Texte intégral
R - S'il y a des interrogations lourdes à avoir, elles portent d'une part sur l'incapacité de l'Etat afghan - que l'on croyait plus solide que ce qu'il n'est en réalité - à se tenir, puisqu'il y a eu un véritable désastre de l'Etat afghan. Et puis que, par ailleurs, nous avons pu constater une véritable déroute de l'armée afghane. Et c'est ce qui a fait que le point de sortie qui était prévu pour les forces qui étaient en Afghanistan toujours - je rappelle à nos auditeurs que nous sommes retirés d'Afghanistan depuis 2012, ce qui a rendu très compliqué le retrait de ces forces qui était prévu beaucoup plus tard -.
Donc c'est la déroute de l'armée afghane et la montée en puissance extrêmement rapide des Taliban qui est la surprise et qui entraîne ces éléments de panique que vous avez évoqués en commençant.
Q - La France va-t-elle reconnaître ce pouvoir taliban et maintenir une relation diplomatique avec Kaboul, maintenir son ambassade par exemple ?
R - Pour l'instant l'ambassade est maintenue, vous le savez. Elle a déménagé : elle n'est plus sur son site historique, mais elle a déménagé pour des raisons de sécurité à l'aéroport. Nous avons toujours un ambassadeur et nous apprécierons la situation en fonction de ce que feront précisément les Taliban. Est-ce qu'ils vont par exemple reconnaître les engagements pris par le Conseil de sécurité à l'unanimité hier sur le respect du droit, sur la nécessité de permettre des évacuations, sur le respect du droit des femmes en particulier ? C'est à ces critères-là que l'on pourra apprécier la nouvelle situation.
Pour l'instant, nos équipes à Kaboul sont uniquement préoccupées par la sécurisation du retour de nos ressortissants, mais aussi par le soutien auprès des Afghans qui se sont engagés sur les droits, qui se sont engagés sur les droits des femmes, qui se sont engagés sur les enjeux démocratiques et qui aujourd'hui risquent d'être poursuivis, ne sont plus en sécurité et envers lesquels nous avons des devoirs moraux que nous allons mettre en oeuvre.
Q - Alors justement. Des évacuations sont en cours. Des opérations d'évacuation. D'abord les Français : combien y'a-t-il encore de Français sur place et comment se déroule leur évacuation ?
R - C'est toujours assez complexe. Le nombre de Français restant en Afghanistan représente à peu près quelques dizaines qui restent encore. Certains sont sur l'aéroport, d'autres sont dans le site de notre ambassade - le site historique de notre ambassade -, d'autres sont encore sur le territoire afghan - certains sont à Kaboul et d'autre sont ailleurs. Et nous sommes en relation avec les uns et les autres pour essayer de les acheminer le mieux possible vers l'aéroport de Kaboul, afin de procéder à leur évacuation. Et nous le faisons évidemment en intelligence avec les autorités américaines.
Mais nous avons d'autres responsabilités que celles de nos ressortissants. Nous avons la responsabilité de faire en sorte que ceux qui nous ont aidés - je pense en particulier aux agents de droit local qui aidaient l'ambassade, qui aidaient l'Institut français, qui aidaient nos écoles, qui aidaient nos outils culturels - rentrent en France. Et cela a déjà été engagé, parce que je vous rappelle que nous avons engagé ce mouvement de retour depuis le mois de juillet. Et même il y a plusieurs semaines que nous avons incité nos agents de droit local afghans qui voulaient revenir en France de revenir avec leurs ayant-droits s'ils le souhaitaient. Cela a entraîné plus de 600 Afghans qui de ce fait sont revenus en France. De la même manière, Mme Parly a incité les auxiliaires de l'armée française, ceux qui avaient servi et aidé l'armée française lorsqu'elle était présente en Afghanistan, ceux qui voulaient revenir, avec leurs ayant-droits, à le faire désormais.
Et puis il y a ces personnalités afghanes qui sont un certain nombre et qui souhaitent revenir en France parce qu'elles risquent leur vie en restant sur place et que nous voulons accompagner parce que cela aussi, c'est un devoir moral.
Q - Alors les auxiliaires de l'armée française, tous ces Afghans qui ont aidé les Français d'une manière ou d'une autre, et puis aussi les militants, les artistes qui ont parfois critiqué les Taliban... Ces personnes, vous évaluez leur nombre à combien ? Combien de personnes la France doit-elle aider ?
R - Nous avons déjà rapatrié plus de 800 auxiliaires de l'armée française. Et donc en ce qui concerne les auxiliaires de l'armée française, Mme Parly a eu l'occasion de le dire, il en reste très peu à rapatrier. Nous sommes tout à fait engagés à le faire, parce que c'est un devoir moral. En ce qui concerne les personnalités, ce sont quelques centaines, disons entre 300 et 400 qui ont fait savoir qu'elles étaient en danger en raison de leur engagement antérieur, que nous connaissons, que nous avons identifiées, et pour lesquelles nous apportons le soutien logistique nécessaire et je l'espère la possibilité d'évacuation rapide.
source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 août 2021