Texte intégral
LIONEL GOUGELOT
L'invité politique de la Rédaction, Jean-Michel BLANQUER, ministre de l'Education nationale et j'allais dire, surtout aujourd'hui, ministre de la Jeunesse et des Sports. Bonjour Jean-Michel BLANQUER.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bonjour.
LIONEL GOUGELOT
Merci d'être dans les studios d'Europe 1 ce matin. Ministre de l'Education nationale, donc, je le disais, mais aussi de la Jeunesse et des Sports. La délégation française rentre des Jeux olympiques, avec 33 médailles, dont 10 en or. Est-ce que bilan est vraiment satisfaisant ? On parle beaucoup de bilan mitigé depuis hier, à la limite de la déception d'ailleurs.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Comme pour tout bilan, il y a du positif et du négatif, et on ne doit cacher ni l'un, ni l'autre. Le positif, ne le négligeons pas quand même, cette partie finale des Jeux où on réussit à avoir des médailles d'or, si belles, dans les sports collectifs, ça n'est pas rien, et ça dit quelque chose d'ailleurs, sur cet aspect positif, c'est que des sports comme le handball, le basketball ou le volleyball, sont des sports qui sont très pratiqués à l'école, par nos professeurs d'éducation physique et sportive, depuis des années et des années, et on voit maintenant des générations de handballeurs se succéder et à chaque fois remporter la médaille d'or. Ça montre que le système scolaire, dans la durée, a beaucoup d'importance, pour non seulement l'ensemble de la population mais même pour l'élite du sport. Et puis il y a un aspect négatif de ce bilan, c'est qu'évidemment il y a des domaines entiers où on est faible. Si vous prenez…
LIONEL GOUGELOT
L'athlétisme.
JEAN-MICHEL BLANQUER
L'athlétisme, le cyclisme…
LIONEL GOUGELOT
Grosse déception en natation également.
JEAN-MICHEL BLANQUER
La natation, c'est trois domaines où c'est plusieurs centaines de médailles que l'on peut avoir, quand on cumule les trois, et on n'en a même pas cinq. Donc…
LIONEL GOUGELOT
Déjà un début d'analyses sur les raisons de l'échec, disons-le, de ces sports athlétisme et natation, parce que ce sont deux sports symboliques ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Là, je pensais trois cas, parce que c'est trois domaines où il y a beaucoup de médailles, et de domaines où en plus la France peut avoir des médailles. On va évidemment faire à froid avec Claude ONESTA qui est en charge du dossier, tout le retour d'expérience de tout cela, mais notre stratégie elle est déjà claire, c'est de venir en appui des fédérations, notamment pour miser sur nos points forts, et puis d'autre part, là où c'est faible, regarder comment on peut compenser. C'est un travail qui a commencé, évidemment, mais maintenant on rentre dans la dernière ligne droite.
LIONEL GOUGELOT
Mais alors, petite question quand même : à la suite de ces Jeux olympiques, est-ce qu'on peut vraiment juger la vitalité du sport français au nombre de médailles obtenues aux JO ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, ce n'est pas le seul critère, évidemment, mais il est évident qu'un pays qui organise les Jeux olympiques, doit avoir des performances qui sont à la hauteur de l'enjeu. Donc il est évident qu'en 2024 on doit se fixer l'objectif de cela. Mais par contre, on peut voir aussi qu'on a beaucoup de jeunes sportifs qui ne sont pas forcément montés sur le podium, là, à Tokyo, mais qui représentent un gros potentiel pour 2024, et c'est aussi ce travail-là qui va être fait, et donc en effet, les médailles obtenues là à Tokyo ne sont pas le seul critère de ce qui nous attend pour 2024, mais il est évident qu'on doit travailler sur l'ensemble des enjeux.
LIONEL GOUGELOT
Alors, vous vous projetez déjà Jean-Michel BLANQUER sur Paris 2024. Vous avez d'ores et déjà fixé un objectif, si j'ai bien lu, de 70 à 80 médailles. Est-ce que c'est franchement réaliste ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, c'était Laura FLESSEL, qui lorsqu'elle était en charge des Sports avait dit ce chiffre de 80. Je trouve que c'est un chiffre ambitieux et qu'on doit continuer à se fixer. Il n'est pas évident, puisque ça suppose de faire plus que doubler nos médailles, mais pourquoi pas. Mais une fois qu'on a dit ça, tout reste à faire, c'est à dire ce qui compte c'est d'être très concret, très pragmatique, mais impossible n'est pas français comme on dit, et on va, on peut y arriver, il y a un très gros potentiel et ce potentiel c'est à tout le pays de l'accompagner, à l'Etat en soutenant, ce que nous faisons, mais aussi à l'ensemble de la société.
LIONEL GOUGELOT
Vous avez eu vent des réserves qu'aurait fait formulé Claude ONESTA, l'ancien patron du handball français, président donc de l'Agence nationale du sport, qui s'inquiète qu'un tel objectif ne transforme finalement les fédérations en fabriques à champions, peut-être de façon un peu artificielle ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, alors là, je pense que ce n'est pas exactement ce qu'il a dit. Le travail de Claude ONESTA, c'est justement aujourd'hui de travailler avec chaque fédération pour préparer des futurs médaillés. Donc il est parfaitement conscient de cet enjeu, et c'est l'ensemble des structures du sport, évidemment au premier rang desquelles les fédérations, nous en parlons avec le Comité national olympique, avec Brigitte HENRIQUES, avec l'Agence nationale du Sport, pour arriver à cet objectif. Nous nous sommes mis en ordre de marche pour cela, je suis très confiant, c'est un travail qu'on mène avec Roxana MARACINEANU au quotidien, et je pense qu'on va réussir progressivement à monter les marches qui nous attendent d'ici à Paris 2024. On a un enjeu d'organisation pour Paris 2024, bien sûr, et puis on a un enjeu de performances sportives et la France doit être au rendez-vous de ces deux enjeux.
LIONEL GOUGELOT
Paris 2024, Jean-Michel BLANQUER, pour vous c'est aussi un horizon, c'est de faire de la France une Nation sportive, et ça passe par l'école.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, complètement, c'est ce que je commençais à vous dire tout à l'heure en parlant de nos médaillés en sport collectif, il est évident que le grand héritage, et c'est un mot ce mot d'héritage, vous savez, quand on organise les Jeux, c'est-à-dire que reste-t-il une fois qu'on a organisé les jeux, le grand héritage ça doit être celui-là, c'est-à-dire de devenir une Nation plus sportive que ce que nous sommes, et ça signifie le sport pour tous, les petits et les grands d'ailleurs. Le sport, ce n'est pas quelque chose de marginal, le sport c'est décisif pour notre santé, et ça a encore plus d'acuité dans le contexte sanitaire actuel, il faut remettre tout le monde au sport, c'est d'ailleurs pour ça qu'on va enclencher une campagne pour le sport à partir de la mi-août, pour inciter tout le monde à refaire du sport, et bien sûr ça commence par l'école avec les enfants, les adolescents. Vous savez, dans le monde entier, à partir de l'âge de 11 ans, les enfants font moins de sport et moins de lecture, parce qu'ils sont trop sur les écrans. Et vous savez, c'est un de mes combats, c'est même mon combat principal, celui de la lecture, des savoirs fondamentaux, mais aussi celui de l'activité physique, et c'est pourquoi on est enclenché l'opération 30 minutes d'activité physique et sportive par jour à l'école primaire, qui va prendre de l'ampleur. Alors, ça, ça ne prépare pas les médaillés de 2024, bien sûr…
LIONEL GOUGELOT
Oui, évidemment, on a bien compris.
JEAN-MICHEL BLANQUER
… mais ça prépare une société, une société en mouvement si je puis dire, une société où chacun est attentif à sa santé et donc à son corps.
LIONEL GOUGELOT
Mais ça, il faut changer tout ce qui se passe dans la tête des enseignants, des parents, de l'encadrement, parce que le sport a toujours été le parent pauvre de l'Education nationale.
JEAN-MICHEL BLANQUER
On a moins de sport que d'autres pays, on est dans une situation que je qualifierais…
LIONEL GOUGELOT
Très largement même.
JEAN-MICHEL BLANQUER
… d'intermédiaire. Il y a aussi de belles choses qui se passent dans le cadre de l'éducation physique et sportive, mais maintenant on doit franchir un cran. Alors, on a pris des premières mesures, par exemple l'éducation physique et sportive comme enseignement de spécialité dans le cadre du lycée. On commence à enclencher le bac pro sport très bientôt. Bref, il y a toute une série de mesures qui ont été prises, et puis nous labellisons les établissements génération 2024, pour qu'il y ait plus de sport dans chaque établissement, donc un cahier des charges pour les établissements qui ont ce label. Mais je pense que dans les années à venir c'est effectivement plus d'heures de sport par jour, pour les élèves, qui doit être la traduction concrète de cela. Et puis le développement de ce qu'on appelle parfois cours le matin, sport l'après-midi, qui permet d'avoir des activités sportives systématiques l'après-midi. Ça fait partie des transmutations de notre système éducatif, qui ont commencé.
LIONEL GOUGELOT
Je reviens, Jean-Michel BLANQUER, à la préparation des Jeux, des JO de 2024. Est-ce qu'il y aura un effort budgétaire, des aides financières accrues pour les athlètes des sports qui sont moins soutenus par les sponsors, et notamment des sports qui ne participaient pas aux Jeux olympiques, aux derniers Jeux olympiques, mais qui seront, du fait que la France est organisatrice, présents à Paris en 2024 ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, vous savez, pendant toute la crise sanitaire on a été très attentif aux différentes fédérations, et c'est vrai qu'il y a plusieurs catégories, il y a les grandes, les moyennes et les petites, je dirais, et certaines petites étaient même en risque de mort pendant la crise sanitaire. On a été très très attentifs à ça, aux fédérations comme aux clubs d'ailleurs. Elles ont passé la crise sanitaire, je pense que d'ailleurs le milieu sportif a largement reconnu que nous avions aidé comme il convenait, même si ça n'était pas simple, et je salue le travail qui a été fait sur le terrain par les bénévoles, les responsables sportifs en France, qui ont qui ont fait beaucoup beaucoup de travail, ce qui fait que maintenant nous sommes prêts pour le rebond nécessaire, c'est comme ça que le président de la République a pu annoncer le l'opération Passeport, vous savez, qui signifie que l'année prochaine nous finançons l'inscription à des clubs, des enfants, au travers de coupons qui reçoivent les parents, permettant donc d'inscrire l'enfant dans un club, c'est très important, parce que se faisant ont atteint deux objectifs : plus de sport pour les enfants, mais aussi plus de soutiens aux clubs, et donc les fédérations, pour répondre pleinement à votre question, oui vont être soutenues pour être là aussi au rendez-vous de 2024. Et c'est vrai, nous sommes particulièrement attentif aux petites fédérations.
LIONEL GOUGELOT
Vous n'avez aucune inquiétude Jean-Michel BLANQUER sur le degré d'adhésion de la population à ces jeux dans 3 ans ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
De l'inquiétude non, je crois qu'il faut toujours être positif, mais il est évident qu'on doit être attentif à ça, c'est-à-dire que les Jeux sont une réussite si la population en a envie. Et on a vu que c'était un problème au Japon, et que d'ailleurs les autorités japonaises ont su dépasser cette question, ce qui a été d'ailleurs une force, je trouve, d'âme du gouvernement japonais. Mais là, nous ce que nous devons en amont des Jeux de Paris, c'est réussir cette adhésion. Quand je vois ce qui s'est passé hier à la cérémonie au Trocadéro, je suis optimiste. On voit de la ferveur, on voit que les gens ont envie de joie, on envie de cet esprit olympique…
LIONEL GOUGELOT
Mais vous savez ce que c'est, il peut…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ah ben ça je ne doute pas…
LIONEL GOUGELOT
Il peut se passer plein de choses d'ici là, les polémiques qui vont se développer, l'argent, le budget, les sites, les machins…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr. Je connais la vitalité de notre démocratie, si c'est ça votre question. Mais, bien sûr, mais c'est normal d'ailleurs. Il doit y avoir du débat, mais je ne doute pas que nous aurons cette ferveur et évidemment c'est aussi mon rôle, avec Roxana MARACINEANU, que de contribuer à cette ferveur et notamment avec ce que je vous ai dit sur l'école, puisqu'à partir du moment où vous enclenchez la ferveur de 12 millions d'enfants, c'est aussi leur famille, c'est la société, et donc il faut aussi que chacun voit l'intérêt que ça a. J'ai parlé d'héritage tout à l'heure en parlant du sport pour tous, et notamment des enfants, mais c'est aussi les équipements, c'est aussi les emplois, et c'est je dirais l'état d'esprit de fraternité, et puis de… Regardez l'état d'esprit qu'il y a eu autour de la Coupe du monde en 1998, on doit retrouver ce type de ferveur et il doit y avoir des effets positifs pour la société.
LIONEL GOUGELOT
Questions/réponses rapides s'il vous plaît. Sur les effets de la crise sanitaire, y aura-t-il un Pass sanitaire pour les clubs de sport à la rentrée ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, c'est un sujet sur lequel nous travaillons. Mais on doit faire toujours la distinction entre ce qui se passe pour les moins de 18 ans et les plus de 18 ans. Vous le savez, depuis le début de cette crise sanitaire je suis attentif aux plus jeunes, c'est comme ça qu'on a maintenu les écoles ouvertes, et les activités périscolaires pourraient parfois être assimilées à des activités scolaires, mais c'est quelque chose qui n'est pas encore arbitré, donc nous y travaillons actuellement.
LIONEL GOUGELOT
Dernière question Jean-Michel BLANQUER. Lionel MESSI au Paris-Saint-Germain, ça vous fait rêver ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr. Vous savez, je suis un amateur de football, donc avoir une équipe où vous avez et MESSI, et MBAPPE, et NEYMAR, et j'en passe et des meilleurs, et DI MARIA, et d'autres, c'est évidemment quelque chose qui fait rêver ; en même temps je suis un peu attentif au modèle économique du sport et je crois qu'il faut qu'on regarde ces questions-là dans le futur, mais en tout cas, à très court terme, c'est évidemment quelque chose qui sportivement est intéressant.
LIONEL GOUGELOT
Et puis ça peut régler les problèmes des droits télé aussi.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Aussi, donc saluons ce que tout cela a de positif. Soyons attentifs quand même, dans les temps qui viennent, à des modèles économiques du sport qui soient raisonnables.
LIONEL GOUGELOT
Merci. Merci Jean-Michel BLANQUER. Merci d'être passé par les studios d'Europe 1. Jean-Michel BLANQUER, ministre de l'Education nationale, mais aussi ministre de la Jeunesse et des Sports, plutôt heureux et plutôt optimiste pour 2024.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui.
LIONEL GOUGELOT
Merci.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Merci à vous. Et vive le sport et vive la France.
LIONEL GOUGELOT
Merci Jean-Michel BLANQUER
source : Service d'information du Gouvernement, le 10 août 2021