Texte intégral
JEROME FLORIN
Bonjour Florence PARLY.
FLORENCE PARLY
Bonjour.
JEROME FLORIN
Ministre des Armées, merci d'être avec nous ce matin sur RTL. Les vols civils et militaires ont repris cette nuit à l'aéroport de Kaboul, combien de personnes la France doit-elle encore exfiltrer ce matin à l'heure où l'on parle ?
FLORENCE PARLY
Alors, en effet, après une situation très chaotique en fin de journée hier, qui avait conduit à arrêter les atterrissages et les décollages sur la piste de Kaboul, pendant la nuit les vols ont pu reprendre, c'est ce qui nous a permis de faire atterrir notre premier avion de transport militaire qui arrivait de France, puis des Emirats arabes unis, dans la nuit qui vient de s'écouler, et cet avion a pu repartir vers Abu-Dhabi et est arrivé en fin de nuit. Donc, combien de personnes allons-nous rapatrier, ça c'est encore un peu tôt pour pouvoir vous répondre et vous donner un chiffre avec certitude, ce que je peux vous dire en revanche, c'est qu'avec cette première rotation que nous avons effectuée cette nuit, eh bien nous avons posé les bases d'un pont aérien entre Kaboul et les Emirats arabes unis, et ce pont aérien vous nous permettre de multiplier les rotations dans les heures et les jours qui viennent, et je voudrais insister sur le fait que cette opération ne pourrait pas avoir lieu sans un puissant soutien des Emirats arabes unis, et j'ai eu d'ailleurs l'occasion de m'entretenir avec mon homologue hier pour le remercier du soutien qu'il nous apporte.
JEROME FLORIN
Donc, en ce qui concerne les ressortissants français on parle de plusieurs dizaines de personnes, c'est ça ?
FLORENCE PARLY
On parle de plusieurs dizaines de personnes, en effet, il faut avoir en tête que la France n'a pas attendu l'effondrement du régime de Kaboul pour prendre des dispositions, puisque dès le mois d'avril de cette année nous avons incité et exhorté nos ressortissants français à quitter le territoire afghan, nous avons pris des dispositions pour cela, le ministère des Affaires étrangères a affrété un vol qui est rentré en France en juillet, c'est la raison pour laquelle, en ce qui concerne les ressortissants français, les nombres s'expriment plutôt en, disons en plusieurs dizaines plutôt qu'en plusieurs centaines, voilà, pour rester dans des ordres de grandeur.
JEROME FLORIN
Florence PARLY, il y a aussi tous ces Afghans qui ont travaillé pour l'armée française, combien sont-ils et sont-ils aujourd'hui protégés ?
FLORENCE PARLY
Alors, les Afghans qui ont travaillé pour l'armée française sont des personnes avec lesquelles la France considère qu'elle a destin lié, ils ont pris des risques pour rendre notre travail possible pendant les 13 années pendant lesquelles nous avons combattu en Afghanistan, ils ont tenu toutes sortes de responsabilités, ils ont été des interprètes, ils ont été des chauffeurs, bref, ils nous ont aidé à mener notre mission à bien, et donc là aussi nous n'avons pas attendu pour prendre des initiatives, plusieurs centaines d'entre eux ont été rapatriés au cours des dernières années, et le président de la République a souhaité, en 2018, après ces rapatriements, qu'on réexamine les situations pour être bien certains que nous ne passions pas à côté de situation humanitaire extrêmement difficile, donc c'est la raison pour laquelle nous avons, en effet, continué de rapatrier des personnes qui nous ont aidés dans le passé, en France, et c'est ce qui a été donc fait puisque plus de 200 personnes ont été, depuis 2018, accueillies sur le territoire français.
JEROME FLORIN
Leurs avocats ont dénoncé, pardonnez-moi Florence PARLY, ont dénoncé hier dans le journal « Le Monde » un blocage systématique du ministère des Armées, donc de vous, pour leur permettre d'obtenir des visas, qu'est-ce que vous leur répondez, est-ce que ce blocage aujourd'hui est levé ?
FLORENCE PARLY
Je réponds que nous avons réexaminé de nombreuses situations, que nous sommes en train, en ce moment même, sur l'aéroport de Kaboul, de mettre en place les moyens qui permettront d'évacuer ces personnes, ainsi que leurs familles, et que nous sommes confrontés, non pas à une difficulté administrative, mais une difficulté logistique, qui est de permettre à ces personnes de pouvoir rallier l'aéroport, dans sa partie militaire à Kaboul, ce qui est aujourd'hui est un véritable défi puisque vous savez qu'il y a des barrages, des checkpoints qui sont contrôlés tout autour de l'aéroport par les talibans, et que donc la vraie difficulté c'est d'obtenir que ces personnes puissent passer. Certaines sont à Kaboul, certaines n'y sont pas, nous ne savons pas où sont tous ces auxiliaires. Et par ailleurs, je rappelle aussi un point, qu'il faut que les Français aient en tête, c'est que tous n'ont pas souhaité, dans le passé, au cours des différents appels que nous avons conduits, tous n'ont pas souhaité quitter leur pays, donc il faut à la fois tenir compte du choix des personnes, mais aussi des capacités physiques à rejoindre un aéroport qui, comme les images l'ont montré encore hier soir, est dans une situation très chaotique et dont les accès sont contrôlés par les talibans.
JEROME FLORIN
Florence PARLY, ministre des Armées, comment empêcher, maintenant que l'Afghanistan, aux mains des talibans, ne devienne un sanctuaire djihadiste ?
FLORENCE PARLY
C'est évidemment tout l'enjeu puisque la lutte contre le terrorisme n'est pas terminée et qu'il faut absolument éviter que ce pays ne redevienne une base arrière pour des organisations terroristes, que nous connaissons bien, Al-Qaïda pour ne pas la citer, et sans oublier d'ailleurs Daesh qui a une filiale, si je puis dire, qui est installé en Afghanistan, donc il faut maintenant tout faire pour que cette tragédie ne conduise pas à reconstituer ce sanctuaire.
JEROME FLORIN
Comment ?
FLORENCE PARLY
Aujourd'hui, vous savez que la France est engagée dans le combat contre le terrorisme dans différentes régions du monde, et ce n'est pas maintenant que nous allons cesser ce combat, il faut vraiment tout faire pour éviter que cette situation, que nous connaissons en Afghanistan, ne débouche sur une résurgence de la menace terroriste, et puis il faut poursuivre aussi notre soutien, qui est un soutien politique, à la lutte des Afghans qui refusent ce retour probable à l'obscurantisme.
JEROME FLORIN
Est-ce que cela veut dire que la France va revoir son calendrier de retrait des troupes au Sahel ?
FLORENCE PARLY
Le président de la République a été très clair, nous avons communiqué sur la transformation de l'opération Barkhane, il ne s'agit nullement de quitter le Sahel, il s'agit d'adapter notre réponse à la lutte contre le terrorisme à une situation qui est changeante, changeante d'abord parce que les groupes terroristes adaptent leur propre comportement, et puis qui a évolué depuis plusieurs années dans la mesure où aujourd'hui la France n'est plus seule, elle est désormais accompagnée de nombreux pays partenaires, en particulier de pays européens, ce qui nous permet de recomposer, d'ajuster notre dispositif. Vous savez, un dispositif militaire, il n'est parfait pour rester figé, ça n'a jamais été le cas, s'il se fige il est moins efficace, et c'est pour cela que le président de la République a souhaité qu'il y ait une transformation, donc encore une fois, la France ne quitte pas…
JEROME FLORIN
Mais il y a quand même un retrait des troupes, progressivement, jusqu'en 2023, il y aura de moins en moins de militaires français au Sahel.
FLORENCE PARLY
La France ne quitte pas le Sahel, nous changeons notre mode de présence, et, en effet, nous aurons moins de militaires français engagés dans des combats, plus de militaires européens à nos côtés, et plus d'actions de coopération pour permettre aux armées sahéliennes, que nous avons non seulement formées, mais que nous avons entraînées à combattre, pour leur permettre d'acquérir un degré d'autonomie plus important. Donc, non, la France ne quitte pas le Sahel, mais la France, comme le président de la République l'a indiqué, ajuste son dispositif, le transforme, pour que celui-ci soit plus efficace.
JEROME FLORIN
Florence PARLY, la France a été engagée pendant 13 ans en Afghanistan, qu'est-ce que vous dites, comme ministre des Armées, à tous ces militaires qui se sont battus, aux familles des 90 soldats français morts, aux 700 blessés qui se disent tout ça pour ça, tout ce travail anéanti en 24 heures ?
FLORENCE PARLY
Tout d'abord je voudrais dire combien je partage l'émotion qui doit être celle des familles qui ont perdu des enfants, des maris, des épouses, des parents, en Afghanistan, 90 de nos soldats ont laissé leur vie dans ce combat contre le terrorisme, et je voudrais leur dire…
JEROME FLORIN
Pour rien ?
FLORENCE PARLY
Ce n'est pas un combat qui a été vain, parce que ce sacrifice a été fait pour permettre, à terme, à un horizon évidemment qu'il est très difficile de situer, permettre d'une part la stabilisation de ce pays, qui n'est pas aujourd'hui faite, il faut bien en convenir, et permettre, à terme, à ce pays de trouver les conditions de son développement, de son épanouissement, et surtout le retour à la sécurité, mais je crois que, et le président de la République l'a dit hier soir, c'était un combat qui était juste et c'était l'honneur de la France de s'y être engagé aux côtés de notre partenaire américain qui, chacun s'en souvient, avait été attaqué sur son sol le 11 septembre 2001. Donc, voilà, c'est un combat qu'il a été indispensable de mener, que nos soldats ont mené avec énormément de courage et d'engagement, et maintenant il faut pouvoir avancer et c'est la raison pour laquelle tout doit être fait pour empêcher que l'Afghanistan ne devienne un sanctuaire pour le terrorisme.
JEROME FLORIN
Florence PARLY, ministre des Armées, sur un tout autre sujet et en quelques mots s'il vous plaît. Vous avez annoncé l'envoi aux Antilles de 100 tonnes d'oxygène médical pour faire face à la crise sanitaire, l'arrivée est prévue pour quand et ça pourra aux hôpitaux de tenir combien de temps ?
FLORENCE PARLY
Alors l'arrivée est prévue d'ici la fin de la semaine et nous allons réitérer cette opération la semaine suivante pour pouvoir acheminer de façon régulière une centaine de tonnes d'oxygène, et par ailleurs vous savez qu'il y a eu un terrible séisme à Haïti samedi dernier, qui a fait plus de 1300 victimes, et là aussi les armées françaises sont engagées dans une opération humanitaire qui va donc nous conduire à transporter du fret humanitaire vers Haïti dès cette semaine. Donc, vous le voyez, les armées sont toujours auprès, d'abord des Français qui en ont besoin, mais aussi de tous ceux qui souffrent, et traduisent en actes la solidarité de la France vis-à-vis de ces pays.
JEROME FLORIN
On l'a bien entendu, merci beaucoup Florence PARLY, ministre des Armées, donc je note qu'une première rotation a eu lieu cette nuit entre Kaboul et les Emirats arabes unis grâce à un avion français. Merci beaucoup, bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 août 2021