Texte intégral
Q - Notre invité, le secrétaire d'Etat aux affaires européennes, bonjour Clément Beaune.
R - Bonjour.
Q - Les Anglais ont baptisé ce lundi le "freedom day", "le jour de la liberté", c'est la fin de presque toutes les restrictions sanitaires, alors que le Royaume-Uni a compté plus de 50000 cas, encore samedi, ils atteignent quasiment leur pic de l'hiver dernier. Comment est-ce que vous qualifiez cette stratégie du Premier ministre britannique, est-ce que c'est de l'audace, est-ce que c'est de l'entêtement, est-ce que c'est de l'irresponsabilité ?
R - Non, ce n'est pas à moi de qualifier cela, il y a eu un débat au Royaume-Uni, donc, on voit que partout dans nos pays, malheureusement, la pandémie est encore là et l'arme c'est la vaccination. Les Britanniques...
Q - Ils sont plus vaccinés que nous, les Britanniques.
R - Ils sont un peu plus vaccinés que nous, même si le rythme est chez nous plus soutenu, mais ils sont un peu plus vaccinés que nous, et, vous le savez, il y a eu déjà un report des réouvertures au Royaume-Uni...
Q - D'un mois, oui.
R - D'un mois, ce qui montre bien que même dans un pays où on a vacciné, vacciné effectivement encore un peu plus fort que chez nous, il y a eu cette prudence, donc aujourd'hui, il y a la levée de restrictions, qu'on a déjà chez nous, pour la plupart, mais ça montre aussi qu'on doit chercher cet équilibre...
Q - Mais c'est irresponsable ce que fait Boris Johnson ?
R - Non, je ne crois pas que ce soit irresponsable, il y a des choses qu'on ne fait pas chez nous, comme la levée généralisée du masque, mais cela a été un débat aussi au Royaume-Uni. On a vu que le Premier ministre Johnson lui-même était de nouveau cas contact, donc, la pandémie n'est pas finie. Chacun trouve son équilibre et son rythme. Ce que je vois, en regardant l'Europe, c'est que des pays qui ont eux rouvert parfois trop vite, peut-être imprudemment, les boîtes de nuit sans contrôle, on l'a vu en Espagne...
Q - Vous voulez dire les Pays-Bas par exemple, l'Espagne ?
R - Les Pays-Bas peut-être, il ne s'agit pas de stigmatiser, il s'agit de tirer des leçons pour éviter que cela arrive trop vite et sans précaution, chez nous ou ailleurs.
Q - Juste un point sur le Royaume-Uni : un Français, ou un Européen, qui va au Royaume-Uni doit faire une quarantaine de dix jours, ce n'est pas le cas pour un Britannique qui va en France. Est-ce que vous pourriez mettre en place ce genre de mesure de quarantaine ?
R - On y réfléchit, mais nous, vous savez, on a des critères sanitaires, il nous semble que la mesure que prend le Royaume-Uni n'est pas complètement fondée scientifiquement. Nous la jugeons excessive, parce qu'elle est fondée sur la diffusion, sans être trop détaillée, du variant Bêta, sud-africain, qui en réalité est désormais assez bien maîtrisé. C'est l'autre variant, Delta, qui nous préoccupe davantage. Et nous, ce que nous faisons pour le Royaume-Uni comme pour tous les autres pays, c'est que nous avons les critères scientifiques et sanitaires. Nous avons renforcé ce week-end les mesures à l'égard du Royaume-Uni : ce n'est pas une quarantaine, quand vous êtes vacciné et que vous venez, vous revenez du Royaume-Uni, pas de problème, quand vous n'êtes pas vacciné, vous êtes soumis à un motif impérieux pour rentrer sur le territoire et à un auto-isolement.
Q - Donc, depuis ce week-end, pour un certain nombre de pays européens, le Royaume-Uni, l'Espagne, la Grèce, Chypre, le Portugal, et les Pays-Bas, je crois, il faut un test de moins de 24 heures. Savez-vous combien de contrôles ont été effectués ces dernières 24h, à ce propos, est-ce que cela a été renforcé ?
R - Non, je n'ai pas le chiffre des contrôles, mais cela a été renforcé...
Q - Parce qu'il y a des témoignages recueillis par exemple à l'aéroport d'Orly, où on voyait, hier, que des voyageurs revenaient d'Espagne, ils n'étaient pas soumis vraiment à des contrôles renforcés et que c'était très aléatoire. Et, au fond, on ne vérifiait jamais leur test.
R - Oui, je l'ai vu, je l'ai vécu moi-même, mais nous avons dit très clairement, aux compagnies aériennes, aux aéroports, il faut être extrêmement sérieux.
Q - Vous l'avez vécu vous-même, c'est-à-dire que vous avez repassé la frontière sans qu'on contrôle votre test ?
R - Il y a déjà quelques semaines, parce que c'était le tout début de la mise en place du pass sanitaire, mais nous le disons très clairement, je crois que c'est l'intérêt collectif, c'est l'intérêt du secteur du transport aérien et du secteur du tourisme, soyons très rigoureux ; c'est lourd, très sérieux, c'est difficile ; mais si nous ne le sommes pas, nous serons tous soumis à des restrictions plus difficiles, et donc c'est l'intérêt, je crois, de faire ces contrôles systématiques. Et ce que nous faisons, nous, pouvoirs publics, c'est les contrôles des contrôles, c'est-à-dire nous vérifierons, dès cette semaine, de manière ciblée, que les compagnies aériennes, que les aéroports, - c'est la responsabilité d'abord des compagnies, - font ces contrôles systématiquement à l'embarquement, même en Europe, et surtout, évidemment, pour les pays qui sont les plus à risque.
Q - Il y a des Français qui sont partis faire la fête ce week-end à Barcelone, s'il reprennent la route vers Montpellier, ils seront contrôlés sur l'autoroute ?
R - Il y aura, - il faut être franc - il n'y aura pas de contrôles systématiques sur toute personne qui est en voiture, parce que c'est impossible à faire, mais il y aura des contrôles ciblés, en effet, et les préfectures concernées en ont déjà développés ces dernières semaines, parce que, oui, un des problèmes que nous avons vécu, c'est pour ça que j'ai parlé de l'Espagne et de la Catalogne en particulier, c'est qu'il y a beaucoup de jeunes, français, je les comprends, qui sont allés faire la fête en Catalogne, qui sont revenus, et en Espagne il n'y avait pas de protocole sanitaire très strict. Cela s'est d'ailleurs renforcé en Espagne et au Portugal, qui ont dû prendre parfois même des mesures de couvre-feu pour faire face à une situation qui s'est développée trop vite.
Q - Justement, si on prend la Catalogne, juste de l'autre côté de la frontière, les Pyrénées-Orientales, on est à 300 cas pour 100.000 habitants, c'est-à-dire six fois le seuil d'alerte, cela progresse très vite. Des mesures ont été prises avec une fermeture des restaurants à 23h. Est-ce qu'on peut imaginer dans les prochains jours des mesures de couvre-feu localisées, en France, dans les départements où cela progresse le plus ?
R - C'est une possibilité, je ne veux pas être alarmiste parce que la situation peut être maîtrisée...
Q - Mais ce n'est pas exclu ?
R - Mais ce n'est pas exclu, le Président de la République l'a dit dans son intervention lundi dernier, il a parlé d'un seuil d'incidence de 200...
Q - Il avait parlé de jauges, il n'avait pas parlé de couvre-feu.
R - Oui, c'est adapté en fonction de ce que les préfets estiment nécessaire, mais il faut avoir cette arme entre les mains, si une situation devient incontrôlée.
Q - Donc il peut y avoir des couvre-feux le week-end prochain dans les Pyrénées- Orientales, les Alpes-Maritimes ?
R - Je n'ai aucune annonce à faire à cet égard, ce que je veux dire c'est que des mesures de restrictions adaptées aux territoires et en fonction de la gravité de la situation, oui, peuvent être prises. Ce n'est pas idéal et ce n'est pas ce que nous souhaitons, mais c'est nécessaire en attendant que la vaccination progresse.
C'est aussi le message que je passe : la seule arme à la fin des fins pour lutter contre tout cela, éviter les restrictions, ne pas retomber dans des mesures générales et très contraignantes, c'est le vaccin.
Q - Donc justement, aujourd'hui, Clément Beaune, Conseil de défense, Conseil des ministres pour examiner le projet de loi sur la crise sanitaire et les nouvelles mesures. Le ministère de l'Intérieur a compté 114.000 personnes dans les rues de France, ce samedi, pour protester contre ce projet de loi, on va revenir sur certains de leurs arguments. Mais d'abord, je voudrais savoir ce que vous avez pensé de certains, minoritaires dans ces rassemblements, mais qui ont parlé de dictature, de rafles, on a vu des étoiles jaunes, des références à Auschwitz, par exemple. Qu'est-ce que vous avez pensé, comme membre du gouvernement, mais aussi comme citoyen?
R - C'est minoritaire, heureusement, mais en effet nous avons vu, même parfois chez des responsables politiques, des propos qui sont abjects.
Q - Quels responsables politiques particulièrement ?
R - Je pense à M. Dupont-Aignan, à M. Philippot, malheureusement à une députée...
Q - Martine Wonner.
R - Qui fut, - parce que je ne considère plus qu'elle y appartienne évidemment - à la majorité, Mme Wonner, tout cela est abject. C'est heureusement... je ne veux pas leur donner plus d'importance que cela, parce qu'à côté de cela, il y a quatre millions de Français qui vont se faire vacciner, il y a des millions de Français qui demandent le vaccin, qui se protègent, qui prennent leurs responsabilités, et qui ont fait des efforts. Mais quand on compare le pass sanitaire à l'étoile jaune, c'est au-delà du déraisonnable, c'est honteux, c'est immoral et c'est monstrueux. Et on doit avoir, a fortiori quand on est responsable politique, mais comme citoyen, le sens des responsabilités, le sens de l'Histoire.
Qu'on ait un débat, et qu'on se pose des questions, et qu'on soit contre, c'est la démocratie, le pass sanitaire, ou l'état d'urgence, ou je ne sais quoi ; mais dire que c'est une dictature, c'est autre chose, et cela, c'est un scandale. Et aller faire des comparaisons historiques avec la Shoah et l'étoile jaune, là, on franchit toutes les limites de la morale.
Q - Vous avez parlé publiquement de votre arrière-grand-père qui a été gazé à Auschwitz. Est-ce que vous avez pensé à lui on entendant ces slogans ce weekend?
R - Très franchement, je ne veux pas faire de cas personnel, nous avons tous dans nos familles, mais dans notre Histoire de France, le souvenir douloureux de ces épisodes, et donc quand on entend ce genre de propos, évidemment, on y pense.
Mais surtout, moi, j'appelle à la responsabilité, à la modération, et puis, tout simplement à un sens de la République, de la France et de l'Histoire. La plus belle leçon a été donnée par ce rescapé qui a dit "moi je sais ce que c'est que l'étoile jaune", les délires complotistes et monstrueux de ceux qu'on a vu en premières lignes de cortèges pour se faire de la publicité, à la télé ou sur les réseaux sociaux, ce n'est pas à la hauteur et c'est dégueulasse.
Q - Il y avait dans ces manifestations, des gens effectivement extrémistes, antisémites, mais il n'y avait pas que cela...
R - Bien sûr.
Q - Il y avait des gens qui étaient contre le vaccin, il y avait aussi des gens qui n'étaient pas contre le vaccin mais contre le principe du pass sanitaire au nom des libertés publiques. Ou par exemple, les restaurateurs qui se demandent pourquoi ? Est-ce qu'ils vont devoir faire la police, faire le tri entre leurs clients, et qui se demandent comment ils vont faire concrètement. Est-ce qu'il ne faut pas entendre aussi ces arguments-là, pratiques ?
R - Vous avez raison, cela c'est très différent ; encore une fois, les propos abjects et les questions légitimes d'un professionnel qui veut savoir comment cela fonctionne, ce n'est pas du tout la même chose. Donc oui, on entend, bien sûr, pour les restaurateurs en particulier, pour les professionnels de la culture, la déception que c'est d'avoir de nouveau une contrainte. Je pense qu'ils comprennent aussi que si nous n'avons pas ces contraintes organisées, préparées et ciblées, nous risquerions d'avoir des contraintes générales à la rentrée, et donc on veut l'éviter. Et je crois que c'est dans l'intérêt collectif. Après, les questions qu'ils se posent, c'est comment cela marche, et donc, on a donné un délai, pour les mineurs, pour les salariés de ces secteurs, pour que jusqu'à la fin du mois d'août on ait un petit peu d'espace, un peu de marge de manoeuvre...
Q - Il ne pourrait pas y avoir un délai, par exemple, pour les restaurateurs, que ce soit repoussé à la mi-août, fin août, mi-septembre, comme l'espèrent certains parlementaires ?
R - Ce n'est pas ce qui est prévu. Il y aura un débat parlementaire, mais pourquoi on le fait vite ? Parce qu'il y a urgence à contenir l'épidémie, et évidemment plus vous le faites tard, plus vous laissez l'organisation se faire et plus c'est facile, sur le plan pratique, je le comprends, mais plus, aussi, vous risquez que le variant, - vous avez parlé de certains départements très touristiques -, se développe, et qu'à ce moment-là, on n'ait pas d'autre choix que de prendre des mesures plus dures, plus contraignantes et moins ciblées.
Q - Enfin, pour un restaurateur, par exemple, un an d'emprisonnement, 45.000 euros d'amende, c'est plus que ce que prévoit le code pénal pour des coups et blessures avec moins de huit jours d'interruption de travail.
R - Je vais être très clair là-dessus : personne ne pense qu'un restaurateur est un criminel, personne ne pense qu'un restaurateur est un délinquant ; il veut travailler, il se pose des questions pour savoir comment cela marche...
Q - Mais c'est ce que prévoit le projet de loi !
R - Oui, mais c'est un dernier recours, c'est un ultime recours après une gradation de mesures, et vous le savez, quand on prévoit des peines, l'idée est aussi que le message soit dissuasif, mais on ne les applique pas dans toute leur rigueur, la première fois, et pour tous. C'est un ultime recours.
Q - Bruno Le Maire dit : "c'est excessif 45.000 euros", cela ne pourrait pas être une amende de 1.500 euros ?
R - Non, mais ce n'est pas 45.000 euros qui sera appliqué aux restaurateurs, le 1er ou le 5 août, quand les mesures vont se mettre en place. On regardera au cas par cas, ce sera décidé par la justice le cas échéant, c'est un plafond, un grand maximum, en ultime recours, encore une fois, et dont le message est simple, c'est de dire que la situation est préoccupante, que nous avons les moyens d'agir et nous prendrons des mesures de contrôle, voire de sanctions.
Mais je crois qu'honnêtement, au Gouvernement, au Parlement, personne n'a envie de sanctionner un restaurateur. Nous le ferons si certains ne sont pas responsables, s'ils ne sont pas sérieux et s'ils ne s'organisent pas, mais il y aura une proportionnalité et une progressivité.
Q - Clément Beaune, le 12 mai dernier, sur France 2, vous disiez, je cite, "Je pense que le pass sanitaire serait excessif parce qu'on créerait une société à deux vitesses". Je vais vous demander pourquoi vous avez changé d'avis, parce qu'il y a effectivement le Delta et la situation sanitaire a changé, mais est-ce que ce que vous décriviez à l'époque n'est pas toujours juste aujourd'hui ? Le pass sanitaire va créer une société à deux vitesses, les Français vaccinés, les Français non vaccinés, et on sait que parmi les non-vaccinés il y a des gens qui sont des anti-vaccins, mais il y a aussi des plus précaires, ceux qui sont loin de l'information, parfois qui ne parlent pas français. Vous fracturez la société, non ?
R - Si je peux revenir une seconde sur ce que j'ai dit le 12 mai, c'était parce qu'aujourd'hui il n'y a pas d'accès généralisé au vaccin. Bien sûr, il y a le Delta qui a changé la donne, c'est évident, personne ne met le pass sanitaire dans toutes ses activités de vie quotidienne de gaieté de coeur, moi non plus, personne au Gouvernement, mais non seulement il y a le Delta, mais je l'ai dit, la grande différence, c'est qu'aujourd'hui le vaccin est accessible à tous, y compris...
Q - Mais est-ce que ce n'est pas quand même une société à deux vitesses qui va exister à la rentrée pour nous ?
R - Mais j'espère que cela va durer le moins longtemps possible, et encore une fois, gouverner c'est choisir, et choisir c'est difficile. Le choix c'est entre laisser le variant filer, je crois que personne ne le veut, et quand on voit à quelle rapidité il galope malheureusement, dans certains territoires en particulier, c'est très préoccupant ; ou alors vous faites des restrictions générales pour éviter cette propagation, ou alors, parce que le vaccin est accessible aujourd'hui à tous, ce qui fait la grande différence par rapport à ce que nous vivions encore au mois de mai. Heureusement, parce que nous avons accéléré, il est gratuit, il est généralisé, il est disponible pour les mineurs. On a vu d'ailleurs que des millions de Français s'étaient connectés pour prendre rendez-vous, cette semaine. Et donc, nous trouverons, oui, un équilibre proportionné, entre des restrictions, la protection sanitaire et une société que nous souhaitons la plus ouverte et la plus inclusive possible, dans ce contexte.
Q - Dernière chose brièvement sur la situation sanitaire. Le projet de loi prévoit des sanctions sur l'isolement, c'est-à-dire que les personnes positives devront s'isoler pendant dix jours, le Président n'en n'a pas parlé l'autre jour dans son allocution, est-ce que c'est parce que vous craignez que ce soit retoqué par le Conseil d'Etat aujourd'hui ?
R - Ecoutez, moi, je n'ai pas de commentaire à faire parce que c'est, je crois, en effet dans le projet de loi. Nous verrons ce qui est débattu, un projet de loi il est commenté, il fuite parfois, mais...
Q - Cela pourrait ne pas rester au bout du compte ?
R - Je ne sais pas, mais ce que je sais c'est qu'un projet de loi est complet quand il est sorti du Conseil d'Etat et approuvé en Conseil des ministres, et moi, je ne commente pas un projet de projet de loi qui n'est pas encore connu.
Q - Clément Beaune, Angela Merkel s'est rendue hier dans les villages dévastés par les inondations historiques en Allemagne, elle appelle à se presser pour lutter contre le réchauffement climatique. Est-ce que le Pacte vert, qui a été présenté par la Commission européenne la semaine dernière, qui a surpris par son ampleur, par son ambition, est de nature à changer les choses et à changer aussi notre vie quotidienne ?
R - Je crois, et c'est indispensable, c'est un signal d'alarme et un rappel très brutal ce qui se passe tragiquement en Allemagne, en Belgique et dans plusieurs autres pays européens, on le voyait encore ce matin, presque 200 morts en quelques jours, c'est monstrueux. Et donc, c'est un des effets - je ne suis pas scientifique, il faut être prudent - mais c'est sans doute un des effets du dérèglement climatique. Donc oui, l'Europe a présenté ce qu'on appelle un Pacte vert, qui est, je le souligne, le plus ambitieux du monde. Nous sommes les plus rapides et les plus ambitieux. Et nous avons des règles secteur par secteur, dans l'automobile, dans le secteur du bâtiment, dans le secteur des transports. Après, il faudra trouver un équilibre entre l'ambition climatique, bien sûr, et l'accompagnement social en particulier, parce qu'il ne s'agit pas de dire aux gens demain vous changez tout et ça vous coûtera plus cher, de changer votre voiture, d'isoler votre maison, et on ne vous aide pas. C'est cet équilibre qu'on doit trouver.
Q - Parce que concrètement, sans rentrer dans le détail, le Pacte
Vert veut élargir le marché du carbone notamment pour le transport routier. Cela veut dire que concrètement, tous les produits que l'on va acheter au supermarché, qui viennent par le transport routier vont coûter plus cher. C'est d'une certaine manière, cette idée de la fiscalité carbone qui avait déclenché les gilets jaunes il y a trois ans.
R - Attention, parce que c'est l'idée de donner un prix au carbone parce que tout cela a un coût pour la société, quand on voit le drame humain, matériel, que cela implique. On voit bien que tout cela, de toute façon, a un coût, que vous payiez par vos impôts ou par vos cotisations, de toute façon. Donc l'idée, c'est d'étendre, possiblement, à certains secteurs, comme la construction, comme le transport, on parle d'après 2026...
Q - Oui, mais c'est demain 2026, cela veut dire qu'il faut des aides...
R - Bien sûr, mais attention, c'est une proposition de la Commission...
Q - Des aides pour les ménages, par exemple ?
R - C'est une proposition de la Commission à ce stade, nous sommes vigilants, justement, sur ce point, c'est un des points d'alerte que la France a fait, nous discuterons du rythme, et surtout, en effet, la clé c'est l'accompagnement social ; c'est-à-dire que l'argent qui pourrait être recueilli par ce prix du carbone au niveau européen, nous voulons le réinvestir le plus intégralement que l'on peut, dans l'accompagnement des ménages, des classes moyennes qui sont en difficulté, parce que pour elles, effectivement, c'est très compliqué d'acheter une voiture électrique, de se dispenser d'un véhicule parce qu'on habite à 10, 20, 50 kilomètres de son travail.
Q - Clément Beaune, il y a un autre sujet d'actualité européenne, la Cour de justice de l'Union européenne dans un arrêt, il y a quelques jours, a conclu que les militaires doivent être soumis aux mêmes droit du travail que n'importe quel travailleur, y compris pour le temps de travail. Donc cela a fait dire par exemple à Edouard Philippe, l'ancien Premier ministre, dans "Le Monde", je le cite, "que cela menace la souveraineté et la sécurité de la France." On ne va quand même pas appliquer les 35 heures aux militaires en opération ?
R - La réponse est claire, évidemment, non, et c'est la position qu'a défendu la France, après je ne veux pas qu'on instrumentalise les choses, il faut, sur ces sujets graves, beaucoup de sérieux et beaucoup de prudence. Il y a une décision de la Cour de justice de l'Union européenne qui ne concerne pas la France, qui concerne la Slovénie, qui peut s'appliquer à nous, mais...
Q - On est les seuls à avoir une vraie armée déployable à travers le monde.
R - Bien sûr, et d'ailleurs, je le signale, dans cette décision de la Cour, puisqu'il y a beaucoup de commentaires, parfois de bons juristes, parfois de moins bons juristes, qui s'improvisent juristes, la Cour reconnaît la spécificité des armées engagées à l'extérieur, notamment des armées françaises...
Q - Mais est-ce qu'il y a un problème pour la souveraineté, comme le dit Edouard Philippe ?
R - Il y aurait un problème si on appliquait le temps de travail normal à nos militaires...
Q - Ce ne sera pas le cas ?
R - Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Il y aura une interprétation qui devra être donnée par notre Conseil d'Etat, en France, tout cela dans plusieurs mois ; et si, je suis très clair, la ministre des armées l'a dit, s'il y avait un problème juridique, c'est-à-dire si le texte européen était ambigu sur l'application du droit du travail aux militaires, nous demanderions, nous avons la présidence de l'Union européenne dans quelques mois, le changement de ce texte.
Donc, ne paniquons pas, non, nos armées ne seront évidemment pas soumises aux 35 heures et au droit du travail normal ; ne stigmatisons pas non plus la Cour de justice de l'Union européenne, qui n'a pas dit cela.
Nous regardons, dans les prochaines semaines, comment appliquer les choses, mais une priorité simple, claire, nos armées continueront toutes leurs missions.
(...)
Q - Merci, Clément Beaune, et bonne journée.
R - Merci. Bonne journée.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 juillet 2021