Texte intégral
Je voudrais d'abord remercier le Premier ministre de l'Inde, M. Narendra Modi, de nous permettre d'évoquer aujourd'hui, dans cette enceinte du Conseil de sécurité, le sujet majeur de la sécurité maritime. Je souhaite également à l'Inde une bonne et fructueuse présidence du Conseil de sécurité.
La mer, notre bien commun, est hélas soumise à des logiques de prédation, à la criminalité et à une pollution croissante qui affectent son écosystème ainsi que les millions de personnes qui en dépendent.
Plus inquiétant encore, la volonté de certains Etats de faire du domaine maritime un théâtre de compétition stratégique, au même titre que l'espace et le domaine cyber, et cette volonté s'accentue de jour en jour.
La sécurité maritime est un test majeur pour le multilatéralisme et appelle une mobilisation accrue de la communauté internationale et je souhaiterais souligner, dans ce contexte, trois points.
En premier lieu, je veux rappeler que la sécurité des espaces maritimes passe avant tout par le respect du droit international.
La mer ne doit pas être un lieu de conflits entre Etats. La Convention des Nations unies sur le droit de la mer fixe le cadre juridique dans lequel doivent s'inscrire toutes les activités menées dans les océans et les mers. Et aucun Etat ne doit y déroger.
Et la France demeure pleinement attachée à la liberté de navigation dans le respect de ses obligations internationales. "Liberté de navigation" ne veut pas dire "libre action" ou "impunité". Sans le respect de normes communes, les mers deviendraient un théâtre d'affrontement permanent.
Nous sommes ainsi fermement engagés en faveur d'une réduction des tensions et des risques dans le Golfe arabo-persique, à travers la mission de surveillance maritime dans le détroit d'Ormuz menée par huit pays européens. Et à cet égard, nous avons fermement condamné, avec nos partenaires européens et du G7, l'attaque qui a ciblé le navire Mercer Street le 29 juillet dernier, entraînant la mort de deux membres d'équipage. Le Conseil de sécurité a eu l'occasion de l'évoquer lors de sa réunion du vendredi 6 août. Car la communauté internationale doit exercer la plus grande vigilante et poursuivre ses efforts pour assurer le respect de la liberté de navigation dans la région. Et je vous rappelle que les Européens déploient à cet égard, depuis près de deux ans, des efforts importants de renforcement de la surveillance et de la sécurité maritime dans le Golfe.
Nous demeurons également très attentifs à la situation dans toutes les zones où le droit de la mer et la liberté de navigation sont remis en cause, comme c'est le cas en mer de Chine méridionale, en Mer Noire ou en Méditerranée orientale.
Deuxièmement, les mers sont le théâtre de nouvelles menaces qu'il nous faut affronter ensemble, par la coopération.
Cela a été dit, nous devons faire obstacle à la piraterie, aux actes terroristes en mer, au crime organisé, aux trafics de stupéfiants et trafics d'espèces sauvages ayant un impact en matière de criminalité environnementale. La communauté internationale doit mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour lutter contre ces attaques et activités criminelles, dans les eaux sous juridiction des Etats comme en haute mer.
La France s'engage dans différents fora régionaux pour aider ses partenaires dans cette dimension. Je pense en particulier à l'adhésion que la France a effectuée à l'Association des Etats riverains de l'Océan indien (IORA). Elle préside par ailleurs depuis le 20 mai pour un an la Commission de l'océan Indien, qui est un acteur clé de la sécurité et de la sûreté maritime dans la région.
La France s'engage aussi davantage dans le Pacifique. Etat maritime et insulaire de la région, notre pays entend contribuer, dans le cadre de sa stratégie Indopacifique qu'elle vient d'adopter à titre national. Elle veut continuer à promouvoir un espace inclusif, fondé sur le droit et le multilatéralisme.
L'Indopacifique représente une priorité pour la France et l'Union européenne. C'est pourquoi nous avons soutenu, et obtenu, que soit élaborée une stratégie de l'Union européenne pour l'Indopacifique. Et cet enjeu sera l'une des priorités de la présidence française de l'Union européenne au premier semestre 2022.
Nous nous réjouissons également que des opérations pilotes aient pu être menées dans le Golfe de Guinée, avec un volet de renforcement des capacités des Etats tiers. Et parmi les coopérations régionales exemplaires, je tiens à souligner l'Architecture de Yaoundé et les actions conduites avec le soutien du G7++, le "Groupe des amis du Golfe de Guinée". Et dans cette région, la France prend, depuis plus de trente ans, toute sa part à la lutte contre la piraterie avec la mission Corymbe.
Cette lutte contre les menaces en mer, nous la menons également dans le cadre de l'Union européenne avec l'opération IRINI en Méditerranée comme avec l'opération ATALANTE qui a permis de réduire significativement les actes de piraterie au large des côtes somaliennes.
Et le travail réalisé par les Nations unies à cet égard est évidemment essentiel. Je salue la mobilisation de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime, l'ONUDC, qui supervise la mise en oeuvre de la Convention des Nations unies contre la criminalité dite "convention de Palerme". Je me félicite en particulier du travail en commun entre l'ONUDC et l'Union européenne pour développer un Programme mondial sur la criminalité maritime et un Programme de contrôle des conteneurs.
Enfin, je voudrais pour terminer souligner la dimension environnementale, en lien avec celle de la sécurité.
Nous devons en effet protéger la mer et les océans des saccages dont ils sont victimes.
L'océan est notre bien commun. Nous avons tous, individuellement et collectivement, la responsabilité de le protéger et de l'utiliser de manière durable. Promouvoir le développement d'une économie bleue durable, protéger les récifs coralliens, soutenir la biodiversité marine y compris en luttant contre la surpêche et combattre la pollution marine, tels sont les défis que nous devons relever.
Assurer la sécurité maritime, c'est également réglementer le trafic afin de limiter la pollution des espaces marins. Et c'est le sens de la conférence des parties de la Convention de Barcelone dans le cadre de laquelle l'Union européenne et les vingt-et-un Etats riverains de la Méditerranée se sont engagés pour faire de la Méditerranée une zone à faibles émissions d'oxydes de soufre par les navires.
Mais la protection des espaces maritimes ne peut être réalisée par la seule action des acteurs locaux. La communauté internationale a un rôle central à jouer, notamment dans le cadre de la négociation en cours aux Nations unies pour la protection de la biodiversité en haute mer.
Monsieur le Président, je remercie à nouveau l'Inde de permettre au Conseil de sécurité de jouer son rôle sur l'ensemble des enjeux maritimes. Et soyez assuré que la France restera fortement engagée, auprès de ses partenaires, pour renforcer la sécurité maritime et défendre les biens communs que constituent nos espaces maritimes. Je vous remercie.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 août 2021