Extraits d'un entretien de M. Franck Riester, ministre du commerce extérieur et de l'attractivité, avec Europe1/CNews le 30 mai 2021, sur l'immigration, les tensions avec la Russie, le commerce international, l'investissement étranger en France et la dette publique.

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Intervenant(s) : 
  • Franck Riester - Ministre du commerce extérieur et de l'attractivité

Média : CNews - Europe 1

Texte intégral

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Il est clair que la question de l'immigration est un sujet de préoccupation de nos compatriotes, à juste titre, parce qu'il faut que cette immigration soit mieux maîtrisée ; cela veut dire beaucoup de choses : cela veut dire qu'il faut plus de moyens en Europe pour que nous puissions avoir un contrôle aux frontières de l'Europe pour permettre qu'il y ait...

Q - Et en France, il faut de nouvelles mesures législatives ?

R - C'est d'abord une problématique européenne. Nous sommes dans un continent, nous ne sommes pas une île, comme la Grande-Bretagne, l'Australie ou la Nouvelle-Zélande. Nous sommes un continent, dans lequel il y a une libre circulation des personnes. Et c'est très bien, c'est une formidable avancée européenne qu'il ne faut surtout pas remettre en cause. Et donc, il faut mieux faire en sorte de gérer cette immigration aux frontières de l'Europe, se doter de plus de moyens avec des centres d'accueil des personnes migrantes vers l'Europe, dans lesquels on puisse les enregistrer, dans lesquels on puisse décider si on les renvoie chez eux parce qu'ils n'ont rien à faire, dans les dispositifs de droit d'asile, ou de droit d'immigration économique.

Q - Idée de Nicolas Sarkozy en 2012, lors de la campagne présidentielle...

R - Oui, cela prend du temps, cela nécessite beaucoup d'énergie, cela nécessite beaucoup de force de conviction. On en fait une des priorités de la présidence française de l'Union européenne, au premier semestre [2022], de bâtir une politique européenne de lutte contre l'immigration illégale et de gestion de l'immigration parce que c'est un des grands enjeux de notre pays, c'est un des grands enjeux de notre continent, et il faut y mettre beaucoup d'énergie politique pour réussir à convaincre tous nos compatriotes et convaincre surtout nos partenaires européens.

Q - On entend qu'il y a une volonté de la fin de la naïveté, on va commencer à en parler.

(...)

Q - On retrouve Franck Riester, ministre délégué au commerce extérieur. Le monde d'après-COVID est aussi celui de tensions diplomatiques et politiques. Après l'arrestation par la Biélorussie de l'opposant qui a été intercepté dans un avion civil, le Président de la République français s'est exprimé, mais il a ciblé également l'allié principal de la Biélorussie, c'est-à-dire à la Russie. (...) Franck Riester, des tensions diplomatiques avec un partenaire commercial aussi important pour la France que la Russie, cela veut dire quoi comme conséquences, comme dangers, pour nos entreprises investies là-bas ?

R - Dans la relation que nous avons avec nos partenaires commerciaux et nos partenaires diplomatiques, nous sommes à cette balance entre la défense de nos intérêts économiques et la défense de nos intérêts diplomatiques et de nos valeurs. Avec la Russie, un grand partenaire, un grand voisin, nous devons avoir un dialogue franc et exigeant qui nous permette de faire avancer ce qui nous paraît être important dans cette relation, et en même temps, ne pas oublier nos intérêts économiques.

Aujourd'hui, par exemple, les embargos qui existent sur les produits agro-alimentaires français en Russie, c'est le résultat des décisions fortes qu'on a dû prendre de sanctions, face à la Russie, lorsqu'ils ont eu des attitudes agressives avec l'Ukraine, en Crimée notamment. Donc, il y a des conséquences, parfois économiques aux prises de positions diplomatiques qui sont faites. Il faut les assumer parce qu'effectivement quand on a un partenaire comme celui-là, avec des dérives autoritaires intérieures, - qui peut le contester -, quand il y a des dérives régionales, j'en parle en ce qui concerne l'Ukraine par exemple, ou même des interventions sur l'organisation des démocraties, vous savez la volonté russe de perturber les élections démocratiques, on voit bien qu'il faut donc les engager sur ces sujets-là.

Q - Qu'est-ce que cela veut dire redéfinir la tension, cela veut-il dire qu'il faut aller plus loin, moins fort, plus fort, que doit-on faire ?

R - Cela veut dire qu'il faut se dire les choses franchement, cela veut dire qu'il faut le dire au niveau bilatéral dans la relation, nous Français avec la Russie. Cela veut dire qu'il faut aussi le faire au niveau des relations européennes, dans la relation avec la Russie. Cela veut dire qu'il faut saisir toutes les opportunités pour dire à la Russie que nous voulons discuter des différents sujets qui sont des sujets prioritaires pour la Russie en termes de sécurité, en matière économique, en termes de relations internationales, tout en étant exigeant avec ce qu'on attend en termes de démocratie.

Q - Franck Riester, concrètement, puisque l'on parle de sanctions vis-à-vis de Minsk, de la Biélorussie, par rapport à ce qui s'est passé, quelles sont les sanctions concrètes ? Vous vous occupez du commerce extérieur, quels sont les impacts ?

R - Mais je vous le dis : il y a eu des sanctions sur la Russie après les problèmes en Ukraine, cela a créé un embargo sur les produits français. Effectivement, il y a eu des conséquences. Là, en Biélorussie, les sanctions qui ont été prises pour l'instant, c'est l'interdiction de survol de ce pays par les compagnies aériennes européennes et l'interdiction par l'Europe de circulation des compagnies aériennes biélorusses dans le ciel européen. Ensuite, il y aura des sanctions qui vont aller plus loin, des sanctions qui compléteront les sanctions déjà prises sur les dirigeants biélorusses. Quelles seront éventuellement les conséquences, en termes d'activité économique, sur les entreprises françaises ? Je ne peux pas vous le dire pour l'instant.

Q - Il y en aura ?

R - Peut-être, mais il faut assumer que l'on ne peut pas accepter qu'un pays comme la Biélorussie fasse des actes de piraterie sur l'espace aérien européen sans réaction. Voyez-vous, c'est cette balance entre notre volonté de défendre nos valeurs, de défendre des principes, et en même temps, de défendre nos intérêts économiques.

Q - Précisément, vous parlez de la Russie comme d'un partenaire, n'est-elle pas en train de devenir un adversaire ?

R - Attendez, la Russie est un voisin avec lequel il faut que nous puissions continuer d'entretenir des relations de dialogue essentielles. On ne peut pas imaginer la sécurité de l'Europe sans la Russie. On peut prendre la décision de dire que l'on ne traite plus avec la Russie, être dans une relation d'hostilité définitive et radicale avec la Russie, on ne règlera pas la question de sécurité européenne. Donc il faut être très exigeant comme l'a expliqué le Président de la République, avoir un discours de franchise avec eux, regarder les points qui nous posent problème aujourd'hui, la question intérieure et la dérive autoritaire intérieure, cette espèce de dérive régionale russe qui pose des problèmes, notamment en Ukraine, mais pas seulement, en Biélorussie aussi, il faut leur dire que l'on ne peut pas continuer d'accepter les actions russes dans la volonté qu'ils ont de perturber les élections démocratiques.

Quel sera le résultat de ces dialogues exigeants ? Je ne peux pas vous le dire tout de suite, mais il faut redéfinir les conditions du dialogue avec la Russie pour être encore plus exigeant avec eux, parce que l'on voit que le régime des actions qui a déjà été mis sur la Russie, sur certains dirigeants russes, les sanctions économiques ne suffisent pas à changer l'attitude russe vis-à-vis de l'Europe et vis-à-vis de la France. Donc, il faut absolument aller plus loin, plus fort, et c'est ce que veut faire le Président de la République.

Q - Vous revenez du G7 commerce, que dit-on au sein de ce G7 ? Sentez-vous que l'on est en train de basculer dans ce monde de l'après-COVID ? Est-ce que c'est ce que vous avez ressenti à l'issue de ce G7 ?

Est-ce que cela repart ?

R - Il y a une volonté, il y a un momentum qui est favorable à une amélioration du climat du commerce international.

Q - Clairement on est en train de tourner une page ?

R- Pourquoi ? Parce que d'abord il y a une nouvelle Administration américaine, deuxièmement, il y a une nouvelle Directrice générale à la tête de l'OMC qui est la Nigériane le Docteur Ngozi Okonjo-Iweala, souhaitée par la France, qui est africaine, qui a une grande expérience des questions multilatérales et qui est décidée à faire revivre l'OMC, à le moderniser pour permettre finalement d'avoir un fonctionnement plus juste, plus équitable et plus durable du commerce international. C'est absolument clef et il faut que l'on se saisisse de ce moment-là.

C'est la raison pour laquelle nous avons eu des échanges très nourris au niveau du G7 pour voir de quelle manière on pouvait contribuer à moderniser le fonctionnement du commerce international. On a besoin d'un meilleur arbitrage pour lutter contre les pratiques déloyales d'un certain nombre de nos compétiteurs, je pense par exemple à la chine avec un certain nombre de subventions d'entreprises chinoises par l'Etat chinois pour fausser la concurrence, je pense à la nécessité de faire en sorte que le commerce international soit plus durable, parce que l'on ne peut pas continuer à développer les échanges commerciaux avec des conséquences sur la forêt, avec des conséquences sur le climat, avec des conséquences sur la situation sociale d'un certain nombre de personnes : je pense, par exemple, aux questions du travail forcé.

Tous ces enjeux-là sont évoqués au niveau du G7 pour bâtir un contexte, un environnement plus favorable au commerce international, et donc, plus favorable à la France.

Q - Justement, pour bien comprendre les nouveaux enjeux, parce que vous dites que les instances se réunissent, que l'on sera moins naïfs, on aura maintenant des outils pour répondre aux actes de compétitions déloyales. Mais en réalité, ce que l'on appelle l'opération du système des routes de la soie, une ceinture, une route, toutes les décisions mises en place par la Chine qui font qu'effectivement l'Europe centrale est peut-être plus importante aujourd'hui que l'Europe. L'Europe peut-elle résister à cette offensive massive et puissante qui redessine tout le paysage géopolitique ?

R - Nous travaillons avec nos partenaires au niveau G7, au niveau du G20 et au niveau de l'OMC pour bâtir ce cadre international des relations économiques et commerciales, plus durable, plus stable, plus équitable et plus juste, c'est fondamental ; et nous travaillons aussi au niveau européen bien évidemment pour bâtir une politique commerciale du XXIe siècle.

Q - Comment fait-on ?

R - On fait comme j'ai fait, il y a encore une semaine : discuter avec nos partenaires européens, discuté avec la Commission et d'ailleurs souvent la France est à l'initiative. Le Président de la République est à l'initiative de cette volonté de moderniser notre commerce au niveau européen, en se dotant d'outils pour mieux protéger nos entreprises dans la concurrence internationale.

Q - Un outil, expliquez-nous ?

R - Eh bien, par exemple, nous sommes en train de créer un outil qui va permettre d'empêcher que des entreprises extérieures à l'Union européenne rachètent des entreprises européennes avec des aides d'Etat. Nous pourrons empêcher des entreprises d'autres pays extérieurs à l'Union européenne qui bénéficient de subventions d'Etat pour obtenir des marchés publics au détriment d'entreprises européennes. On pourra avoir un outil qui va nous donner la possibilité de représailles commerciales très fortes vis-à-vis de pays qui nous mettent des tarifs douaniers supplémentaires, d'une façon unilatérale, sans attendre une décision de l'OMC justement. Nous allons nous doter d'outils pour exiger la réciprocité de l'ouverture des marchés publics avec les pays qui peuvent bénéficier de l'ouverture de nos propres marchés publics pour leurs entreprises.

Tout cela, c'est du concret, parce que cela change la vie au quotidien de nos entreprises. Car, une entreprises française qui n'a pas les chances de répondre de la même façon à un marché public en Europe qu'une entreprise chinoise, ou indonésienne, qui aura une aide d'Etat pour pouvoir répondre à ce marché public, c'est déloyal et c'est injuste. Il faut donc changer cela. On le fait au niveau européen en se dotant d'outils, et on le fait au niveau multilatéral, en travaillant avec nos partenaires, pour faire en sorte que ce commerce international soit plus juste et plus durable.

Juste un point : si on peut parler de la reprise et de la question de la durabilité. C'est absolument important, nous devons utiliser la politique commerciale pour faire en sorte que nos préoccupations environnementales soient mieux prises en compte.

(...)

Q - On a entendu la fermeté, la fin de la naïveté, on va contrer, effectivement, les grandes puissances, même la Chine, mais on a quand même vu pendant la pandémie la dépendance de la France, notamment vis-à-vis de la Chine, sur le plan sanitaire, médical. Est-ce que la France est un pays souverain sur le plan commercial ?

R - Oui, à travers notamment l'action qu'elle mène en Europe et grâce à la politique commerciale européenne qui lui donne les moyens d'affirmer sa souveraineté. Mais il faut l'affirmer avec beaucoup plus de force. C'est pour cela que nous définissons actuellement une autonomie stratégique qui passe par une politique commerciale moins naïve. J'ai donné quelques exemples. Et aussi par une politique industrielle beaucoup plus ambitieuse pour investir dans les secteurs stratégiques, pour relocaliser une partie des chaînes de valeur, pour faire en sorte de pouvoir être plus autonome pour, par exemple, des masques quand il y a une pandémie, mais aussi pour un certain nombre de composants qui sont aujourd'hui essentiels dans la fabrication de biens. Et donc, on voit que cette prise de conscience avec la crise Covid qu'il faut aller plus loin dans notre souveraineté européenne pour l'affirmer davantage, notamment en matière économique, est absolument claire, se démontre au quotidien dans les décisions européennes.

Et c'est souvent sous l'impulsion de la France. C'est l'énergie du Président de la République qui souvent fait bouger les lignes en Europe.

Q - Comment fait-on pour que les investisseurs choisissent la France ? Emmanuel Macron, effectivement, parle beaucoup de désindustrialisation et de nécessité de muscler le territoire français de ce point de vue-là, mais en ce moment par exemple, les BioTechs choisissent plutôt l'Italie. Comment fait-on, au-delà des discours, pour que ce soit une réalité française ?

R - Mais ce n'est pas vrai que les BioTechs choisissent d'abord l'Italie. J'ai eu l'occasion de visiter de nombreuses entreprises BioTechs qui choisissent la France. Encore à Sofia-Antipolis, il y a quelques semaines, où il y a là-bas un cluster - plutôt une zone, parce que cluster est un terme qu'il ne faut plus utiliser - c'est un pôle de compétitivité autour des questions de BioTech. Parce qu'elles choisissent la France, pourquoi ? Parce qu'on a d'abord travaillé sur la compétitivité de notre pays. Nous avions un retard considérable en matière de compétitivité. Changer la compétitivité de notre pays, et l'améliorer, c'est quoi ? C'est baisser la fiscalité. Baisser la fiscalité du capital. Baisser la fiscalité sur l'impôt des sociétés. C'est ce que nous avons fait, nous serons à 25% en 2022, quand nous étions à 33% en 2017.

Q - Cela, c'est pour l'environnement de l'entreprise, mais aux Etats-Unis, par exemple, les communes mettent des milliards pour attirer - ou les Etats - pour attirer des entreprises. Et nous, on ne fait pas cela.

R - La baisse de la fiscalité, la baisse de la fiscalité sur le capital, pour que celles et ceux qui investissent dans l'outil productif puissent avoir envie de le faire en France, alors que ce n'était pas le cas précédemment. Deuxièmement, baisser l'impôt sur les sociétés, c'est fait, et nous serons bien à l'objectif de 25% en 2022. Troisièmement, baisser les impôts de production. Le choix que nous faisons dans France-Relance, dans le plan de relance, c'est 10 milliards en 2021, 10 milliards en 2022. C'est presque 30% des impôts de production qui sont allégés pour les entreprises. C'est l'assouplissement de l'organisation...

Q - Donc, on est bien ? C'est ça ? Notre bilan fait que ça suffit ?

R - En 2019, la France était le pays qui était le plus attractif en Europe pour les investisseurs étrangers en termes d'investissements étrangers sur son sol, devant l'Allemagne, devant la Grande-Bretagne.

Q - Le Covid change les choses.

R - Il y a eu une baisse, en 2020, effectivement, du nombre de projets qui sont prévus pour des investisseurs étrangers en France. Mais nous aurons bientôt les résultats précis de 2020. J'ai bon espoir que nous soyons encore en haut de ce classement. Ce qui démontre bien - parce que ces investisseurs qui font des choix pour le monde entier, le fait qu'ils placent la France comme le pays le plus attractif démontre bien que le travail qui est fait depuis 2017 pour améliorer la compétitivité du pays paie.

Alors, cela ne suffit pas. Il faudra sûrement continuer cet effort de baisse de la fiscalité, d'assouplissement de l'organisation de nos entreprises pour se rapprocher du terrain ; continuer à investir dans la formation, dans l'innovation. Mais aujourd'hui, ce que nous disent les entreprises de la BioTech, c'est qu'on a des bons, on a des talents en France. On a des gens qui sont bien formés.

Q - Oui, et qui partent après.

Q - Qui vont créer leur entreprise à l'étranger ?

R - Non, non, ce n'est plus vrai. Cela a été vrai, mais cela l'est de moins en moins. Regardez le classement sur les meilleures universités au monde : la France, dans les cinq premières, a deux universités. La Sorbonne et Saclay.

Q - Mais il n'y a pas de traduction. La preuve par les vaccins.

R - Vous ne pouvez pas réduire l'attractivité de la France et la qualité de ses talents au fait que Sanofi ou l'Institut Pasteur n'ont pas été les premiers à trouver les vaccins. Sanofi est en train de finaliser les essais de son vaccin. On aura un vaccin Sanofi à la fin de l'année. Bon, Ok, là-dessus ils se sont loupés, ils n'ont pas eu, comme d'autres entreprises, plus tôt le vaccin. Mais on ne peut pas résumer...

Q - On a compris, mais regardez, on a vu que cette pandémie a agi comme une sorte de comparateur, de benchmark pour le dire en français... mondial. Chaque pays a réagi avec sa culture, avec ses blocages, avec son ADN. On a vu en France comment cela faisait émerger plutôt bureaucratie et corporatisme, et cela pouvait freiner. Aujourd'hui, quel est l'état du commerce extérieur, quelles sont nos forces, où exporte-t-on le plus, et quels sont les atouts français dans ce monde après-Covid qui émerge ?

R - Alors, notre situation en termes de commerce extérieur est toujours défavorable. Parce que nous avons eu un déficit de balance commercial de biens relativement important en 2020, notamment dégradé par deux secteurs qui sont pour nous très importants en matière de commerce extérieur que sont l'aéronautique, pour les biens, et le tourisme, pour les services.

Effectivement, nous sommes dans une situation qui est toujours dégradée, plus que d'autres pays, plus que l'Italie, plus que l'Allemagne. Mais la tendance est bonne. On voit que les entreprises françaises ont envie de repartir à l'international. Elles le font d'ailleurs puisque les 130.000 entreprises exportatrices françaises sont reparties à l'international. Et beaucoup d'entreprises sont en train de travailler avec nous pour aller à l'international, notamment parce qu'elles veulent bénéficier des mesures du plan de relance export que nous avons bâti pour les aider à aller à l'international.

Vous savez, pour réduire notre déficit commercial, il faut de la compétitivité, j'en ai parlé. Il faut une stratégie industrielle d'autonomie stratégique, on en a parlé rapidement ; pas suffisamment longtemps à mon goût. Il faut ensuite une politique commerciale moins naïve pour protéger nos entreprises et leur donner les moyens de se battre à armes égales avec leurs compétiteurs internationaux. Et puis, il faut les accompagner à l'international. Il faut leur donner l'envie d'aller à l'international. Je vous assure que cela fait plaisir de voir cinquante entreprises que j'ai emmenées en Asie centrale, il y a quinze jours, pour aller chercher les marchés en Ouzbékistan et au Kazakhstan. Cette envie d'international, elle est au coeur aujourd'hui des réflexions de nos entreprises. Et c'est clé. Nous avons 130.000 entreprises exportatrices en France, il y en a 220.000 en Italie, il y en a 300.000 en Allemagne.

Q - La crise va coûter 424 milliards d'euros. Malgré ce niveau de dettes, il semble que cela ne fasse plus débat, que ce soit plutôt le "quoi qu'il en coûte" et "l'argent magique" qui aujourd'hui fait la gouvernance. Une seule personne dans la majorité veut en faire un sujet pour lutter contre cela, c'est Edouard Philippe. Est-ce qu'il a raison ?

R - La question de la dette est une question importante. Mais on a eu raison de faire la politique du "quoi qu'il en coûte". Nous avons fait le choix, assez inédit, et assez unique, de mettre beaucoup de moyens pour protéger notre outil économique, pour protéger les entreprises et les salariés qui travaillent dans les entreprises, ces talents-là. Et nous sommes convaincus que c'est grâce à cela que nous allons repartir beaucoup plus vite pour notamment permettre à ces entreprises exportatrices de repartir à l'international pour rattraper leur retard par rapport à leurs homologues italiennes ou allemandes.

En ce qui concerne la gestion de la dette, bien sûr qu'il faudra payer la dette. Mais enfin, c'est une crise historique, unique, comme on n'en a pas connue depuis des siècles ou des dizaines d'années, peut-être depuis la pandémie de la grippe espagnole.

Q - Vous dites qu'il faudra payer la dette. Ce sont donc les Français qui vont la payer avec de nouveaux impôts, forcément, ou des prélèvements supplémentaires.

R - Nous pensons que, justement, étant donné la stratégie économique que nous avons prise, nous devons absolument continuer à baisser la fiscalité, donc sûrement pas augmenter les impôts. C'est parce que l'on aura une dynamique économique...

Q - C'est la croissance qui va faire que l'on aura des rentrées supplémentaires ?

R - Bien évidemment, c'est la croissance sur le long terme qui permettra à notre pays de rembourser la dette.

Q - Et puis faire des économies !

R - Bien évidemment, c'est aussi d'avoir une trajectoire d'économies et surtout de meilleures dépenses publiques qui permette de pouvoir rembourser la dette sur le long terme. Mais ne nous mentons pas : cette dette-là, on ne va pas la rembourser du jour au lendemain. Cela va prendre des années, voire des dizaines d'années. Mais enfin, on a vécu une crise comme jamais, depuis un siècle, et le choix que nous avons fait, j'en suis convaincu, est le bon. Parce que c'est bon pour le pouvoir d'achat de nos compatriotes, et donc bon pour la consommation, et c'est bon pour l'outil économique, et donc pour les investissements de nos entreprises demain qui vont alimenter la croissance.

Q - Le monde se réinvente, un peu pour reprendre et paraphraser ce qu'avait dit à l'époque le Président de la République. Le monde va se réinventer. Je dirais le monde de la culture en premier. On voit bien les grandes concentrations qui sont en train d'émerger : Amazon qui rachète Métro Goldwyn Mayer. L'empire des séries qui empiète sur le cinéma. C'est la fin de l'exception culturelle française ?

R - Il y a un risque. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est très mobilisé pour faire en sorte que face à cette révolution numérique, nous prenions les bonnes décisions pour préserver notre modèle, le moderniser, l'adapter. Pourquoi on le fait ? Parce qu'économiquement, c'est utile, il y a beaucoup d'emplois, beaucoup de création de richesses qui est faite sur ce secteur des industries culturelles et créatives, et en particulier sur le cinéma et l'audiovisuel ; et puis, parce que c'est une question culturelle majeure. Si nous ne nous organisons pas pour défendre et protéger ce qui est le coeur de notre culture en matière de cinéma et d'audiovisuel, c'est l'uniformisation de la culture, l'uniformisation des contenus qui menace et qui guette. Et donc il faut aider à maintenir la diversité des acteurs. La diversité des acteurs dans le cinéma, la diversité des acteurs dans l'audiovisuel, la diversité des acteurs dans la production cinématographique et audiovisuelle. C'est un vrai sujet de société. Le Gouvernement est très mobilisé. Vous savez qu'il y a une loi actuellement qui est en cours qui va permettre d'obliger les plateformes à financer la création française, ce qu'elles ne faisaient pas jusqu'à aujourd'hui.

Q - Ce qui va aussi changer la donne.

R - Tout à fait. (...)


source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er juin 2021