Texte intégral
CHRISTOPHE BARBIER
Amélie de MONTCHALIN, bonjour.
AMELIE DE MONTCHALIN
Bonjour.
CHRISTOPHE BARBIER
Nous allons parler transformation et fonctions publiques, vos attributions. Commençons quand même d'un mot sur la montée d'Eric ZEMMOUR, toujours plus haut dans les sondages. Il est deuxième maintenant dans certaines études. Pourquoi ce phénomène selon vous ? Seulement parce que Marine LE PEN est mauvaise ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Ce que je vois, c'est qu'à droite il y a un grand vide. Je pourrais revenir sur ce qui s'est passé hier au Sénat…
CHRISTOPHE BARBIER
On va en parler.
AMELIE DE MONTCHALIN
Il n'y a plus de vision, il n'y a plus de propositions et puis vous avez des candidats qui décrivent la France telle qu'elle n'est pas. Les Français ne sont pas dupes. On n'est ni en guerre civile, ce n'est ni l'apocalypse. Tous les problèmes ne peuvent pas être résolus comme madame PECRESSE nous le propose par des solutions technocratiques et comptables. Et donc aujourd'hui dans notre pays, les Français – et c'est notre vision – on doit leur parler de ce qui se passe pour eux, là où ils sont. C'est d'ailleurs pour ça que le bilan que nous faisons avec le président de la République, c'est un bilan territoire par territoire pour montrer qu'il y avait un avant 2017, il y a un après, qu'on a à la fois humilité et fierté de notre action. Et je pense que plutôt que de parler de qui on est, on doit parler aux Français de ce qu'on fait et ça comblera bien plus le vide que les bêtises et l'extrémisme.
CHRISTOPHE BARBIER
On ne gagne pas sur un bilan, c'est ce qu'on a l'habitude de dire.
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais on perd si on n'a pas de bilan.
CHRISTOPHE BARBIER
Voilà. Vous êtes en ce moment dans la présentation de ce bilan. Est-ce que vous arrivez à voir le projet qui va en découler pour les cinq ans qui viennent ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Il n'y a pas de projet déjà si vous n'êtes pas clair sur là où on en est. Vous ne pouvez pas parler aux Français de ce que vous ferez demain si vous n'êtes pas déjà clair quand vous êtes au pouvoir sur ce que vous avez fait des promesses d'hier et ce bilan, il trace lui-même un chemin d'avenir. Il vous montre territoire par territoire ce qu'il reste à faire, là où nous devons aller plus loin. Il vous montre une image réelle du pays qui vous permet précisément de tracer un chemin que les Français peuvent écouter parce qu'ils voient qu'il est crédible. Si vous n'avez pas cette attache très forte avec le réel territoire par territoire, département par département, les Français ne nous écoutent plus, ils ne votent plus et c'est la politique et la démocratie qui est en péril. Vous savez, on est le premier gouvernement - le premier, ça n'est jamais arrivé – qui s'est soucié de mesurer notre action au fil de cette action, pas juste…
CHRISTOPHE BARBIER
Comme une entreprise en fait.
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais non, ce n'est pas la question d'entreprise. C'est la question de sortir de l'idée, que certains candidats à droite et à gauche d'ailleurs donnent, d'un président ou d'une majorité qui serait, vous savez, parisienne, déconnectée est une forme d'élite. Ce n'est pas ça notre projet. Depuis 2017, le président il a une obsession : que chaque Français où qu'il soit, dans chaque territoire que ce soit un territoire rural, un territoire très urbain, un quartier populaire, voit ce que nous faisons et que nous lui en rendions compte. Cette action-là est inédite, c'est au coeur de la démocratie mais c'est au coeur aussi un projet politique qui est le nôtre. Nous prendrons des engagements pour demain. Ce bilan il est déjà en soi une promesse pour demain puisqu'il montre que nous pouvons tenir notre parole mais surtout que nous nous soucions de chacun. Que nous n'avons pas des discours en milliards, pas des discours en moyenne, que ce qui compte c'est la vie quotidienne et c'est ce que nous faisons.
CHRISTOPHE BARBIER
Elle s'est améliorée pour tout le monde cette vie quotidienne ? Ou est-ce que vous n'avez fait que 40 % des promesses parce qu'il y a eu la Covid notamment ?
AMELIE DE MONTCHALIN
La réalité, c'est que toutes nos réformes ont progressé mais qu'elles n'ont pas progressé au même rythme sur chacun des territoires. C'est là qu'il y a un enjeu majeur.
CHRISTOPHE BARBIER
C'est les premiers de cordée qui ont plus progressé que les autres ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Vous avez des territoires très ruraux où vous avez des réformes qui ont progressé très vite. Je pense à l'apprentissage, je pense au domaine de la santé, dans l'éducation. Vous avez des territoires très urbains où c'est d'autres enjeux qu'il reste là à accélérer. Mais qu'est-ce que ça dit derrière ? Que l'enjeu, il est dans la gestion de l'efficacité de l'Etat. Que si vous n'avez pas un Etat qui est capable justement de différencier son action, de mesurer son action, de se déployer au plus près des Français, on pourra avoir toutes les lois qu'on veut voter à l'Assemblée : les Français n'en verront pas tous la même réalité. Et donc ça nous amène sur la mère des batailles aujourd'hui, c'est la transformation de l'Etat. Parce que si on ne transforme pas l'Etat, on ne peut pas transformer la France.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors vous transformez l'Etat avec notamment la réforme de la haute Fonction publique. Vous avez été quasiment convoquée par le Sénat pour vous en expliquer. Vous avez dit : ? c'est un triste spectacle, c'est un naufrage parlementaire et politique ? parce que les sénateurs protestaient contre votre recours à l'ordonnance. Mais est-ce qu'ils n'ont pas un peu raison ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Vous savez, c'est quoi une ordonnance ? C'est l'autorisation donnée par le Parlement, Sénat y compris en l'occurrence, pour que le gouvernement écrive un texte. Mais qu'est-ce qu'il y a derrière cette attaque ? C'est que ça fait trente ans que ceux qui étaient devant moi au Sénat, de droite comme de gauche, ont eu des gouvernements, des présidents qui ont pris des promesses sur ce sujet. Qui ont dit ? on va réformer la Haute Fonction publique parce que derrière la Haute Fonction publique, c'est l'Etat et derrière l'Etat c'est la transformation du pays, de la France qui est possible. Sauf qu'ils n'en ont rien fait.
CHRISTOPHE BARBIER
Pourquoi ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Ils n'en ont rien fait parce que d'abord, ils manquaient de courage politique, ils manquaient de soutien politique, ils manquaient de détermination. Et donc aujourd'hui ils pensaient qu'en nous donnant cette autorisation à faire, au fond comme les autres, nous n'en ferions rien. La différence c'est qu'Emmanuel MACRON est déterminé, c'est qu'il a été au bout de ses engagements dans de nombreux domaines et celui-là. C'est qu'il m'a nommée comme ministre en me disant ? je te fais confiance et tu as mon soutien pour que tous les jours nous puissions, d'ici à la fin du quinquennat, faire cette transformation. ? Et donc elle est faite. Et donc vous aviez devant moi hier au Sénat, au fond…
CHRISTOPHE BARBIER
Tous les groupes. Socialistes, droite, tous unis.
AMELIE DE MONTCHALIN
Des gens qui ont été au pouvoir vingt fois. Qui nous ont expliqué qu'au fond, ce jeune président avec sa jeune ministre, nous n'avions ni le sens de l'Etat, ni le sens de l'Histoire et que nous serions en train de tout détruire. D'abord ce qui est excessif est en général, comme on dit, insignifiant. Et la deuxième chose c'est que, vous savez, l'amour de l'Etat il n'est pas moins grand qu'on soit jeune ou pas jeune, qu'on soit fonctionnaire ou pas fonctionnaire. Ce qui compte, c'est les preuves d'amour. C'est est-ce qu'on est réellement en train de travailler pour que l'Etat soit plus efficace ? Oui. Est-ce qu'on est en train de travailler réellement pour que nos hauts fonctionnaires soient proches des Français, proches des problèmes à résoudre, puissent vraiment servir les Français ? La réponse est oui. Et donc le procès en illégitimité politique de ceux qui sont, au fond, les meilleurs représentants à la fois des corporatismes et des immobilismes et donc des conservatismes, il faut bien entendre qu'est-ce que ça dit derrière. Ça dit que vous aviez une droite et une gauche qui voulaient au fond faire du théâtre mais qui n'avaient aucune proposition, aucun amendement. Qui ont pendant deux heures, trois heures expliqué que nous détruisons tout en disant qu'il fallait faire une autre réforme, sans être capable d'écrire le premier mot d'un amendement pour dire ? voilà ce qu'on veut faire. ? Et donc vous m'interrogiez pourquoi certains prennent de la place : parce que les autres n'en prennent aucune, ne prennent pas celle qui est la leur.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors vous remplacez l'ENA par l'Institut national du service public. Pourquoi cet institut n'aurait-il pas rapidement les mêmes défauts que l'Enarchie ?
AMELIE DE MONTCHALIN
D'abord parce qu'on ne va pas recruter les mêmes. Aujourd'hui au moment où je vous parle, il y a 1 500 jeunes à l'université de Tarbes, à Roubaix, à Brest, à Limoges, bref dans toutes les villes où vous avez une université, qui sont en train de préparer les concours de la Haute Fonction publique là où ils sont. Ce sont des jeunes hommes et des jeunes femmes qui ne vont pas à Paris. On n'est plus dans BALZAC où il faut prendre sa valise et aller à Paris. Ces jeunes hommes et ces jeunes femmes, on leur offre 4 000 euros de bourse supplémentaires parce qu'ils sont boursiers. On leur donne un tuteur pour réussir les concours. On leur donne un diplôme, on leur donne un logement étudiant et pendant un an ils peuvent se concentrer sur cette réussite au concours. C'est majeur parce que c'est un enjeu républicain.
CHRISTOPHE BARBIER
Et le niveau ne va pas baisser ? L'opposition vous dit ? notre rayonnement international de l'ENA, vous allez l'affaiblir. ?
AMELIE DE MONTCHALIN
L'intelligence, elle est bien partagée. Ceux qui pensent qu'il n'y a que les fils de bourgeois nés en Ile-de-France qui ont vocation à servir le pays, ça c'est antirépublicain. D'ailleurs ça alimente le séparatisme derrière. Ces jeunes hommes et ces jeunes femmes que j'ai rencontrés partout en France, ils ont le sens du service, de l'intérêt général chevillé au corps. Mais pour eux, c'était un rêve très, très distant, il y avait une autocensure très forte. Puisque s'il fallait prendre sa valise pour aller à Paris, s'y loger sans y connaître personne, ce n'est pas réaliste. Deuxièmement, qu'est-ce qui est différent ? On recrute une nouvelle génération de fonctionnaires qui vient de tout le pays. Ensuite on forme différemment. On forme aux enjeux de notre époque qui ne sont plus ceux de 1945. On va former à la transition écologique, à la transition numérique, aux valeurs de la République, aux enjeux d'inégalités donc on forme différemment. Et puis on ne forme pas qu'une fois dans sa vie : on forme en formation continue. On assume de dire ? vous savez, le monde change suffisamment vite pour que ce qu'on a appris à 25 ans il fallait le mettre à jour quand on en a 40, 50, qu'on a des nouvelles responsabilités. ? On va se rapprocher du milieu de la recherche. Et puis dernier point très, très différent : tout le monde sera à la sortie un administrateur de l'Etat. Il n'y aura plus de grands corps ; il n'y aura plus les gens qui, parce qu'ils ont été bien classés, parce que l'ENA était surtout une école qui classe avant d'être une école qui forme, tout le monde commencera dans les fonctions opérationnelles, les fonctions de mise en oeuvre de politiques, là où on est dans pas l'inspection, le jugement et le contrôle avant d'avoir soi-même…
CHRISTOPHE BARBIER
Mais l'action.
AMELIE DE MONTCHALIN
Dans l'action.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors vous supprimez ces grands corps de l'Etat sauf le Conseil d'Etat et la Cour des comptes. Vous dites ce matin dans L'Express ? on va recruter différemment donc que ce ne sont plus des machines à bloquer. ? Vous êtes sûre ?
AMELIE DE MONTCHALIN
L'immense majorité demain, à partir du 1er janvier 2022, de ceux qui entreront pour travailler à la Cour des comptes ou au Conseil d'Etat n'iront pas dans un corps : ils iront pour y travailler. Les Français connaissent bien, ça s'appelle un emploi.
CHRISTOPHE BARBIER
Mais une fois qu'on est au Conseil d'Etat ou à la Cour des comptes, on appartient à une corporation et on se rend des services.
AMELIE DE MONTCHALIN
Non, et justement là où la réforme est ambitieuse, c'est que vous ne pourrez plus rentrer dans le corps avant 1 : d'avoir fait vos preuves sur le terrain ; 2 : avoir vos preuves dans l'institution après avoir été évalué, après être passé devant une commission, ladite commission qui est trois personnes de l'intérieur de l'institution, trois personnes de l'extérieur. Bref, c'est la fin de la cooptation et c'est surtout la fin d'une vision où on décidait par un classement à 25 ans ce que vous alliez faire toute votre vie. Je pense que les Français voient très bien que c'est plutôt dans leur intérêt d'avoir des gens ancrés dans la réalité, pour que quand ils jugent, ils contrôlent ou ils inspectent ils aient aussi une connaissance à jour et réelle des enjeux.
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce qu'avec votre réforme, le pouvoir ne va pas être tenté de nommer des préfets à sa main, en leur faisant un contrat, en les prenant parmi des amis politiques ou économiques ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Vous savez, cette critique de politisation elle est assez étonnante parce qu'il y avait… ceux qui savent très bien que les préfets ont toujours été nommés en conseil des ministres et que les ambassadeurs ont toujours été nommés en conseil des ministres. Mais la différence c'est quoi ? C'est qu'aujourd'hui, à partir du moment où vous dites ? on n'est plus dans un corps à vie, on y est parce qu'on a été repéré pour ses compétences, on y est parce qu'on a été repéré pour sa capacité à faire bien le service des Français là où ils sont ?, on sort justement d'une politisation. La politisation, c'est quoi ? C'est de nommer des gens préfet qui n'ont jamais vu une préfecture. Ça, c'est ce qui se passait avant. Eh bien ça s'arrête. Vous voyez, c'est du bon sens. Le 1er janvier 2022, c'est fini.
CHRISTOPHE BARBIER
Les fonctionnaires, surtout les petits fonctionnaires, ils vous demandent désormais des hausses de salaires. Ils vous demandent de déjouer les points d'indice. Vous allez le faire ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Je suis la ministre de la Fonction publique qui a pris une décision inédite. Nous allons là, au 1er janvier 2022, augmenter comme cela n'a jamais été fait les 1,2 million de fonctionnaires qui sont les moins bien rémunérés qu'on dit appartenir à la catégorie C.
CHRISTOPHE BARBIER
Ça sera plus que l'inflation ?
AMELIE DE MONTCHALIN
C'est beaucoup plus que l'inflation, c'est beaucoup plus que tout ce qu'on aurait fait avec le point d'indice. C'est quoi le point d'indice pour que les gens comprennent ? C'est une décision où on dit ? on augmente tout le monde du même pourcentage. ? Si j'avais fait ce que les syndicats m'avaient demandé au départ, les fonctionnaires les moins bien rémunérés ils auraient eu 10 euros de plus par mois. Avec les mesures qu'on prend, quand ils travaillent pour l'Etat ils ont entre 40 et 100 euros de plus. Et en plus, vrai progrès social pour les fonctionnaires, nous allons prendre en charge la mutuelle santé. Les Français ne savent pas qu'aujourd'hui les agents publics, ils payent eux-mêmes toute leur mutuelle. C'est une inégalité qui est grave, c'est un progrès social et c'est un progrès social que j'ai acquis par le dialogue social. Et donc moi mon combat, c'est de mieux rémunérer ceux qui ont les plus petits salaires, c'est que le travail paye. Et je pense que les mesures que nous sommes en train de prendre sont clairement les plus courageuses parce qu'elles disent enfin qu'on n'augmente pas tout le monde du même pourcentage.
CHRISTOPHE BARBIER
Un dernier mot. La presse explique que des ministres avec un bon carnet d'adresses commencent à faire des dîners pour lever des fonds pour la campagne d'Emmanuel MACRON. Est-ce que vous faites partie de ces ministres ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Moi j'ai toujours été engagée, d'ailleurs depuis des années, pour donner les moyens à notre mouvement, à En Marche, au président de la République, de pouvoir mener l'action qu'on mène.
CHRISTOPHE BARBIER
Donc ça y, c'est parti.
AMELIE DE MONTCHALIN
Evidemment que c'est parti. Et surtout, si on peut faire, vous voyez, un tract par département pour expliquer notre bilan économique dans chaque département parce qu'il n'est pas le même dans les Ardennes, dans le Var ou en Haute-Saône, cette ambition-là elle demande moyens et je pense que c'est des moyens bien investis pour la démocratie.
CHRISTOPHE BARBIER
Vous adhérerez au mouvement d'Edouard PHILIPPE qu'il va créer là dans quelques jours ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Moi je suis En Marche, je suis En Marche depuis 2016. J'y suis très bien. Par contre je trouve ça très positif que des hommes et des femmes, venus d'horizons différents ou même qui ont participé d'ailleurs à ce bilan d'Emmanuel MACRON qu'on est très fier de défendre, le soutiennent, d'Edouard PHILIPPE à Christian ESTROSI on ait des hommes qui agrègent autour d'eux pour le soutien du président. C'est très positif.
CHRISTOPHE BARBIER
Amélie de MONTCHALIN, merci et bonne journée.
AMELIE DE MONTCHALIN
Merci
source : Service d'information du Gouvernement, le 11 octobre 2021