Interview de Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports, à B Smart le 21 septembre 2021, sur la place de la pratique sportive dans les programmes de l'Education nationale.

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EVA BEN-SAADI
Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans votre magazine quotidien « Smart éducation », un magazine dédié à la formation, aux nouveaux métiers, aux nouvelles pédagogies, le rendez-vous qui donne un futur à la jeune génération. La place du sport dans l'éducation, après un été sportif marqué par les Jeux Olympiques et à l'heure de la rentrée scolaire, nous voulions faire le point sur la place de la pratique sportive dans les programmes de l'Education nationale, pourquoi est-elle importante, qu'apporte le sport à l'élève dans sa construction ? Réponses aujourd'hui avec Roxana MARACINEANU, ministre déléguée chargée des Sports, elle est notre invitée dans « Smart Education », bonjour Madame la ministre.

ROXANA MARACINEANU
Bonjour.

EVA BEN-SAADI
Merci beaucoup de nous accompagner aujourd'hui. « Vive l'EPS », on s'en rappelle, ce sont les propos de Jean-Michel BLANQUER cet été, par la suite moqués par les sportifs français aux Jeux Olympiques, vous, en tant qu'ancienne sportive, l'école vous a-t-elle vraiment aidée à trouver votre voie ou au contraire vous aussi à l'époque vous aviez peut-être trouvé, observé des manquements ?

ROXANA MARACINEANU
Beaucoup de sportifs, beaucoup de sportifs médaillés de ces Jeux de Tokyo, reconnaissent l'apport de l'éducation physique et sportive à l'école dans l'initiation, dans le goût, qui leur a été donné par l'école, pour une discipline.

EVA BEN-SAADI
Mais je crois qu'ils n'ont pas remis ça en cause.

ROXANA MARACINEANU
Beaucoup, notamment dans les sports collectifs, mais pas que, et notamment Clarissa AGBEGNENOU, qui est notre sportive phare, a été initiée via l'école, via l'UNSS aussi, parce qu'il y a aussi les associations sportives scolaires qui comptent en ce sens, et c'est pour ça qu'avec Jean-Michel BLANQUER nous pensons aujourd'hui qu'il faut réconcilier ces monde du mouvement sportif et ceux de l'Education nationale, et sans oublier aussi les agents territoriaux qui font faire du sport à nos enfants sur le temps périscolaire, c'est-à-dire le temps d'accueil, sur les centres de loisirs, pendant les vacances scolaires ou après l'école.

EVA BEN-SAADI
Pour parler de vous Madame la ministre, est-ce que vous, à l'époque, l'école ça vous a aidé à trouver votre voie ?

ROXANA MARACINEANU
Faire du sport à l'école c'est essentiel, et dans notre pays aujourd'hui, il faut le dire, c'est un constat, nous n'avons pas de professeurs dédiés d'éducation physique et sportive avant l'âge de 10 ans pour nos enfants, tout repose sur les épaules des professeurs des écoles, dans l'école maternelle et dans l'école primaire, or on sait qu'avec la sédentarité grandissant, aujourd'hui il faut éduquer nos enfants à faire du sport, les éduquer par le sport, pour tous les bénéfices que vous avez cités dans votre introduction, pour qu'ils apprennent mieux à l'école, qu'ils soient plus sereins, plus détendus lorsqu'ils viennent aussi à la rencontre de tous ces apprentissages intellectuels, mais aussi les éduquer aux sports parce que, l'éducation à l'aisance motrice qui permettra d'avoir les clés d'un certain nombre de sports qui sont essentiels, et qu'on peut pratiquer à tous les âges de la vie, c'est aussi éduquer à un capital santé, éduquer aussi à la citoyenneté, à l'émancipation de nos jeunes, l'intégration de populations qui viennent d'ailleurs et à qui on peut plus facilement parler, par le sport, de toutes ces thématiques du vivre ensemble qu'on promeut dans notre société.

EVA BEN-SAADI
Donc on voit la pratique sportive dépasse bien le sport. Vous parliez des enseignants, selon vous y a-t-il un enjeu ou un problème de formation de ces enseignants justement, qui ne sont pas profs d'EPS, pas profs de sport, mais qui doivent quand même enseigner la pratique sportive aux plus jeunes, comment vous travaillez sur ce sujet-là ?

ROXANA MARACINEANU
Evidemment les professeurs des écoles doivent être sensibilisés au sujet du sport et à ce constat qu'on fait tous, qui est véritablement alarmant, aujourd'hui il faut le dire, 70 % des enfants entre 11 et 17 ans ne font pas de sport aujourd'hui, moins de 20 minutes de pratique sportive par jour, et ils sont plus de 2 heures sur leurs écrans, et 20 % de ces enfants-là passent 4 heures 30 sur les écrans aujourd'hui et pratiquent moins de 20 minutes d'activité physique dans la journée. Donc aujourd'hui, ça y est, on est au bord du gouffre, et il faut qu'on réagisse, et il faut surtout qu'on réagisse ensemble, il ne s'agit pas de rebousculer, de rebasculer aujourd'hui, réformer la formation des professeurs des écoles en la matière, mais au contraire travailler ensemble, travailler avec les éducateurs sportifs, de nos associations, travailler avec les agents territoriaux dédiés au sport dans les collectivités, et c'est le travail qu'on a entamé, moi pendant deux ans au ministère des Sports je me suis rapprochée des collectivités, je me suis rapprochée encore plus du monde associatif sportif, j'ai même impliqué les entreprises aujourd'hui, qui sont tout à fait conscientes de ce thème de lutte contre la sédentarité, pour travailler ensemble ce sujet du sport à l'école, et là, dernièrement, depuis un an, on a décidé avec Jean-Michel BLANQUER de faire équipe, au sein de ce gouvernement, pour pouvoir véritablement mettre tous ces acteurs ensemble et faire en sorte que le maillage territorial du tissu associatif local serve l'école et serve surtout aujourd'hui le quotidien de nos enfants pour que nos enfants aient plus de sport dans leur vie.

EVA BEN-SAADI
Comment, Madame la ministre, alors on fait le lien entre tous ces organismes, toutes ces organisations, tous ces acteurs, vous le disiez, il y a le corps enseignant, il y a les fédérations sportives, il y a les collectivités, comment vous faites le lien ?

ROXANA MARACINEANU
Alors aujourd'hui on a différents programmes, donc on a, avec Jean-Michel BLANQUER, rajouté aux fondamentaux de l'école, qu'il avait déjà mis quatre ans, trois ans à définir, lire, écrire, compter, respecter autrui, nous avons rajouté deux fondamentaux sportifs, qu'on peut entamer déjà dès la maternelle, dès la moyenne section en école maternelle, apprendre à faire du vélo et apprendre à se débrouiller dans l'eau, en grande profondeur, là où on n'a pas pied, pour pouvoir être en sécurité dans l'eau. Apprendre à nager, très tôt, c'est aussi donner les clés à l'enfant pour pratiquer un sport qu'il pourra pratiquer tout au long de sa vie, y compris quand il sera âgé, lorsqu'il sera en surpoids, avec des problèmes articulaires, aller dans l'eau ça permet de continuer à avoir une activité physique tout au long de sa vie. Apprendre le vélo, c'est aussi parler évidemment de mobilité douce, de demain, avec toute cette connotation éducation au développement durable qui est très recherchée aujourd'hui par tous les acteurs de notre société, et on peut le faire au travers du sport, mais c'est aussi parler de mobilité active et faire comprendre à nos enfants que tous les temps de leur vie, que ce soit pour aller à l'école, que ce soit pour se déplacer pour aller voir ses amis, ou bien pour aller au travail plus tard, eh bien il faut le faire, de manière préférentielle, en bougeant avec son corps, en se servant de ses jambes pour faire du vélo, en se servant de tout son corps pour marcher, courir, et se servir de tous ces temps pour pouvoir avoir au minimum 30 minutes d'activité par jour, et justement ces 30 minutes d'activité par jour nous les avons déclinées avec le Comité d'organisation des Jeux olympiques pour le proposer à un maximum d'écoles en France, pour qu'en plus du programme de l'EPS à l'éducation en école primaire et maternelle, eh bien qu'on fasse, en plus de ce programme, 30 minutes d'activité physique chaque jour, quotidiennes, et c'est un programme que nous souhaitons d'ailleurs décliner au-delà de l'école, dans toute la société, sur cette dernière année.

EVA BEN-SAADI
Madame la ministre, comment s'assurer aujourd'hui que la pratique sportive est vraiment enseignée partout et pour tous, c'est un peu compliqué de contrôler les établissements, beaucoup de professeurs disent qu'il y a en effet un décalage entre ce qui est dit, ce qui est énoncé dans le programme de l'Education nationale, et la pratique, beaucoup d'enseignants en effet ne respectent pas, en tout cas dans toutes les écoles, cette pratique sportive de 30 minutes par jour pour les plus jeunes ?

ROXANA MARACINEANU
Alors aujourd'hui la loi Mobilités, qui a été votée il y a maintenant deux ans, eh bien a installé dans le programme, dans le code de l'éducation, le programme « savoir rouler à vélo » comme un impératif à déployer sur plusieurs années au sein de l'école. Nous avons insisté, avec Madame Souâd AYADA, la présidente du Conseil supérieur des programmes, nous avons installé l'aisance aquatique aux programmes de l'école maternelle et de l'école primaire, pour que puissions embarquer un maximum de professeurs, que par ailleurs nous aidons aujourd'hui, par un appel à projets sur de la formation, piloté et financé par le ministère des Sports, par un programme également d'aide à l'organisation de classes bleues, mais aussi de classes vélo au sein de l'Education nationale, encore une fois financé par notre ministère et organisée par celui-ci, et puis également un programme d'équipements, donc accompagner les écoles à pouvoir avoir accès à une piscine, à des bassins mobiles itinérants par exemple, c'est une partie de notre programme équipements, mais aussi à des piscines en dur, que nous rénovons activement et qu'on veut spécifiquement dédier à cette tranche d'âge-là et à cette nouvelle démarche pédagogique qu'on entame avec les professeurs des écoles et les éducateurs sportifs, pour faire en sorte de motiver tout le monde à y aller. Maintenant tous les outils sont là, il faut s'en saisir quand on est professeur d'écoles dans sa classe, c'est vrai que c'est toujours compliqué bien sûr en plus au sortir de la crise sanitaire que nous avons vécu et à laquelle nous avons dû tous faire face de s'engager dans des projets éducatifs de la sorte avec ces enfants, mais il faut être conscient et en responsabilité et savoir qu'effectivement l'école et le temps de l'école est important en France. On envoie nos enfants à l'école entre 8h00 et 16h00, il faut que ce temps-là soit aussi mis au bénéfice de cette pratique sportive quotidienne, c'est indispensable pour la santé des enfants, c'est indispensable aussi pour leur éducation et moi évidemment en tant que ministre des Sports, c'est aujourd'hui l'héritage que j'aimerais que les jeux olympiques et paralympiques en France dans 3 ans puissent laisser à la France. C'est dans ce sens-là qu'on s'est engagé avec Jean-Michel BLANQUER pour que la priorité de cet héritage soit plus de sports à l'école et plus de sport dans la vie de nos enfants.

EVA BEN-SAADI
Madame la Ministre, vous dites que les outils sont là, est-ce que les infrastructures sont là aussi ? On parlait des Jeux olympiques une échéance, voilà ça va arriver bientôt, beaucoup de piscine vont se créer, ça, ça va aider aussi à ces jeunes à l'école de faire plus de sports ?

ROXANA MARACINEANU
Oui nous avons un programme équipement notamment avec un programme phare sur la ville de Marseille, un autre programme phare sur la ville de, sur le département de la Seine-Saint-Denis et aussi dans tous les quartiers prioritaires de la ville via les cités éducatives où nous mettons fortement l'accent sur la rénovation des équipements sportifs. Également avec LANDESK qui est l'association des élus de territoire sur la matière sportive, nous nouons plus de partenariat pour que les équipements sportifs soient mis à disposition des écoles, que ce soit des écoles publiques mais aussi des écoles privées parce qu'il y a aussi une proportion de nos enfants qui fréquentent ces écoles privées aujourd'hui et elles doivent avoir un égal accès aux sports. Et puis avec les collectivités nous travaillons aussi au déploiement du passeport, ce qui est la nouvelle mesure du gouvernement pour permettre une réduction et une allocation de rentrée sportive pour un enfant sur deux en France. C'est une mesure de la relance là après la crise, mais c'est une mesure que moi j'aimerais pérenniser avec Jean-Michel BLANQUER pour qu'il y ait effectivement de la rentrée qui existe pour la rentrée de l'école, mais aussi pour la rentrée des clubs qui vont être amenés à travailler beaucoup plus en lien avec l'école. enfin un programme qui vient d'être lancé par nous il y a quelques jours, une école, un club pour vraiment favoriser, avoir ce chapeau nationale pour toutes les actions territoire qui existent déjà aujourd'hui dans certaines villes, dans certaines communes où des clubs sportifs travaillent déjà main dans la main avec les écoles et où demain on souhaite que beaucoup plus d'écoles s'engagent parce que les fédérations évidemment, vous vous doutez bien, elles sont demandeuses de cela, elles savent très bien que toucher un maximum d'enfants via l'école par de l'initiation, par des cycles proposés sur du plus long terme, c'est aussi un moyen de ramener des enfants dans les clubs vers les clubs sportifs de territoire. Évidemment moi en tant qu'ancienne sportive de haut niveau, j'y vois aussi un moyen d'agrandir le vivier qui pourra nourrir le sport de haut niveau et puis derrière les résultats de la France.

EVA BEN-SAADI
Trouver es talents de demain, vous en parliez en tout petit peu tout à l'heure, j'aimerais qu'on revienne dessus, l'apport du sport au-delà du sport, au-delà de la pratique sportive, vous en êtes convaincue, c'est un moyen selon vous de raccrocher au système scolaire, de réussir plus à l'école pour ces jeunes ?

ROXANA MARACINEANU
Oui nous avons déjà ? Nous touchons véritablement du doigt aujourd'hui avec notre dispositif le… enfin la lutte contre le décrochage scolaire. Nous avons dispositif qui s'appelle sésame qui est encore trop peu connu y compris par l'Education nationale de laquelle nous venons à peine de nous rapprocher depuis un an. Et c'est un dispositif qui permet 70 % de sorties positives pour ces jeunes qu'on récupère via les missions locales, qu'on engage vers des diplômes pour nourrir l'emploi dans le champ sportif. et ce programme-là on va valent travailler avec Jean-Michel BLANQUER pour aller chercher les jeunes directement dans les classes, là où on sent qu'un décrochage potentiel se fait sentir, eh bien on pourra demain permettre à ces jeunes d'avoir un parcours alternatif et puis un retour vers l'école si les enfants le souhaitent et s'ils peuvent le faire ou alors une orientation vers ces métiers aujourd'hui et ces formations du secteur sportif, parce que ce secteur propose des diplômes d'Etat, donc avec toute la sécurité toute la garantie aujourd'hui proposée par ces diplômes d'Etat et ces formations. Et puis derrière une insertion dans le monde professionnel très simple aujourd'hui, très facile parce que le monde associatif a besoin de se structurer parce qu'on organise beaucoup d'événements sportifs sur notre territoire et que le sport professionnel également, eh bien emploie aujourd'hui et a besoin aujourd'hui de notre jeunesse et de son enthousiasme à s'engager dans cette aventure sportive.

EVA BEN-SAADI
Merci d'avoir fait passer le message Roxana MARACINEANU, ministre déléguée chargée des Sports. Merci d'avoir été notre invitée dans Smart Education aujourd'hui.

ROXANA MARACINEANU
Merci à vous.

EVA BEN-SAADI
Merci beaucoup.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 septembre 2021