Interview de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance, à RTL le 28 juillet 2021, sur le passe sanitaire et la relance économique.

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Intervenant(s) : 
  • Bruno Le Maire - Ministre de l'économie, des finances et de la relance

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

STEPHANE CARPENTIER
Bonjour Bruno LE MAIRE.

BRUNO LE MAIRE
Bonjour Stéphane CARPENTIER.

STEPHANE CARPENTIER
L'entrée en vigueur de l'extension du pass sanitaire, Bruno LE MAIRE, le 21 juillet dernier, met nombre de secteurs dans la difficulté, on les entend depuis hier, on parle beaucoup des cinémas, des musées, des théâtres, des parcs d'attractions, des salles de sport également, qui voient leur fréquentation chuter. Les clients désertent ces lieux de loisirs, ils enregistrent en huit jours des chutes de fréquentation de 20, 40, 50 %. Et du coup, ils lancent un SOS. Est-ce que vous pouvez les aider ?

BRUNO LE MAIRE
Bien sûr, nous les aidons, et je veux rassurer tous ces professionnels, je recevrai tout à l'heure, avec Roselyne BACHELOT, les directeurs de théâtre, de cinéma, de salles de spectacles, pour faire le point avec eux. Mon ministre délégué aux PME a reçu également les représentants des parcs de loisirs pour leur passer des messages très simples : nous sommes toujours là, nous l'avons été depuis le premier jour de la crise, il y a maintenant 14 mois, nous avons maintenu les aides, les aides sont maintenues au mois de juin, juillet, août, le fonds de solidarité est toujours actif, l'aide pour l'emploi est toujours présente également, donc nous avons maintenu les aides pour les secteurs qui sont touchés. Et à la fin du mois d'août, le lundi 30 août pour être tout à fait précis, je recevrai l'ensemble des secteurs auxquels un pass sanitaire est imposé. Je pense aux restaurateurs, je pense aux bars, je pense évidemment au secteur de la culture, et nous verrons avec eux quelles sont les pertes de chiffre d'affaires. Et nous prendrons les décisions nécessaires pour les aider. Il n'est pas question d'abandonner qui que ce soit dans cette crise. Le choix que nous avons fait, avec le président de la République et le Premier ministre, il y a maintenant plus d'un an, c'est de protéger tous ceux qui ont à souffrir directement des conséquences de la crise sanitaire. C'est de protéger tous ceux qui enregistrent des pertes de chiffre d'affaires parce qu'il y a moins de clients, parce que la situation est difficile. Et c'est de compenser les pertes qui peuvent être liées à des règles sanitaires qui sont contraignantes et dont nous mesurons parfaitement qu'elles sont contraignantes, vous savez, si on pouvait se passer d'obligations supplémentaires, on serait tous très satisfaits. Mais le pass sanitaire est une protection pour ces entreprises, pour ces activités, parce qu'il permet d'éviter une nouvelle vague de pandémie.

STEPHANE CARPENTIER
Ces protections, est-ce que ça ne va pas freiner automatiquement notre économie qui repartait ?

BRUNO LE MAIRE
Je ne crois pas, je vous dis, moi, mon évaluation, l'économie française redémarre très fort, nous aurons les derniers chiffres du trimestre à la fin de la semaine, mais je regarde aujourd'hui les prévisions de l'OCDE, celles de l'INSEE, celles de la BANQUE DE FRANCE, celles du FMI et du fonds monétaire international qui sont tombées hier, et qui prévoient plus 5,8% de croissance pour la France en 2021. Donc la réalité, c'est que l'ensemble de l'économie française aujourd'hui redémarre très vite, très fort, parfois même trop fort, au point qu'on a des tensions rès fortes sur le recrutement, trouver les salariés dont on a besoin, et sur les matières premières, on n'arrive pas à trouver du bois, de l'acier notamment dans le domaine du bâtiment et de la construction. Et puis, il y a effectivement un certain nombre de secteurs, je pense à tout ce qui est tourisme, événementiel, hôtellerie, café, restauration, où dans certains territoires, il peut y avoir des difficultés, il peut y avoir encore des pertes de chiffre d'affaires, et c'est bien pour ça, Stéphane CARPENTIER, que nous avons pris la décision de maintenir les aides, de ne pas les retirer brutalement…

STEPHANE CARPENTIER
Jusqu'à la fin du mois d'août…

BRUNO LE MAIRE
Et d'avoir ce rendez-vous le lundi 30 août, je donne rendez-vous à tous les professionnels concernés pour faire le point avec eux.

STEPHANE CARPENTIER
J'entends déjà ces professionnels qui sont fortement impactés par cette décision, ce pass sanitaire, dire : ça ne nous suffira pas, ces aides du gouvernement.

BRUNO LE MAIRE
Elles ont suffi dans le passé, enfin, qu'ils regardent…

STEPHANE CARPENTIER
Mais là, c'est en ce moment qu'ils font leur beurre pour l'ensemble de l'année, vous le savez.

BRUNO LE MAIRE
Bien sûr, mais je constate aussi que dans beaucoup de restaurants, dans beaucoup de territoires français, on a des chiffres de reprise qui sont très bons. Donc aujourd'hui, ceux qui sont en difficulté, je leur dis : bénéficiez du fonds de solidarité, allez demander de l'aide du fonds de solidarité, nous l'avons maintenue. Et à tous ceux qui s'inquiètent en disant : le pass sanitaire, finalement, va remettre en cause ma saison, je pensais qu'elle allait être très bonne, elle va peut-être être un peu moins bonne que prévu, eh bien, je leur dis : rendez-vous le 30 août, et ce n'est pas une clause de revoyure simplement, c'est faire le point avec eux, regarder les pertes de chiffre d'affaires secteur par secteur, je vois que les salles de sport par exemple sont très inquiètes, nous regarderons par rapport à 2019 quelles sont les pertes de chiffre d'affaires qui ont été enregistrées, et comme nous avons répondu présent depuis le début de cette crise, depuis le premier jour de cette crise, nous répondrons aussi présent à la fin de l'été, pour ceux qui auront été impactés…

STEPHANE CARPENTIER
Bruno LE MAIRE, éclairez-nous concrètement sur les grands centres commerciaux, parce qu'on n'a pas tout compris, qui seront dispensés de pass sanitaire, sauf sur décision dans certains cas du préfet. C'est quoi les modalités concrètement, qui va pouvoir rentrer et comment ?

BRUNO LE MAIRE
Alors, concrètement, les centres commerciaux peuvent être obligé d'avoir un pass sanitaire, ils peuvent, mais ça n'est pas une obligation générale, ce sera aux préfets de décider au cas par cas, moi, j'invite, évidemment, les préfets à faire preuve du plus grand discernement en la matière, le texte de loi est très clair, il faut qu'il y ait un risque sanitaire qui soit avéré, s'il y a un risque sanitaire avéré, dans ce cas-là, le préfet peut décider de mettre en place un pass sanitaire, mais dans l'immense majorité des cas, je pense que ce ne sera pas nécessaire.

STEPHANE CARPENTIER
Vous pensez bien qu'on peut s'interroger quand on laisse tranquille les grands centres commerciaux alors qu'on embête, entre guillemets, les cinémas ou les restaurants, on va devoir avoir le pass sanitaire pour aller manger une salade en terrasse, avoir un pass pour aller voir un film, mais on peut aller tranquillement dans un centre commercial.

BRUNO LE MAIRE
Pour les centres commerciaux, enfin, il faut bien mesurer concrètement ce que ça veut dire, vous sortez de la gare Saint-Lazare, vous rejoignez le parvis, c'est des millions de personnes qui sont concernées, elles traversent un centre commercial, vous voyez bien que ça pose des difficultés d'application pratique qui sont très importantes. Donc nous regardons à chaque fois l'application pratique, dans les restaurants, c'est différent, vous vous asseyez, vous retirez votre masque, donc la contamination peut être beaucoup plus forte, et les restaurateurs jouent le jeu, et je redis à quel point tout cela a été décidé dans le dialogue et dans l'écoute, et ça a été notre ligne de conduite gouvernementale permanente, je donne juste un exemple pour les restaurateurs, ils étaient inquiets en disant : nous, on veut bien contrôler le pass sanitaire, et ils l'ont fait avec beaucoup de responsabilité, ils se sont engagés, on ne veut pas contrôler l'identité de la personne qui nous présente son pass sanitaire, eh bien, nous avons décidé que ça ne serait pas le restaurateur qui contrôlerait l'identité du client qui présente son pass sanitaire, il n'a pas à contrôler la pièce d'identité, c'est compliqué, et puis, ça n'est pas sa responsabilité. Donc je crois que nous avons essayé de faire le plus attention possible aux contraintes très concrètes de mise en oeuvre de ce pass sanitaire, protéger les Français, oui, les gêner dans leur vie quotidienne, ça n'est évidemment pas notre objectif.

STEPHANE CARPENTIER
Bruno LE MAIRE, la vaccination concernant les employés qui refuseraient le vaccin, on avait compris que, finalement, ils n'avaient pas à craindre de licenciement, qu'ils seraient mis sur la touche, et pas payés, et puis, hier, on a entendu la ministre du Travail laisser entendre qu'il pourrait y avoir licenciement quand même ; c'est quoi la réalité, là, ça paraît un peu flou…

BRUNO LE MAIRE
La réalité, c'est qu'avec Elisabeth BORNE, nous voulons éviter qu'il y ait des licenciements, bien entendu, surtout dans une période où les chiffres du chômage s'améliorent grâce à la reprise économique, où il y a des tensions sur la main-d'oeuvre, le licenciement ne peut être que le tout dernier recours, et c'est précisément ce qu'il faut éviter, le licenciement.

STEPHANE CARPENTIER
Donc il pourrait y en avoir quand même ?

BRUNO LE MAIRE
D'abord, ils ont jusqu'au 30 août, ces salariés des établissements qui reçoivent du public pour pouvoir disposer du pass sanitaire, et ensuite, qu'est-ce que je recommande ? Le dialogue, les chefs d'entreprise, ils dialoguent avec leurs salariés, les patrons de PME, de TPE, ils dialoguent avec leurs salariés, le patron d'un bar, d'un café, d'un restaurant, il dialogue tous les jours avec ceux qui font le service, ceux qui font la restauration, et c'est ce dialogue qui nous permettra de trouver des solutions. Moi, je souhaite qu'il n'y ait aucun licenciement, je vous le dis comme je le pense, je crois que c'est à cela que nous devons parvenir, ça doit être des cas uniquement isolé, il faut dialoguer, passer par la conviction, par l'explication, par la discussion, beaucoup plus que par la contrainte.

STEPHANE CARPENTIER
Alors le dialogue, il en faut en ce moment, il faut beaucoup de pédagogie, et ça râle quand même pas mal dans notre pays, il y a des manifestations tous les week-ends, les antivax, les anti-pass sanitaires, on a l'impression de se retrouver un petit peu à l'époque " gilets jaunes ", est-ce que vous pensez, Bruno LE MAIRE, que ce sont les mêmes qui prolongent la grogne ?

BRUNO LE MAIRE
Vous savez, moi, je ne suis pas sociologue, mais même si la météo n'est pas très clémente actuellement, je garde un esprit résolument positif, et ce que je vois, c'est que la majorité des Français désormais est vaccinée, et que ce vaccin qui faisait peur à beaucoup, parce que c'est quelque chose de nouveau, convainc un nombre croissant de Français, que beaucoup de Français ont fait preuve d'un immense sens des responsabilités, et qu'il y a un sens des responsabilités collectif, l'immense majorité du peuple français est allé se faire vacciner et continue à se faire vacciner, pour garantir notre sécurité sanitaire collective. Et je veux saluer cet état d'esprit, après, il y a toujours des personnes qui résistent, qui sont inquiètes, là aussi, je pense qu'il faut convaincre sans relâche, regardez le taux d'acceptation des vaccins il y a encore 6 mois, il était beaucoup plus faible, il a monté en flèche, donc il ne faut jamais cesser de vouloir convaincre, expliquer, répondre aux craintes, répondre aux peurs, je pense que c'est comme ça qu'on parviendra à cette protection globale de la population française contre un virus qui – je le rappelle – tue et laisse des séquelles chez beaucoup d'entre nous.

STEPHANE CARPENTIER
L'économie repart, vous nous dites ce matin, encore ce matin, Bruno LE MAIRE, ça se confirme, il y a moins de chômeurs, ça a été annoncé hier, on va se relever de ce qu'on a vécu économiquement, le tout sans demander des efforts particuliers aux Français, et j'entends financiers, bien sûr ?

BRUNO LE MAIRE
On va s'en relever d'ici le début de l'année 2022, c'est toujours le cap que j'ai fixé, retrouver le même niveau d'activité qu'avant crise au début de l'année 2022, et je pense que nous sommes dans la bonne voie pour retrouver début 2022 le même niveau d'activité qu'en 2019. Ensuite, le vrai défi, une fois qu'on aura réussi la protection, c'est fait, réussi la relance, c'est en cours d'être réussi, ça va être de relancer la machine économique française sur les 10, 20 ou 30 prochaines années, ça va être l'objet du plan d'investissement que présentera le président de la République à la rentrée et qui doit nous permettre justement de prendre le relais de la relance, pour garantir que la France reste parmi les grandes nations économiques de la planète au 21ème siècle.

STEPHANE CARPENTIER
Un plan de relance de combien de milliards d'euros ?

BRUNO LE MAIRE
Alors, ce sera d'abord de l'investissement, pas de la relance, la différence entre la relance et l'investissement, c'est que la relance, c'est tous azimuts, c'est tous secteurs, ça a un côté très large volontairement pour que ça redémarre très vite et très fort, l'investissement va être ciblé, il va être ciblé sur quelques secteurs technologiques avancés, je ne vais pas donner de chiffre sur les montants, parce qu'on va en discuter avec le Premier ministre et avec le président de la République, mais ce sera ciblé sur les technologies, qui va nous permettre d'accélérer la décarbonation du pays, je pense par exemple à l'hydrogène, sur des technologies qui sont vitales pour notre indépendance économique, je pense aux semi-conducteurs ou sur les technologies qui sont très importantes pour la société française, je pense par exemple aux biotechnologies, ce sera fait également en accord avec nos partenaires européens, puisqu'il faut qu'il y ait des partenariats européens, et ça doit permettre – je le redis – à la France de continuer à jouer dans la cour des grands au 21ème siècle.

STEPHANE CARPENTIER
Et le verdict de tout ça, ce sera à la fin du mois d'août donc…

BRUNO LE MAIRE
Ce sera à la fin du mois d'août, je remettrai les propositions au président de la République d'ici…

STEPHANE CARPENTIER
Dans les prochains jours…

BRUNO LE MAIRE
D'ici la fin de la semaine, pour être tout à fait précis.

STEPHANE CARPENTIER
Dernier Conseil des ministres ce mercredi avant une pause accordée aux membres du gouvernement, vous avez eu des consignes du président MACRON : pas trop loin, restez en contact ?

BRUNO LE MAIRE
On aura les consignes tout à l'heure, quand nous aurons eu le Conseil des ministres…

STEPHANE CARPENTIER
Vous avez déjà eu une circulaire, non ?

BRUNO LE MAIRE
Mais de toute façon, un ministre est en activité 365 jours sur 365, en tout cas disponible pour les Français 365 jours sur 365.

STEPHANE CARPENTIER
Ça sera le Pays Basque pour vous, vous confirmez ?

BRUNO LE MAIRE
Et ce sera le Pays basque, en espérant qu'il sera un peu moins pluvieux que ce que me prévoit notre voisin de droite.

STEPHANE CARPENTIER
Et je crois que ce n'est pas gagné, malheureusement. Merci Bruno LE MAIRE…

BRUNO LE MAIRE
Merci Stéphane CARPENTIER.

STEPHANE CARPENTIER
De nous avoir accompagnés ce matin, [Bruno LE MAIRE] ministre de l'Economie.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 juillet 2021