Texte intégral
Chers tous,
Je ne pouvais pas être présent à Metz parmi vous aujourd'hui, mais je tenais tout de même à prendre la parole et ainsi vous assurer de tout mon soutien.
Je remercie chaleureusement le Dr Jean-Michel Delile de m'en offrir l'occasion et je le félicite pour la tenue de ce congrès, parce que cet événement était très attendu.
Un autre remerciement, et sans doute le principal que je souhaite formuler, s'adresse à vous tous. Remerciement pour avoir su répondre présent tout au long de cette année et demie qui vient de s'écouler, avec ces moments très intenses, parfois durs, aussi bien professionnellement que personnellement.
Merci de votre mobilisation, exemplaire, au service d'un public de personnes fragiles et fragilisées par la pandémie. J'emploie ce terme à dessein, rapporté par les services du ministère de la Santé, qui ont travaillé à vos côtés, et qui ont pu, en étroite collaboration, construire des solutions face à la crise et la pandémie de COVID-19. Votre engagement, votre capacité d'adaptation ont été des atouts précieux, et je tiens aujourd'hui à vous dire à quel point nous sommes conscients et reconnaissants des efforts fournis.
La crise COVID-19 a confirmé la persistance des inégalités en santé. Pour gérer cette crise, les coopérations entre puissance publique, associations et établissements de santé ont été renforcées, notamment dans le champ de la précarité. Désormais, il nous faut capitaliser sur les innovations, les pratiques que vous avez su faire évoluer face à l'urgence.
Dans le cadre de la mesure 27 de prévention et de lutte contre les inégalités de santé du Ségur de la Santé, des actions sont en cours de déploiement pour développer et renforcer plusieurs dispositifs de prise en charge des publics précaires : ACT hors les murs, Equipe mobile santé précarité, PASS mobiles, LHSS mobiles.
Le champ de l'addictologie bénéficiera également du levier du Ségur : des crédits ont été sanctuarisés, à hauteur de 12,7 M€, pour améliorer l'accès et le parcours de soins des publics souffrant d'addictions en renforçant les capacités d'action des CSAPA et des CAARUD. Mes équipes associeront vos représentants, et notamment la fédération addiction, aux travaux qui sont en cours.
Si la crise sanitaire, qui nous a tant mobilisé, n'est pas encore derrière nous, je souhaite également évoquer l'avenir. Le programme de votre Congrès est ambitieux, il nous invite à revoir l'environnement et le champ des coopérations dans lesquels la politique de lutte contre les addictions se déploie.
Les addictions sont à la fois la conséquence et la cause de situations complexes. Elles appellent des réponses à la mesure de cette complexité, qui se déploient dans la durée, même s'il faut aussi savoir répondre à des situations d'urgence. Elles exigent de prendre en compte les individus dans leur globalité, que ce soit d'un point de vue sanitaire, psychologique, social, familial ou même économique. Elles exigent aussi de faire évoluer les politiques publiques pour s'adapter au plus près des besoins des usagers, dans leur diversité. Elles exigent, enfin, de coordonner les leviers d'action, de la prévention à la réduction des risques et des dommages, dans une approche centrée sur la personne.
J'ai déjà pu m'entretenir sur cette nécessité d'adaptation, lors d'une rencontre récente avec votre président et plusieurs membres de votre fédération, à propos d'un dispositif que je soutiens ardemment : celui des espaces de réduction des risques par usage supervisé.
Une première phase d'expérimentation s'achève et une évaluation de l'INSERM a démontré la qualité de leur fonctionnement et leur intérêt pour la santé et la tranquillité publiques.
Ce que nous voulons maintenant, c'est d'une part, favoriser l'ouverture de nouveaux dispositifs sur de nouveaux territoires. Et d'autre part c'est tester de nouvelles modalités de mise en oeuvre, en particulier l'intégration du dispositif à l'intérieur des locaux des CAARUD, ou la mise en oeuvre de dispositifs mobiles.
C'est pourquoi nous proposons au parlement, dans le PLFSS, de prolonger l'expérimentation pour une durée de trois ans.
Nous proposons également un nouveau nom, pour tenter d'en finir avec la caricature des « salles de shoot » que le terme de « salle de consommation à moindre risque » n'a pas su remplacer. Ces dispositifs médico-sociaux seront désormais connus sous le nom de « halte soins addiction » ou sous l'acronyme HSA. Il s'agit bien d'insister sur la dimension médico-sociale de la démarche, que les détracteurs ont trop souvent tendance à oublier.
Le parlement va se saisir du sujet mais nous pouvons être confiants d'autant que la mission des parlementaires Caroline Janvier et Stéphane Viry permet d'anticiper un débat éclairé.
Il nous faut aussi continuer à réfléchir sur les indispensables coopérations de l'addictologie avec les autres secteurs de la santé. Je sais que la Fédération Addiction travaille cette question depuis très longtemps. Et c'est la question qui sera au coeur de la contractualisation à venir entre le Ministère de la Santé, la Mildeca et la Fédération Addiction.
Il faut poursuivre cet effort pour permettre à l'addictologie, dans toutes ses dimensions, d'être présente partout où cela est nécessaire :
- à l'appui de la médecine de ville dans les maisons de santé pluriprofessionnelles, les microstructures, à l'hôpital, par le biais des ELSA, en milieu pénitentiaire en lien avec les unités sanitaires ;
- à l'appui des professionnels et acteurs en contact avec des personnes en difficulté avec leurs consommations ou pratiques addictives : milieu éducatif, professionnel, sportif, secteur social, personnel pénitentiaire...
- mais aussi au sein de nouveaux dispositifs : communautés professionnelles territoriales de santé, dispositifs d'appui à la coordination des soins complexes.
Il s'agit de faciliter la coopération et la coordination des acteurs au service d'une intervention la plus précoce possible, d'un accompagnement et d'un parcours de santé le plus fluide possible pour l'usager. Un parcours qui se construit pour l'usager, mais aussi, et surtout, avec sa participation.
Des projets allant de ce sens sont déjà en cours, évidemment. Grâce au fonds de lutte contre les addictions, plusieurs projets développés avec le terrain permettront d'outiller les structures médico-sociales pour améliorer leurs stratégies d'aller-vers et les rapprochements intersectoriels : consultations avancées des CSAPA, approches croisées dans les dispositifs d'hébergement pour personnes en situation de précarité, en sont des exemples.
Il existe, je n'en doute pas, beaucoup d'autres pistes. Il nous faudra à tous faire preuve de patience, de pédagogie, mais aussi de pragmatisme pour aller de l'avant. En se fondant sur les preuves, sur la force des expérimentations évaluées et positives, nous pouvons obtenir ces avancées. J'ai déjà eu l'occasion de le dire : nous devons tendre la main et convaincre du bien-fondé de notre politique de prévention, de soins et de réduction des risques, car elle sauve des vies.
Il nous faut poursuivre dans cette voie afin que chacun trouve et prenne toute sa place au service des usagers dans cet « écosystème », que vous avez placé au coeur des réflexions de votre Congrès.
Je ne doute pas que vos échanges seront riches et nous ne manquerons pas de poursuivre le dialogue avec vous, dans l'optique de favoriser pleinement ces coopérations.
Je vous remercie et vous souhaite une fructueuse journée de partages et de réflexions.
Source https://www.federationaddiction.fr, le 13 octobre 2021