Extraits d'un entretien de M. Clément Beaune, secrétaire d'État aux affaires européennes, à France Info le 31 mai 2021, sur l'affaire d'espionnage transatlantique entre 2012 et 2014 , le passe sanitaire et le plan de relance européen.

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Média : France Info

Texte intégral

Q - Bonjour Clément Beaune.

R - Bonjour.

Q - On va parler avec vous, bien sûr, du pass sanitaire qui arrive bientôt, qui sera nécessaire pour voyager cet été en Europe, parler également du plan relance européen. Là aussi ça bouge. Mais d'abord cette enquête signée d'un consortium de grands médias européens parmi lesquels le journal Le Monde, qui révèle que les Américains ont espionné plusieurs personnalités européennes, entre 2012 et 2014 ; parmi elles, notamment, la chancelière allemande Angela Merkel et des Français dont les noms ne sont pas donnés. Vous les connaissez, vous, ces noms ?

R - Non. Il y avait déjà eu des affaires qui impliquaient les services américains il y a quelques années, qui concernaient d'ailleurs là aussi l'Allemagne et la France. On n'est pas dans un monde de "Bisounours", donc ce genre de comportement, malheureusement, peut arriver. On va le vérifier.

Q - Vous voulez dire qu'on fait la même chose avec les Américains ?

R - Non. Je dis simplement qu'entre alliés il doit y avoir, même si on n'est pas dans un monde de "Bisounours", une confiance et une coopération minimales. Donc, ces faits potentiels sont graves, il faut les vérifier, et puis, ensuite en tirer un certain nombre des conséquences de nos coopérations, mais il faut d'abord les vérifier.

Q - Ce qui est de nouveau dans cette affaire, c'est que lors des révélations d'Edward Snowden, les Américains avaient espionné notamment Angela Merkel - déjà elle - en passant par leur ambassade à Berlin. Là, ils ont branché les câbles sur les câbles des Danois, c'est-à-dire l'un de nos alliés, c'est-à-dire un allié à nous. Les Etats-Unis qui se servent d'un autre, les Danois, pour nous espionner nous, les Allemands et d'autres nationalités. Vous êtes tombé de l'armoire, ou pas ?

R - Non, mais c'est effectivement extrêmement grave parce que, pour résumer, il faut vérifier si nos partenaires de l'Union européenne danois ont commis des erreurs ou des fautes dans leur coopération avec les services américains. Moi, je ne sais pas le dire mais c'est ça qu'il faut vérifier d'abord puisqu'il y a eu un branchement, si je puis dire, sur des câbles danois. Et puis, du côté américain, voir si en effet il y a eu à travers cette technique indirectement l'écoute, l'espionnage de responsables politiques, ce qu'on ne doit pas banaliser bien sûr. Ce qui est très grave. Quand je disais qu'on n'est pas dans un monde de "Bisounours", je ne suis pas cynique et je ne couvre pas ce genre de faits mais on doit le vérifier - c'est grave - et le dire, le dénoncer si c'est avéré.

Q - Monsieur le Ministre, à part dire c'est grave aujourd'hui, parce que vous l'avez déjà dit, cela s'est passé précédemment - il y a eu les révélations d'Edward Snowden - qu'est-ce qu'on peut faire ? Est-ce qu'il est possible d'arrêter les écoutes des Américains aujourd'hui ? Est-ce qu'on est sûr qu'aujourd'hui ça n'existe plus ?

R - On ne va pas rentrer dans trop de détails techniques parce que ce sont d'abord des sujets compliqués, mais aussi des sujets sensibles, mais on a une coopération qui marche dans les deux sens. Ce n'est pas parce que les Américains, bien sûr, ont des moyens d'écoute et de renseignement plus puissants que ceux de la plupart de leurs alliés européens qu'ils n'ont pas aussi besoin de nous. Donc, je crois que pour que ça fonctionne, il faut créer un climat de confiance et les Américains ont vraiment besoin qu'on leur fournisse un certain nombre de renseignements de coopération. Ça nous aide aussi. Donc, si on était dans un climat qui n'est pas un climat de confiance et qui n'est pas un climat de bonne coopération, je crois que ça serait dommageable pour les Américains aussi. On n'est pas sans moyens.

Q - Il va y avoir des réactions diplomatiques dans les jours qui viennent ?

R - Ecoutez, d'abord, encore une fois, il y a une enquête journalistique sérieuse, il faut quand même vérifier l'exactitude des faits, l'étendue des faits, la gravité potentielle des écoutes.

Q - Elle se base, l'enquête journalistique, sur une contre-enquête menée par les services de renseignement danois. C'est le point de départ.

R - Tout à fait. Mais je n'ai pas à cette heure l'information qui corrobore de manière claire...

Q - Mais si c'était avéré ? Il se passe quoi du côté européen ? Il se passe quoi du côté de la France ? Est-ce qu'on va demander des comptes aux Américains ?

R - Il pourrait y avoir effectivement un certain nombre de protestations diplomatiques, mais je le dis pour nos alliés et amis américains, si on se comporte comme ça, on ne peut pas attendre qu'il y ait une bonne coopération entre les services. On a besoin de ces coopérations ; donc, travaillons ensemble plutôt que de s'espionner mutuellement.

Q - Depuis ce matin, Clément Beaune, les voyageurs venant du Royaume-Uni où le variant indien est désormais prioritaire, sont soumis à une quarantaine obligatoire.

Q - Majoritaire, majoritaire ! "Prioritaire"...

Q - Oui, majoritaire. Merci de me reprendre.

Q - Prioritaire, on n'espère pas !

Q - Donc, les voyageurs venant du Royaume-Uni sont soumis à une quarantaine aujourd'hui dès qu'ils arrivent sur le sol français, une quarantaine de sept jours, mais qui ne sera pas contrôlée. Pourquoi ?

R - Alors, pour être clair parce que ces dispositifs sont parfois un peu compliqués, il y a différentes catégories de pays en fonction de la gravité de la situation sanitaire. Le Royaume-Uni jusqu'à ce matin était parmi ceux qu'on appelle les pays verts, c'est-à-dire des pays dont la situation sanitaire était suffisamment bonne, objectivée par les faits, pour être traités comme des pays européens. C'est-à-dire il suffisait de faire un test PCR pour circuler. Ce que nous avons rétabli, ce sont des motifs impérieux. C'est ça, surtout, le changement important. Maintenant, vous devez avoir un motif impérieux : une difficulté familiale, un impératif professionnel pour circuler entre le Royaume-Uni et la France, comme on fait, par exemple, pour les Etats-Unis ou pour la plupart des pays étrangers.

Q - Oui. Sauf que, comme je l'ai bien dit tout à l'heure, le variant indien est majoritaire au Royaume-Uni.

R - J'y viens, j'y viens. La raison pour laquelle on, si je puis dire, dégrade le statut du Royaume-Uni qui passe d'une catégorie verte à une catégorie plus stricte, c'est qu'il y a une situation sanitaire qui reste bonne - je veux quand même être rassurant sur ce point, au Royaume-Uni - mais un développement inquiétant, les autorités britanniques le disent elles-mêmes, du variant indien. Et donc, pour éviter d'importer le variant et qu'il se développe sur notre territoire, on restreint les flux. Et dans ce dispositif, j'insiste sur les motifs impérieux, c'est ça l'élément le plus nouveau, il y a ce qu'on appelle l'auto-isolement, la quarantaine pour faire simple, qui est recommandée, qui est demandée à ceux qui viennent du Royaume-Uni. On n'est pas dans la catégorie...

Q - Mais pourquoi on ne contrôle pas les voyageurs venant du Royaume-Uni et on contrôle ceux qui viennent d'Inde ?

R - On le fait pour les pays dans lesquels la situation de variant ou sanitaire en général est la plus dégradée, parce que c'est un dispositif lourd à mettre en place, donc, on le cible sur les pays où la situation sanitaire est la plus difficile. C'est le cas de l'Inde, c'est le cas du Brésil, c'est le cas de quinze autres pays.

Q - Donc, cela veut dire qu'on n'a pas les moyens de surveiller les voyageurs qui viennent du Royaume-Uni ?

R - Non, ce n'est pas ça. C'est que si on surveille et on fait des réponses proportionnées, si on avait une dégradation de la situation sanitaire britannique - plus de variant ou plus de circulation du variant chez nous -, nous prendrions des mesures encore renforcées. Mais on fait les choses par étape, on a été un des seuls pays européens à renforcer le dispositif de contrôle avec l'Allemagne sur le Royaume-Uni, depuis ce matin. On ira plus loin si nécessaire. Aujourd'hui sur le plan sanitaire, le dispositif est bien calibré.

Q - Ce qui inquiète aujourd'hui, Clément Beaune, les autorités sanitaires britanniques, c'est que la population là-bas a été vaccinée uniquement avec le vaccin AstraZeneca...

R - Principalement.

Q - Principalement, mais presque exclusivement, qui est le vaccin le moins efficace aujourd'hui contre ce variant indien. Est-ce que l'Europe, aujourd'hui, en dépit de ce qui s'est passé ces derniers mois sur AstraZeneca - on aura peut-être l'occasion d'en reparler tout à l'heure - pourrait aider les Britanniques et leur fournir d'autres vaccins ?

R - D'abord l'essentiel des exportations d'autres vaccins - effectivement minoritaires au Royaume-Uni, mais quand même, comme Pfizer - viennent de l'Union européenne. A un moment, on nous a même reproché d'exporter des doses de Pfizer vers le Royaume-Uni. On l'a fait parce que c'était aussi, si je puis dire, notre rôle et notre devoir, dès lors que Pfizer respectait les livraisons à notre égard. Donc, nous le ferons si nécessaire, si le Royaume-Uni en commande. Le Royaume-Uni, ce n'est pas non plus un pays - on nous a même dit le contraire, on nous a dit qu'il connaissait un grand succès dans sa campagne de vaccination - ce n'est un pays d'Afrique qui est en difficulté financière ou d'accès au vaccin. Mais s'il y a besoin d'exporter, et que c'est justifié, nous le ferons.

Q - Ma question était davantage sur les doses que sur l'argent...

R - Bien sûr.

Q - On se doute que les Britanniques ont sans doute dans les caisses, on l'espère pour eux, assez d'argent pour commander des vaccins, mais on sait qu'aujourd'hui la production elle se fait à flux tendu.

R - Bien sûr, et c'est l'occasion de rappeler d'ailleurs que l'essentiel de la production pour nous-mêmes et pour beaucoup de pays, sur le plan industriel, elle se fait en Europe. On devient au mois de juin le premier producteur mondial de vaccins. Donc oui, s'il y a besoin, on continuera à exporter en vérifiant que c'est justifié vers le Royaume-Uni les doses de Pfizer. Mais je veux être rassurant : d'abord les vaccins que nous utilisons très majoritairement en France, en Europe, Pfizer notamment, Moderna, ont été vérifiés comme efficaces contre le variant indien ; très efficaces contre le variant indien. Sur AstraZeneca à ma connaissance - je ne suis pas scientifique - mais on a moins de données.

Q - Il y a une efficacité d'après les premières études autour de 60%. Elle est légèrement inférieure.

R - Elle semble être réduite. Il ne faut pas non plus créer de la panique. Cela reste supérieur à beaucoup de vaccins ordinaires, cela reste une protection nécessaire et efficace, réduite en effet, et donc, on le surveille. Mais chez nous, les vaccins qui sont les plus utilisés sont aussi plus protecteurs.

Q - On va essayer de comprendre dans un instant, Clément Beaune, ce qui va se passer pour les voyages cet été à l'intérieur de l'Europe et de comprendre exactement aussi comment va fonctionner le pass sanitaire. (...)

Q - Les Français pourront-ils partir où ils le souhaitent à l'étranger cet été ?

R - En Europe, oui, cela, c'est certain et ce sera permis, facilité par ce qu'on appelle le pass sanitaire. le pass sanitaire il va commencer à fonctionner en France le 9 juin pour un certain nombre de grandes activités, si je puis dire, de grands rassemblements, festivals, etc. et puis, ce même pass sanitaire, c'est-à-dire le même code que vous avez sur votre téléphone essentiellement il permettra, dans toute l'Europe, à partir du 1er juillet, de circuler parce qu'il montrera que vous avez soit un test négatif, soit la vaccination complète, soit - c'est un cas peut-être un peu plus rare mais qui existe évidemment- que vous avez eu la Covid et que vous êtes encore protégé.

Q - Ce sera donc la même application pour aller à un concert de plus de mille personnes ou pour voyager, ce sera Tous Anti-Covid.

R - Exactement, ce sera, vous téléchargez...

Q - Il y en aura qu'une.

R - il n'y en aura qu'une, ce sera le même code, justement on est en train de le transformer, je ne vais pas trop rentrer en technique parce que pour chaque Français ce sera indifférent, mais on est en train de transformer le code QR que certains voient déjà s'ils ont eu une première ou deux doses de vaccins, d'ailleurs, ou qui font un voyage avec la Corse où on le teste, cette application, ce code-là ce sera le même qui sera lu par un lecteur, un scanne d'un douanier grec, espagnol, allemand pour voyager, cet été, en Europe ; le même.

Q - Si on a déjà rentré son certificat de vaccination sur l'application Tous Anti-Covid, est-ce qu'il faudra le refaire cet été pour voyager, ou est-ce que c'est une fois pour toutes ?

R - Quand vous l'avez déjà dans l'application, il sera transformé automatiquement dans votre application.

Q - Il n'y a rien à faire ?

R - Il n'y a rien à faire, il aura quelques cas, mais on le précisera, je ne veux pas rendre les choses trop compliquées mais il y aura quelques cas, pour ceux qui n'ont pas encore le code ou qui l'ont sur un bout de papier, par exemple, où il faudra le re-télécharger, à partir de la fin du mois de juin ; mais c'est la même application.

Q - Pour dire des choses autrement on ne franchira pas une frontière cet été sans avoir l'application Tous Anti-Covid.

R - Oui, absolument.

Q - On ne peut pas emmener un certificat en version papier...

R - Si vous pouvez l'avoir en papier, ce sera au même format, vous pouvez soit parce qu'il y a des gens qui n'ont pas de Smartphone, c'est normal, ce n'est pas accessible à tous, donc ce sera soit papier, soit sur votre téléphone. Si c'est sur votre téléphone, c'est dans l'application.

Q - Qu'est ce qui se passe pour les enfants ?

R - Alors, pour les enfants c'est en train d'être défini au niveau européen.

Q - Il va falloir leur acheter des Smartphones... pardon.

R - Il y aura l'obligation, le test sera imposé à partir de 11 ans dans la réglementation française, donc pour les enfants ce ne sera pas totalement harmonisé probablement en Europe mais le cas le plus simple le plus fréquent ce serait qu'il faudra faire un test antigénique ou PCR pour faire voyager son enfant.

Q - Et en dessous de 11 ans ?

R - Et en dessous de 11 ans, c'est un test, on va voir à partir de quel âge, probablement entre 6 et 11 ans, il faudra un test antigénique ou PCR pour faire voyager son enfant.

Q - Donc, ça veut dire, on prend un exemple type, une famille, un couple avec deux enfants, pour pouvoir voyager en Europe devra, donc les adultes devront être munis de l'application Tous Anti-Covid sur leurs Smartphones, et les enfants devront être testés ?

R - Ça, c'est le point qu'on est encore en train d'harmoniser entre pays européens pour les enfants, pour les adultes c'est clair, c'est comme ça, votre certificat : soit vous êtes vacciné, soit vous avez un test négatif ; pour les enfants, on est encore en train de définir le seuil à partir duquel on exigera un test.

Q - Est-ce que la CNIL sera à nouveau consultée, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, sur le pass sanitaire, version voyage ?

R - Non, parce que ce sont les mêmes données, et donc, elle a déjà rendu un avis où elle a exprimé son approbation globale du dispositif, - quelques réglages techniques -, mais elle a accepté l'utilisation de ce pass et nous avons prévu depuis le départ que les données qui sont dans le pass sanitaire français qu'on a construit sont les mêmes données, avec le même degré de protection au niveau européen. J'insiste sur un point...

Q - Pas de géolocalisation, par exemple ?

R - J'insiste sur un point parce que c'est important pour les gens qui s'inquiètent de ce qu'on fait de leurs données, c'est normal, d'abord au niveau européen on a été très clair, on a un règlement général de protection des données, un ensemble de règles le plus stricts du monde sur la protection des données, évidemment, le pass sanitaire français européen respecte ce règlement général. Et concrètement, si vous vous voyagez, que vous rentrez au Portugal, qu'un douanier ou une autorité sanitaire portugaise lit votre code, où il y aura écrit vert ou rouge ; soit c'est autorisé de rentrer sur le territoire, soit ce n'est pas autorisé, mais à part votre nom et votre prénom, il n'y aura pas vos données médicales, on ne saura même pas si vous avez eu, le douanier ne saura pas si vous avez tel vaccin ou si vous avez eu un test, il saura si vous êtes autorisé ou pas à rentrer.

Q - Alors, justement en parlant des vaccins, seuls les vaccins homologués par l'Union européenne pourront être acceptés, si j'ose dire, dans le pass sanitaire, c'est-à-dire pas les vaccins chinois, pas le vaccin russe Sputnik-V ?

R - Alors là aussi, pour être très précis, dans le texte législatif européen, il est prévu que tous les vaccins autorisés par l'Agence européenne des médicaments, quatre, aujourd'hui, ceux qu'on utilise en France sont reconnus évidemment, un pays peut ajouter un vaccin, par exemple russe ou chinois, qui ne serait pas reconnu par les autorités sanitaires européennes pour autoriser l'entrée sur son territoire. Je le dis très clairement, ce n'est pas le choix que nous faisons en France.

Q - C'est-à-dire que la France n'acceptera pas, par exemple, des touristes chinois, là, je viens en dehors de l'Union européenne, qui seraient vaccinés avec un vaccin chinois ?

R - Alors, quelle que soit la nationalité, la France ne reconnaîtra pas comme protégée comme vaccinée une personne qui ne serait pas vaccinée avec un des vaccins autorisés par l'Agence européenne des médicaments, donc, oui, à ce stade -puisqu'ils ont déposé un dossier, mais ils ne sont pas autorisés -, elle ne reconnaîtra pas un touriste vacciné avec un vaccin russe ou chinois. Le dit touriste peut toujours faire un test, par exemple.

Q - Un test PCR, oui.

R - Je vais être précis puisque vous avez pris l'exemple du touriste chinois, c'est important pour expliquer aux Français comment on ouvre...

Q - C'est important pour la vie économique et pour l'activité touristique.

R - Bien sûr. On cherche cet équilibre entre ouvrir, - on en discutait tout à l'heure - et fermer, ou rester fermer lorsqu'il y a des inquiétudes ou des doutes sanitaires. On veut ouvrir pour notre vie tout court, pour notre vie économique et touristique, c'est essentiel, mais on veut le faire dans des conditions sanitaires parfaites. On nous a longtemps dit : vous êtes des grands naïfs, vous laissez les frontières ouvertes. Maintenant les mêmes nous disent il faut tout ouvrir pour le tourisme, non, on ouvre quand c'est sûr, on reste fermé quand ce n'est pas sûr ; et donc, clairement, priorité bien sûr aux touristes français, aux touristes européens, c'est avec le pass sanitaire qu'on permettra de le faire et de vérifier de manière sûre, pour les touristes non-européens qui viennent du grand étranger, si je puis dire, en dehors de l'Europe, nous sommes encore en train de discuter, nous sommes en train d'élaborer une liste commune entre pays européens, de pays verts, de pays comme les Etats-Unis, comme d'autres, on va voir, il y a des critères sanitaires, on est en train d'établir cette liste dans les tous prochains jours et donc, il y aura quelques pays non-européens dont les touristes pourront aussi rentrer sur le territoire national, toujours avec un test ou une preuve de vaccination, bien sûr.

Q - Un touriste européen qui viendrait cet été en France, est-ce qu'il devra payer son test PCR pour pouvoir rentrer chez lui, ensuite, dans l'hypothèse où il n'est pas vacciné ?

R - Alors, écoutez, on sera pragmatique, on ajustera le dispositif, aujourd'hui, je souhaite que cela reste comme cela, les tests en France sont gratuits.

Q - Quelle que soit la nationalité ?

Q - Même pour les touristes, donc ?

R - Quelle que soit la nationalité, je le dis aussi pour des raisons pragmatiques, d'abord, cela permet d'aller vite, plutôt que de faire des vérifications trop longues et puis c'est aussi je le dis notre intérêt sanitaire. Je prends un exemple très concret puisqu'on rentre dans le détail, c'est normal : un touriste, cet été, qui va rester trois semaines en France, quatre semaines en France, tant mieux pour l'économie française, on a plutôt envie de l'inciter à tester sa situation sanitaire régulièrement plutôt qu'à dire je me cache, c'est trop cher, je ne fais pas le test. C'est la même logique d'ailleurs qui fait que pour les Français on a encouragé, largement, aux tests.

Q - Mais la réciproque ne sera pas vraie, un Français qui part en Europe et qui veut rentrer, lui devra payer le test ?

R - C'est la réglementation du pays qui s'applique.

Q - Il n'y a pas eu d'accord là-dessus ?

R - Non, il n'y a pas eu d'accord là-dessus. La réciprocité ça nécessite ce qui n'est pas harmonisé, je le regrette, mais ce qui n'est pas harmonisé au niveau européen, des échanges de sécurité sociale etc., donc à ce stade, d'ailleurs cela montre bien qu'on a un dispositif très favorable pour les Français d'abord, bien sûr, en France le test est gratuit, c'est très rare en Europe, il y a que deux pays en Europe qui le font, les autres ne le font pas. Donc, oui, de même que vous payez quelque chose qu'on fait des vacances à l'étranger, probablement les tests seront payants dans la plupart...

Q - Il faudra inclure le prix des tests si on part en famille.

R - Exactement, il faudra le regarder systématiquement.

Q - Il y a des pays où c'est plus de 150 euros.

R - Et quand on est vacciné, bien sûr, la question ne se pose plus.

(...)

Q - Ça y est, les 27 pays européens ont donné leur accord au plan de relance. Quand l'Europe va-t-elle pouvoir emprunter sur les marchés ?

R - Maintenant.

Q - Et quand allons-nous recevoir cet argent ?

R - D'abord, je veux le dire, c'est très important, cela paraît long. C'est long ; on a mis plusieurs mois, c'est vrai

Q - Dix.

R - Oui, c'est vrai. Je veux dire, d'abord ça n'enlève rien, il ne faut pas l'oublier, sur le fond, au fait que nous avons 750 milliards d'euros de plan de relance européen pour les deux, trois ans qui viennent, les trois ans qui viennent, exactement. C'est très important, c'est inédit et c'est solidaire. Donc, il y a des pays qui vont contribuer plus que d'autres pour que toute l'Europe relance, ensemble, son économie. C'est notre intérêt commun. C'est inédit, c'est très important à souligner. On a mis, effectivement, dix mois, c'est le temps de la démocratie européenne aussi, il faut le dire. Ce n'est pas parce qu'il y a eu de la bureaucratie.

Q - Oui, mais c'est trop long ?

R - Oui, c'est trop long je trouve, mais pourquoi ? On ne va pas refaire tout le débat ici, mais pourquoi ? Parce qu'il y a eu un accord nécessaire avec le Parlement européen élu par les Français et les Européens, et puis, parce qu'ensuite chaque Parlement, dont le nôtre au mois de février, a ratifié ce plan de relance européen. D'habitude, on met deux ans pour ratifier un budget européen, on a mis quatre mois. Donc, je pense qu'il y a eu quand même un sentiment d'urgence très fort.

Q - Mais entre-temps, les Américains ont déjà fait deux plans de relance.

R - Enfin, ils n'ont pas décaissé le plan de relance.

Q - Le premier. Les chèques aux Américains sont déjà arrivés et ont déjà été dépensés.

R - C'est l'équivalent de ce qu'on fait nous, en termes sociaux, en termes de chômage partiel, en termes de fonds de solidarité, et là on n'a rien à envier aux Américains. Sur la relance, ils n'ont pas décaissé non plus ; donc, on va le faire. Maintenant, allons vite.

Q - On attend 40 milliards d'euros de l'Europe.

R - On attend un peu plus de 40 milliards d'euros pour la France. Cela va commencer à arriver à partir du mois de juillet, plus tôt qu'on ne le disait il y a quelques semaines ; donc, comme quoi on peut accélérer au niveau européen.

Q - On va avoir la totalité des 40 milliards ?

R - Non, on va avoir par tranches, les 40 milliards. Je veux souligner, aussi, c'est très important, qu'on a un plan de relance au total de 100 milliards d'euros, financé à 40 milliards d'euros par l'Europe. Ce plan, il n'a pas attendu les derniers votes, il a commencé à être déployé ; il y a déjà plus d'un tiers de ce plan qui est engagé. Donc, l'argent européen qui était attendu, il a déjà produit des effets puisqu'il nous a permis de lancer notre plan national. Et l'argent va commencer à arriver à partir du mois de juillet, on lance les opérations, cette semaine, pour commencer à émettre de l'argent européen.

Q - Cet argent va donc être en partie emprunté collectivement par l'Europe.

R - Oui.

Q - C'est la première fois que l'Europe le fait. Ça n'arrivera qu'une fois ou on se garde cette possibilité un jour, pourquoi pas, pour un autre plan de relance, ou pour faire avancer l'Union ?

R - Pour être clair, l'accord qui existe aujourd'hui il est pour une fois.

Q - Et vous, vous souhaitez quoi ? Qu'on en profite pour dire : maintenant qu'on l'a fait... ?

R - Oui, mais c'est un débat qui est difficile. On a vu à quel point c'était difficile d'avoir les 750 milliards d'euros et cet accord historique, en effet, sur la dette commune européenne qui était totalement impossible avec l'Allemagne, elle-même, avec d'autres pays, il y a quelques mois. On l'a fait. Faisons marcher cette machine nouvelle pour l'instant : que cela décaisse vite, que cela soit utile, que cela décaisse pour la transition écologique, pour la transition numérique. Et puis, si cela marche, vous parliez de M. Biden, moi, je pense qu'il faudra qu'on dise à nos partenaires européens, dans les quelques mois qui viennent : on a besoin d'argent, ensemble, pour de l'investissement à long terme, au-delà de la relance, pour les microprocesseurs, pour le spatial, pour les technologies d'avenir, pour les batteries électriques. Pourquoi ne pas le faire, en effet, avec une dette commune européenne qui produit des résultats et qui est remboursée par la croissance commune ensuite ? Mais on n'y est pas. Il faudra qu'on ait ce débat. Et donc, je dis : on a une étape-là qui marche. On a réussi, c'était un peu long, mais quand même, à la faire marcher en quelques mois. Cela va décaisser. Si cela marche, ce sera une bonne preuve d'une Europe efficace pour aller plus loin.

(...)

Q - Merci à vous, Clément Beaune.

R – Merci.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er juin 2021