Interview de Mme Florence Parly, ministre des armées, à France Info le 16 août 2021, sur l'évacuation des Français et des Afghans menacés après la prise du pouvoir par les talibans en Afghanistan et l'aide sanitaire de l'armée en Martinique confrontée à la Covid-19.

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Média : France Info

Texte intégral

CELINE ASSELOT
Emmanuel MACRON va donc présider tout à l'heure un Conseil de défense consacré à la situation en Afghanistan et à la sécurité des Français qui sont encore sur place, c'est la priorité absolue a indiqué l'Elysée. Bonjour Florence PARLY.

FLORENCE PARLY
Bonjour.

CELINE ASSELOT
Ministre des Armées, merci d'avoir accepté notre invitation ce matin. Est-ce que l'évacuation des ressortissants français a déjà commencé ?

FLORENCE PARLY
Nous avons en effet déjà commencé de mobiliser des avions de transport qui sont partis hier soir et ce matin très tôt depuis la France, pour rejoindre la base aérienne dont nous disposons aux Emirats arabes unis, et l'objectif est ensuite de pouvoir faire des rotations entre les Emirats arabes unis et Kaboul, afin de procéder aux opérations d'évacuation, et nous planifions de faire la première rotation d'ici la fin de ce lundi. Donc, oui, les opérations sont prêtes à être réalisées, entre temps nous avons organisé, sur la base dont nous disposons aux Emirats arabes unis, qui est une base militaire, les conditions d'accueil des premiers évacués, qu'il s'agisse des ressortissants français qui seraient encore à Kaboul, mais qu'il s'agisse aussi des personnes qui sont sous notre protection et que nous allons évacuer, bref, la base des Emirats arabes unis va servir en quelque sorte de hub militaire pour assurer des norias entre Abu-Dhabi et Kaboul, et ensuite le rapatriement jusqu'en France, de ces personnes.

CELINE ASSELOT
Et ça représente combien de personnes à évacuer, pour parler tout d'abord des Français présents en Afghanistan, combien sont-ils ?

FLORENCE PARLY
Alors, comme vous le savez, nous n'avons pas attendu ces derniers jours pour appeler nos ressortissants à quitter l'Afghanistan, depuis le mois d'avril nous ne cessons d'exhorter nos compatriotes à quitter l'Afghanistan compte tenu de la dégradation très rapide de la situation sécuritaire dans ce pays, vous vous souvenez sans doute qu'au mois de juillet nous avons affrété un vol afin de pouvoir rapatrier tous ceux qui étaient en situation et souhaitaient être rapatriés, donc on peut dire que la plupart de nos ressortissants ont pu déjà être rapatriés, néanmoins il en reste, il en reste…

CELINE ASSELOT
Quelques dizaines, quelques centaines ?

FLORENCE PARLY
Encore plusieurs dizaines, il en reste plusieurs dizaines, et notamment nos personnels diplomatiques qui ont assuré la délivrance des…pour tous ceux qui étaient en capacité, et qui le souhaitaient, de rejoindre la France, il y avait encore tout récemment des responsables et des salariés des organisations non gouvernementales, des associations qui oeuvrent depuis des années en Afghanistan, et donc ce sont ces personnes qui doivent être désormais rapatriées dans les prochaines heures. Et puis il y a bien sûr des personnes qui demandent la protection de la France, et donc nous faisons tout, nous faisons tout pour pouvoir faciliter l'arrivée, en France, de ceux qui ont la volonté et la capacité de rejoindre l'aéroport de Kaboul afin de pouvoir être évacués. Mais la situation localement est extrêmement difficile, les communications sont très perturbées, vous savez qu'il est très périlleux de circuler par les voies routières, donc c'est le défi des prochaines heures.

CELINE ASSELOT
Justement, une question, une précision, sur le profil des ressortissants afghans qui pourraient être amenés à être évacués par les forces françaises, de qui s'agit-il exactement, est-ce que ce sont des gens qui ont travaillé pour l'armée française par exemple ?

FLORENCE PARLY
Alors il y a bien sûr des personnels qui ont travaillé pour les armées françaises, et nous n'avons pas attendu, là encore, ces dernières heures pour le faire puisque dès que les dernières forces françaises ont quitté l'Afghanistan, c'était en 2014, il y a sept ans maintenant, un travail considérable a été fait pour identifier les Afghans qui étaient éligibles à un accueil en France, au titre des très éminents services qui ont été rendus par eux à nos armées, nous avons, depuis cette date, rapatrié environ 1350 Afghans, qui correspondent à la fois aux personnes qui ont servi la France et leurs familles, et puis je rappelais tout à l'heure que depuis le mois d'avril nous avons exhorté les ressortissants français à évacuer l'Afghanistan, et le président de la République, qui avait demandé, après son élection, un nouvel examen des demandes qui avaient pu être exprimées par ces personnels, le président de la République a demandé qu'un nombre significatif de personnes puissent être évacuées, ce qui a été fait entre le mois de mai et le mois de juillet de cette année, puisque nous avons évacué plus de 600 personnes qui sont aujourd'hui désormais en France, et donc c'est ce processus qui se poursuit dans les heures qui viennent.

CELINE ASSELOT
Florence PARLY, Emmanuel MACRON va présider un Conseil de défense ce midi avant de s'exprimer ce soir à 20h sur la situation, en quoi la France doit-elle s'inquiéter prioritairement du retour des talibans au pouvoir ?

FLORENCE PARLY
Vous savez, cela fait des années que la France est engagée dans toutes les formes de lutte contre le terrorisme, nous sommes engagés sur différents continents, ce qui es évidemment essentiel c'est que la sécurité des populations civiles soit assurée, mais aujourd'hui vous comprendrez que la priorité des priorités c'est de se concentrer sur ces opérations d'évacuation que j'ai mentionnées à l'instant et c'est elles qui requièrent toute notre énergie.

CELINE ASSELOT
Parce que la France a été engagée en Afghanistan, je le rappelle, entre 2001 et 2014, est-ce que la France porte aussi une part de responsabilité, comme l'armée américaine par exemple, dans la situation qu'on connaît aujourd'hui ?

FLORENCE PARLY
La France n'est plus en Afghanistan depuis 2014, comme je l'ai indiqué, il n'y a pas de parallèle à faire entre l'engagement de la France en Afghanistan et l'engagement des Etats-Unis, même si nous avons été dans une même opération, nous sommes partis, et toutes les décisions qui ont été prises ultérieurement ont été des décisions qui n'ont pas concerné la France en tant qu'armée française. Donc, aujourd'hui, la France a une priorité et une seule, c'est d'évacuer d'une part ses ressortissants qui sont encore en Afghanistan, d'évacuer les personnels qui ont rendu d'éminents services à notre pays en nous aidant au quotidien, et par ailleurs de faire le maximum pour mettre en protection des personnalités qui ont défendu les droits, les droits de l'homme, des journalistes, des artistes, bref, tous ceux qui se sont engagés pour ces valeurs que nous continuons de défendre partout dans le monde.

CELINE ASSELOT
Une dernière question Florence PARLY, concernant les Antilles si vous le voulez bien. L'armée a déployé des capacités hospitalières d'urgence en Martinique pour soulager le CHU, vous promettiez 20 lits de réanimation à la mi-août, est-ce qu'ils sont opérationnels aujourd'hui ?

FLORENCE PARLY
Dix d'entre eux sont opérationnels depuis plusieurs jours, et c'est dans les prochaines heures que les dix supplémentaires, qui ont été annoncés, seront opérationnels, donc nous aurons bien tenu notre engagement de déployer 20 lits de réanimation supplémentaires au CHUT de Fort-de-France, et puis, par ailleurs, je peux vous annoncer que l'un des bâtiments de la Marine nationale, basé à Fort-de-France, a appareillé hier, depuis la Guyane, pour acheminer plus de 100 tonnes d'oxygène vers la Martinique, et cet oxygène sera disponible à la fin de la semaine, vous savez que l'oxygène est évidemment essentiel pour pouvoir assurer le bon fonctionnement de ces lits de réanimation, et nous prévoyons plusieurs rotations afin de poursuivre ce flux d'approvisionnement en oxygène depuis la Guyane vers les Antilles.

CELINE ASSELOT
Florence PARLY, ministre des Armées, merci beaucoup, en direct ce matin dans le 7/10 de France Info.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 août 2021