Interview de Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports, à France Info le 23 juillet 2021, sur le début des JO de Tokyo, sa reconnaissance au Japon d'avoir maintenu ces Jeux et l'objectif des 40 médailles Françaises minimum.

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Texte intégral

MARIE BERNARDEAU
Bonjour Roxana MARACINEANU.

ROXANA MARACINEANU
Bonjour.

MARIE BERNARDEAU
Vous vous apprêtez à partir pour le Japon, vous serez à Tokyo dimanche, les équipes de France Info y sont déjà, je vous propose qu'on y aille pour commencer et qu'on retrouve Jérôme CADET.

(…) Entretien avec Jérôme CADET depuis Tokyo.

MARIE BERNARDEAU
Roxana MARACINEANU, j'ai dit une bêtise…

ROXANA MARACINEANU
Dimanche prochain.

MARIE BERNARDEAU
Vous serez à Tokyo dimanche prochain, le 1er août. Ils ont un goût un peu amer ces jeux ?

ROXANA MARACINEANU
Non, ils ont un goût de victoire, déjà, parce qu'ils se tiennent malgré un report d'un an, je crois que pour les athlètes c'est très important parce que tout simplement ils peuvent faire leur métier, c'est leur métier d'être sportif de haut niveau, on a préservé ce statut pendant toute cette crise sanitaire, et c'est vrai qu'ils s'inquiétaient. Depuis 5 ans maintenant ils se préparent pour cette compétition, c'est une compétition rare, c'est une compétition qui, pour certains sports, est la seule compétition majeure de leur carrière, et donc c'est très important, d'autant plus que dans 3 ans, on a les Jeux en France et qu'ils veulent exister, performer, briller, à Paris, et pour eux c'est important de faire cette répétition à Tokyo.

JEAN-JEROME BERTOLUS
On entend ce que vous dites bien sûr, et vous êtes vous-même une ancienne athlète de haut niveau, vous avez été médaillée à Sydney, mais, en même temps, vous parlez pour les athlètes, mais pour les téléspectateurs, pour les habitants au Japon, pour, on va dire pour le monde entier, est-ce ce n'est pas des Jeux un peu lugubres qui se tiennent en pleine pandémie, fallait-il les maintenir à tout prix ?

ROXANA MARACINEANU
Bien sûr je parle pour les athlètes parce que je suis ministre des Sports, je les ai accompagnés maintenant depuis 15 mois pour les maintenir aussi motivés, aussi en activité, alors qu'ils ont arrêté [les compétitions] pendant les trois premiers mois de la pandémie, par exemple ils n'ont pas pu avoir accès aux équipements sportifs pour continuer à s'entraîner, donc c'était difficile, pour eux c'était une chance que ce soit reporté, pour la plupart d'entre eux, d'un an, pour d'autres c'était quelque chose d'instable parce qu'il y avait des filles qui voulaient le faire l'année dernière, pour derrière, avoir peut-être un bébé, pour derrière peut-être arrêter leur carrière, reprendre leurs études, donc c'était beaucoup d'instabilité. Maintenant, pour les spectateurs, les téléspectateurs, qui pourront suivre ça, à la télévision, je crois que c'est un souffle positif, c'est de l'enthousiasme, on a vu beaucoup de téléspectateurs suivre le Tour de France, suivre l'Euro de football, c'est vrai qu'il y avait du public dans ces compétitions, là il n'y en n'aura pas, mais les diffuseurs vont tout faire en sorte pour, voilà, braquer la caméra sur l'épreuve. On a la chance de voir des sports qu'on n'a pas l'habitude de voir à la télévision…

JEAN-JEROME BERTOLUS
Ça va rester une fête…

ROXANA MARACINEANU
C'est une fête, parce qu'on va suivre aussi l'épopée de ces athlètes et…

MARIE BERNARDEAU
Encore une fois, Roxana MARACINEANU, on fait appel à votre expérience de sportive de haut niveau, avec ces menaces qui ont plané jusqu'au dernier moment, ces restrictions sanitaires extrêmes, il y a de quoi déstabiliser le sportif le plus aguerri. Finalement, vous y seriez allée, vous, à ces Jeux-là ?

ROXANA MARACINEANU
Bien sûr, sans aucun doute j'y serai allée, on est vraiment reconnaissant au peuple japonais et au Japon d'avoir maintenu ces Jeux, parce que comme vous dites, moi je me place aussi du côté des Japonais…

JEAN-JEROME BERTOLUS
Ils ne sont pas très enthousiastes les Japonais, enfin l'homme de la rue, ou la femme de la rue…

ROXANA MARACINEANU
Oui, mais honnêtement, chapeau au gouvernement, chapeau au comité d'organisation et au CIO d'avoir maintenu cette compétition, d'avoir fait en sorte d'avoir toutes ces conditions sanitaires, qui effectivement pèseront encore jusqu'au dernier moment, jusqu'au moment de monter sur le plot nos athlètes ne sauront pas s'ils peuvent participer à leur épreuve, parce que s'ils sont trouvés positifs, testés positifs, à quelques heures de leur épreuve, ils resteront sur le côté. Donc, oui, c'est de l'imprévu, mais tous ces à-côtés d'une compétition c'est ça qu'on doit pouvoir maîtriser quand on est un athlète de haut niveau et c'est ça finalement toute la magie d'une compétition, quelle qu'elle soit, c'est arriver à maîtriser l'imprévu, à faire avec, et puis finalement arriver à s'exprimer comme on pourrait le faire à l'entraînement.

JEAN-JEROME BERTOLUS
Justement, comme on pourrait le faire à l'entraînement. Pour que nous, téléspectateurs, on comprenne bien, on ne va pas avoir les cris du stade, on ne va pas entendre la foule parce qu'il n'y aura personne dans les stades et personne, effectivement, dans les piscines, donc pour les athlètes ça veut dire quoi Roxana MARACINEANU, est-ce qu'il n'y a pas un manque d'adrénaline, est-ce que tout le monde va pouvoir exprimer, au mieux, sa performance ?

ROXANA MARACINEANU
Bien sûr que beaucoup d'athlètes se nourrissent de cette énergie du public, font ça pour leur famille, pour leurs enfants, qui sont présents pour les voir dans les gradins, et ça, ça va leur manquer, mais d'autres athlètes aussi, ceux qui vivent notamment leur première expérience des Jeux Olympiques, qui peuvent être un peu angoissés à l'idée d'avoir…

JEAN-JEROME BERTOLUS
C'était votre cas, par exemple, quand vous avez…

ROXANA MARACINEANU
Moi j'ai fait une seule édition des Jeux Olympiques à Sydney, c'était mes premiers et mes derniers…

JEAN-JEROME BERTOLUS
Mais remarquée.

ROXANA MARACINEANU
Et c'est vrai que c'était le plus dur à gérer, c'était diffusé dans beaucoup de pays, il y avait des grands écrans en permanence partout, avec des belles images, de la belle musique, on était toujours attirés par cette image et par justement ce bruit des spectateurs…

MARIE BERNARDEAU
Et ça vous poussait, ça vous a aidée, ça vous poussait ?

ROXANA MARACINEANU
Moi c'était au contraire quelque chose qui m'a déstabilisée, j'avais plutôt l'envie d'être spectatrice, ça t'attirait en fait ces écrans-là, alors qu'on doit justement rester acteur de sa performance, acteur de sa course, et c'était quelque chose avec lequel j'ai dû me battre pour justement rester concentrée et arriver à faire mes meilleures performances, j'ai réussi à le faire à ce moment-là à Sydney, mais c'est vrai que c'est quelque chose de beaucoup plus perturbant que ce qu'on a l'habitude de vivre sur des championnats du monde, ou d'Europe, de chaque discipline, ou, encore une fois, comme ce n'est pas diffusé, pour la majorité des sports ce n'est pas diffusé à la télé et encore moins à l'international, on a une présence médiatique beaucoup moins importante.

MARIE BERNARDEAU
On va évoquer la compétition, évidemment, et les chances de médailles françaises dans quelques secondes, on reste ensemble, on fait un détour par le Fil info.

(…)

MARIE BERNARDEAU
Avec Roxana MARACINEANU, ministre déléguée aux Sports, et je vous propose qu'on retourne à Tokyo retrouver Jérôme CADET.

(…) Entretien avec Jérôme CADET.

MARIE BERNARDEAU
Roxana MARACINEANU, vous avez fixé l'objectif d'une quarantaine de médailles, aussi bien qu'à Rio pour ces JO de Tokyo, quand on voit la petite forme de la natation française notamment, est-ce qu'on va y arriver ?

ROXANA MARACINEANU
Alors, ce n'est pas des objectifs, je n'aime pas dire qu'on court après une médaille, ça c'est un résultat et ça leur appartient, maintenant, quand on regarde sur le papier, effectivement, ce serait bien que dans cette édition on arrive à une quarantaine de médailles, vu les circonstances, on en a eu 42 à Rio, qu'on arrive, sur les Paralympiques, à augmenter un petit peu le nombre de 28 médailles de Rio et qu'on passe la trentaine pour pouvoir raisonnablement être en capacité de croire à un changement de classement pour Paris 2024. Mais aujourd'hui, voilà, on a vraiment confiance en nos athlètes, ils sont motivés, je crois, si on arrive, si nos favoris, notre dizaine de favoris de médaille d'or arrivent à concrétiser, ce serait vraiment génial parce que ces Jeux sont placés sous les auspices de la transmission, il faut que nos athlètes expérimentés passent leur expérience aux plus jeunes, sèment les graines pour que les petits, réussissent dans 3 ans.

JEAN-JEROME BERTOLUS
Justement, justement, belle transition. Vous savez qu'Emmanuel MACRON, le président de la République, vous a devancé, il est déjà à Tokyo, et il est revenu dès ce matin sur Paris 2024, on l'écoute.

EMMANUEL MACRON, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
Nous sommes à pied d'oeuvre, on sort du bureau, là, d'une très bonne discussion avec le président du CIO Thomas BACH, et donc nous allons continuer, nous aussi, à aller de l'avant pour préparer notre pays au rendez-vous 2024, nos athlètes, mais aussi, je dirais nos enfants, toute la société, à être au rendez-vous de ces valeurs et de l'exigence de la performance.

JEAN-JEROME BERTOLUS
Etre au rendez-vous des valeurs, quand on voit quelques fois le bilan écologique des JO, quand on voit par exemple la dérive financière des JO de Tokyo, plus de 15 milliards d'euros, est-ce qu'effectivement les JO ont encore un sens et quel sens va avoir ces Jeux à Paris, même si, effectivement, on peut s'en réjouir d'avance ?

ROXANA MARACINEANU
Eh bien écoutez, les nôtres, nous faisons tout pour que les Jeux de la France soient les plus économes possible. Nous l'avons pris comme un marqueur. Qu'ils soient aussi les moins impactant en termes d'impact carbone. Qu'ils soient aussi ceux qui laissent un héritage, c'est la première fois qu'avec les Jeux de la France on parle d'héritage qui démarre avant les Jeux et qui reste après les Jeux, notamment pour le département de la Seine-Saint-Denis, mais aussi pour la pratique et la place du sport en France. On commence, nous, avec le ministère des Sports, à travailler dessus, maintenant, depuis 3 ans, pour que le sport occupe une autre place, dès l'école maternelle, dès l'école primaire, dans la vie de nos enfants, dans la vie de nos aînés aussi, pour parler d'une vie plus longue, en meilleure santé, une meilleure autonomie, grâce à la pratique de l'activité physique à tous les âges, et notamment aux âges les plus avancés, et…

JEAN-JEROME BERTOLUS
Donc les voyants sont au vert pour Paris, parce qu'on a parlé…

ROXANA MARACINEANU
Malgré les retards.

JEAN-JEROME BERTOLUS
Oui, il y a des retards en matière de transports, enfin voilà, est-ce que pour l'instant vous, vous êtes tranquille sur l'avancée des chantiers pour 2024 ?

ROXANA MARACINEANU
Pas d'alerte, pas de grosse alerte, aujourd'hui le budget on reste dans les normes des 8 milliards d'euros, avec seulement 1 milliard qui pèsera sur le contribuable en France, donc vous voyez, près de la moitié par rapport aux Jeux de Tokyo. Alors, évidemment les Jeux de Tokyo, il y a 2 milliards, 3 milliards presque qui se sont rajoutés, rien du fait du déplacement d'une année, donc vraiment, c'est compliqué pour eux, donc vraiment, chapeau bas de les avoir maintenus, de les avoir mis en place pour les sportifs aussi. Et puis ces Jeux vont créer aussi 150 000 emplois, vont solliciter 150 000 emplois en France, ils vont mobiliser 45 000 bénévoles pour qui cette expérience va être une première expérience aussi de rentrer dans la vie professionnelle et active, et puis 5 milliards aussi de marchés passés par Paris 2024 et la SOLIDEO. Donc voilà, une activité économique aussi très importante pour la France, générée par ces Jeux olympiques de Paris.

MARIE BERNARDEAU
Ça c'est dans 3 ans Roxana MARACINEANU, en espérant que l'épidémie nous aura laissés tranquilles d'ici-là. Dans l'immédiat, l'épidémie, elle est toujours là, la semaine dernière vous avez promis des stades pleins à la rentrée, est-ce que c'est toujours d'actualité ?

ROXANA MARACINEANU
Alors, pour le moment, vous savez que la jauge est à la normale, est très positive aujourd'hui, avec seulement le Pass sanitaire qu'il faut présenter à l'entrée d'un événement sportif, qu'on soit pratiquant ou qu'on soit spectateur. Donc c'était déjà le cas il y a quelques semaines, c'est pour ça qu'on a pu nous avancer, avant même le vote de la loi, puisque elle vient d'être votée ce matin à l'Assemblée nationale…

JEAN-JEROME BERTOLUS
On va y revenir dans un instant.

ROXANA MARACINEANU
Et pour nous, le cap des 1 000 personnes qui déclenchaient la nécessité d'avoir un Pass sanitaire aujourd'hui est descendue à 50 personnes, lorsque la capacité d'un équipement dépasse celle de 50 personnes, on doit présenter un Pass sanitaire pour entrer dans une salle de sport, dans ce qu'on appelle un ERP, un Etablissement qui Reçoit du Public, et notamment sportif.

JEAN-JEROME BERTOLUS
Alors, justement, effectivement la loi vient d'être votée. Un rapport parlementaire dont l'un des signataires est le spécialiste, l'un des spécialistes du sport à l'Assemblée nationale, Régis JUANICO, a donné hier un rapport en disant : on s'apprête à avoir une bombe du point de vue de la santé, les Français ne bougent plus, les Français n'ont pas fait de sport depuis 18 mois avec cette crise du Covid, qu'est-ce que vous pouvez faire et notamment parce que le Pass sanitaire vide les salles de sport aujourd'hui en France ?

ROXANA MARACINEANU
Nous avons été attentifs depuis le début de la crise, à la pratique sportive, même au plus fort du confinement il y avait une heure qui était réservée et sanctuarisée pour pouvoir sortir en famille, faire du sport, et nous avons incité tout le monde à sortir. Alors effectivement des associations étaient fermées, des salles de fitness, de sport, étaient fermées pendant de longs mois. Nous avons soutenu ce secteur à hauteur de 6 milliards d'euros, c'est énorme, vous vous rendez compte, c'est presque des Jeux avant les Jeux. Je vous ai dit, le budget des Jeux, 8 milliards…

JEAN-JEROME BERTOLUS
Oui oui oui, tout à fait.

ROXANA MARACINEANU
On a aidé le sport à hauteur de ce budget-là.

JEAN-JEROME BERTOLUS
Oui, c'est important, mais aujourd'hui est-ce que vous pourriez faire un accommodement par rapport aux patrons de salles de sport, parce qu'encore une fois, c'est ce qu'on constate…

ROXANA MARACINEANU
Ils vont rester ouverts. Tout le monde va rester ouvert, avec un Pass sanitaire, parce que nous voulons que le secteur des loisirs et du sport incite tout le monde à aller se faire vacciner, c'est la seule solution aujourd'hui qui nous reste là, pour éviter une 4ème vague, pour éviter des fermetures à nouveau, et justement parce que nous voulons maintenir le sport ouvert et le sport parce que c'est important pour la santé comme le dit monsieur JUANICO, nous devons faire en sorte que les gens, la population se vaccine, pour pouvoir continuer à vivre et à vivre avec le virus. C'est vraiment le message qu'on veut faire passer. On ne sait pas ce qui nous attend à l'avenir, on ne sait pas les variants Delta et les autres qui suivront, en tout cas si on est vacciné, il y a moins de malchance d'aller à l'hôpital, d'en mourir, et donc voilà nous c'est comme ça qu'on pourra vivre avec ce virus. Donc moi je pense que mon secteur est prêt, nous avons concertés avec eux, ils sont d'accord pour même le faire en avance de phase là, une semaine avant… quelques jours avant le vote de la loi, nous allons le mettre en place dans le champ sportif et dans le champ des loisirs, et puis c'est ça qui va permettre à la rentrée de rester ouverts.

JEAN-JEROME BERTOLUS
Et vous dites ce matin, d'un mot, aux Français : bougez-vous, faites du sport !

ROXANA MARACINEANU
Faites du sport, ça fait 3 ans qu'on y travaille à l'école, mais c'est important pour les adultes, une grande campagne de communication qui passera sur les écrans, sur vos radios aussi, au mois d'août, pour dire que le sport c'est du plaisir avant tout, on peut le faire et on doit le faire à tous les âges, pour sa santé et pour son bien-être mental.

MARIE BERNARDEAU
Et d'ailleurs les Jeux olympiques c'est souvent l'occasion de découvrir un sport et de s'inscrire à la rentrée. Merci beaucoup Roxana MARACINEANU d'avoir accepté l'invitation du 8 :30 France Info ce matin.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 juillet 2021