Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Marlène SCHIAPPA, bonjour.
MARLENE SCHIAPPA
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous répondez à cette interview, 07h40 sur RMC. Vous êtes ministre déléguée à la Citoyenneté, et c'est vous qui êtes en charge de la question de l'asile. A l'instant où l'on se parle, est-ce que vous poursuivez les évacuations, malgré les attentats d'hier à Kaboul ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui, d'abord je voudrais avoir une pensée, bien sûr, évidemment pour nos soeurs afghanes et nos frères afghans qui vivent une situation particulièrement difficile et particulièrement pour les civils et les militaires qui ont été tués lors de l'attentat hier et pour leurs proches et leurs familles. Nous, nous poursuivons, la France poursuit son activité, à l'heure où je vous parle notre ambassadeur est toujours présent, avec une représentation de diplomates, dont je veux saluer le travail et les efforts, il y a également le RAID, des forces de sécurité françaises qui sont sur place et qui poursuivent à ce stade ces évacuations, dans des conditions évidemment particulièrement difficiles.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous avez une idée du nombre de personnes qui restent à évacuer donc d'ici ce soir ?
MARLENE SCHIAPPA
C'est très difficile à dire, parce que, à ce stade, nous avons évacué plus de 2 700 personnes, des Français bien sûr, nos compatriotes, mais aussi des Afghans, des Afghanes, soit parce qu'ils avaient travaillé avec la France et que donc nous avons voulu les faire venir en France, soit qu'ils étaient menacés, ce sont ces combattants de la liberté qu'a nommés le président de la République, c'est-à-dire des journalistes, des procureurs, des avocats, des militantes féministes, des militants de la cause des droits humains ou des droits LGBT, que nous avons fait venir en France.
MARLENE SCHIAPPA
Et jusqu'à quand, donc, ces évacuations ? Ça va tomber comme un couperet, et ceux qui arriveront trop tard, eh bien tant pis pour eux ?
MARLENE SCHIAPPA
Vous savez, ça fait des semaines et même oserais-je dire des mois que la France est mobilisée pour faire venir en France un certain nombre de personnes. Dès le mois de mai et le mois de juin, le ministère des Affaires étrangères, des Armées et le ministère de l'Intérieur se sont mobilisés pour faire venir ceux qu'on a appelés les auxiliaires, les personnes qui étaient en contrat local et qui travaillaient avec notamment l'Armée française pour les faire revenir. D'ailleurs à l'époque, avec certaines critiques sur le fait que nous étions pessimistes sur la situation, et nous avions raison de l'être, en tout cas nous étions réalistes.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous venez de nous parler du profil des gens qu'on accueille en France. Ils vont être accueillis pour combien de temps ? Est-ce qu'ils ont un visa, comment ça se passe très concrètement ? On entendait plusieurs témoignages hier qui disaient qu'ils avaient un visa de 2 semaines.
MARLENE SCHIAPPA
Alors, en fait, à partir du moment où les Afghans arrivent, ils deviennent, quand ils déposent des demandes d'asile, des demandeurs d'asile. D'abord, il y a une forme de quarantaine, d'une dizaine, quinzaine de jours, sur la question du Covid.
APOLLINE DE MALHERBE
Là, c'est le Covid.
MARLENE SCHIAPPA
Exactement. Ensuite, il y a des tests. A ce stade, tous les tests Covid ont été négatifs, à ma connaissance. Ensuite il y a 72 heures pendant lesquelles les services de l'OFII, l'Office Français de l'Intégration et de l'Immigration, partagent les démarches qui sont possible d'entreprendre pour demander le statut de réfugié. Certains n'ont pas vocation à rester en France, certains nous disent " moi j'ai de la famille en Allemagne, par exemple, je veux partir rejoindre ma famille ". D'autres ont vocation à demander le statut de réfugié, probablement l'obtiendront-ils, puisque 90% des demandes de statut de réfugié obtiennent une réponse positive de la part des services de l'OFPRA, donc des services de l'Etat en France, et donc ensuite il y a un parcours d'intégration. Et là nous sommes en train de travailler à ce parcours d'intégration. Avec le premier, je suis allée voir des Afghans qui venaient d'arriver avec leurs enfants, nous assurer que les enfants par exemple puissent bien faire la rentrée scolaire et suivre une éducation. Hier, j'étais avec le MEDEF, et hier j'ai invité au ministère de l'Intérieur une douzaine de très grandes entreprises françaises, pour leur demander de s'engager, notamment de pouvoir recruter ces personnes dans quelques mois, quand elles auront le statut de réfugié et qu'elles pourront travailler. On a des personnes très qualifiées. Moi j'ai rencontré un cardiologue, un ingénieur Informaticien, une directrice d'école de pharmacie, un ancien haut fonctionnaire de Kaboul, et donc ce sont des personnes maintenant qui vont pouvoir travailler, puisque…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais qui vont devoir attendre la fin de l'examen de leur dossier d'asile.
MARLENE SCHIAPPA
Alors oui. Le droit d'asile en fait est assez strict, c'est le droit international et constitutionnel…
APOLLINE DE MALHERBE
Et assez long.
MARLENE SCHIAPPA
… en fait, un réfugié, il doit déposer sa demande et ensuite, enfin un demandeur d'asile plus exactement, pose sa demande pour avoir le statut de réfugié et ensuite au bout de 6 mois, il peut travailler. Mais pendant ces 6 mois, nous ne faisons pas rien, les services de l'Etat sont mobilisés par exemple pour qu'il y ait des cours de français, certains sont francophiles et francophones, d'autres parlent anglais, d'autres pas du tout, et donc nous allons devoir les accompagner avec les services de l'Etat, comme nous le faisons pour les autres réfugiés de guerre, pour qu'ils puissent apprendre le français et faire des démarches.
APOLLINE DE MALHERBE
On va y revenir dans un instant sur tout ce système de l'asile, mais une question précisément sur ces réfugiés qui sont déjà arrivés, vous dites 2 700 donc qui ont été accueillis depuis le début de cette guerre et de l'arrivée des talibans. L'un de ces réfugiés afghans a été condamné à 10 mois de prison avec sursis pour avoir enfreint son assignation à résidence, il faisait partie de ces 5 personnes assignées à résidence pour soupçon d'ambiguïté au minimum vis-à-vis des talibans. Il est où, là, au moment où on se parle ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors, d'abord pour être précise dans les chiffres que je vous donne, il y a 2 700 personnes que nous avons fait revenir d'Afghanistan, à ce stade, ce sera plus in fine, et parmi ces 2 700 il y a des Français, il y a des personnes qui ont d'autres nationalités, qui sont des Européens, et que la France a pris en charge. Ce ne sont pas 2 700 Afghans. Et parmi ces personnes, je tiens à dire qu'il y a aussi beaucoup d'enfants et notamment quelques enfants seuls qui sont pris en charge par les services de l'Etat. Pour répondre à votre question…
APOLLINE DE MALHERBE
Il est où ? Il est où ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors, il y a un triple contrôle qui est effectué. Il y a un premier contrôle de sécurité à Kaboul, ensuite, au moment de monter dans l'avion par les services de l'Etat qui sont en France, les diplomates, les services de sécurité, ensuite il y a un contrôle à Abu-Dhabi, et ensuite c'est un criblage notamment de la DGSI, qui se fait en France. Et je veux d'abord avant tout rendre hommage au travail qui est mené, parce que c'est ce criblage-là qui a permis de poser la question sur un certain nombre de personnes, et notamment dans…
APOLLINE DE MALHERBE
Ça j'ai bien compris Marlène SCHIAPPA, mais là, moi ma question est très précise : il y en a un qui n'a pas respecté son assignation à résidence, qui donc a été jugé en comparution immédiate, qui a écopé de 10 mois de prison avec sursis – avec sursis ça veut dire que concrètement il n'est pas en prison – il est où ?
MARLENE SCHIAPPA
Eh bien c'est une personne qui est surveillée et donc…
APOLLINE DE MALHERBE
Donc il est retourné à l'hôtel.
MARLENE SCHIAPPA
Eh bien c'est une personne qui est surveillée, et qui est surveillée par les Services de renseignements…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous ne savez pas où il est.
MARLENE SCHIAPPA
Ce n'est pas que je ne sais pas, c'est que je ne suis pas fondée à donner sur les plateaux de radio ou de télévision, les localisations exactes, pour des questions de sécurité, de telle ou telle personne particulièrement. D'ailleurs vous aurez remarqué que…
APOLLINE DE MALHERBE
Non mais je ne vous demande pas le nom de l'hôtel, je vous demande simplement de savoir si on sait précisément où il est, s'il est davantage surveillé qu'il ne l'était avant de sortir de cette résidence-là.
MARLENE SCHIAPPA
Bien évidemment, il y a des surveillances, et d'ailleurs il y a des décisions qui ont été prises, des décisions MICAS, donc vous savez, des missions de surveillance, c'est ce que l'on fait sur les personnes qui sont soupçonnées potentiellement d'actes terroriste…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais si je vous pose cette question, c'est que ce n'est pas si évident, je vois par exemple lundi à Nice, il y a un Niçois qui est ancien de Daesh, qui a été retrouvé dans un bar à chicha à Villeneuve-Loubet, alors qu'il avait interdiction absolue de quitter Nice.
MARLENE SCHIAPPA
Oui, bien sûr, mais c'est une…
APOLLINE DE MALHERBE
Ah ben « bien sûr »…
MARLENE SCHIAPPA
Non non, mais ce que je veux dire c'est que c'est une situation extrêmement difficile, on n'est pas dans quelque chose de manichéen, et c'est pour ça que parfois je fustige les solutions un peu miracle et un peu facile de l'opposition, parce qu'il ne suffit pas de prononcer des mesures pour qu'elles soient appliquées, et c'est toute la difficulté de nos services de renseignements, c'est d'ailleurs pourquoi nous avons fait voter avant l'été une loi, la loi SIF, la loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, qui renforce ces mesures et qui renforce le pouvoir donné à la fois aux services de renseignements, mais aussi à la justice, notamment sur les MICAS, sur la durée de la surveillance et sur la manière dont nos services peuvent être complètement mobilisés pour…
APOLLINE DE MALHERBE
Une question encore sur cette détresse des Afghans. Vous disiez, finalement on a vocation à accueillir et à donner l'asile à toutes ces personnes qui sont menacées ; au fond, est-ce que toute femme afghane aujourd'hui, dans son pays, n'est pas menacée ? Et là j'en appelle aussi à vous qui êtes ancienne ministre de l'Egalité femmes/hommes.
MARLENE SCHIAPPA
Bien sûr, mais il y a deux choses, même trois choses en fait. Si vous voulez, il y a d'abord la définition constitutionnelle de l'asile. La définition constitutionnelle de l'asile en France, elle veut que nous accordions la protection à des personnes qui sont menacés pour les combats qu'elles mènent, c'est-à-dire des activistes, des militants…
APOLLINE DE MALHERBE
Le fait d'être une femme là-bas, ce n'est pas un combat en soi ?
MARLENE SCHIAPPA
Non mais, ce n'est pas à moi que vous allez dire ça. Bien évidemment, moi je vous donne le droit, et ensuite je viens sur l'aspect politique. Le droit dit cela, le droit dit que l'asile il est accordé pour cela, et ensuite ce sont les services de l'OFPRA, puis de la CNDA, de la Cour Nationale du Droit d'Asile, qui accordent ou qui n'accordent pas le statut de réfugié. Et bien évidemment la France est en train de travailler, nous avons travaillé main dans la main par exemple avec Chékéba HACHEMI, qui est une Afghane qui est en France depuis de nombreuses années, qui a créé l'association « Afghanistan libre », pour identifier ces femmes qui sont menacées et les faire venir. Mais la question si vous voulez, elle est très pragmatique et très pratique, c'est-à-dire concrètement, vous êtes une femme quelque part en Afghanistan, en ce moment, la première question pratique qui va se poser à vous, ça n'est pas tant de savoir quel pays va vous accueillir, puisque beaucoup de pays se sont prononcés pour l'accueil des personnes persécutées, c'est comment vous allez vous rendre à l'aéroport, et on a vu avec l'attentat d'hier mais on a vu également depuis plusieurs semaines, nous qui travaillons sur ces sujets en lien direct avec les personnes mobilisées sur le terrain, c'est extraordinairement difficile, ne serait-ce que de faire le trajet de votre adresse personnelle ou de votre lieu de travail à Kaboul, pour arriver à l'aéroport, rentrer dans l'aéroport qui n'est pas un aéroport français, qui est un aéroport en Afghanistan, dont les entrées étaient contrôlées par les Américains. C'est ce trajet-là à ce stade qui est la plus grosse difficulté que nous disent les personnes sur le terrain.
APOLLINE DE MALHERBE
Avec évidemment le compte-à-rebours qui est plus serré que jamais.
MARLENE SCHIAPPA
Absolument.
APOLLINE DE MALHERBE
Toute autre chose à présent. Marlène SCHIAPPA, vous êtes ministre rattachée au ministère de l'Intérieur, est-ce qu'il faut imposer à tous les agents du service public le Pass sanitaire ? On a quand même l'impression que c'est aussi à cela, vers cela qu'on se dirige.
MARLENE SCHIAPPA
D'abord, le Pass sanitaire, c'est un moyen, parce que j'entends qu'il y a beaucoup de [débats] qui existent aujourd'hui pour savoir si on est pour ou contre le Pass sanitaire. Ça n'est pas tellement la question, si tout le monde était vacciné, on n'aurait pas besoin de Pass sanitaire, puisque la totalité de la population serait vaccinée, comme nous le sommes aujourd'hui pour un certain nombre de maladies qui ont été éradiquées grâce aux vaccins et grâce aux campagnes de vaccination dès l'enfance et dès l'adolescence. Donc le Pass sanitaire c'est vraiment un moyen, c'est un moindre mal si vous voulez, qui nous permet pendant quelques temps d'avancer.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais on a quand même l'impression parfois que vous avancez vraiment en marchant sur des oeufs, quand on voit par exemple que les gendarmes ont l'obligation de se faire vacciner, mais que ça n'est pas le cas pour les policiers, ça a quand même suscité un certain nombre d'interrogations. Gérald DARMANIN brandit la menace en début de semaine de rendre cette vaccination obligatoire si les policiers, d'eux-mêmes, ne se font pas suffisamment vacciner, est-ce qu'il n'aurait pas été plus simple dès le début de dire : gendarmes, policiers, même combat ?
MARLENE SCHIAPPA
D'abord, ça n'est pas une menace, au contraire, le vaccin, c'est une protection, le vaccin ça n'est pas une punition, et d'ailleurs j'observe qu'on a aujourd'hui plus de 82% des Français qui sont éligibles à la vaccination qui se sont déjà vaccinés, qui ont déjà une première dose de vaccin, plus de 82 %, ça veut dire qu'on a quand même une immense majorité de la population qui est favorable au fait de se faire vacciner, et qui comprend que c'est la solution efficace scientifiquement et raisonnable, qui nous permet de maintenir les écoles ouvertes, de maintenir des restaurants ouverts, de maintenir une vie culturelle, une vie économique active.
APOLLINE DE MALHERBE
Martin BLACHIER tout à l'heure qui était à ce même micro disait, au fond il faudrait l'obligation vaccinale pour tous, ça serait beaucoup plus simple et beaucoup plus efficace. Pourquoi vous n'y avez pas été ? C'est un peu hypocrite quand même, cette histoire de Pass sanitaire.
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, à ce stade, il y a un certain nombre de lois, je n'ai plus le chiffre en tête ; mais je crois qu'on doit être autour d'une dizaine de lois qui ont été votées autour des mesures sanitaires…
APOLLINE DE MALHERBE
Si 10, pourquoi pas 11 ?
MARLENE SCHIAPPA
Voilà, mais tout à fait, vous avez absolument raison. Depuis le début, ce que je veux dire par là, c'est que ce sont des décisions qui ne se prennent pas unilatéralement, contrairement à ce qu'on peut entendre parfois ici ou là, ce sont des décisions qui se prennent dans le respect de la démocratie, avec des débats avec les parlementaires qui ont été élus et qui représentent le peuple français, et qui échangent pour trouver à la bonne ligne de crête qui permet à chacun, dans le respect des droits et libertés fondamentales, de se faire vacciner.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc ça peut encore évoluer en fonction de la situation. Marlène SCHIAPPA, on a parlé avec vous de l'Afghanistan, je vous propose d'ailleurs de rester avec nous parce que dans un instant c'est Nicolas POINCARE qui va précisément essayer de nous faire comprendre la menace sur place et notamment la distinction entre talibans et Daesh. Vous restez ?
MARLENE SCHIAPPA
Avec plaisir.
APOLLINE DE MALHERBE
A tout de suite.
-Pause publicitaire et chronique de Nicolas POINCARE
POINCARE
(…) Bref, c'est l'international des barbus terroristes qui s'est installé en Afghanistan sans y être invité, et qui s'est rappelé hier à notre bon souvenir.
APOLLINE DE MALHERBE
A notre mauvais souvenir. Est-ce qu'il faut s'en inquiéter Marlène SCHIAPPA, est-ce qu'il faut s'inquiéter d'une éventuelle menace terroriste qui se glisserait parmi les réfugiés ?
MARLENE SCHIAPPA
Je pense qu'il faut être très lucide, c'est-à-dire à la fois bien sûr raisonner avec notre coeur, et accueillir les réfugiés, les personnes qui sont persécutées, les exilés, mais en même temps être très lucide et ne pas être naïf, et bien évidemment c'est pour ça que les services de l'Etat, avec les services de renseignements, procèdent à des contrôles et à un triple criblage pour garantir la sécurité des Français sur notre sol et en dehors, c'est notre priorité absolue.
APOLLINE DE MALHERBE
Marlène SCHIAPPA, ministre déléguée à la Citoyenneté, merci d'avoir été mon invitée sur RMC.
MARLENE SCHIAPPA
Merci à vous, avec plaisir.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 août 2021