoir des opinions politiques, à ne pas souffler sur les braises en ayant une vision manichéenne des choses dans ce conflit.

Q - Dans les rues de Paris on a entendu des "Allah Akbar", comment peut-on accepter cela ?

R - On ne peut pas l'accepter. Il y a eu un certain nombre d'interpellations d'ailleurs, une cinquantaine à Paris, faites par vigilance. Je ne veux pas tout mélanger, je ne dis pas que quand on est sensible à la cause palestinienne, on est forcément en soutien du terrorisme ou d'un islamiste radical. Il ne faut pas tout mélanger, mais dans ces manifestations, il y éléments perturbateurs, violents, peut-être qui ont des messages à caractère haineux voire terroriste qui s'infiltrent ! Et donc, c'est aussi pour cela qu'au cas par cas, les préfets peuvent interdire ces rassemblements, et quand ils se déroulent malgré tout, que l'on procède sans aucune faiblesse à ces interpellations.

Q - Clément Beaune, au Proche-Orient, on est à plus de 157 morts et des centaines de blessés, des morts essentiellement côté palestinien. Hier, l'armée israélienne a détruit une tour qui abritait notamment la chaîne Qatarie Al-Jazeera et l'Agence de presse américaine AP. Emmanuel Macron, ces jours-ci, a appelé à la désescalade en vain. Quel message va porter la France puisqu'il va y avoir une réunion du conseil de sécurité aujourd'hui sur ce sujet ?

R - D'abord ce n'est pas en vain parce que, malheureusement ces conflits, vous le savez, ne se résolvent pas à coup de baguette magique. Le Président est engagé, Jean-Yves Le Drian aussi, depuis le début de cette semaine, en appelant un certain nombre d'homologues de leaders politiques de la région, je pense par exemple au Président égyptien, au gouvernement jordanien, pour essayer de parler à toutes les parties et d'apaiser. C'est exactement ce message de médiation et de désescalade que nous porterons au Conseil de sécurité. Le président américain qui ne voulait pas vraiment s'impliquer dans le conflit du Proche-Orient y est obligé aujourd'hui, il a dépêché un émissaire cette nuit. Les Etats-Unis porteront aussi ce message de médiation, d'apaisement et de désescalade au Conseil de sécurité, tant mieux. On a besoin de nos efforts coordonnés.

Je crois aussi qu'il faut éviter deux choses : d'abord, de penser que l'on ne peut rien faire. Cet appel à la médiation, cette offensive diplomatique est nécessaire ; elle n'est pas magique, elle est nécessaire, et la France est en première ligne.

Et puis, il faut éviter aussi, dans le débat public, on en parlait avec les manifestations, toute simplification excessive. Il ne faut pas confondre la critique que l'on peut avoir, avant même cet épisode, à l'égard de la politique du gouvernement israélien, la France l'a eue parfois sur la colonisation et d'autres sujets, et récuser un droit d'Israël à se défendre. Ensuite, bien sûr, dans la défense, il faut un droit qui s'applique dans des règles internationales, avec proportion, et nous ferons toute la transparence sur ce qui s'est passé hier, par exemple, sur le bombardement de la tour.

Q - Ce qui s'est passé hier, est-ce proportionné ?

R - Ce n'est pas à moi de juger chaque épisode, parce que par exemple, le bombardement de la tour, là aussi évitons tout jugement hâtif. C'est très préoccupant, nous l'avons dit, les Etats-Unis l'ont dit, mais il est vrai aussi, on le sait, on ne sait pas pour ce cas-là, mais dans le passé, que le Hamas parfois utilise stratégiquement des lieux qui accueillent des médias, des civils, pour accueillir aussi un certain nombre de ses leaders. Donc, je crois qu'il faut toujours éviter un jugement hâtif sur ce sujet, et surtout, mettre tout notre capital politique, toute notre offensive, sur cette médiation, et la France est à la manoeuvre depuis le début de la semaine.

Q - Vous dites que la France est à la manoeuvre, en première ligne, mais où est la France, précisément ? Vous avez-vous-même été obligé d'appeler les Etats-Unis à intervenir, eux qui étaient restés en retrait jusqu'ici, c'est bien la preuve que la France et l'Europe sont complètement absentes de la gestion de cette crise !

R - Pas complètement absentes, mais je ne voudrais pas faire une sorte de course à l'échalote ou d'orgueil dans cette affaire. La France et l'Europe, par leurs contacts avec l'Egypte ou la Jordanie essaient de trouver une voie d'apaisement, mais on le fera au Conseil de sécurité dont nous sommes membres permanent cet après-midi, mais cela ne veut pas dire que l'on va tout régler tout seul évidemment. J'ai appelé, je l'assume, à ce que les Etats-Unis s'impliquent, parce que l'on a besoin aussi, ce n'est pas un scoop, que les Américains, par leurs contacts notamment avec le gouvernement israélien, nous aident dans cette offensive diplomatique pour essayer de passer ces messages d'apaisement. On n'est pas trop des Etats-Unis, de l'Europe, de la France, en particulier, dans ce travail de médiation, et nous encourageons aussi les efforts régionaux, je pense à ceux de l'Egypte.

Il ne s'agit donc pas de dire que quelqu'un, malheureusement, a la solution toute faite ou tout seul, ce n'est pas comme cela et je me réjouis, d'une certaine façon, que les Américains prennent aussi le taureau par les cornes et qu'ils travaillent avec nous.

Q - On va parler maintenant du déconfinement, en France, qui va voir une nouvelle étape, la semaine prochaine. La France a franchi, hier, le cap des vingt millions de vaccinés et le Premier ministre a salué cette nouvelle étape. (...) Mercredi 19 mai, c'est le début du déconfinement, la réouverture des terrasses, des lieux culturels, le couvre-feu qui est prolongé à 21 heures. Que faites-vous, mercredi soir ?

R - Je pense, dès mercredi matin, je prendrai un café en terrasse.

Q - Il pleut.

R - Il pleut, mais je crois que, comme beaucoup de Français, j'aurais envie, même s'il pleut à Paris, et dans pas mal de régions de France, d'avoir cette respiration, aussi, parce que l'on a vu que ce mode de vie, des cafés, des restaurants, de la vie sociale, évidemment, nous manque. Et malgré les intempéries, nous aurons tous envie de ce moment de joie. D'abord, il faut le dire aussi, ce qui permet cette réouverture, c'est la vaccination qui accélère, on a dépassé le cap des vingt millions, c'était notre objectif, on avait fait mieux que l'objectif de dix millions, mi-avril, et nous avons l'objectif de trente millions en juin. (...) Cet effort-là nous permet, comme dans beaucoup de pays européens, d'avoir cette ouverture, cette respiration. Il faut rester prudent, on le fait par étape, on commence le 19 mai, on en a besoin et on en a envie.

Q - Boris Johnson alerte sur la grande contagiosité du variant indien qui pourrait remettre en cause la feuille de route du déconfinement en Grande-Bretagne, précisément. Regardez-vous ce qui se passe là-bas et ce variant indien vous inquiète-t-il plus que les autres peut-être ?

R - On regarde évidemment avec une très grande attention ce qui se passe chez nos voisins, au Royaume-Uni. Je vous rappelle que dès le mois de décembre on avait eu un autre variant que l'on appelle le variant du Kent, qui nous avait beaucoup inquiétés à juste titre. Nous avions fermé nos frontières, posé des restrictions, nous faisons pareil avec le variant indien. Aujourd'hui, on sait qu'il est contagieux, on n'a pas d'informations plus alarmantes que celles-là sur sa mortalité, par exemple, et il semble aussi que les vaccins permettent de lutter contre ce variant-là. Mais on est très vigilant et c'est d'ailleurs pour cela, indépendamment de la situation du Royaume-Uni que pour un certain nombre de pays, à commencer par l'Inde, depuis trois semaines, nous mettons en place des systèmes de restrictions aux frontières, de quasi fermeture totale, renforcées, avec des quarantaines renforcées pour arrêter la circulation.

Q - Cela va durer longtemps ?

R - Je ne peux pas vous donner une date limite malheureusement parce qu'on fait avec l'épidémie, mais cela durera le temps nécessaire.

Q - Mais là on parle en termes de mois, que l'on comprenne bien.

R - Je n'ai pas la réponse, pour être tout à fait honnête, mais je pense que c'est au moins jusqu'à la fin de l'été, et que certains pays en tout cas feront l'objet de mesures de quarantaines respectives. On a les deux logiques : on rouvre chez nous d'abord, pour cette vie sociale dont nous avons tant besoin ; on va rouvrir progressivement à partir du début du mois de juin à l'égard de certains pays européens ou au-delà qui sont dans une bonne situation sanitaire, et pour les pays qui ne sont pas dans une bonne situation sanitaire, nous serons plus durs, et cette liste nous la rendrons d'ailleurs européenne dans quelques jours, pour que nous ayons la vigilance avec les pays qui sont dits rouges, à forte circulation du variant, et une ouverture progressive et mesurée avec les pays qui ont une bonne situation sanitaire.

Q - Justement, Clément Beaune, mercredi la Commission européenne a demandé une coordination de tous les Etats européens pour restreindre encore les arrivées depuis l'Inde, c'était mercredi. On est dimanche, où en est-on de cette procédure d'urgence ?

R - D'abord, c'est la France, qui a demandé cette coordination européenne qui effectivement fait défaut, parce que cela n'existait pas au début de la crise aussi. Dire à 27 pays, vous avez la même liste, les même mesures face aux variants, objectivement ce n'est pas évident.

Q - Parce qu'objectivement, si on arrive dans un pays d'Europe, on peut à un moment donné arriver en France, donc si tout le monde ne le fait pas en même temps, c'est compliqué.

R - Heureusement, parce que nous en avons besoin aujourd'hui, même quand vous circulez au sein de l'Europe, et vous pouvez le voir aux aéroports, il y a un test PCR négatif qui est systématiquement vérifié. Mais, vous avez raison, on a besoin, pour être sûrs, sur le plan sanitaire, d'une liste européenne coordonnée. Nous l'avons demandée, et j'espère d'ici la fin de la semaine qui vient que nous aurons ce qu'on appelle un mécanisme d'urgence. C'est-à-dire, dès qu'un pays dans le monde, on a l'Inde aujourd'hui, le Brésil ou d'autres, fait l'objet d'une surveillance sanitaire renforcée (forte circulation du virus, chiffres très dégradés) on le met sur la liste rouge commune au niveau européen, et dans les 48 heures, c'est cela le mécanisme que l'on a obtenu, tous les Etats européens doivent appliquer les mêmes restrictions, type quarantaine renforcée et fermeture des frontières.

Q - Le pass sanitaire se met en place, cet été, à l'échelle européenne, mais cela reste encore un peu flou. On voudrait que vous nous en disiez plus. Ce sera quand ? Ce sera quoi, exactement, ce pass sanitaire ? Et dans quels lieux sera-t-il exigé, en France, notamment ?

R - Alors, il y a deux débats un peu distincts. Ce que l'on fait maintenant au niveau national, il y a eu un vote cette semaine.

Q - On va faire la France d'abord du coup.

R - Je fais la France, parce que c'est ce qui commence le plus tôt : il y aura un pass sanitaire dans certains cas - dans certains cas seulement. J'insiste sur plusieurs éléments. D'abord, c'est un pass sanitaire et pas un pass vacinal. C'est très important, parce qu'il y a encore parfois du fantasme ou de la confusion. Vaccin ou test. Pour affiner un peu, test négatif si vous ne pouvez pas encore être vacciné, ou si vous n'avez pas fait votre deuxième dose de vaccin, ou un test positif un peu plus ancien pour montrer que vous avez eu la Covid et que vous êtes donc protégé pendant quelques semaines.

Q - Mais le test négatif devra être...

R - De moins de 48 heures.

Q - Donc, moins de 48 heures, en France ?

R - Ça, c'est l'autre point très important. Ce n'est pas un pass qui va bloquer ou ouvrir votre vie quotidienne. On ne veut pas de cette société-là, où vous auriez à biper pour aller au restaurant ou prendre votre café, ou votre jus d'orange, le matin, retrouver des amis. C'est un choix de société, ce n'est pas celui que nous faisons. Quelques pays européens ont cette approche ; ce n'est pas la nôtre. Et c'est très clair, il y a eu ce débat au Parlement, il y a un encadrement du pass sanitaire, il sera utilisé en France à partir du 9 juin, dans la deuxième phase de réouverture, pour des événements qui ne sont pas du quotidien, c'est-à-dire des grands rassemblements, des festivals, des concerts.

Q - Plus de mille personnes, c'est ça, la jauge ?

R - Exactement. Festivals, concerts... en gros des événements sportifs et culturels avec un public important : plus de mille personnes et dans la limite d'une jauge, quoi qu'il arrive, qui est à ce stade de 5000 personnes pour ces grands rassemblements. Donc, ce n'est pas votre sésame du quotidien. C'est très important, je crois, de le préciser.

Q - Et ce pass-là a vocation à durer très longtemps, on imagine ?

R - Franchement, personne ne le sait aujourd'hui. Mais c'est un outil de plus. Pour retrouver une réouverture, en restant dans la protection sanitaire dont nous avons besoin. Mais pas pour le quotidien. Et la réouverture qui commence ce mercredi, je l'ai dit, c'est parce que nous avons tous fait des efforts, et donc, d'une certaine façon, nous devons tous être récompensés par nos efforts. Et ensuite au niveau européen.

Q - Voilà, la partie européenne, maintenant.

R - Il y aura un pass, qui n'est pas d'ailleurs un deuxième outil. Ce sera harmonisé, c'est l'intérêt de ce cadre européen. Donc, votre code que vous aurez sur un bout de papier ou sur votre téléphone, parce que vous avez fait un test, ou parce que vous êtes vacciné, sera le même code pour aller à un festival ou à un concert en France, par exemple, et pour voyager en Europe.

Quand pourra-t-on voyager en Europe ? Ce sera à partir du mois de juin. Le pass européen sera disponible, fin juin, deuxième quinzaine de juin. J'espère le plus tôt possible, mais autour du 20 juin. Et à partir de ce moment-là, là aussi, il faut être précis, c'est un outil de réouverture, pas de fermeture - aujourd'hui, on en disait un mot, quand vous voulez aller dans un autre pays européen, vous devez montrer un test PCR négatif.

Q - Avec le pass, il n'y en aura plus besoin ?

R - Demain, avec le pass, pour avoir ce code qui vous permet d'accéder à un autre pays européen, vous aurez soit le test PCR négatif comme aujourd'hui, soit, c'est une chance supplémentaire, le vaccin. Et ce qui est très important, c'est qu'il sera harmonisé, et donc vous aurez le même code pour aller de Paris à Athènes, de Berlin à Madrid, qui sera reconnu par les autorités de sécurité et de santé, des différents pays européens. C'est l'intérêt de ce cadre européen.

Q - Pour que ce soit bien clair, ce sera absolument obligatoire. On aura besoin de ce pass pour voyager en Europe ?

R - Pour être précis, obligatoire dans le sens où vous aurez besoin de télécharger cette application, etc... non. Il y aura toujours une alternative. Mais, soyons clairs, la France comme l'immense majorité des pays européens, aujourd'hui, exigent tous un test PCR pour entrer sur le territoire. Et donc le pass sanitaire, ce n'est pas une obligation de plus. Il y aura certainement toujours l'exigence d'un test PCR ou d'un vaccin. Donc c'est une chance supplémentaire de voyager, et surtout, c'est harmonisé. Parce que pour ceux qui ont voyagé ces derniers mois, vous avez vu que parfois, ce n'était pas les mêmes règles.

Q - Aucun pays ne pourra mettre de quarantaine, par exemple, au sein de l'Union européenne ?

R - Alors ça, c'est un point qui est encore en débat. Parce que le texte législatif européen est encore en discussion. Ce que je souhaite, c'est que ce soit le pass sanitaire, point barre. C'est-à-dire qu'on ne rajoute pas de mesures supplémentaires, parce que ce pass sanitaire européen est déjà protecteur. C'est la garantie que vous avez un test négatif ou que vous êtes vacciné, donc que l'on voyage dans des conditions sûres pour le pays d'accueil. Et il y a quelques pays qui n'ont pas encore complètement arrêté leur position. Mais j'espère qu'on pourra se débarrasser des quarantaines pour voyager, cet été, en Europe.

Q - Et dans la catégorie des divergences d'approche entre différents pays européens, on a par exemple des tests PCR qui, en France, on peut aller le faire gratuitement. Ce n'est pas le cas par exemple pour des pays comme l'Espagne où peut-être certains de nos auditeurs voudraient aller en vacances. Si jamais à un moment, il y a besoin de faire un test, est-ce que les touristes devront les payer, doivent prévoir un budget "test PCR" sur place ? Cela peut monter jusqu'à 120 euros en Espagne. Est-ce qu'il faudra, ou est-ce que vous allez réussir à harmoniser au moins au niveau européen les tests PCR à un tarif bloqué peut-être moins exorbitant ?

R - Vous avez raison de le rappeler : en France, c'est gratuit. On est le seul pays européen...

Q - Au moment où on le fait... On finira par le payer, avec la sécurité sociale, mais on ne le paie pas quand on va le faire.

R - Chaque individu ne le paie pas, c'est un effort collectif, et ce n'est tout de même pas rien, car vous avez raison, cela dépasse même parfois 150 euros dans certains cas. C'est tout de même très coûteux. Alors qu'en France, on a les tests disponibles, et gratuits. On ne peut pas payer pour tous les autres pays européens, si je puis dire. Mais il y a une discussion qui est en cours au niveau européen...

Q - Et les pays européens ne veulent pas forcément payer pour des touristes qui ont les moyens de venir en vacances en Espagne, par exemple.

R - Je ne peux pas vous dire aujourd'hui que le touriste français qui ira en Espagne, on va lui payer son test. Je crois que cela serait tout de même un effort, pour la sécurité sociale, qui ne serait pas tout à fait justifié. Et voyons la chance que l'on a d'être en France avec des tests gratuits. Le Parlement européen, pour être précis, dans cette discussion qui est en cours sur le pass sanitaire, demande que les tests deviennent gratuits partout en Europe. On ne peut que le soutenir, puisque nous, nous le faisons. Mais je ne peux pas vous dire aujourd'hui si l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne, qui font toutes payer les tests, l'accepteront et le feront dans les semaines qui viennent.

Q - Mais cela pourrait être le cas avant l'été ?

R - C'est un débat qui existe et cela pourrait être le cas d'avoir au moins des tarifs harmonisés ou rapprochés. Mais aujourd'hui, la France est l'un des seuls pays, et le seul depuis le début, qui fait le test gratuit. Et je ne sais pas encore ce que feront les autres.

Q - C'est-à-dire que les touristes étrangers qui viendront en France pourront faire un test PCR gratuit lorsqu'ils repartiront chez eux ?

R - Oui, d'abord c'est un élément effectivement d'attractivité touristique, parce que l'on a besoin, on a envie, dans de bonnes conditions sanitaires, de rester la première destination touristique européenne et mondiale. C'est un enjeu économique pour nous. Et cela montre bien l'effort que nous faisons.

Q - Et justement, pour les touristes qui vont venir en France, est-ce que ceux qui ont été vaccinés avec le vaccin chinois ou avec le vaccin russe - il y en a même en Europe, en Hongrie notamment -, ce sera les mêmes règles en termes de pass sanitaire ?

R - Alors il y a deux éléments sur lesquels il y a beaucoup de questions. Quels vaccins ? Ce seront les vaccins autorisés par l'agence européenne des médicaments.

Q - Donc ni chinois ni russe pour l'instant...

R - A ce stade, ils sont sous examen de l'agence européenne, mais en effet, ni le vaccin russe ni le vaccin chinois ne sont validés par les autorités sanitaires européennes. Un pays peut dire - par exemple la Hongrie, qui utilise le vaccin chinois - : moi je veux bien quelqu'un entre chez moi avec le vaccin chinois. Mais à ce moment-là, on est en train d'en discuter, il faut être sérieux, parce que si on a un doute sur la fiabilité du vaccin chinois, on ne va pas accepter que les gens se promènent partout en Europe. Donc, on va essayer d'avoir une liste harmonisée. Mais notre point de vue, c'est que cela doit être les vaccins autorisés - on voit bien l'intérêt de cette coordination européenne - par l'agence commune européenne, point barre.

Il y a quand même un dernier point, je voudrais pouvoir le dire parce qu'il suscite beaucoup de questions et d'inquiétudes : c'est la protection des données. Là aussi, le pass sanitaire qui sera scanné pour entrer dans une salle de concerts ou pour voyager en Europe dans les semaines qui viennent, il ne dira pas votre situation médicale détaillée. Ce sera vert ou rouge : si vous avez un test ou si vous êtes vacciné, c'est vert, sinon c'est rouge. Et cela ne donne que votre nom et votre prénom, pas davantage. Cela a été vérifié par la CNIL, l'autorité qui vérifie la protection des données.

Q - On a bien fait le tour du pass sanitaire, j'espère que c'est un peu plus clair, parce que jusqu'ici, c'était encore un petit peu nébuleux.

(...)

Q - Hier, dans la presse écrite, on a vu quelque chose d'assez rare : des encarts publicitaires de l'Union européenne pour le plan de relance à 750 milliards d'euros, "faisons du rêve européen une réalité". Mais quand est-ce que les fonds arriveront ? Cela fait un an, plus d'un an que l'on parle de ce plan de relance, mais on n'a toujours pas vu le premier euro.

R - Ils vont arriver cet été. Je veux expliquer pourquoi, parce qu'effectivement, on peut se dire : on est allé très vite au début, il ne faut pas l'oublier.

Q - Et puis....

R - C'est tout de même important. N'oublions pas cet élément. Il y a un an, exactement, sur une initiative franco-allemande du Président de la République et de la Chancelière Merkel, on a dit : il faut un plan de relance européen ; et pas juste un plan de relance européen, une dette commune. Cela peut paraître très technique, mais cela veut dire de la solidarité européenne.

Q - Qui a été un objectif à atteindre pas facile...

R - Ce qui a été très dur. Et c'est la première fois qu'on le fait. Et je crois qu'il faut le dire, parce qu'on a complètement raté la gestion de la crise précédente, il y a dix ans, quand il y avait une crise financière mondiale...

Q - La crise financière de 2008...

R - On n'a pas su trouver cette solidarité européenne. Là, on l'a fait en quelques semaines. Cela a été acté l'été dernier. Après, il y a un temps démocratique européen. Je veux l'expliquer parce que parfois, cela paraît un peu confus, mais il faut dire la raison. Il y a un débat avec le Parlement européen, que les Français ont contribué à élire, c'est normal aussi. Quand on parle de 750 milliards d'euros sur trois ans, ce n'est pas rien. Et puis ensuite, il y a un temps démocratique qui est celui de nos parlements nationaux. Il y a 27 pays.

En France, l'Assemblée nationale et le Sénat ont voté sur le financement de ce plan de relance européen. Nous sommes prêts depuis début février, nous avons été parmi les premiers et tant mieux. Mais il y a encore quelques pays dans lesquels cela a été un peu plus long, un peu plus compliqué. D'habitude, on met, pour un budget européen, plus de deux ans pour faire ce processus de vote dans chaque parlement. Là, on va mettre sans doute cinq ou six mois. J'espère, pour être très concret, que ce sera fini au mois de juin et qu'on pourra commencer à l'été à avoir les premiers financements européens. C'est très long...

Q - A l'été ? Parce que Bruno Le Maire parlait plutôt du mois de septembre, peut-être, ces derniers jours ?

R - Au mois de septembre, au plus tard. Mais moi, je ne renonce pas, on se bat avec Bruno Le Maire pour que ce soit avant cela, puisque, vous avez raison, chaque jour, chaque semaine compte pour avoir cet argent de la relance européenne. Je veux dire quand même une chose importante pour ceux qui s'impatientent - et ils ont raison, moi aussi -, c'est que l'argent européen, un peu plus de 40 milliards d'euros qui vont arriver en France, est déjà utile. Il est déjà là, d'une certaine façon, parce qu'on a un plan de relance à 100 milliards d'euros qui lui, a commencé en septembre dernier. Il y a plus de six mois. Il décaisse plus de 30 milliards d'euros déjà de projets engagés. Et si l'on n'avait pas la certitude d'avoir les 40 milliards européens, on n'aurait pas pu faire un plan de relance de cette ambition.

Donc, c'est déjà utile, cet argent européen. Cela ne justifie pas la lenteur, parfois, allons-y. Mais il ne faut pas cacher les choses : l'argent européen est déjà utile et il aide déjà notre relance française.

Q - Il y a la lenteur européenne, mais il y a aussi les montants. 750 milliards, c'est beaucoup, mais c'est faible par rapport aux 1 900 milliards de dollars américains. Est-ce que comme le Président, vous pensez qu'il faut réfléchir à une deuxième étape, un deuxième plan de relance, peut-être plus ciblé sur les questions technologiques ?

R - Oui, mais là aussi, sans être trop long, je veux quand même dire un mot de comparaison avec Etats-Unis, puisqu'on est dans une forme de Biden mania comme on l'appelle parfois.

Q - Cela vous agace un peu ?

R - Non ce n'est pas une question d'agacement. C'est une question de rétablissement des faits. Les Etats-Unis ont annoncé plusieurs tranches, les milliards volent, de quasiment 2000 milliards d'euros à chaque fois. Il y a plusieurs choses différentes. Il y a un plan social. Il faut dire ce qui est, c'est en Europe qu'on a été le plus protecteur sur le plan social.

Q - Oui, les Etats-Unis n'ont pas les mêmes amortisseurs sociaux qu'on a pu avoir notamment en France.

R - Bien sûr. Il valait mieux être restaurateur en France ou en Allemagne, qu'aux Etats-Unis. Tant mieux si, dans notre modèle social, nous avons une protection très forte. Les Etats-Unis ont rattrapé cela par des montants qui font forte impression mais qui ne sont qu'un rattrapage social. Et puis il y a l'investissement. Là, les Américains ont annoncé, c'est vrai, à peu près 2000 milliards de dollars, peu importe les très grands chiffres car cela ne parle pas beaucoup, mais beaucoup d'argent, sur dix ans. De l'investissement et parfois de rattrapage aussi, Joe Biden l'a dit lui-même, il est en retard sur les infrastructures publiques aux Etats-Unis.

Q - Sur ce point-là, il n'y a pas un risque que l'Europe prenne un retard considérable ?

R - Si, il y a un risque, bien sûr. Je le dis, d'abord, il y a du rattrapage d'infrastructures publiques aux Etats-Unis. Ils font moins que nous. Mais oui, il y a un risque que l'Europe soit en retard sur des technologies d'avenir, en matière numérique, écologique, sur les micro-processeurs, les semi-conducteurs, sur des choses qui feront l'industrie de demain. Et là-dessus, je ne veux pas qu'on loupe cette accélération américaine. Il n'y a aucune raison que l'on soit lent. On a parlé parfois de nos lenteurs politiques, parfois bureaucratiques, il faut que l'on soit à la hauteur. Et oui, il faut un plan d'investissement européen qui complètera notre plan de relance. Probablement que c'est un débat que l'on devra trancher d'ici le début de l'année 2022, probablement sous la Présidence française de l'Union européenne, car il faut que l'Europe soit au rendez-vous face aux Chinois, aux Américains, des technologies de demain.

Q - On n'a pas encore les 750 milliards que c'est déjà finalement une façon d'être en retard par rapport à la reprise en Chine ou aux Etats-Unis ?

R - Attendez, d'abord, faisons la relance. On l'a dit, Bruno le Maire l'a dit, l'urgence est d'avoir ces 750 milliards d'euros sonnants et trébuchants qui arrivent dans nos régions, dans nos économies. Ce que je vous dis c'est pour les prochaines années, anticipons. L'Europe a parfois eu un défaut de vitesse et d'anticipation. Les Américains ont lancé un plan d'investissement pour 2030, entre maintenant et 2030. Ouvrons ce débat au niveau européen. On parle de centaines de milliards là aussi, cela prendra sans doute quelques mois à discuter. Mais faisons le maintenant justement car on sait que cela prend du temps et que c'est un débat qu'il faudra ouvrir, je pense, d'ici la fin de l'année.

Q - Alors, Clément Beaune, justement, vous disiez que la France va présider l'Union européenne à partir du 1er janvier 2022. Cela va être donc pendant six mois la France présidente. Emmanuel Macron veut en profiter pour porter quels types de dossiers pendant ces six mois ?

R - Ceux-là d'abord, c'est-à-dire une Europe qui défend son modèle social et qui le renforce. Plus d'investissement car ne faisons pas les erreurs, là aussi, que l'on avait fait il y a une dizaine d'années après la crise. Après la crise grecque, on avait essayé de réduire très vite nos déficits, on avait été obsédés par l'idée de baisser les dettes, et on n'avait pas investi. Et on a pris du retard, justement, sur les Américains, sur les Chinois, pendant dix ans. Ne faisons pas cette même erreur. Et puis, il y a un modèle européen qui est social. Il y a eu un sommet social il y a quelques jours à Porto. Nous porterons aussi un certain nombre de sujets très concrets sur le plan social pendant notre présidence. Un salaire minimum partout en Europe, par exemple.

Q - Mais pas forcément le même selon les pays ?

R - Non, parce que nous avons un salaire minimum en France qui est plus élevé que la moyenne européenne. Il ne s'agit certainement pas de le baisser. Mais il y a des pays européens qui n'en ont pas ou qui ont un salaire de 300 à 400 euros par mois. On ne peut pas vivre avec cela. Donc, un salaire minimum décent dans toute l'Europe, c'est un élément du modèle social européen et cela évite le dumping social.

Q - Mais il y en aura plusieurs différents. Par exemple, si je prends la Bulgarie, c'est peut-être compliqué d'avoir le même salaire minimum qu'en France.

R - Il y en aura plusieurs différents. Mais le principe commun est d'abord d'avoir un salaire minimum partout et qu'il y ait un minimum en termes de pouvoir d'achat. Puis, par exemple, le détachement des travailleurs qui avait fait tant de mal, on s'en souvient pendant la campagne présidentielle précédente. On en parle moins aujourd'hui, car on l'a déjà réformé. Et on ira plus loin pour éviter la fraude aux travailleurs détachés.

Q - Pardon mais quand on voit la bureaucratie, la lenteur que l'on vient d'évoquer au sein de l'Union européenne, on a du mal à croire qu'Emmanuel Macron va pouvoir imposer cela en si peu de temps. Même si vous travaillez déjà sur cette présidence, mais cela paraît difficilement envisageable, non ?

R - Nous n'avons pas de baguette magique mais nous avons une volonté politique. On ne va pas tout faire cela en six mois.

Q - La volonté, cela va suffire ?

R - Non parce qu'on a accompagné la volonté d'un engagement et d'un combat depuis quatre ans. Le travail détaché, on nous disait que c'était impossible. On a fait une première réforme du travail détaché. On ira plus loin. On nous expliquait que c'était impossible de faire le moindre pas en avant sur l'Europe de la défense. On a un certain nombre de choses. On a des forces spéciales européennes qui sont engagées maintenant au Sahel. Il faut bien sûr aller plus loin. Mais on nous disait que c'était impossible, que l'on n'y arriverait jamais, on l'a fait.

Q - C'est symbolique.

R - Ce n'est pas symbolique, cela sauve des vies. La solidarité européenne sur le vaccin, on la critique mais moi je la défends. Car qu'est-ce qu'il se passerait, aujourd'hui si, des pays européens n'avaient pas du tout d'accès aux vaccins ? On aurait des "mini-Brésil" ou des "mini-Inde" partout en Europe, des variants, et cela serait très mauvais pour la situation sanitaire française. On a bien fait de le faire ensemble. Tout cela paraissait impossible. La dette commune et la relance européenne, oui c'est trop lent, mais on l'a fait et on aura cet argent. Il est déjà partiellement là. Donc il ne s'agit pas seulement de la présidence française et de six mois de travail, il s'agit de quatre ans pendant lesquels on a bouleversé, je le dis, et transformé le logiciel européen vers moins de naïveté et des gestes concrets, défense, social, relance, contre la Chine et les Etats-Unis. Même parfois moins de naïveté et tout cela on l'amplifiera. Cette présidence doit être un accélérateur d'Europe.

Q - Il y a un mot que vous ne prononcez pas, c'est le mot immigration. Or depuis l'attentat de Rambouillet, il est revenu en France au premier plan du débat politique. Pourquoi ? Est-ce qu'il ne faut pas agir plus fort ? Par exemple, Valérie Pécresse propose qu'il y ait des points d'asile, que l'accueil de l'asile se fasse aux frontières, est-ce que c'est une piste intéressante ?

R - Oui, cela tombe bien, car c'est exactement ce que l'on propose. Il y a un travail qui sera fait aussi sous la présidence française sur la réforme Schengen. Le Président évoquait il y a quelques semaines au Perthus, après le terrible attentat de Nice.

Q - Il a déjà été annoncé vingt fois.

R - Non, je vais vous dire les choses très précisément, aujourd'hui, nous n'avons aucun pilotage. Les Etats membres de Schengen, qui ne sont pas exactement sous l'Union européenne, ne se réunissent jamais ensemble, ne décident jamais ensemble de mesures de protection des frontières. On le fera sous présidence française. On doit réformer les règles de Schengen par exemple, pour qu'un pays qui n'est pas sérieux sur le contrôle des frontières, aujourd'hui c'est évalué mais on en tire aucune conséquence, puisse être sanctionné ou pénalisé pour ne plus être dans l'espace de libre-échange.

Q - Est-ce qu'il y a des pays précisément ?

R - On a vu par exemple, parfois c'est une défaillance matérielle, technique, qu'en Grèce il y a eu des difficultés. Que même des pays qui se targuent de lutter contre l'immigration, à l'Est de l'Europe, je pense à la Hongrie.

Q - Cela veut dire qu'il faut les sanctionner ?

R - Cela dépend de ce que l'on entend par sanctionner, mais oui, on ne peut pas être dans l'espace de libre-circulation et ne pas remplir ses obligations de contrôle des frontières. Cela doit être vérifié je crois par l'Europe, exactement comme on le fait sur le plan budgétaire. On vérifie votre déficit, alors pourquoi on ne vérifie pas le contrôle que vous faites aux frontières. C'est une des pistes que le Président a ouvert au Perthus et cela, on veut le faire avancer sous présidence française. Pour la proposition de Valérie Pécresse, c'est sur la table européenne, c'est-à-dire techniquement ce que l'on appelle "l'asile à la frontière". On vérifie votre dossier d'asile quand vous arrivez sur le territoire européen, par exemple, en Grèce. Et nous sommes en train d'aider, avec notre agence européenne Frontex, la Grèce, à accélérer ces procédures à sa frontière. Il faut aller plus loin. Et vous savez pourquoi les réformes de l'asile européen ont bloqué ? Car il y a des pays, notamment les pays de l'Est, la Hongrie et la Pologne, qui ne veulent pas de solidarité européenne. Nous, nous disons qu'il faut les deux. Vérifiez de manière responsable l'asile à la frontière. Puis quand il y a des gens qui ont le droit de venir en Europe car ils sont réfugiés et ont besoin d'être protégés, parce que c'est la guerre dans leur pays, ceux-là, nous devons les accueillir, partout en Europe.

Q - Cela veut dire imposer les quotas, c'est ce que vous dites ?

R - Non, je pense que les quotas sont un mauvais débat car cela ne marchera jamais. En revanche, un pays qui ne participe pas à la solidarité européenne doit participer autrement, par exemple financièrement. Aujourd'hui, c'est la France, c'est l'Italie, c'est l'Allemagne, qui font tout l'effort. Moi, je suis pour une Europe qui soit juste et pas naïve, et il n'y a pas de raison que nous fassions un effort de solidarité nécessaire, mais qui soit disproportionné par rapport à des pays. Souvent d'ailleurs, ce sont les amis de ceux qui nous combattent sur l'immigration, de Mme Le Pen, qui ne font pas d'efforts.

Q - Pour vous, la France accueille trop ?

R - Proportionnellement aux autres pays européens, oui, bien sûr. Nous étions avant la crise le premier pays de demandes d'asile en Europe. On doit en prendre notre part, mais d'autres pays européens doivent le faire aussi.

Q - Clément Beaune, le Président de la République voudra sans doute profiter de cette présidence française pour faire avancer des dossiers, notamment sur l'immigration, sachant que l'on sera en plus en pleine campagne présidentielle. Comment cela va s'articuler ? Les voisins européens ne voudront pas forcément se plier à l'agenda d'un probable candidat à sa réélection ?

R - Une présidence, c'est d'abord un honneur et une responsabilité, pour toute la France et pas seulement pour le Président de la République ou pour le ministre que je suis. D'ailleurs, j'associe depuis le mois de janvier, l'ensemble des groupes politiques à l'Assemblée nationale, au Sénat. Ce n'est pas une présidence sectaire, c'est une présidence ouverte et transpartisane. Il y aura des débats électoraux à l'évidence mais nous travaillerons avec tout le monde.

Q - Cela risque de cogner un peu.

R - L'agenda que nous défendons, nous ne le sortons pas du chapeau le 1er janvier prochain. Les réformes migratoires, les réformes sociales, l'investissement en Europe, le droit d'auteur en matière culturelle, les universités européennes qui permettent aux jeunes de partir et de mieux se former mieux en Europe, tout cela, on le défend depuis le discours de la Sorbonne du Président, et on l'accélérera pendant la présidence. On est transparents, ouverts, et pas sectaires sur cette présidence, évidemment (...).


source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 mai 2021