Interview de Mme Marlène Schiappa, ministre de la citoyenneté, à LCI le 2 septembre 2021, sur la lutte contre le trafic de drogue et l'acceuil des réfugiés afghans.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : La Chaîne Info

Texte intégral

ELISABETH MARTICHOUX
Bonjour Marlène SCHIAPPA.

MARLENE SCHIAPPA
Bonjour.

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup d'être avec nous ce matin sur LCI.

MARLENE SCHIAPPA
Avec plaisir.

ELIZABETH MARTICHOUX
On va évidemment parler de Marseille, deuxième journée de la visite présidentielle, il y aura encore des annonces cet après-midi. Quelle est la patte Macron, qu'est-ce qui fait qu'avec les mêmes recettes, c'est-à-dire des moyens, des déclarations d'intention, vous auriez plus de résultats ?

MARLENE SCHIAPPA
D'abord, je crois que ce ne sont pas les mêmes recettes. Alors, d'abord, avant de commencer, je veux, si vous me permettez, souhaiter une bonne rentrée à tous ceux qui reprennent, notamment mes enfants, mais évidemment tous les élèves, les profs, les personnels enseignants, et les parents, ça me semble important de le faire. Maintenant, je vais vous répondre, en souhaitant cette bonne rentrée à tout le monde. D'abord, je pense que ce ne sont pas les mêmes recettes. D'abord, justement, le président de la République l'a dit, on ne va pas aligner des déclarations ou des promesses de milliards, on va simplement écouter d'abord, et je crois que ce déplacement de trois jours il est inédit pour un président de la République, avec beaucoup de rencontres, beaucoup d'écoutes. J'ai vu que Martine VASSAL, qui est élue d'opposition, a salué l'écoute et la qualité du temps passé avec le président de la République. On l'a vu au contact de beaucoup, à la rencontre de beaucoup d'habitants, de Marseillais qui ont échangé avec le président, et l'idée c'est justement d'être très concret. Il était accompagné par le ministre de l'Intérieur, le ministre de l'Education nationale, la ministre de la politique de la Ville, pour, dossier par dossier, et point par point, très concrètement faire avancer les choses.

ELIZABETH MARTICHOUX
Faire avancer les choses, hier on l'a entendu, il était devant les policiers, il a dit : 200 policiers arriveront plus vite que prévu. Il a parlé de caméras, il a parlé de fibre, mais quelle est la dimension présidentielle de ces annonces ? Tout aussi bien le Premier ministre Jean CASTEX, Gérald DARMANIN, vous-même, vous auriez pu faire ce type d'annonce. Pourquoi, qu'est-ce, qu'elle est la dimension présidentielle de ces annonces ?

MARLENE SCHIAPPA
Alors, d'abord effectivement je vous remercie de reprendre ces annonces. Il y a également des annonces très importantes, qui sont des engagements sur notamment le financement du commissariat de police. On sait que les Quartiers nord, ce qu'on appelle les Quartiers nord de Marseille, les 13ème et 14ème arrondissements, notamment, avaient besoin de longue date d'une rénovation, et c'est vrai que l'engagement du ministre de l'Intérieur et du président de la République permet justement cette rénovation. Mais là, c'est un plan, si on prend toutes les annonces…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça c'est d'accord, madame SCHIAPPA, mais honnêtement, je vais vous le dire directement, est-ce que c'est du niveau du président d'aller à Marseille pour annoncer plus de caméras ?

MARLENE SCHIAPPA
Je crois, d'abord…

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce qu'on a besoin du président pour ça ?

MARLENE SCHIAPPA
Alors, d'abord le président, si vous me permettez, vous réduisez un petit peu la portée de son déplacement. Il y a un déplacement de 3 jours avec effectivement différents engagements très concrets, eh oui, moi je trouve que le fait que le président de la République se préoccupe de concrétiser les grands engagements, c'est fondamental. Il l'a dit, il y a un engagement de lutte contre la drogue, d'ailleurs des points de deal ont été démantelés à Marseille depuis ces derniers mois, et le président de la République donne à la fois la vision très globale, c'est-à-dire que vous ne pour Marseille ? Quelle est la vision de ce que nous voulons construire à Marseille ? Et c'est pour ça qu'il y a un Plan Marseille, avec une dimension sécurité, et je vous remercie de l'avoir rappelé, mais aussi une dimension éducative, on a vu à quel point les écoles avaient besoin de soutien, une dimension aussi de travail avec les associations, et avec les Marseillaises et les Marseillais, c'est un plan qui est construit avec eux.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, il l'a dit lui-même, une question qui était posée d'ailleurs par Paul LARROUTUROU pour LCI, on n'est pas sûr d'avoir des résultats. Je vous demandais tout-à-l'heure " quelle est la patte Macron ? ", eh bien il répond : on n'est pas sûr d'avoir des résultats. Pourquoi ? Il ne veut pas s'enfermer dans la courbe du chômage de François HOLLANDE, c'est une prise de risque trop importante, alors qu'il y a une élection présidentielle qui se profile ?

MARLENE SCHIAPPA
D'abord, la patte Macron, puisque vous le demandez, d'abord c'est de la sincérité, puisque justement il dit les choses telles qu'elles sont. Ensuite c'est de la franchise, des échanges vraiment directs, et parfois sans intermédiaire avec chacun. Et ensuite c'est une vision à 360°, c'est-à-dire c'est une vision holistique. On ne va pas prendre un petit bout de la lorgnette ou du problème à Marseille, il y a un Plan Marseille global, où on considère que la question de la lutte contre la drogue elle se fait avec des financements dans la vidéosurveillance, dans les commissariats, etc., mais elle se fait aussi grâce à l'école. Et le président de la République l'a dit : la meilleure solution d'éviter qu'un jeune dans une cité, dans les Quartiers Nord, tombe dans le deal ou dans les trafics ou plus tard dans le crime organisé, eh bien c'est de faire en sorte qu'il soit à l'école, qu'il ait un accompagnement, qu'il y reste et ensuite qu'il ait des diplômes.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, le trafic international, de dimension internationale à Marseille…

MARLENE SCHIAPPA
Oui, bien sûr.

ELIZABETH MARTICHOUX
… de drogue, alors, je vous repose la question, d'une autre façon finalement, quelle est l'initiative nouvelle que le président va annoncer pour essayer d'entamer un peu ce monopole à Marseille ?

MARLENE SCHIAPPA
Alors, d'abord je laisse les annonces du président au président de la République, ensuite peut-être vous dire qu'hier au ministère de l'Intérieur nous avons réuni l'ensemble des officiers de sécurité qui sont internationaux et qui sont en poste partout dans le monde, auprès des ambassades, auprès des consulats, justement pour mener ces grands enjeux de sécurité internationaux. Et comme première priorité d'action, nous leur avons donné avec Gérald DARMANIN, la lutte contre le crime organisé et contre les trafics de drogue. Et c'est vrai que Marseille…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça c'est ce que vous faites très bien, mais on ne doute pas que vous soyez au taquet sur ce sujet. Le président, est-ce qu'il va y avoir cet après-midi ou demain, avant qu'il parte, une initiative très nouvelle, de lutte contre le trafic international de drogue à Marseille ?

MARLENE SCHIAPPA
Il y aura évidemment des annonces du président de la République, mais ce n'est pas à moi de déflorer…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais est-ce qu'il y en aura une, est-ce que vous le savez ?

MARLENE SCHIAPPA
Oui, bien sûr. Bien sûr, il y aura des engagements du président de la République sur ce sujet et sur d'autres. Vous savez qu'il y a aussi le Congrès de la nature à Marseille qui est organisé en ce moment…

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors ça, c'est sur la nature, le président s'en est pris aux usagers hier, toujours sur la drogue, " il faut que tout le monde comprenne dans notre pays, que les consommateurs de drogue sont des complices, de fait ".

MARLENE SCHIAPPA
Oui, bien sûr.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça, ce n'est pas exactement une lutte directe contre le trafic international de drogue. Mais pourquoi a-t-il fait cette précision ?

MARLENE SCHIAPPA
Mais d'abord, sur la question de la lutte contre la drogue, on a l'impression parfois qu'on rappelle des évidences. Or, je rappelle qu'il y a quand même un débat politique aujourd'hui, notamment sur la question de la légalisation du cannabis, et donc ce n'est pas une lapalissade que de dire que consommer de la drogue c'est d'une certaine manière nourrir le crime organisé. Et c'est d'ailleurs ce que le ministre de l'Intérieur avait lui-même déjà dit, en disant que lorsqu'on consomme de la drogue, eh bien on nourrit, on finance le trafic des êtres humains, le crime organisé, la prostitution et un certain nombre d'autres faits.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc c'est une façon de répondre au débat, dans la perspective de la présidentielle, puisque ce sera aussi un débat, Emmanuel MACRON se prononce définitivement, à ce stade, contre la légalisation…

MARLENE SCHIAPPA
Absolument. Il n'y a pas…

ELIZABETH MARTICHOUX
… et contre la dépénalisation. Ça n'est pas un chapitre qu'il va rouvrir.

MARLENE SCHIAPPA
Il n'y a même pas de « à ce stade », dans la mesure où ce n'est pas une discussion qu'on souhaite ouvrir, et il ne vous aura pas échappé que le gouvernement a lancé cette semaine une grande campagne justement de communication pour expliquer les effets de la drogue. Moi je ne crois pas que la drogue ce soit cool, on est en période de rentrée scolaire, je ne trouve pas que ce soit quelque chose de sympathique ou de joyeux. La drogue amène la mort, soit la mort des personnes qui consomment de la drogue, soit la mort in extenso des personnes qui sont prises dans cette question de crime organisé.

ELIZABETH MARTICHOUX
La prohibition, la prohibition est un échec, cette politique-là elle ne permet pas d'éradiquer le trafic contre la drogue. Ça ne vous ébranle pas, et ça ne trouble pas le président de la République ?

MARLENE SCHIAPPA
Non, d'abord je ne partage pas, alors, d'abord je suis désolée de revenir sur ce sujet, parce que je vais vous dire les choses honnêtement, à chaque fois que j'explique que je suis contre la légalisation du cannabis, je suis ensuite harcelée de messages de gens qui me disent : tu te prétends de gauche et tu es contre la consommation de cannabis…

ELIZABETH MARTICHOUX
Et vous êtes ringarde, c'est ça ?

MARLENE SCHIAPPA
Exactement, c'est réac etc. Donc si c'est réac, je suis réac, et je l'assume parfaitement, moi en tant que mère de famille, c'est la rentrée aujourd'hui, j'ai une fille qui rentre en 3ème, eh bien je ne trouverai pas ça drôle que ma fille revienne en me disant qu'elle a consommé de la drogue aujourd'hui. Parce que je sais l'engrenage dans lequel on est pris ensuite. Moi je vais vous dire, j'ai grandi en partie dans des cités HLM, dans des établissements qui étaient en ZEP, j'ai vu de mes yeux et de très près les ravages de la drogue, et on ne peut pas faire croire que ce serait quelque chose d'acceptable. Donc évidemment le président de la République, le ministre de l'Intérieur, moi-même, et c'est notre position collective, nous sommes sûr contre la légalisation du cannabis. Et la prohibition comme vous dites, je ne crois pas qu'elle ait montré son échec, je crois justement qu'il y a un certain nombre de jeunes qui, grâce au travail des éducateurs, des associations, des acteurs de terrain, ont été sortis de la drogue. Nous on a lancé dans notre stratégie de prévention de la délinquance, des TAPAJ, des travaux alternatifs payés à la journée…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ah, intéressant.

MARLENE SCHIAPPA
… pour aller chercher tous ces petits frères…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous aviez lancé ça il y a un an.

MARLENE SCHIAPPA
Exactement.

ELIZABETH MARTICHOUX
La rémunération des guetteurs, des choufs comme on dit, de 16 à 25 ans, l'idée de les déscotcher des quartiers pour éviter qu'ils sombrent dans la délinquance.

MARLENE SCHIAPPA
C'est exactement ça.

ELIZABETH MARTICHOUX
Pardon, mais on se dit : est-ce que ce n'est pas un peu naïf par rapport à l'enjeu, par rapport à ce qu'on voit, par rapport au banditisme, aux victimes, aux qui gamins de 14 ans qui meurent, mais aussi à ce cannabis qui vient du Maroc, enfin, de pays, et qui n'arrête pas de circuler. Est-ce que ça n'est pas naïf, certaines mesures ?

MARLENE SCHIAPPA
Non, ce qui serait naïf et ce qui serait lâche, ce serait de baisser les bras et de dire : eh bien tant pis, allez-y, droguez-vous, ça ne me dérange pas. Si vous n'avez pas des parents pour vous aider ou des gens autour de vous pour vous sortir de système, eh bien droguez-vous, devenez dealer, tombez dans le crime organisé et finissez en prison. Honnêtement, c'est ça qui serait absolument lâche.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous avez un bilan sur cette mesure ?

MARLENE SCHIAPPA
On va présenter le bilan dans les prochaines semaines, mais il y a un bilan très concret, et on a réussi, et là encore je veux remercier les associations, les éducateurs et les assistants sociaux qui font un énorme travail, on a réussi à aller chercher ceux qu'on appelle les petits frères ou les petites soeurs, parfois, c'est préados à qui on propose de faire le chouf, pour leur proposer justement ces travaux alternatifs, qui leur permettent, un, de gagner de l'argent autrement. Alors, ce n'est pas les mêmes montants, c'est vrai, mais c'est de l'argent légal et qu'ils gagnent avec une fierté. Et deux…

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est combien ? C'est combien d'ailleurs ?

MARLENE SCHIAPPA
C'est des montants alternatifs, donc c'est une dizaine d'euros à la journée, ça peut aller jusqu'à 30 € la journée.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ah oui, contre 200 € quand on guette au bas de l'immeuble.

MARLENE SCHIAPPA
Oui, mais, enfin, Elizabeth MARTICHOUX, pourquoi vous et moi on fait un travail légal, on pourrait nous aussi aller dealer si on a ce raisonnement. Je crois que justement, ce qui est important c'est de montrer un cadre de valeurs, de rappeler ce qui est légal et ce qui ne l'est pas, et de rappeler fondamentalement qu'on peut aussi avoir un rôle social dans la cité, dans la vie, qui soit positif. Ces travaux alternatifs c'est par exemple aller aider des personnes âgées pour faire leurs courses, nettoyer des cages d'escalier, qui sont des choses gratifiantes.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et vous ferez le bilan dans quelques semaines.

MARLENE SCHIAPPA
Absolument.

ELIZABETH MARTICHOUX
Juste un mot. Parquet national contre le trafic de drogue, c'est une idée que pourrait annoncer le président ?

MARLENE SCHIAPPA
Oui, l'idée c'est de faire en sorte d'avoir vraiment des organismes spécialisés dans la lutte contre le trafic de drogue, la justice, comme la police. En ce qui concerne la police, nous avons créé avec Gérald DARMANIN, sur la volonté du président de la République, l'OFAST, qui est une Organisation qui permet de mieux lutter contre les trafics de drogue en France et à l'étranger, dans un partenariat international, et le travail police/justice, il doit être dans un partenariat très clair.

ELIZABETH MARTICHOUX
Un mot, Jean-Luc MELENCHON hier, député de Marseille, il a été reçu, il a eu un échange avec le président, il a dénoncé le pèlerinage des promesses, il l'a dit dans un style relâché, volontairement, " le gars va promettre des trucs qui n'auront pas lieu ", voilà le commentaire sur LCI hier.

MARLENE SCHIAPPA
On notera le vocabulaire soutenu en cette période de rentrée scolaire.

ELIZABETH MARTICHOUX
Non, mais il sait avoir un vocabulaire soutenu, mais il a choisi cette formulation. Il a tort ou il appuie là où ça fait mal, parce que justement en effet des promesses il y en a eu à Marseille, et elles n'ont pas…

MARLENE SCHIAPPA
Non mais d'abord, heureusement que le président de la République se rend à Marseille, ça permet à Jean-Luc MELENCHON de se souvenir qu'il est élu de Marseille, parce qu'il est député…

ELIZABETH MARTICHOUX
Pourquoi ?

MARLENE SCHIAPPA
Eh bien, il est élu de Marseille et moi je n'ai pas entendu beaucoup de propositions qui ont été portées par l'élu de Marseille Jean-Luc MELENCHON, pour faire en sorte de faire avancer sa ville. Donc c'est très sympathique de suivre à la trace le président de la République à Marseille, comme il suivait à la trace à l'époque Marine LE PEN dans le Nord, à Hénin-Beaumont, mais à un moment, quelles sont les propositions ? Quand on est député, quand on est élu, quand on est parlementaire, élu par les Marseillaises et les Marseillais, ce sont des gens qui ont placé des espoirs en Jean-Luc MELENCHON, en se disant " cette personne va nous représenter, va nous défendre ". Quelles propositions Jean-Luc MELENCHON a-t-il portées pour Marseille depuis 4 ans et demi ? Aucune.

ELIZABETH MARTICHOUX
Il dit quelque chose qui résonne dans l'esprit des Marseillais…

MARLENE SCHIAPPA
Oui, eh bien donc il est chroniqueur.

ELIZABETH MARTICHOUX
.. ne pas promettre des trucs…

MARLENE SCHIAPPA
Eh bien il peut devenir éditorialiste ou chroniqueur dans ces cas-là, si c'est juste dire. Moi je crois que faire de la politique ce n'est pas dire, c'est faire, et notamment faire des propositions. Moi je serais députée de Marseille, j'aurais et président de la République pendant 3 jours, je lui apporterais les doléances des Marseillais, et je lui ferais des propositions, je ne serais pas là à dire " Oh, le gars il fait des trucs ". Ça n'a aucun intérêt.

ELIZABETH MARTICHOUX
Bon…

MARLENE SCHIAPPA
Qu'est-ce que ça apporte aux Marseillais de faire ça ?

ELIZABETH MARTICHOUX
Il appréciera vos préconisations, votre prescription, à son endroit.

MARLENE SCHIAPPA
Avec plaisir.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous allez aujourd'hui dans la Sarthe, Marlène SCHIAPPA…

MARLENE SCHIAPPA
Absolument.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est un sujet important, vous allez rencontrer une centaine d'Afghans évacués sur 2 600, je crois 2 600 Afghans ont été évacués depuis la prise de Kaboul par les talibans. Ils sont dans un centre d'accueil, ils sont une centaine, ils vont tous faire une demande d'asile ?

MARLENE SCHIAPPA
Pas tous. D'abord, c'est vrai qu'on a permis de faire revenir en France 2 800 personnes, parmi lesquelles environ 2 600 Afghans, les autres étant soit nos compatriotes français, soit des personnes qui ont la nationalité, d'autres nationalités de pays européens. Certains nous ont dit, nous avons rencontré une première partie avec le Premier ministre la semaine dernière, certains nous ont dit qu'ils souhaitaient rejoindre leurs familles qui étaient installées ailleurs, par exemple en Allemagne ou dans d'autres pays. Mais la grande majorité a vocation à déposer une demande d'asile pour obtenir le statut de réfugié et à s'intégrer durablement en France.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, est-ce que vous êtes sûrs de leurs profits ? Est-ce qu'il n'y aurait pas des talibans masqués parmi eux, comme on l'a vu…

MARLENE SCHIAPPA
C'est une question très juste que vous posez, et moi je veux dire que nous accueillons avec générosité, avec humanité, avec solidarité, ces Afghans qui fuient les talibans, qui fuient la charia, et qui fuient le chaos qui règne maintenant en Afghanistan, mais nous les accueillons avec générosité, mais avec lucidité. Et donc il y a un triple criblage qui est mené par les services du ministère de l'Intérieur, un avant de monter en avion, à Kaboul en Afghanistan, deux, à Abu-Dhabi, qui est donc l'endroit de transit, et troisièmement à l'arrivée par la DGSI, donc par les Services de renseignements. Et c'est grâce à ce criblage qu'on a pu identifier notamment le fait que, effectivement, certaines personnes, une poignée, quelques-unes, mais que quelques personnes avaient été en contact étroit avec les talibans, et que donc nous avons voulu investiguer pour être sûr que ces personnes ne troublaient pas…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais là, les enquêtes sont terminées ?

MARLENE SCHIAPPA
Alors, il y a eu une personne qui a été condamnée, parce qu'elle a rompu la mission, la MICAS qui avait été prononcée. Pour les autres, il y a des enquêtes en cours, des criblages qui sont menés, les services de renseignements sont en train de poursuivre ces criblages.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc les enquêtes sont toujours en cours pour avoir la certitude que ceux qu'on accueille, les 2 600, dont vous l'avez dit la majorité, pas la totalité, mais la majorité, va demander l'asile, sont bien ceux qu'ils prétendre être.

MARLENE SCHIAPPA
Alors, tous ceux qui sont arrivés, ils ont été criblés et ils ont fait l'objet de ce triple criblage. Pour ceux pour lesquels il y avait un soupçon, ça a déjà été rendu public, ensuite il y a encore quelques arrivées qui peuvent avoir lieu, et donc dans ces cas-là, oui, les criblages sont en cours.

ELIZABETH MARTICHOUX
Quand ?

MARLENE SCHIAPPA
Au moment où ils arrivent.

ELIZABETH MARTICHOUX
Des arrivées qui auront lieu… ?

MARLENE SCHIAPPA
Je n'ai pas de date à communiquer à cet égard.

ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord. Vous avez rappelé à l'ordre par courrier une vingtaine d'élus, dont vous soupçonner qu'ils aient fait des offres de services sans lendemain, sans suite. Il y en a quelques-uns qui n'ont pas du tout apprécié, le maire de Clermont-Ferrand, de Villeurbanne, de Bordeaux. Alors, Clermont-Ferrand, il a fait part de sa stupéfaction à la lecture de votre missive, parce qu'en réalité il a bien accueilli des Afghans, contrairement à vos admonestations. Est-ce que c'est une façon de faire de la politique ça, de tancer, de faire savoir, et en réalité de le faire, pas à juste titre ?

MARLENE SCHIAPPA
Alors, d'abord ça n'est pas le cas, permettez-moi d'abord de souligner que moi je n'ai pas rendu publics les noms des maires à qui j'ai écrit, et donc certains ont répondu alors que je ne leur avais même pas écrit, en se sentant concernés…

ELIZABETH MARTICHOUX
Attendez, le maire de Bordeaux, le maire de Villeurbanne, le maire de Clermont, vous ne leur avez pas écrit ?

MARLENE SCHIAPPA
Oui, je parle là de Stéphane LE FOLL, qui hier soir, sur une émission de radio, a fait une réponse, alors que je ne lui avais pas écrit, donc peut-être aurait-il aimé que je lui écrive.

ELIZABETH MARTICHOUX
Bon, mais là je parle de ceux-là.

MARLENE SCHIAPPA
En ce qui concerne ceux-là, moi j'ai bien lu leur réponse et je ne vais pas rentrer dans une petite polémique politicienne, il y a 36 000 communes en France, l'immense majorité des maires font un travail important pour pouvoir accueillir les Afghans, mais en ce qui concerne ceux-là, la réponse que j'ai lu du maire de Clermont, j'ai lu dans la Presse, que je n'ai pas reçue…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ah, vous ne l'avez pas reçue ?

MARLENE SCHIAPPA
Non, elle est fausse, c'est-à-dire que le maire entretient volontairement la confusion entre les places qui sont organisées et prises en charge financièrement par l'Etat, c'est le travail de mes services, avec le préfet, qui ont permis d'accueillir les Afghans et qui les financent, et la demande mon courrier, la demande de mon courrier d'où vient-elle ? Elle vient du fait que moi je dis à mes services : mais enfin, on a eu tellement de maires qui nous ont dit qu'ils étaient prêts à accueillir des Afghans, et je m'étonne de voir qu'il y ait si peu de contrats qui aient été signés, moins de 4 ans en tout en France, et il n'y a que deux villes qui les prennent en charge les Afghans qui viennent, financièrement, Lille et Bordeaux, ce sont les deux seules. Mais alors les autres qui ont fait des déclarations, qu'en est-il ? Et donc on a regardé ville par vielle, eh bien les contrats de partenariat n'étaient pas signés entre les villes et les préfets. Et mon courrier…

ELIZABETH MARTICHOUX
Et ils le sont ?

MARLENE SCHIAPPA
Une partie le sont, on en a environ sept qui le sont à date et les autres qui sont en cours de contractualisation, et je m'en réjouis et je les en remercie, mais que demande mon courrier ? Il ne dit pas : combien d'Afghans y a-t-il dans votre ville ? Mon courrier il est très cordial, il dit simplement : vous avez fait cette déclaration, je vous demande de bien vouloir contractualiser avec l'Etat, parce que le rôle de la ville c'est aussi de travailler sur l'intégration, et donc que prévoyez-vous pour le logement une fois qu'on sort des dispositions financées par l'Etat…

ELIZABETH MARTICHOUX
Bon, vous ne regrettez pas d'avoir…

MARLENE SCHIAPPA
Moi, ce que je regrette, c'est la petite instrumentalisation qui est faite par un certain nombre de maires de gauche, qui sont probablement en campagne. Maintenant si on s'offusque parce qu'on reçoit un courrier du gouvernement qui dit : je vous invite chaleureusement à faire ce que vous avez dit que vous feriez, à un moment, s'ils ne veulent pas faire ce qu'ils ont dit qu'ils feraient, il suffit de le dire tout de suite.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous aussi vous êtes en campagne.

MARLENE SCHIAPPA
Mais moi je ne suis pas en campagne, je ne suis candidate à rien.

ELIZABETH MARTICHOUX
Emmanuel MACRON, mais Emmanuel MACRON et tous ceux qui vont le soutenir, vous qui êtes ministre depuis le début, qui allez sans doute avec quelques-uns faire 5 ans au gouvernement, vous aussi vous êtes en campagne.

MARLENE SCHIAPPA
Moi, comme je vous le dis, moi je ne suis pas en campagne, et certainement pas sur la question des Afghans.

ELIZABETH MARTICHOUX
Non ?

MARLENE SCHIAPPA
Moi je travaille depuis des semaines, et d'ailleurs certains parlent de communication, vous êtes ma première matinale, ça fait des semaines que nous travaillons avec le Premier ministre pour l'accueil des Afghans, sur le terrain, dans le silence, sans en faire la moindre communication, j'ai simplement demandé à des élus de faire ce qu'ils avaient dit qu'ils feraient, je crois que ce n'est pas offensant.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, sur les Afghans, encore un mot, parce que le débat est vif. Eric ZEMMOUR sur…

MARLENE SCHIAPPA
Ça commence bien.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, mais contrairement à ce que dit le gouvernement, a-t-il dit, " on ne doit rien aux Afghans. Ce sont eux qui nous doivent quelque chose, parce que certains de nos soldats sont allés mourir pour défendre la liberté ".

MARLENE SCHIAPPA
Non, moi je ne raisonne absolument pas en ces termes. Moi je suis une personne attachée à l'humanisme, à la solidarité, à la fraternité, ce ne sont pas des mots, ce sont des grandes valeurs qui doivent exister en actes. Et donc ce n'est pas une question de qui doit quoi à quelqu'un. Quand vous avez par exemple des Afghans qui sont des auxiliaires de l'Armée française, qui ont travaillé pour la France et qui sont en péril, qui sont en danger de mort, face aux talibans, parce que les talibans veulent se venger et en tuer certains parce qu'ils ont travaillé pour la France, bien évidemment nous leur devons la solidarité. Quand vous avez nos soeurs afghanes qui sont des militantes des droits des femmes, qui se sont battues avec des ONG, avec des organisations, pour que les femmes puissent marcher tête nue dans Kaboul, être libres, faire des études, exercer des métiers avec des responsabilités, moi par fraternité, par sororité, je me sens devoir accueillir ces femmes avec nous.

ELIZABETH MARTICHOUX
Je vous dis Eric ZEMMOUR, je vous entends dire " ça commence bien ", Eric ZEMMOUR c'est un probable candidat à la présidentielle, c'est quelqu'un avec lequel vous allez débattre, vous allez échanger, vous allez argumenter. Vous ne pouvez pas commencer par dire : Eric ZEMMOUR ça commence bien. Ça n'est pas terminé.

MARLENE SCHIAPPA
Moi je fais partie des rares personnalités politiques qui sont allées débattre avec Eric ZEMMOUR, je crois d'ailleurs que j'étais la première membre du gouvernement à aller débattre sur son émission de télévision face à lui. Donc je ne crains pas le débat face à Eric ZEMMOUR. Simplement Eric ZEMMOUR se radicalise. Eric ZEMMOUR, depuis qu'il a fait savoir et fait fuiter qu'il serait peut-être candidat à la candidature etc., se radicalise et se caricature dans ses propos. Il y a une course à l'échalote pour savoir lequel sera le plus raciste, lequel sur plus d'extrême-droite, lequel sera le moins humain entre lui et un certain nombre de personnalités d'extrême droite, je le déplore, parce que ça ne fait pas du bien au débat public.

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci Marlène SCHIAPPA, d'avoir été ce matin sur sa LCI pour votre première matinale comme vous l'avez souligné.

MARLENE SCHIAPPA
Merci à vous, avec plaisir.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous partez dans la Sarthe, donc, accueillir une centaine d'Afghans.

MARLENE SCHIAPPA
Absolument.

ELIZABETH MARTICHOUX
Bonne journée à vous. Vous êtes originaire du Mans…

MARLENE SCHIAPPA
Et de Corse, mais j'ai été élue du Mans.

ELIZABETH MARTICHOUX
Elue du Mans. Voilà. Bonne rentrée à tous, en effet.

MARLENE SCHIAPPA
A vous aussi.


Source ! Service d'information du Gouvernement, le 20 septembre 2021