Texte intégral
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi organique de M. Jean-Luc Mélenchon et plusieurs de ses collègues instaurant une procédure de parrainages citoyens pour la candidature à l'élection présidentielle (nos 3478, 4086).
(…)
M. le président.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'insertion.
Mme Mathilde Panot.
Pourquoi ? Quel est le rapport avec le sujet ?
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée chargée de l'insertion.
Mesdames et messieurs les députés, je vous prie de bien vouloir excuser mes collègues du ministère de l'intérieur, retenus à la dernière minute par d'autres impératifs.
La proposition de loi organique portée à l'attention de votre assemblée vise à instaurer une procédure de parrainage citoyen dans le cadre de la candidature à l'élection présidentielle. Par un article unique, elle crée un dispositif complémentaire de celui déjà en vigueur : il ne le remplacerait pas et il ne cumulerait pas avec lui – il ne s'agirait pas d'obtenir à la fois la fois le parrainage des maires et celui des citoyens. Le seuil serait fixé à 150 000 parrainages citoyens, l'anonymat du parrainage serait garanti et s'ajouterait une clause de représentativité nationale.
Vous souhaiteriez donc que la responsabilité d'habiliter ceux qui pourront concourir à l'élection présidentielle revienne aux citoyens eux-mêmes, à l'opposé des règles d'un système, qui, selon vous, a vécu et favorise l'abstention. Nous entendons parfaitement la volonté d'améliorer la place donnée aux Français dans le temps démocratique et nous partageons cette préoccupation. Toutefois, nous ne sommes pas d'accord sur les moyens pour y parvenir.
La participation citoyenne et l'inclusion des Français sont des principes auxquels la majorité présidentielle est particulièrement attachée. Nous défendons quotidiennement l'ambition de les améliorer depuis le début de l'actuel quinquennat. L'exemple le plus probant en est la composition de cette assemblée, où l'engagement de la majorité a permis une entrée massive en politique des femmes et des hommes de la société civile, lors des élections législatives de 2017. Votre assemblée est la plus féminisée de la Ve République et nous pouvons en être fiers. (M. Jimmy Pahun applaudit.)
Le Gouvernement est également conscient de la nécessité de moderniser notre modèle politique en y renforçant la démocratie participative, en y faisant mieux entrer la parole des citoyens. C'est pourquoi nous prenons des initiatives pour développer les conventions citoyennes,…
Mme Marie-George Buffet.
On a vu ce que vous avez fait de celle sur le climat !
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée.
…étendre la saisine du Conseil économique, social et environnemental (CESE) par voie de pétition, associer des citoyens tirés au sort aux travaux dudit conseil, créer des plateformes numériques de consultation. Nous sommes bel et bien engagés dans la voie d'un renouvellement de notre démocratie.
Or la proposition de loi organique présentée ce matin ne contribue pas à cette nécessaire modernisation.
Mme Marie-George Buffet.
Ah ?
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée.
Nous partageons tous la volonté d'accroître la participation citoyenne, mais votre proposition manque sa cible. Le Gouvernement y est opposé. D'une part, la procédure actuelle permet d'exercer un contrôle démocratique efficace sans pour autant remettre en cause le suffrage universel direct ; elle permet de concilier la clarté du scrutin et la diversité de l'offre politique. D'autre part, le dispositif ne nous semble pas opérationnel en l'état. En effet, le contrôle et la procédure de vérification sont d'ores et déjà particulièrement denses, et vérifier l'authenticité des 150 000 parrainages poserait d'importantes difficultés.
M. Ugo Bernalicis.
On le fait bien pour le référendum d'initiative partagée !
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée.
Cela reviendrait à vérifier 1,5 million de parrainages en moins d'une vingtaine de jours.
En outre, le système de parrainage par 150 000 citoyens ne se substituerait pas au parrainage des maires.
M. Ugo Bernalicis.
Bah, non.
Mme Mathilde Panot.
Vous avez bien compris.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée.
Le dispositif que vous proposez mettrait donc en présence d'un côté les candidats issus de parrainages citoyens et, face à eux, les candidats bénéficiant du parrainage des élus. Nous ne voyons pas le bénéfice d'une telle opposition, et je pense que le rôle du parrainage des maires est essentiel. Nous voulons réaffirmer ici tout notre attachement au travail des maires de nos communes, dont je sais l'engagement total, étant moi-même une élue locale. Ils méritent toute leur place dans la procédure de candidature à l'élection présidentielle. Leur proximité avec les Françaises et les Français, leur connaissance du terrain et de la vie quotidienne sont manifestes. Le parrainage par les maires constitue à notre sens un moyen de concilier, je l'ai dit, la clarté du scrutin et la diversité de l'offre politique. Nous sommes profondément convaincus qu'il s'agit du meilleur instrument pour permettre une représentation cohérente de l'offre politique lors de l'élection présidentielle.
Par ailleurs, le système que vous proposez exclurait des candidats à l'élection présidentielle. Or nous ne croyons pas que réduire l'accès à cette élection soit une bonne chose. En effet, si votre loi avait été effective, Pierre Boussel, pour le Mouvement pour un parti des travailleurs, n'aurait pas pu se présenter en 1988,…
Mme Blandine Brocard.
Voilà !
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée.
…Jacques Cheminade n'aurait pas pu se présenter en 1995,…
Mme Blandine Brocard.
Elle a raison !
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée.
…Daniel Gluckstein, pour le Parti des travailleurs, n'aurait pas pu se présenter en 2002, et ainsi de suite.
Mme Mathilde Panot.
Pourquoi ? C'est faux !
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée.
À chaque élection présidentielle, votre proposition aurait interdit à un ou plusieurs candidats de se présenter.
Au-delà des réserves de fond, il nous semble que ce serait une erreur de provoquer un tel bouleversement en cette période difficile et à moins d'un an de l'élection présidentielle. Depuis plus d'un an, la crise sanitaire a bouleversé nos vies et notre quotidien, et nous sommes convaincus qu'il est aujourd'hui de notre devoir d'apporter de la stabilité aux Français. L'élection présidentielle est un moment démocratique essentiel, et celle de 2022 le sera tout particulièrement. Il ne nous semblerait donc pas judicieux d'introduire une telle procédure à moins d'un an du premier tour. En ces temps troublés, nous avons tous besoin de stabilité, et cette nécessité est particulièrement prégnante dans le cas de l'élection présidentielle.
M. Ugo Bernalicis.
La stabilité, on la voit…
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée.
Le Gouvernement est pleinement disposé à réfléchir avec l'ensemble des groupes politiques aux voies et moyens de perfectionner la procédure permettant l'élection du Président de la République. C'est un débat important, qui doit avoir lieu largement, pour assurer la sincérité du scrutin présidentiel. Nous considérons que les conditions ne sont pas ici réunies pour rassurer nos concitoyens, qui sont attachés à la lisibilité et à la clarté du scrutin permettant l'élection du Président de la République.
En cette période, nous pouvons dresser deux constats : d'une part, les Français ont besoin de stabilité ; d'autre part, ils ont confiance en nos élus locaux et nos maires. C'est pourquoi nous nous engageons à travailler dans la durée afin de lutter contre l'abstention et la défiance à l'égard des institutions et à continuer à donner du sens à notre vie démocratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Mme Blandine Brocard applaudit également.)
source http://www.assemblee-nationale.fr, le 7 mai 2021