Déclaration de M. Franck Riester, ministre du commerce extérieur et de l'attractivité, sur la politique commerciale de l'Union européenne, à l'Assemblée nationale le 18 mai 2021.

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  • Franck Riester - Ministre du commerce extérieur et de l'attractivité

Circonstance : Audition devant la Commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale

Texte intégral

Tout d'abord, je souhaite vous présenter les sujets qui seront abordés lors du Conseil des affaires étrangères réunissant les ministres du commerce qui se tiendra le 20 mai 2021 à Bruxelles.

Quelques semaines après la communication de la Commission européenne sur la révision de la politique commerciale de l'Union, nous évoquerons cette nouvelle stratégie. Nous aborderons également la relation transatlantique ; nous aurons l'occasion d'échanger en visioconférence avec Katherine Tai, la nouvelle représentante au commerce des Etats-Unis (USTR). Nous préparerons la prochaine réunion MC12 de l'Organisation mondiale du commerce ; nous aurons le plaisir d'accueillir pour le déjeuner Mme Ngozi Okonjo-Iweala, la nouvelle directrice générale de l'OMC, laquelle a nommé un Français, M. Jean-Marie Paugam, parmi les quatre directeurs généraux adjoints de l'institution. Ce grand diplomate contribuera à porter le message de l'Europe et à renouveler cette institution si importante pour le commerce international. Nous évoquerons les instruments à l'ordre du jour des institutions européennes, ainsi que l'accord avec le Mercosur.

Dans sa communication, la Commission européenne a repris nombre de propositions que la France avait formulées dans le cadre de ses prévisions sur la stratégie de la politique commerciale de l'Union. Elles mettent l'accent sur l'autonomie stratégique plus encore que sur l'ouverture, même si nous nous accordons sur le constat que nous vivons dans un monde ouvert. Nous voulons bâtir une politique commerciale plus affirmée, qui nous permette de mieux défendre nos entreprises et celles et ceux qui y travaillent, une politique commerciale plus durable et plus juste.

Nous avons besoin d'une position claire du Conseil des affaires étrangères (CAE) en matière de développement durable, qui fasse de l'Accord de Paris sur le climat une clause essentielle des futurs accords de libre-échange. Nous l'avons inscrit dans l'accord de commerce et de coopération entre l'Union européenne et le Royaume-Uni ; il est au coeur du Green deal européen ; il doit être inscrit dans l'accord avec la Nouvelle-Zélande en cours de rédaction.

Nous pensons également que l'Union européenne doit réviser le plan d'action en quinze points pour la mise en oeuvre des engagements sociaux et environnementaux, afin de prévoir des sanctions si nos partenaires ne respectent pas ces engagements. Nous devons travailler à mettre en place un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, en l'inscrivant dans le cadre de l'OMC afin qu'il ne soit pas perçu comme une pratique protectionniste. Nous voulons également que le texte du CAE annonce la création d'un instrument autonome de lutte contre la déforestation importée et qu'il affirme le devoir de diligence des entreprises au niveau européen. En outre, nous cherchons à élaborer un instrument pour lutter contre des importations de produits issus du travail forcé. Nous sommes en effet convaincus que la politique commerciale peut être un levier pour avancer sur des sujets qui ne sont pas directement commerciaux ou économiques.

Nous voulons que la politique commerciale de l'Union européenne soit au service d'une concurrence équitable, qu'elle crée le terrain nécessaire pour que la concurrence puisse s'exercer. Pour cela, il faut permettre au procureur commercial, M. Denis Redonnet, récemment nommé chief trade enforcement officer, d'exercer pleinement son rôle pour nous assurer que nos partenaires respectent leurs engagements. Afin de protéger nos entreprises ainsi que celles et ceux qui y travaillent contre les pratiques déloyales, nous voulons élaborer un instrument international sur les marchés publics (IPI) pour exiger de nos partenaires qu'ils ouvrent leurs marchés publics aux entreprises européennes comme nous le faisons envers eux, ce qui constituerait une avancée considérable en matière de réciprocité. En outre, nous voulons nous doter d'un instrument de lutte contre les subventions étrangères, afin d'empêcher des entreprises étrangères d'acquérir des entreprises européennes grâce à des subventions de leur Etat ou d'empêcher des entreprises de répondre à des marchés publics si elles reçoivent des aides de leur Etat, qui créent une concurrence déloyale par rapport aux entreprises européennes.

Nous voulons aussi créer un instrument de lutte contre les pratiques coercitives. En effet, nous ne disposons pas actuellement de moyen juridique pour réagir face à un pays qui prend des mesures tarifaires illégales, c'est-à-dire qui ne sont pas validées par l'OMC. Nous devons engager une démarche auprès de l'OMC, ce qui demande plusieurs mois ; c'est seulement une fois que l'OMC a statué que nous pouvons juridiquement prendre des mesures de représailles. Avec un tel outil, nous aurions la possibilité de réagir tout de suite et fortement pour dissuader nos partenaires de persévérer dans ce genre de pratique ou pour réagir et protéger nos entreprises.

Il est donc nécessaire à nos yeux de maintenir un équilibre entre l'ouverture des marchés, la protection des entreprises et le souci du développement durable. Un tel équilibre est difficile à trouver car les différents pays ont des approches distinctes. Cependant, nous avons des "affinitaires", comme les Pays-Bas, le Luxembourg, la Belgique, la Grèce ou la Pologne. Ainsi, les Pays-Bas, qui ont une vision très ouverte du marché européen, ont évolué pour se rapprocher de nos positions. De nombreux Etats restent à convaincre, ce que nous nous employons à faire.

Voilà les sujets que nous discutons avec les autres Etats membres en amont du CAE, afin de nous assurer que la contribution des Etats membres ne soit pas moins volontariste que la communication de la Commission européenne en la matière, en particulier à travers le Green deal avancé par la présidente de la Commission.

Comme vous le savez, les Etats-Unis nous ont envoyé des signaux très positifs depuis l'arrivée du président Joe Biden. Il a levé le veto à la nomination de Mme Ngozi Okonjo-Iweala à la direction générale de l'OMC, dont la candidature était soutenue par l'Europe. Les Etats-Unis ont réintégré l'accord de Paris ; ils ont pris la décision de revenir à la table des négociations sur l'imposition des services numériques, notamment sur les questions d'imposition minimale et de localisation de l'impôt sur le lieu de l'activité.

Nous avons obtenu un moratoire de quatre mois dans le cadre du contentieux entre Boeing et Airbus. Ce bon signal envoyé par l'administration américaine n'est pas seulement une manifestation de la bonne volonté des Etats-Unis. Il résulte également du fait que nous avons su, quelques mois auparavant, affirmer notre puissance. Nous avons en effet pris la décision, après avoir obtenu l'autorisation de l'OMC et malgré les réticences de certains, d'appliquer des droits de douane sur des produits américains et sur l'aéronautique, en réponse aux tarifs douaniers qui nous ont été imposés par les Américains. Dès que nous avons appliqué ces droits de douane, nous avons vu changer l'attitude des Etats-Unis : ils sont revenus à la table des négociations avant même le changement d'administration, parce que les producteurs américains dans le domaine de l'agriculture et de l'aéronautique ont poussé l'administration à trouver une solution à ce contentieux avec l'Europe, pénalisés qu'ils étaient par les tarifs douaniers que nous appliquions à leurs produits. Affirmer notre souveraineté a permis de rééquilibrer notre relation avec les Etats-Unis et d'être traité comme un partenaire égal.

Nous devons absolument sortir par le haut de ce contentieux et trouver, dans le cadre de l'OMC, une solution acceptée par les deux parties pour que les Etats-Unis et l'Europe encadrent le financement de leur aéronautique. Les discussions continuent. Ainsi, le 17 mai 2021, la Commission européenne et les Etats-Unis ont conclu un accord afin de repousser au-delà du mois de juin la deuxième tranche de mesures de rééquilibrage dans le contentieux sur l'aluminium et l'acier, alors que l'augmentation les droits de douane sur certains produits américains au 1er juin 2021 inquiétait de nombreux producteurs de vins et de spiritueux et mettait en péril la désescalade des tensions entre l'Union européenne et les Etats-Unis. Nous travaillons à ce que les Etats-Unis retirent leur imposition sur l'acier des produits européens et nous cherchons une solution globale à la surcapacité de production d'acier qui est au coeur de cette compétition.

En somme, nous avons encore d'importants dossiers à régler avec les Etats-Unis, comme le contentieux Airbus-Boeing ou le contentieux sur l'acier, mais nous avançons dans le bon sens. Nous restons très vigilants en ce qui concerne l'utilisation extraterritoriale du droit américain et du dollar au service de pratiques déloyales. Les Européens ne peuvent continuer d'accepter que les Etats-Unis, ou demain d'autres pays, comme la Chine, décident avec qui l'Europe peut commercer.

Il est important de relancer le fonctionnement de l'OMC. La nomination de Mme Ngozi Okonjo-Iweala à la direction générale et de M. Jean-Marie Paugam comme directeur général adjoint sont des atouts pour cette relance. Nous avons besoin d'engager les Etats-Unis dans ce mouvement, en nous appuyant sur leur désir de revenir dans les institutions multilatérales. Nous envisageons également de travailler avec eux à la constitution d'un conseil du commerce et des technologies.

Par ailleurs, les tensions avec la Chine rendent inenvisageable pour la France de signer l'accord global sur les investissements avec la Chine (CAI), alors que la Chine a décidé de sanctions contre des parlementaires européens.

Enfin, nous avons établi avec la Commission européenne et les autres Etats membres un plan d'action pour mettre en oeuvre l'accord économique et commercial global entre l'Union européenne et le Canada, le CETA. Nous procédons actuellement à l'évaluation de sa mise en oeuvre provisoire, en attendant son éventuelle ratification, que nous souhaitons. Cet accord est très bénéfique pour l'Union européenne ; en particulier, il a permis à la France d'augmenter ses exportations vers le Canada de 24%, notamment dans le secteur agricole, en particulier grâce aux exportations de fromage, de vins et de spiritueux, de matériel de transport ou de matières liées à l'équipement mécanique. Pour l'instant, nous n'avons pas constaté d'impact négatif sur les quelques filières agricoles sensibles au sujet desquelles nous demeurons très vigilants. Nous travaillons au renforcement des contrôles des normes sanitaires et phytosanitaires des produits agricoles et agroalimentaires qui entrent en Europe. Nous n'avons pas fini le processus de ratification, qui doit encore être voté par le Sénat, mais nous ne sommes pas parmi les derniers Etats membres à le faire, puisque l'Allemagne, notamment, n'a pas encore commencé à ratifier le texte. Lorsque nous disposerons de suffisamment d'éléments d'évaluation, nous le mettrons à l'ordre du jour du Sénat.

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Nous sommes pleinement mobilisés pour lutter contre la diffusion d'images d'attentats terroristes sur les réseaux sociaux, et entretenir l'initiative que nous avons lancée avec la Nouvelle-Zélande par le biais de l'appel de Christchurch.

L'Europe doit inscrire sa politique commerciale dans le XXIe siècle. Nous devons en effet bâtir une politique commerciale qui nous permette de continuer à entretenir des relations fortes avec des pays tiers, car nous avons besoin d'échanges internationaux, mais aussi d'être moins dépendants, en diversifiant nos approvisionnements et en relocalisant une partie de nos chaînes de valeur. En outre, les échanges ne doivent pas se faire au détriment de la planète et des droits sociaux. Il nous faut donc trouver un équilibre pour constituer un marché qui permette des échanges internationaux tout en faisant droit aux préoccupations à l'égard du développement durable et du droit du travail et en protégeant nos entreprises face à la concurrence déloyale d'autres pays.

La contribution de la Commission européenne sur la révision de la politique commerciale est proche des positions françaises, ce qui nous porte à l'optimisme. En revanche, un certain nombre de pays du nord et de l'est de l'Europe, parmi lesquels il faut notamment compter l'Allemagne, gardent une vision très ouverte du commerce international et demeurent réticents à utiliser les accords commerciaux comme un levier pour porter nos convictions et nos combats.

Nous sommes convaincus que cette politique commerciale est bonne pour notre économie : baisser les tarifs douaniers facilite les échanges. L'augmentation de ces taxes nuirait à notre économie. Ainsi, lorsque les Etats-Unis ont appliqué des taxes de 25% sur les vins et spiritueux, leur exportation a chuté massivement. Mais nous n'accepterons pas de faciliter les échanges à n'importe quel prix.

Ainsi, nous refusons de signer l'accord avec le Mercosur en l'état, étant donné les conséquences terribles qu'il aurait sur le climat et la forêt amazonienne. La position française consiste donc à exiger des garanties vérifiables et quantifiables concernant le respect de l'Accord de Paris sur le climat, la lutte contre la déforestation, le respect des normes sanitaires ou phytosanitaires, pour signer l'accord avec le Mercosur. Nous ne nous contenterons pas de déclarations politiques. En outre, nous, Européens, devons nous doter d'outils pour lutter contre la déforestation, notamment d'un instrument de lutte contre la déforestation importée, et mettre en oeuvre un suivi de ces garanties avant de signer cet accord.

Comme je l'ai dit récemment à mon homologue britannique, il est inacceptable que les Britanniques ne respectent ni l'accord de retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne du 30 janvier 2020, ni l'accord de commerce et de coopération entre l'Union européenne et le Royaume-Uni du 30 décembre 2020. La question des contrôles entre la mer d'Irlande et la Grande-Bretagne est très sensible pour les Britanniques, car il y va de la paix en Irlande du Nord. Mais nous ne pouvons pas accepter de revenir en arrière sur des négociations si importantes. La Grande-Bretagne ne doit pas devenir une plateforme de réexportation de produits ne respectant pas les conditions que nous exigeons de nos partenaires.

Les négociations sur le contentieux Airbus-Boeing progressent, en particulier en ce qui concerne le cadre de financement de l'aéronautique. En effet, les Américains commencent à admettre que nous utilisions le système d'avances remboursables, ce qu'ils refusaient jusqu'ici. En outre, nous devons déterminer l'attitude à adopter à l'égard de la Chine et notamment de la Commercial Aircraft Corporation of China (Comac), qui a recours à des pratiques déloyales.

Le secteur des données numériques est en pleine évolution. Le projet de règlement européen de "E-evidence" est piloté par le garde des sceaux Eric Dupond-Moretti en lien avec le commissaire européen à la justice Didier Reynders. Nous négocions actuellement avec les Etats-Unis sur la preuve électronique afin de limiter les risques liés au Cloud Act, qui constitue le type même de législation extraterritoriale contre lequel nous devons protéger nos entreprises. Nous devons affirmer notre souveraineté, notre puissance, refuser absolument ce type de pratiques et nous armer en conséquence.

Nous participons actuellement à des négociations sur l'e-commerce au sein de l'OMC. Nous devons protéger la vie privée, préserver notre capacité à réguler pour des motifs légitimes et bâtir notre autonomie stratégique dans le domaine numérique.

Le plan de relance européen, avec un endettement commun de 750 milliards d'euros, sur une initiative franco-allemande, constitue une avancée historique. Il faut respecter le processus démocratique européen - rappelons que ce délai ne nous handicape pas dans la réalisation du plan de relance qui est déjà à l'oeuvre en France. Cependant, nous souhaitons pouvoir bénéficier à l'été des fonds européens.

Le Président de la République veut faciliter la constitution d'un environnement favorable aux affaires dans notre pays, accroître la compétitivité, donner les marges de manoeuvre financières, permettre les innovations, pour que nous puissions mieux vendre nos produits à l'international. La France était en 2019 le premier pays européen en nombre d'investissements sur son sol et en termes d'image. C'est le fruit de notre politique : nous avons baissé la fiscalité sur le capital et sur les sociétés, assoupli l'organisation du travail, misé sur les talents, la formation, les jeunes, la recherche et l'innovation. Nous travaillons à rendre notre pays plus compétitif et plus attractif.

En 2020, le nombre des projets d'investissement a baissé, mais cette baisse a été moindre que pour la moyenne des pays européens et bien plus faible que pour l'ensemble du monde. L'image de la France reste bonne. Les entreprises et les investisseurs ont apprécié les mesures d'urgence prises pour protéger l'outil économique ainsi que les salariés qui sont dans les entreprises. En effet, quand l'économie repartira, les entreprises auront besoin de travailleurs qualifiés ; elles auront besoin des meilleurs. Le plan de relance est très bien perçu par les investisseurs étrangers parce qu'il mise sur l'investissement, sur l'avenir et sur les compétences dans tous nos territoires.

Notre position au sujet de la Birmanie est claire : nous voulons frapper les intérêts économiques de la junte mais préserver la population civile. Total, comme les autres entreprises, est soumis au devoir de vigilance depuis la loi Potier du 27 mars 2017. Le parlement français a été pionnier en la matière. En outre, nous souhaitons favoriser l'extension du devoir de vigilance ou de diligence au niveau européen, en soutenant le commissaire Didier Reynders qui oeuvre dans ce sens.

Les négociations avec la Nouvelle-Zélande ont commencé en 2018. Nous avons des intérêts très clairs à ce qu'un accord soit conclu, dans le cadre des marchés publics ou de l'accès au marché des cosmétiques ou de l'automobile, par exemple. Nous restons vigilants à l'égard de marchés très sensibles comme la viande ou les produits laitiers. Nous voulons que cet accord futur avec la Nouvelle-Zélande symbolise ce qu'est un accord de libre-échange au XXIe siècle, en prenant en compte la protection de nos entreprises, des filières sensibles, du développement durable et des droits sociaux. L'Accord de Paris doit ainsi en être une clause essentielle. Nous cherchons à convaincre la Commission d'adopter cette position ; les discussions actuelles vont dans le bon sens.

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Une partie du plan de relance est dédiée à l'export, à hauteur de 247 millions d'euros, afin d'assurer aux entreprises une meilleure information sur les pays vers lesquels elles désirent exporter leurs marchandises. Les chèques relance export leur donnent des moyens de baisser leurs coûts de prospection à l'international, dans une démarche individuelle ou collective, physique ou numérique. Nous avons ainsi créé une e-vitrine sectorielle qui permet à de petits producteurs, qui n'en auraient pas les moyens autrement, d'exposer largement leur production à l'international ; ce système existe pour les cosmétiques ainsi que pour l'agroalimentaire. Dans d'autres secteurs d'activité, nous avons créé des zones spécifiques pour les produits français dans des plateformes de marchés numériques.

Nous aidons également les entreprises grâce à des financements supplémentaires, notamment par le biais des outils d'assurance prospection, qui permettent de baisser le coût des prospections des entreprises afin d'accroître leur audace pour accéder à l'international. Nous garantissons aussi des assureurs crédit privés pour leurs assurances crédit export, car nous connaissons leurs difficultés dans ce domaine.

Nous devons aider les jeunes à trouver un travail, notamment à l'international. Pour renforcer le programme du volontariat international en entreprise (VIE) qui permet à des jeunes de travailler pendant deux ans à l'international, nous avons mis en place un chèque relance VIE.

Nous voulons mettre en place une campagne de communication sur notre marque-pays "France", qui a des atouts considérables, à la manière de la campagne Great lancée par la Grande-Bretagne. Atout France communique beaucoup sur la France comme destination touristique, mais nous ne communiquons pas assez sur la France innovante, riche de son patrimoine, de sa culture, de ses savoir-faire, de ses femmes et hommes de talent.

Comment tirer parti des initiatives des Français qui créent des entreprises de droit local dans de nombreux pays de par le monde ? Nous devrions les solliciter davantage pour utiliser leurs réseaux et leur connaissance du pays au service du déploiement des entreprises françaises. Je veux mieux animer cette équipe de France en matière de commerce, car les entrepreneurs français à l'étranger constituent une richesse considérable.

Nous sommes décidés à renforcer nos partenariats avec l'Afrique, où j'effectue de nombreux déplacements. Au sommet Afrique-France qui aura lieu en octobre 2021 à Montpellier, le Président de la République a souhaité réunir des acteurs de la société civile - des universitaires, des acteurs du monde associatif et des entrepreneurs. L'Agence française de développement (AFD) a lancé l'opération Choose Africa Resilience qui permet de financer des entreprises africaines. Je suis absolument convaincu de l'importance de ces échanges avec l'Afrique : tous les partenaires y gagnent. La zone de libre-échange continentale africaine, en vigueur depuis le 1er janvier 2021, est importante pour l'avenir de ce continent. Elle se met en place de manière progressive, et nous apportons à l'Afrique une assistance technique dans ce sens. Nous continuons de développer des accords bilatéraux de partenariat économique, mais à terme, notre objectif est de conclure un accord entre l'Afrique et l'Union européenne.

Je réaffirme que nous devons prendre des mesures contre l'usage extraterritorial du droit ou de la monnaie, qui cause aujourd'hui des tensions avec les Etats-Unis et en causera demain avec d'autres pays. La France ne se laissera pas dicter avec qui elle devra commercer.

Nous voulons promouvoir les négociations multilatérales, car la réponse aux enjeux globaux doit être multilatérale. L'OMC doit concourir à bâtir un commerce équitable, durable et juste. Nous devons améliorer le fonctionnement de l'OMC pour le règlement des différends aussi bien que pour ses missions de négociation commerciale. Un tel renforcement n'exclut pas que l'Union européenne travaille à assurer la protection de nos entreprises et à faire entendre nos préoccupations en matière de développement durable. Au sein de l'OMC, nous luttons contre la pollution des océans par le plastique, par exemple ; nous voulons trouver un accord pour la lutte contre la pêche illégale avant la tenue de la 12e conférence ministérielle de l'OMC.

Je le répète : en l'état, il ne faut pas signer l'accord avec le Mercosur. Cependant, nous pouvons travailler de manière technique sur cet accord et même utiliser les négociations pour bâtir les accords de libre-échange du XXIe siècle, qui prennent en compte la lutte contre le réchauffement climatique, la lutte contre la déforestation importée ainsi que le respect des normes sanitaires et phytosanitaires.

L'Union européenne a interdit l'importation de viande d'animaux nourris aux hormones. D'ici à 2022, nous interdirons l'importation de viande d'animaux ayant reçu des antibiotiques comme facteurs de croissance, dans l'objectif de lutter contre l'antibiorésistance. Avec le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, Julien Denormandie, nous voulons créer de nouvelles mesures-miroirs dans la réglementation agricole européenne, qui pourront être étendues à la politique commerciale dans son ensemble. La concurrence doit être loyale : les normes doivent être les mêmes pour les produits des agriculteurs européens et ceux de nos partenaires.

L'Europe souhaite approfondir sa coopération commerciale avec l'Inde. À Porto, le 8 mai dernier, le président du Conseil de l'Union, la présidente de la Commission européenne et le premier ministre indien, M. Modi, ont échangé avec les vingt-sept Etats membres au sujet de ce partenariat stratégique. Nous relançons la négociation de l'accord de libre-échange au point mort depuis 2013 ; nous lançons une négociation d'accord sur la protection des investissements, une autre sur la protection des indications géographiques. Ainsi, nous cherchons à lever un certain nombre d'obstacles récurrents au commerce entre l'Union européenne et l'Inde. Ces négociations s'inscrivent dans la stratégie indopacifique de la France.

L'accord entre l'Union européenne et le Japon est entré en vigueur en février 2019. Les exportations de la France vers le Japon ont augmenté de 16% en 2019, notamment en raison des exportations de vins et de produits laitiers.

Le traité sur la charte de l'énergie a contribué à sécuriser les investissements dans le secteur de l'énergie. Aujourd'hui, nous pensons tous qu'il est largement obsolète, notamment parce qu'il ne protège pas le droit à réguler des Etats, qu'il ne tient pas compte de l'Accord de Paris et qu'il prévoit des tribunaux d'arbitrage privés. Nous voulons donc le moderniser. Si la négociation n'avance pas plus vite, nous sommes prêts à organiser un retrait coordonné avec nos partenaires européens. En effet, nous devons retrouver des marges de manoeuvre pour mieux défendre nos convictions en matière de développement durable.

Il est vrai que nous constatons, dans un certain nombre d'activités, une pénurie de matières premières, du fait de la perturbation des chaînes d'approvisionnement par la crise sanitaire et de la dynamique économique de certaines zones comme l'Asie qui attirent les matières premières. Par conséquent, nous subissons des ruptures d'approvisionnement et un renchérissement des matières premières. De même, les transports ont été aimantés vers la zone Pacifique au détriment de l'Europe, ce qui a entraîné pour celle-ci un renchérissement du transport, notamment en conteneurs. Il est donc urgent de bâtir notre autonomie stratégique, de constituer des stocks stratégiques pour un certain nombre de composants et de produits et de relocaliser tout ou partie de certaines de nos chaînes de valeur. Nous devons accélérer le développement de notre stratégie industrielle au niveau national et au niveau européen sous l'impulsion de Thierry Breton, afin de garantir notre autonomie stratégique.

Dès le début de la pandémie, le Président de la République a affirmé que la France souhaitait la solidarité internationale en matière de vaccins. La France fait partie des pays qui sont à l'origine de l'initiative Covax qui vise à financer la production, le don et la distribution de doses dans les pays où n'existe pas la chaîne de valeur qui permettrait de créer ces vaccins. Ces mécanismes de solidarité n'ont pas pu jouer à plein tant qu'il y avait une pénurie très forte, mais aujourd'hui ils fonctionnent de mieux en mieux.

La question des vaccins est moins un problème de droit de la propriété intellectuelle que de production et de distribution. La question de la propriété intellectuelle est déjà réglée dans le droit existant, grâce à des exceptions. Il est nécessaire de réunir les moyens financiers et logistiques pour produire des vaccins partout dans le monde, les distribuer, et lutter contre les barrières à l'exportation d'intrants. Nous nous réjouissons que les Américains se saisissent aussi de ces problèmes. Rappelons toutefois que les Etats-Unis n'ont pas exporté de vaccins, tandis que l'Europe a exporté plus de 180 millions de doses des vaccins qu'elle a produits.

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Au sein de l'OMC, nous soutenons une troisième voie qui consiste à lutter contre les barrières à l'exportation d'intrants ou de vaccins.

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Je ne crois pas que les Etats-Unis aient restreint l'exportation d'intrants, mais je vais examiner cette question et vous ferai parvenir une réponse précise sur ce point.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 mai 2021