Interview de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance, à BFM Business le 17 juin 2021, concernant la dette publique, la réforme des retraites, la consommation des Français, la French Tech, un impôt mondial sur les sociétés et l'élection présidentielle de 2022.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : BFM Business

Texte intégral

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mon invité, c'est Bruno LE MAIRE, le Ministre de l'Economie, des Finances et de la Relance. Bonjour BLMP.

BRUNO LE MAIRE
Bonjour Christophe JAKUBYSZYN.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
J'aurais pu rajouter Ministre de la dette, non ?

BRUNO LE MAIRE
La dette, malheureusement, n'est pas que l'apanage du Ministre des Finances. C'est la dette de tous les Français et c'est bien le problème. C'est une dette qu'il faudra rembourser et que nous commencerons à rembourser lorsque la situation économique sera revenue à la normale.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais si je vous dis ça, Bruno LE MAIRE, c'est que cette dette elle est inquiétante d'abord parce qu'on a passé le cap des 120 %. Je me rappelle, quand vous êtes arrivé Ministre de l'Economie, vous me disiez : moi Ministre de l'Economie, jamais on ne dépassera les 60 %. On est à 120. Ce n'est pas de votre faute, il y a eu la crise, mais il y a quand même 120 % et la Cour des comptes hier, d'ailleurs tout le monde nous dit qu'on va rembourser la dette Covid en plus de 60 ans, 67 ans, et qu'on n'arrivera pas à décélérer, on n'arrivera pas à repasser sous les 120 % avant 2026.

BRUNO LE MAIRE
Alors si on regarde dans notre histoire récente, c'est-à-dire depuis à peu près 20 ans, en 2000 nous avions à peu près le même niveau de dette que les Allemands. Ensuite, il y a eu la crise financière. Le dérapage, il date de là. C'est-à-dire qu'au lendemain de la crise financière, on est arrivé à 96-% de dette publique. Nous avions, avec le président de la République, stabilisé la dette et engagé la baisse de la dette et puis est arrivée cette nouvelle crise économique, et donc on arrive aujourd'hui à peu près à 117 %. Mais le vrai virage, ç'a été au lendemain de la première crise financière de 2008. Donc maintenant, nous avons 117 % de dette.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Comment on fait pour baisser ? Parce que vous comprenez bien que les Allemands ne vont pas nous laisser éternellement être à 120 %.

BRUNO LE MAIRE
Mais personne ne nous laissera éternellement à des niveaux de dette trop élevés, ce n'est pas simplement les Allemands. C'est tous nos partenaires de la zone euro.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Je dis les Allemands parce qu'on a la même monnaie.

BRUNO LE MAIRE
On ne peut pas dire Christophe JAKUBYSZYN, et je le dis à tous ceux qui nous écoutent, on ne peut pas expliquer que la zone euro nous protège et en prendre tous les avantages lorsque ça va mal et ne pas redresser nos comptes publics quand ça va bien. Ce serait totalement injuste et irresponsable. Ça s'appelle faire le passager clandestin et il n'y a pas de place pour les passagers clandestins dans la zone euro. Donc la dette, nous devrons la diminuer et revenir à des niveaux de dette qui soient plus acceptables.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais comment ? Parce que la Cour des comptes dit qu'il faudrait, rien que pour stabiliser, économiser 8 milliards d'euros de dépenses publiques par an.

BRUNO LE MAIRE
Alors nous avons présenté un projet de désendettement du pays. C'est le programme de stabilité que nous avons envoyé à nos partenaires européens, et moi je suis le garant de ce programme de stabilité qui prévoit qu'en 2027 on revient sous les 3 % de déficit public et que nous amorçons dès 2025 la baisse de la dette publique. Mais je veux être très clair là aussi sur ce sujet. Si nous voulons réduire la dette publique, il faut de la croissance mais la croissance ne suffira pas. Elle est indispensable mais ne laissons pas croire qu'elle suffira. J'ai toujours indiqué qu'il y avait deux éléments complémentaires qui sont indispensables. Le premier, c'est d'avoir une loi de finances qui soit pluriannuelle, c'est-à-dire qu'on se dise : voilà ce que nous allons dépenser pour 5 ans. Et pas simplement pour une année parce que, sinon, vous êtes sous une telle pression, et je le dis d'expérience, que finalement vous lâchez la bride systématiquement. Et le troisième élément qui nous permet de désendetter, c'est évidemment la poursuite de la transformation structurelle de notre modèle social et économique.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et donc les réformes.

BRUNO LE MAIRE
Nous avons commencé à le faire.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et donc la réforme des retraites.

BRUNO LE MAIRE
Et donc la réforme des retraites.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais est-ce que vous êtes audible aujourd'hui, Bruno LE MAIRE ? Est-ce que vous n'êtes pas un peu tout seul dans le désert en train de dire : « réforme des retraites, réforme des retraites » ?

BRUNO LE MAIRE
Mais non. Je vois des millions de Français qui disent, même à une majorité, qui ont conscience que pour sauver le système de retraite par répartition, il faut une réforme des retraites. Alors quand est-ce qu'elle aura lieu ? Ce sera au président de la République de le décider. Mais pour revenir au sujet de la dette, je veux être très clair sur ce sujet parce qu'il est fondamental pour la crédibilité de la France, pour son poids dans l'Union européenne et pour sa capacité de décision dans la zone euro, la croissance est nécessaire. Elle ne suffira pas. Il faut des règles de dépenses pluriannuelles et il faut poursuivre sur le chemin des réformes de structure.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
L'économie est de plus en plus difficile à expliquer aux Français. Parce qu'on a d'abord changé tous les repères là au cours des…

BRUNO LE MAIRE
Mais ils s'y intéressent de plus en plus.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Oui, ils s'y intéressent de plus en plus mais ils disent : on nous a dit pendant des années qu'on ne pouvait pas s'endetter, qu'on ne pouvait pas créer de monnaie alors qu'on a créé des centaines de milliards d'un claquement de doigts, et puis ils voient des économistes dont certains sont au Conseil d'analyse économique qui prônent pour l'hélicoptère monétaire. C'est-à-dire que la Banque centrale européenne fasse des chèques directement aux Français, 800 euros par Français, pour soutenir la croissance.

BRUNO LE MAIRE
D'abord la Banque centrale européenne, elle est indépendante et moi je tiens à l'indépendance de la Banque centrale européenne. Ce n'est pas au Ministre des Finances d'aller dire à la Banque centrale européenne ce qu'elle doit faire.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Non.

BRUNO LE MAIRE
Elle sait parfaitement ce qu'elle doit faire.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais il y a des économistes qui lui disent. Ils ont raison de réclamer de l'argent gratuit comme ça ?

BRUNO LE MAIRE
Non. Je pense que tout ce qui laisse croire aux Français qu'il y a des solutions de facilité et qu'il y a de l'argent gratuit qui va tomber du ciel comme la manne de la Bible, tout ça malheureusement ne tient pas la route.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Les Américains le font pourtant.

BRUNO LE MAIRE
Mais les Américains complètent des dispositifs de protection sociale qui n'existent pas par des soutiens à la demande. Je rappelle que la différence entre le modèle européen et le modèle américain, c'est que nous, nous avons des filets de protection sociale qui sont très forts. En 2020, le pouvoir d'achat des Français alors que le PIB s'effondrait de plus de 8 %, le pouvoir d'achat des Français a augmenté. Donc ce n'est pas nécessaire aujourd'hui de faire des chèques aux Français alors même que nous avons soutenu, par nos dispositifs de protection sociale, le pouvoir d'achat des Français.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous le disiez, la consommation est très forte. On le voit avec les chiffres des cartes bleues des dernières semaines que vous avez publiés hier. On les a largement décrits dans la matinale. Ça ne décélère pas, les Français consomment. Comment entretenir ce retour de la consommation et de la croissance ? On voit qu'il y a des goulots d'étranglement maintenant. Il y a certaines matières premières qui flambent, il y a des secteurs comme le BTP qui constatent que le prix d'approvisionnement dérape. Comment on fait pour rester dans un canal vertueux ?

BRUNO LE MAIRE
Je crois que le maître-mot, c'est la stabilité. Ce qui fait que les Français consomment, c'est qu'ils se disent : demain, ils ne vont pas augmenter les impôts, parce que sur la dette - il y a une dette - mais le Ministre des Finances nous a expliqué comment est-ce qu'on allait désendetter : croissance, dépenses pluriannuelles, réformes de structure. Si on n'est pas crédible sur notre stratégie de désendettement, la consommation des Français ralentira parce qu'ils anticiperont une augmentation des impôts. La cohérence de la politique que nous menons avec le président de la République et le Premier ministre, c'est de dire très clairement : nous n'augmenterons pas les impôts. Nous les avons baissés depuis 4 ans de 40 milliards d'euros - 20 pour les ménages, 20 pour les entreprises - mais la contrepartie de ce refus catégorique d'augmenter les impôts, c'est engager des réformes de structure et poursuivre sur le chemin de la transformation du modèle économique français.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors la transformation du modèle économique, on le voit la French Tech qu'on célèbre à VivaTech cette semaine. D'ailleurs je crois que vous serez à VivaTech tout à l'heure.

BRUNO LE MAIRE
Dans quelques instants, oui.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Voilà, dans quelques instants. Ce succès de cet écosystème, de la French Tech auquel beaucoup ne croyaient pas il y a quelques années, il est là. Tous les jours sur le plateau on reçoit ces entrepreneurs, ces innovateurs de la French Tech. Ce modèle, c'est bien mais ça ne suffit pas pour être au niveau des GAFAM par exemple américains ou chinois. Il y a encore beaucoup d'étapes à consolider.

BRUNO LE MAIRE
Pour moi, il y a deux étapes qui sont majeures. D'abord c'est un immense succès. Etre le pays qui est resté le plus attractif en Europe, c'est quand même un immense succès. On doit tous se réjouir, se dire : nous Français, nous sommes devenus le territoire le plus attractif pour les investissements étrangers. Nous sommes les premiers en Europe

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est ce que nous montrent les chiffres. Deux années de suite.

BRUNO LE MAIRE
Deuxième succès, nous avons levé plus de 5 milliards d'euros d'argent pour ces start-up, pour la tech française. Nous sommes les premiers en Europe. Enfin, c'est quand même formidable de se dire que la France retrouve la première place en Europe. Le seul point sur lequel, une fois encore, nous ne sommes pas les premiers ou nous sommes mal positionnés, c'est sur nos finances publiques. Donc c'est bien là-dessus que demain il faudra mettre l'accent pour, là aussi, être vertueux, être en bonne position. A partir de là, il y a deux défis pour ces start-up et pour le monde de la tech. Grandir : le président de la République l'a dit très clairement hier, on doit avoir 25 licornes, 25 entreprises de plus d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires d'ici 2025 et c'est à portée de main. Pour qu'on n'ait pas des petites entreprises hyper innovantes, agiles, imaginatives, créatrices qui sont le propre de la France qui, ensuite, se font avaler par les Etats-Unis ou par d'autres grands continents au détriment de l'emploi et de l'activité en France. Ça, c'est le premier défi. Ça passe aussi par l'échelle européenne. Le président de la République a lancé une initiative majeure sur ce sujet, et ça passe par les discussions que j'aurai dans quelques heures à Luxembourg sur l'Union des marchés de capitaux, qui doit permettre de faire des levées de fonds beaucoup plus importantes à l'échelle européenne. Le deuxième défi que je ne veux pas oublier, c'est que le monde de la tech c'est le monde des Français. De tous les Français sans exception, et c'est ça le vrai défi pour moi.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous êtes sûr que ce qu'on appelle la Start-up Nation, elle concerne tous les Français ?

BRUNO LE MAIRE
Mais elle doit concerner tous les Français. Et moi je préfère qu'on parle de technologies que de start-up, qui parfois est un mot qui dit peu de choses à certains, je voudrais que ce soit pour tous les Français. Quand vous avez une entreprise de technologie comme par exemple McPHY qui va faire de l'électrolyse à Belfort, c'est 400 emplois qui sont des emplois dans l'hydrogène pour tous les habitants de Belfort et de la région de Belfort. Ça doit irriguer tous les territoires sans exception. Ça ne doit pas être le monopole des métropoles. Ça doit être dans les territoires ruraux, dans les villes moyennes. Partout en France, la tech doit créer des emplois et de l'activité et prendre le relais des anciennes créations de valeurs françaises.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Est-ce que pour être au niveau des Américains, il faut rabaisser les Américains ? On parle beaucoup de démantèlement des GAFAM, y compris le président de la République dit qu'on peut y songer. Est-ce que vous pensez qu'il faut démanteler les GAFAM américains, c'est-à-dire les scinder en deux ou trois ?

BRUNO LE MAIRE
Je pense que c'est à l'administration américaine de le décider, pas à nous. Enfin je pense qu'on apprécierait assez moyennement que l'administration américaine nous dise : attendez, dans le luxe, là vous êtes vraiment trop puissants, il faudrait démanteler LVMH.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
LVMH, premier contribuable aussi.

BRUNO LE MAIRE
Je pense que nous le prendrions très mal et nous aurions raison. Donc ce n'est pas à un membre du gouvernement français d'aller expliquer qu'il faut démanteler telle ou telle entreprise. En revanche, c'est à nous de défendre, et nous le faisons bec et ongles avec Emmanuel MACRON, une régulation qui soit la même pour tous. Les règles de la concurrence, elles ne peuvent pas s'arrêter aux frontières européennes, donc il faut plus de régulation pour les géants du digital et ces règles que nous proposons doivent s'imposer en Europe mais aussi dans le reste du monde.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Autre règle que vous voulez imposer, c'est une taxation juste. Alors il faut définir ce mot « juste » mais il y a deux piliers dans ce que le G7 a validé il y a quelques jours et ce que le G20 s'apprête à faire : c'est un impôt minimal mondial, on parle de 15 %. Première question, est-ce que vous êtes sûr que ça suffit 15 % ? Certains économistes disent : c'est ridicule 15 %, c'est un encouragement finalement au dumping fiscal à 15 %. Et deuxième, est-ce qu'il faut une taxation spécifique aux GAFAM ou qui aux groupes qui font le plus de profits dans le monde ? Ça inclurait par exemple LVMH.

BRUNO LE MAIRE
Alors d'abord sur les économistes qui disent que c'est insuffisant, que ce serait une incitation à frauder, il faut vraiment être d'une malhonnêteté intellectuelle totale pour prétendre que ce n'est pas une avancée.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On parle de PIKETTY.

BRUNO LE MAIRE
Oui. J'ai lu sa tribune qui mélange absolument tout. Elle mélange les grandes entreprises avec les particuliers. Enfin cette taxation internationale, elle n'est pas faite pour les particuliers : elle est faite pour les entreprises. Et je pense qu'un minimum d'honnêteté intellectuelle dans le débat, surtout quand on se dit économiste, ça n'est pas mauvais pour la clarté du débat démocratique. Ensuite, quelles sont les lignes rouges que nous allons défendre lors du G20 qui aura lieu à Venise en Italie d'ici quelques semaines et qui doit entériner l'accord du G7, des grandes puissances occidentales que nous avons obtenu à Londres ? La France a trois lignes rouges et le président de la République, depuis 4 ans qu'il se bat et que nous nous battons ensemble pour cette taxation digitale, a été très clair. La première, c'est que ce fameux pilier 1, la taxation digitale, inclut toutes les entreprises du digital sans exception, et pour être très clair AMAZON compris.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Parce qu'on s'est aperçu que peut-être la proposition qui était au départ sur la table permettait à AMAZON d'y échapper.

BRUNO LE MAIRE
Oui mais dans ce cas-là, il faudra segmenter les activités….

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est un commerçant et comme tous les commerçants, ses marges sont faibles.

BRUNO LE MAIRE
Oui, d'accord, mais il y a des activités de commerce et le Market Place d'AMAZON, elles sont peut-être peu rentables et donc elles ne seront pas taxées. Mais AMAZON a aussi des activités dans le Cloud qui sont très rentables et donc AMAZON devra être dans le champ de la taxation digitale. C'est la première ligne rouge française. Que aucun des géants du numérique n'échappe au pilier 1, c'est-à-dire la taxation digitale. Deuxième ligne rouge, nous n'irons pas sous les 15 %. 15 %, nous l'avons dit à Londres, c'est un point de départ. Donc pour la taxation minimale ? il faut que ce soit 15 %.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Londres qui veut La City en soit exclue par exemple. C'est possible ça ou c'est une ligne rouge ?

BRUNO LE MAIRE
Londres met ses propositions sur la table. Nous, nous disons 15 % minimum. Et la troisième ligne rouge française, c'est qu'il y ait le moins d'exemptions possible. Parce qu'évidement au fur et à mesure que la négociation avance, on voit chaque Etat qui vous explique : moi je ne veux pas cette activité, je ne veux pas cette activité, je ne veux pas de telle autre activité. Il peut y avoir des activités qui sont exclues. Parfois pour des raisons très techniques, certaines activités peuvent être exclues et ça peut être raisonnable. On doit tenir compte aussi, c'est très important, des attentes des pays en développement qui eux nous disent : attention, nous on est dans une situation beaucoup plus difficile, on a besoin de certaines recettes fiscales donc il faut une ou deux exemptions. Mais je le redis, c'est la troisième ligne rouge française, les exemptions doivent rester des exceptions. Elles ne doivent pas être la règle.

BRUNO LE MAIRE
Mais si final des pays, y compris des pays européens comme l'Irlande, disent : la souveraineté fiscale, ce que veulent les Irlandais en matière d'impôts, ce sont les Irlandais qui décident.

BRUNO LE MAIRE
Christophe JAKUBYSZYN, j'aurai l'occasion de le dire avec beaucoup de force une nouvelle fois à mon homologue irlandais dans quelques heures à Luxembourg, Paschal DONOHOE, qui est par ailleurs un Ministre des Finances tout à fait remarquable et qui comprend nos arguments. L'Irlande ne peut pas nous dire : moi je fais ça et puis tant pis pour vous. Parce que la réalité, c'est que ça tire tout le monde vers le bas, c'est que ça ne concerne pas que l'Irlande.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Oui, mais comment vous allez les convaincre ?

BRUNO LE MAIRE
C'est bien sympathique de nous dire : attendez, c'est notre souveraineté à nous Irlandais, mais ce n'est pas ça la vérité. La vérité, c'est que lorsque l'Irlande fait du dumping fiscal, c'est tous les autres pays, France en tête, qui en souffrent. Parce que du coup, vous avez des multinationales qui sont implantées en France, qui font des profits en France, qui délocalisent leurs profits dans un Etat comme l'Irlande où le taux d'impôt sur les sociétés est plus faible et nous perdons des recettes fiscales qui nous reviennent de droit.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Une dernière question. Vous pensez que l'économie sera un thème central de la campagne présidentielle ?

BRUNO LE MAIRE
Moi je le souhaite parce que derrière l'économie, il y a le niveau de vie de nos enfants et nos petits-enfants. Il y a le modèle de société que nous voulons. Il y a les règles démocratiques que nous voulons. Il y a beaucoup de choses qui se jouent dans l'économie. L'économie, j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, l'économie est politique. L'économie a du sens politique et je pense que s'il y a une leçon à tirer de la crise que nous venons de traverser la plus importante depuis 1929, c'est que l'économie ne se suffit pas à elle-même. Que l'économie doit être politique, c'est-à-dire répondre à une vision de la société.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il n'y aura pas d'autres thèmes dans la campagne ? Par exemple le laisser-aller ?

BRUNO LE MAIRE
Il y aura le thème d'une France qui a peur du déclassement, déclassement éducatif, déclassement culturel, déclassement territorial. Moi je souhaite qu'on pose toutes ces questions et qu'on y apporte des réponses. Je considère que le président de la République a apporté des réponses très fortes pendant 5 ans, qu'il faut aller plus loin maintenant mais que c'est l'avenir de la nation française qui se joue dans cette élection présidentielle, peut-être de manière plus grave que ça n'a été le cas lors des dernières élections présidentielles. Donc mettons les vrais problèmes sur la table : ceux de l'éducation, ceux de notre culture, ceux de notre niveau de vie et de ce que nous avons chacun comme richesse pour nos enfants et nos petits-enfants, et évitons les polémiques stériles qui justement obscurcissent le débat démocratique.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On aura l'occasion d'en parler j'imagine dans les prochains mois. Merci Bruno LE MAIRE, Ministre de l'Economie, des Finances et de la Relance d'avoir été l'invité de la matinale de Good Morning Business.

BRUNO LE MAIRE
Merci Christophe JAKUBYSZYN.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 juin 2021