Texte intégral
CHRISTOPHE BARBIER
Agnès PANNIER-RUNACHER, bonjour.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Christophe BARBIER.
CHRISTOPHE BARBIER
Et bienvenue. Vous êtes en charge de l'Industrie, au sein du gouvernement. Et hier, c'était une bonne journée pour vous, parce qu'il y a eu cette fameuse enquête EY, sur la France qui reste le pays préservé, préféré en Europe pour les investisseurs étrangers. Alors, avec la crise, il y a quand même une baisse évidemment de ces investissements, mais la première place de la France est là. A quoi attribuez-vous notre performance ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Cette première place, elle existe depuis maintenant deux ans, et la France est également sur la première place du podium pour les projets industriels depuis trois ans. Et cette bonne performance, elle est très clairement connectée à toute la politique d'attractivité qu'a souhaitée le président de la République, et que nous avons mise en oeuvre, que nous avons mise en oeuvre en matière de fiscalité, que nous avons mise en oeuvre en matière d'accompagnement des entreprises, de simplification de leur installation en France, je pense notamment aux projets industriels pour leur permettre d'installer plus vite de nouveaux sites industriels ou de faire des extensions de sites industriels en un temps beaucoup plus court. Et c'est également lié à l'attractivité de notre marché français.
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce qu'il n'y a pas aussi une autre raison un peu cachée, il est facile en France d'obtenir des aides publiques, de l'argent public, qu'on ne rembourse pas forcément, même si on ne tient pas ses promesses en termes d'emplois ; en gros, on peut être un peu un patron voyou…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je ne le crois pas, parce que les aides en matière de soutien aux entreprises et à l'industrie sont beaucoup plus importantes dans les pays de l'Est européen. Donc si ce n'était qu'une question d'aides, le match serait vite fait. Non, ce qui fait la différence, c'est vraiment l'attractivité des talents français, puisque nous avons des ingénieurs qui sont reconnus, et des techniciens parmi les meilleurs du monde, c'est la situation en termes... en Europe, où on peut, je dirais, géographiquement, on est quand même au coeur de l'Europe de l'Ouest, qui est le plus gros marché, et c'est également tous les efforts qui ont été faits par le gouvernement pour rendre la France plus attractive. Et encore une fois, regardons l'évolution du classement au fil des années, on voit le pivotement, à compter du moment où nous rentrons, où nous prenons un certain nombre de mesures, pour attirer ces investisseurs étrangers. Je veux également dire une chose intéressante, sur les projets industriels, nous avons autant de projets que l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Espagne réunis. Ça veut dire que ce qui était la fatalité de la désindustrialisation était en fait une fatalité de personnages politiques qui ne s'étaient pas engagés, avec de la détermination, je ne dis pas que ce soit facile, mais on arrive à réindustrialiser la France, et c'est tout le propos du président de la République.
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce que ça ne va pas plafonner parce qu'on a du mal à former les personnels dont auront besoin ces investisseurs ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Vous avez raison, c'est un sujet très important, très prégnant, qui n'est pas propre à la France, parce que les difficultés de recrutement, vous les retrouvez en Pologne, Tchéquie, en Allemagne…
CHRISTOPHE BARBIER
Mais l'Allemagne a une culture de l'apprentissage qu'on n'a pas…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, mais malgré tout, vous avez du mal à recruter aujourd'hui en Allemagne, le paradoxe, je dirais, français, c'est que le taux de chômage est plus élevé en France que dans d'autres pays, alors qu'on a du mal à recruter. Donc tout l'enjeu, et c'est aussi un des combats du gouvernement que l'on voit dans l'investissement sur le volet social du plan de relance, par exemple, qui est vraiment le troisième pilier, vous avez un pilier transition écologique, un pilier compétitivité, innovation, et un pilier qui est destiné à investir dans les compétences, et à faire en sorte que les Français puissent se former, puissent se reconvertir, puissent avoir accès à des métiers mieux payés et sur lesquels on recrute. Mais c'est vrai que c'est un combat de plus long terme.
CHRISTOPHE BARBIER
58 % des investisseurs étrangers disent quand même que sur 2021, ils pourraient réduire ou reporter leur projet d'investissement, comment les rassurer à court terme ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Pour les rassurer, il faut diminuer leurs risques, et c'est ce que nous faisons avec le plan de relance, le plan de relance, c'est 100 milliards d'euros dont 35 milliards d'euros pour l'industrie, et aujourd'hui, nous avons accompagné près de 2.000 entreprises, près de 2.000 entreprises, ce n'est pas nécessairement des entreprises étrangères d'ailleurs, c'est plutôt des entreprises françaises, parce que c'est beaucoup de PME, beaucoup d'ETI, plus de 80 %, mais ces accompagnement permettent aux entreprises de prendre des risques plus importants et d'investir tout de suite, et c'est ce nous voulons faire, ça représente plus de 8 milliards d'euros d'investissements industriels grâce au plan de relance ; c'est inédit, jamais vu, c'est vingt fois le plan de relance de post-crise 2008-2009.
CHRISTOPHE BARBIER
Quelques secteurs souffrent particulièrement, notamment l'aéronautique et l'automobile, une usine électrique ouvre aujourd'hui, une usine RENAULT, mais est-ce que l'automobile va retrouver le niveau d'avant crise ou jamais ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, l'automobile, au-delà de la crise sanitaire, traverse une transformation due à la transformation écologique, à la transformation numérique, qui est totalement inédite, ils doivent totalement réinventer leur modèle. Donc cette transformation, nous devons l'accompagner, c'est ce que nous faisons avec le plan automobile, et effectivement, notre ambition, c'est de faire en sorte de ressortir plus fort, sachant que nous devons passer du moteur thermique au moteur électrique, au moteur à hydrogène, au moteur bas carbone, donc il va y avoir des sites dont les emplois vont changer, je prends l'exemple de l'usine de batteries électriques de PSA, c'est une usine qui est celle de la FRANÇAISE DE MECANIQUE, que connaissent très bien les gens du Pas-de-Calais, qui a employé des milliers de personnes, aujourd'hui, vous avez 1.300 opérateurs salariés qui travaillent sur ce site, demain, ils seront toujours présents sur ce site, mais ils ne feront pas le même métier, et c'est ceux-là que nous devons aujourd'hui accompagner.
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce que vous pensez, comme beaucoup d'élus de terrain, que le pire moment, ça sera vers la fin de l'année 2021, c'est là qu'on verra les faillites, s'il doit y en avoir ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, je ne le crois pas, parce que depuis que nous accompagnons les entreprises depuis le début de la crise, on me pose toujours la question de la semaine prochaine, il va y avoir une vague de faillites, cette vague de faillites ne s'est jamais posée, l'année 2020, nous avons enregistré plus de 30% de moins de faillites qu'en 2019, je rappelle que l'étiage classique du nombre de faillites, et qui est un peu comme, voilà, les entreprises se créent, les entreprises meurent, c'est 50.000 faillites par an, ça, c'est une économie qui se porte bien.
CHRISTOPHE BARBIER
Normal.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Qui se porte bien. Aujourd'hui, nous ne voyons pas l'augmentation du nombre de faillites particulièrement…
CHRISTOPHE BARBIER
On a mis tout le monde sous perfusion !
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, on ne les a pas mis sous perfusion, on a compensé la perte de chiffre d'affaires, ce qui veut dire que quand l'entreprise redémarre, elle retrouve son chiffre d'affaires, donc il n'y a aucune raison qu'une entreprise qui était en bonne santé en entrée de crise soit en mauvaise santé en sortie de crise, et c'est ce sur quoi nous avons lancé récemment un plan avec Bruno LE MAIRE et Eric DUPOND-MORETTI, l'idée c'est de dire : si vous avez une difficulté de trésorerie, signalez-vous, parce qu'en fait, on a énormément de dispositifs d'accompagnement, et ce n'est pas nécessairement de l'argent, c'est tout simplement de mettre autour de la table les créanciers, de protéger l'entreprise le temps de trouver une solution, et de faire en sorte qu'elle passe ce cap.
CHRISTOPHE BARBIER
Il faudra encore prolonger les prêts garantis par l'Etat ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Pas nécessairement, cela peut se faire en mettant les créanciers bancaires classiques autour de la table, les fournisseurs, etc. c'est sujets que nous faisons de manière très classique pour les entreprises en difficulté, on en sauve 90 %, il n'y a aucune raison qu'on ne l'applique pas à des entreprises qui ont été, je dirais, heurtées par la crise, mais qui ont de bons fondamentaux. Après, il est normal que des entreprises qui ne fonctionnent pas bien, aillent à la faillite, là, c'est, je dirais, la vie courante des affaires, mais cela va s'étaler dans le temps, et je crois qu'on va retrouver un rythme normal de création d'entreprises et de faillites d'entreprises.
CHRISTOPHE BARBIER
Le plan de relance européen a enfin été adopté après un long processus de ratification mais quand est-ce que les milliards attendus en France vont arriver ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ils vont arriver cet été, 5 milliards d'euros sont d'ores et déjà attendus cet été…
CHRISTOPHE BARBIER
Sur un total de 30 environ ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Sur un total de 40, mais ce que je veux dire ici, c'est que nous n'avons pas attendu le plan de relance pour déployer des dispositifs qui pourraient faire l'objet d'un financement européen, c'est-à-dire que nous avons pris les devants avec le plan de relance français, nous avons construit un plan de relance qui soit complètement intriqué avec le plan de relance européen, de façon à ne pas perdre de temps, et nous avons négocié avec la Commission européenne dès le mois d'octobre, les chapitres sur lesquels nous nous sommes alignés, que ce soit la transformation numérique, que ce soit la transformation écologique, et sur lesquels nous savons que l'argent européen viendra en soutien de nos projets. Donc aujourd'hui, en France, sur les 100 milliards d'euros du plan de relance, d'ores et déjà, 30 milliards d'euros ont été déployés.
CHRISTOPHE BARBIER
Jean-Luc MELENCHON pense qu'un incident majeur, type attentat, va se produire juste avant la présidentielle. Il a été victime, d'après cette déclaration, d'une vidéo d'extrême droite, que pensez-vous de cette prophétie et de cette attitude de Jean-Luc MELENCHON ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je suis très inquiète de voir un grand responsable politique qui voudrait prétendre aux plus hautes fonctions dans notre République, qui se voit candidat à la présidence de la République, qui a été candidat à la présidence de la République, tenir des propos complotistes.
CHRISTOPHE BARBIER
Pour vous, c'est du complotisme ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je trouve ça totalement irresponsable, je vous invite aussi à noter qu'il a tenu des propos sur les difficultés des numéros d'urgence, en indiquant que c'était également une stratégie de « ils », alors, on ne sait pas qui sont « ils », pour privatiser les réseaux de télécommunication, alors, outre que les réseaux de télécommunication sont déjà privatisés, qu'il faudrait peut-être en informer monsieur MELENCHON, on voit qu'il y a une dérive inquiétante, et je crois qu'il est en train de perdre les pédales, et je trouve ça très regrettable, parce que quand on est un responsable politique, on a une responsabilité vis-à-vis des citoyens, qu'on ait des propos complotistes sur les réseaux sociaux, c'est dommageable, il faut faire de la pédagogie, il faut accompagner, mais je veux dire, chacun est libre de sa pensée, mais lorsqu'on est un responsable politique, on est tenu à la vérité vis-à-vis des citoyens, et ce n'est pas ce que fait monsieur MELENCHON.
CHRISTOPHE BARBIER
La campagne des élections régionales a du mal à prendre, vous êtes vous-même engagée dans les Hauts-de-France, la République En Marche plafonne dans la plupart des régions, pourquoi, c'est un problème de parti, l'implantation est récente et ratée, ou c'est un problème de gouvernement, c'est-à-dire, c'est votre bilan que les électeurs n'approuvent pas ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors moi, qui suis sur le terrain, je peux vous dire que lorsque vous poser des questions très simples, comme, mais le gouvernement, pensez-vous que le gouvernement a plutôt bien géré la crise sanitaire, pensez-vous que... est-ce que vous avez été correctement accompagné pendant la crise sanitaire ? Les réponses sont très régulièrement positives.
CHRISTOPHE BARBIER
Et pourtant, les intentions de vote ne suivent pas ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Parce que nous sommes un parti jeune, nous sommes encore peu implanté sur le terrain, je crois que là, j'enfonce une porte ouverte, d'abord, ce n'est pas la République En Marche, c'est : la majorité présidentielle, c'est un positionnement de centre droit, de centre gauche, et de personnes issues de la société civile, et notre enjeu, c'est de nous impliquer et d'aller chercher chaque voix sur le terrain, c'est ce que je fais, moi, dans le Pas-de-Calais, le Pas-de-Calais, c'est un département où vous avez une forte présence du Rassemblement national, et il est important que des élus, des personnes comme moi s'impliquent pour expliquer la politique du gouvernement, parce que le terrain a été tenu par beaucoup de gens qui disaient des contrevérités sur la politique du gouvernement.
CHRISTOPHE BARBIER
Mais est-ce que vous n'êtes pas débordé par la colère des citoyens qui considèrent que quelles que soient les explications données, il faut sanctionner l'exécutif ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je ne crois pas, parce que, pour le faire assez régulièrement, lorsque vous rentrez en connexion avec les citoyens, et lorsque vous discutez, vous arrivez assez vite à un propos beaucoup plus nuancé sur l'action du gouvernement, sur le fait que le gouvernement a été au rendez-vous pendant la crise sanitaire, et sur le fait qu'en fait, ils ne connaissent pas d'autres personnes qui auraient pu mieux gérer cette crise que président de la République. Ensuite, c'est naturel que dans un vote s'expriment des frustrations, des colères, et c'est à nous qu'il appartient de convaincre, et d'aller chercher et d'aller chercher chaque vote qui sera un succès.
CHRISTOPHE BARBIER
Le président de la République est aujourd'hui dans la Drôme, après le Lot, la semaine dernière, que doit-il faire de plus pour se réconcilier avec les Français ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois aujourd'hui que l'image du président de la République est beaucoup plus proche des Français que peut-être celle qu'ils en avaient en début de quinquennat, parce que, précisément, ces crises que nous avons collectivement traversées, ont rapproché le président de la République des Français, ont montré qu'il avait une attention, une considération pour les Français, je crois que le « quoi qu'il en coûte » l'a montré très clairement, que nous étions un gouvernement qui ne voulait pas laisser des gens au bord de la route, et je trouve très positif ce tour de France du président de la République, parce que le risque, lorsque vous êtes ministre ou lorsque vous êtes Premier ministre ou lorsque vous êtes président de la République, c'est de rester à Paris et d'être coupé des citoyens. Et donc, il est nécessaire régulièrement d'aller au contact des citoyens et d'avoir ce lien direct, je dirais, quasiment charnel avec les Français.
CHRISTOPHE BARBIER
Et quand les citoyens vous disent : on a essayé la droite, la gauche, la troisième voie Macronienne, eh bien, la prochaine fois, on essaiera Marine LE PEN, parce qu'il faut donner un grand coup de balai, que répondez-vous ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je leur réponds qu'au-delà, je dirais, de la facilité de ce raisonnement, que je comprends, au fond, que propose madame LE PEN, parce que Madame LE PEN, c'est la personne qui propose à la fois de baisser les charges pour les indépendants, mais en même temps, d'augmenter le SMIC pour les salariés, c'est la personne qui propose tout ce que veulent entendre les gens du Nord, c'est-à-dire plus de protection, l'interdiction des licenciements, l'augmentation des salaires…
CHRISTOPHE BARBIER
Du social...
AGNES PANNIER-RUNACHER
Et tout ce que veulent entendre les indépendants et les gens du Sud, c'est-à-dire, moins de charges sociales et plus de libertés ; et vous voyez bien que ce n'est pas possible. Madame LE PEN n'a pas de ligne politique en matière économique, madame LE PEN n'est pas présente au Parlement pour voter les lois, et madame LE PEN est au fond dans un discours de contestation permanente, on lui dirait qu'il faut faire rouge, elle dirait que ce n'est pas la bonne couleur, qu'il faut faire vert. Et quand on dirait vert, elle dirait qu'il faut faire rouge.
CHRISTOPHE BARBIER
Agnès PANNIER-RUNACHER, merci. Bonne journée
source : Service d'information du Gouvernement, le 9 juin 2021