Interview de M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports, à LCI le 5 octobre 2021, sur les intempéries dans les Bouches-du-Rhône, les revendications salariales dans les transports et l'"aviation verte".

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

ELIZABETH MARTICHOUX
Bonjour Jean-Baptiste DJEBBARI.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Bonjour à vous.

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci d'être avec nous. Ministre délégué aux Transports. Dans quelques minutes, on parlera aussi de l'Algérie, parce qu'Emmanuel MACRON vient de prendre la parole sur ce sujet, qu'il y a une crise diplomatique. Je rappelle que votre arrière-grand père était Algérien, est arrivé en France en 1914, eh bien, vous connaissez, vous avez la sensibilité sans doute sur ces sujets qui sont très sensibles en France. Mais d'abord, les transports, c'est votre rayon ministériel, paralysés notamment par les inondations hier dans les Bouches-du-Rhône, est-ce que le retour à la normale est confirmé ce matin ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Le retour s'opère ce matin, par mesure de précaution, nous avions anticipé en interrompant le trafic sur un certain nombre de lignes, notamment autour de Marseille, mais la vigilance orange a été levée hier soir, et donc le trafic reprend d'ici la fin de matinée.

ELIZABETH MARTICHOUX
D'ici la fin de matinée…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
L'ensemble…

ELIZABETH MARTICHOUX
La fin de la matinée, vous confirmez un retour à la normale…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Un retour à la normale, absolument.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est vrai qu'on a vu sur LCI largement des images de pollution liées aux ordures déversées dans la mer, c'est une conséquence de ces inondations. Est-ce qu'il y a aussi des dégâts sur les routes ou sur les infrastructures de transports liés à ces inondations ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
A ce stade, nous n'enregistrons pas de dégâts majeurs, mais les équipes vont faire les inspections comme elles le font quotidiennement, et donc nous verrons, mais nous n'avons pas de dégâts majeurs observés aujourd'hui à ce stade.

ELIZABETH MARTICHOUX
Pas plus dans le sud-est qu'en Corse, qui a été aussi touchée par les intempéries ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Et pour laquelle la vigilance orange n'est pas encore levée de mémoire. Donc nous aurons aussi un œil vigilant, évidemment, sur le réseau corse.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, il y a aussi une grève aujourd'hui à l'appel de Force ouvrière et de la CGT sur un certain nombre de thèmes, dont les salaires et le pouvoir d'achat. Perturbations ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Alors, c'est une grève qui, à ce stade, est peu suivie, et les trafics sont très légèrement perturbés, le TGV, les trafics TGV, Thalys, Eurostar, Intercités sont normaux, le réseau de la RATP fonctionne également normalement, il y a quelques perturbations sur certains RER, notamment le D et le E, et quelques réseaux de bus en Province, je pense notamment à Rouen, à Toulouse, à Nice, mais globalement, l'impact sur les usagers est plutôt modéré.

ELIZABETH MARTICHOUX
Parce qu'il y a une faible mobilisation, vous diriez ça comme ça ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
D'abord, je ne vais pas commenter la mobilisation, mais c'est peut-être…

ELIZABETH MARTICHOUX
Eh bien, si, c'est un sujet politique aussi.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Oui, mais ce que je peux dire, c'est que c'était un mouvement intersyndical, et que j'observe que notamment l'UNSA, et la CFDT ne se sont pas joints au mouvement.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et donc, c'est une grève pour rien ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Ça, ce n'est pas du tout à moi de le dire, c'est une grève, ils ont choisi de faire grève pour des raisons qui leur appartiennent, je constate que ce mouvement est peu suivi…

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est une satisfaction quand même de voir que socialement, les transports ne sont pas bloqués ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Il y a un régime démocratique dans lequel les syndicats peuvent faire grève, ils font grève, cette grève est peu suivie, c'est heureux pour les usagers, et par ailleurs, les syndicalistes assument le fait de faire grève pour des motifs qui peuvent paraître, pour certains, effectivement, un peu loin des préoccupations des Français à ce stade.

ELIZABETH MARTICHOUX
Le pouvoir d'achat, c'est un peu loin des préoccupations ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non, ce n'est pas ce que je dis, mais on parle de la grève dans les transports, on parle… et par ailleurs, on peut parler effectivement du pouvoir d'achat, je rappelle quand même sur le pouvoir d'achat, ce mandat MACRON…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ah oui, alors, attendez, on va en parler, deux fois plus…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
On va y venir…

ELIZABETH MARTICHOUX
Je sais, parce qu'on a aussi cette étude de Bercy, dont on imagine que tous les ministres ont été saisis pour en faire évidemment la publicité. Mais on y reviendra. Petit sujet d'inquiétude du côté des routiers, Jean-Baptiste DJEBBARI, une intersyndicale réclame une revalorisation à deux chiffres et un 13ème mois, sous peine, je cite, d'en tirer toutes les conséquences, on mesure bien ce que c'est que les conséquences d'une grève des routiers. Il y a de la tension ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Moi, j'étais à leur rencontre la semaine dernière, il y avait le congrès de la Fédération nationale des transports routiers, donc j'ai eu l'occasion de discuter avec son président, Jean-Christophe PIC, et nous avons parlé des différents sujets, et notamment du sujet de la protection sociale, moi, j'étais très franc avec eux sur le sujet, la concurrence, elle s'est exercée ces vingt dernières années en intra-européen, qu'on a voté pour eux, ce qui est important, ce qu'on appelle le Paquet Mobilité, qui permet de mieux contrôler le cabotage, bref, le dumping social et fiscal qui s'est exercé beaucoup au détriment des Français. Donc c'est un travail qu'on va continuer avec la présidence française de l'Union européenne. Et je leur ai rappelé aussi que l'État, parce qu'ils s'étaient extraordinairement mobilisés, les routiers, pendant la crise, que l'État avait été à leurs côtés et continuera de l'être ces prochains mois évidemment.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous ne répondez pas ma question, est-ce qu'il y a de la tension, est-ce que…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Oui, mais je réponds sur le fond et ce qu'on a fait…

ELIZABETH MARTICHOUX
Absolument, vous dites…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
C'est le plus important…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous parlez de votre bilan, c'est important, il y a des revendications, là, maintenant, des revendications salariales, est-ce que vous allez les recevoir, comment allez-vous leur répondre ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Eh bien, d'abord, c'est de l'ordre du conventionnel, c'est de l'ordre de la négociation avec les entreprises, nous, sur tous les sujets sur lesquels j'ai été sollicité directement, j'ai répondu…

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous dites, ce n'est pas notre affaire, l'État n'a pas à intervenir, c'est aux branches de négocier ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Moi, je ne m'esquive d'aucun débat et d'aucune proposition, je dis juste que faisons les choses dans l'ordre, quand on m'a saisi sur des sujets, s'agissant des retraites par exemple, j'y ai répondu, on a une mission qui est en cours, qui objective tout cela, à chaque fois que j'ai un sujet pour lequel c'est ma compétence, j'y réponds directement, quand il y a des sujets d'ordre de la négociation salariale entre les entreprises et les salariés, c'est au niveau de l'entreprise de se faire…

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, qu'est-ce que vous dites aux entreprises ? Est-ce qu'ils vont négocier ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Vous savez, la réalité quand même de ce secteur, c'est que les marges des entreprises, justement du fait de la concurrence intra européenne, se sont beaucoup réduites, si je caricature un peu les choses ou si je les simplifie, il y a 20 ans, vous aviez les transporteurs routiers français qui travaillaient beaucoup à l'international, sur des longues distances et qui avaient des marges importantes, et donc des entreprises qui avaient des possibilités importantes, aujourd'hui, c'est beaucoup moins le cas. La crise a évidemment impacté le secteur du transport routier, comme les autres, il y a aujourd'hui un redémarrage à la fois sur la logistique et le transport routier, donc ça, c'est peut-être le sujet des marges nouvelles qui vont se créer, et encore une fois, les discussions doivent avoir lieu, et je ne les préempte pas…

ELIZABETH MARTICHOUX
Parce qu'il y a quand même beaucoup de trafic…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Mais en tout cas, l'année 2020 a été très difficile.

ELIZABETH MARTICHOUX
Il y a beaucoup d'activité quand même, Jean-Baptiste DJEBBARI…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Il y a des nouvelles activités, notamment autour de l'e-commerce, autour évidemment de la logistique, donc il y a des nouvelles activités, des nouveaux entrants aussi, des grands concurrents, comme AMAZON et d'autres, donc ce monde bouge beaucoup, et donc il faut accompagner à la fois ces mutations, se prémunir des effets pervers, et encore une fois, cette discussion, elle se déroule dans l'entreprise…

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, mais vous les regardez, j'imagine, est-ce qu'on peut prendre le risque, est-ce que vous pouvez prendre le risque de ne pas intervenir s'il y a un risque de blocage ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Moi, je vais prendre le risque de faire la démocratie sociale telle qu'elle s'applique dans notre pays, c'est-à-dire, d'avoir les discussions au bon niveau dans l'entreprise entre les syndicats et le patronat ou les entrepreneurs, c'est comme ça que ça se passe…

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, et vous dites, vous dites les entreprises, elles n'ont pas encore restauré leurs marges, c'est ce que je comprends…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
En tout cas, l'année 2020 a été compliquée…

ELIZABETH MARTICHOUX
Et vous dites donc aux salariés, soyez raisonnables ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Je leur dis : discutez, toutes les boîtes ne se ressemblent pas, vous avez…

ELIZABETH MARTICHOUX
Avant de bloquer, discutez et prenez en compte les difficultés des entreprises…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non, mais vous avez des entreprises, on va être concret, il n'y a pas de situation homogène, il n'y a pas de situation homogène, il y a des boîtes qui ont très bien réussi dans la crise, d'autres qui sont en très grande difficulté, et donc, les marges à l'intérieur des entreprises sont peut-être différentes pour faire de la revalorisation salariale, notamment.

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que quand même, c'est un risque que vous regardez, est-ce que vous avez des craintes ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Mais moi, je regarde tout, et j'essaie de regarder en lucidité, et si vous me demandez une réponse générale sur un sujet…

ELIZABETH MARTICHOUX
Non, je vous demande une réponse précise, pas générale…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Eh bien, je vais vous répondre précisément, il y a 1 000 cas d'entreprises qui n'ont pas les mêmes santés financières, et donc pas les mêmes possibilités de revaloriser les salaires. Donc si vous me dites que vous avez une solution pour les 1 000 entreprises très différentes, je la prends et peut-être que je la mettrais en œuvre…

ELIZABETH MARTICHOUX
Non, mais je ne suis pas ministre chargée des Transports…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Mais je dis juste qu'effectivement, c'est plus compliqué que ce que vous dites…

ELIZABETH MARTICHOUX
Bon, est-ce que vous allez me dire ça aussi pour les pneus, tolérance d'un an pour l'obligation d'avoir dans sa voiture des pneus neige ou des chaînes, chaussettes ; la sécurité peut attendre, on rappelle que cette loi, elle a été votée quand, Jean-Baptiste DJEBARRI ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non, mais d'abord, nous avons reporté l'année dernière d'un an…

ELIZABETH MARTICHOUX
Elle date de quand cette loi ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
C'est une loi qui est ancienne effectivement, qui s'applique aujourd'hui, il y a un décret…

ELIZABETH MARTICHOUX
Elle est de 2016…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Comme beaucoup de lois qui mettent du temps à se mettre en œuvre. Il y a déjà des obligations de sécurité quand vous allez en montagne, et que vous avez des panneaux, vous avez une obligation de sécurité, et vous êtes déjà, entre guillemets, sanctionné par peine d'amende quand vous ne respectez pas. Donc, ce que je veux dire par-là…

ELIZABETH MARTICHOUX
Là, il s'agit d'avoir ça obligatoirement, je rappelle pour ceux qui ne sont pas concernés, pardon, ce sont dans les départements montagnards, du 1er novembre à mars, l'obligation d'avoir ces équipements…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
C'est l'équipement hivernal…

ELIZABETH MARTICHOUX
Evidemment pour la sécurité de ceux qui circulent…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Donc ce que nous disons, c'est que sur les portions les plus accidentogènes, il y a déjà des obligations, il y a déjà des sanctions qui s'appliquent d'ores et déjà, donc la sécurité, elle est assurée de ce point de vue-là. Ça, c'est une obligation plus générale, effectivement, d'équipement hivernal dans les zones de montagne, et donc le principe, cette année, c'est que nous faisons l'information et la pédagogie, l'information et la pédagogie…

ELIZABETH MARTICHOUX
Pour une loi qui a cinq ans déjà ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Oui, pour une loi qui a cinq ans déjà, mais beaucoup de lois mettent beaucoup de temps à se…

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, oui, bien sûr, mais la pédagogie, si vous voulez, elle aurait pu commencer à être faite depuis longtemps…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Oui, mais d'ores et déjà, sur les portions, je le redis, d'ores et déjà, sur les portions les plus accidentogènes, il y a des panneaux et donc une obligation, et le cas échéant, des sanctions qui sont prononcées.

ELIZABETH MARTICHOUX
Des sanctions qui n'arriveront qu'en novembre 2022…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non, non, d'ores et déjà, quand vous êtes sur une portion sur laquelle il y a obligation…

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, bien sûr, mais là, pour cette loi…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Et donc nous répondons à la sécurité, ce que je veux dire par-là, c'est que nous répondons sur les sujets de sécurité, puisque sur les portions de montagne…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais alors, donc, cette loi ne sert à rien ? Il y a un moment…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
C'est une loi qui généralise…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ubuesque…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
C'est une loi qui généralise l'obligation d'équipement hivernal, vous savez, on a beaucoup de cas, quand vous allez en montagne ou dans les zones montagneuses, on voit beaucoup de queues aux stations-services pour des gens qui n'ont pas anticipé et qui achètent un équipement, c'est comme ça que ça se passe…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ceux qui ont la chance d'aller en montagne connaissent ces scènes, il s'agit…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Bien sûr, donc la loi, elle cherche…

ELIZABETH MARTICHOUX
Il s'agit d'autre chose…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non, non, bien sûr, elle répond à ça, la loi, elle répond à ça, parce qu'en général, quand vous habitez en montagne, vous avez des pneus neige, ou alors, vous êtes équipé, elle répond surtout à ceux qui viennent occasionnellement et pour lesquels aujourd'hui on porte une obligation générale. Et la réalité, encore une fois, c'est que sur les zones de montagnes dangereuses, il y a une obligation.

ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord. Aucune arrière-pensée électoraliste, il y a rien enjeu de pouvoir d'achat, évidemment, il s'agit des voitures, je rappelle que les questions, les obligations liées aux voitures, c'est un tout petit peu sensible depuis une certaine crise des gilets jaunes…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
… C'est une loi qui est pragmatique, encore une fois, on ne répondrait pas sur la sécurité, on répond sur la sécurité, et après…

ELIZABETH MARTICHOUX
Bon, eh bien, dans ces cas-là…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Qu'il y ait de la souplesse dans la mise en œuvre, c'est quand même souhaitable.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mauvaise nouvelle du jour, Jean-Baptiste DJEBBARI, 52 milliards de pertes cette année pour le transport aérien international, cette crise aura coûté en tout, je crois, 200 milliards au secteur. Quand estimez-vous le retour à la rentabilité ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Eh bien, c'est difficile à dire, les différentes prévisions disent qu'autour de 2023 à 2024, on devrait revenir au niveau économique de 2019, mais évidemment, on a on a un sujet à un peu structurel, c'est que pendant cette crise, s'est beaucoup développée la visioconférence, le télétravail, et que notamment, s'agissant des voyageurs d'affaires, qui sont l'essentiel de la rentabilité des compagnies aériennes, au sens général du terme, on ne les voit pas tout à fait revenir maintenant.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et donc ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Donc on est dans un contexte un peu compliqué, où on a à la fois des compagnies aériennes qui sont pour certaines en difficultés, les grandes compagnies ont été soutenues en général par leurs États, les compagnies très low cost avaient en général suffisamment de trésorerie, et au milieu, vous avez un certain nombre de compagnies qui sont plus fragiles, et de l'autre côté, vous avez des voyageurs d'affaires qui vont mettre du temps à venir.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et qui reviendront quand, le retour à la normale, c'est pour, on dit 2023 ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
C'est entre 2023, 2024 mais honnêtement, tous ceux qui font des prévisions…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça, c'est le retour à la normale de la circulation, la rentabilité aussi, 2023 ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
C'est l'équilibre économique. Donc 2023, 2024, c'est le retour à un équilibre économique, qu'on a connu à peu près autour de 2019, mais encore une fois, ce sont des prévisions…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais ça veut dire qu'il y aura un trafic qui sera, à votre avis, comparable à celui de 2019 ou celui-là, on ne le retrouvera jamais ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non, non, je pense que… je ne sais pas si on pourra vraiment le comparer, ce qu'on voit, on a déjà observé quand même des effets de la crise, on a observé des faillites de compagnies aériennes, on va certainement connaître un mouvement de consolidation, au sens où des entreprises vont disparaître, et des groupes vont se consolider…

ELIZABETH MARTICHOUX
Et en fonction de ça…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Donc peut-être qu'on va observer, mais je le dis avec précaution, une hausse des prix, et par ailleurs, on est dans un mouvement de régulation environnementale pour l'aérien…

ELIZABETH MARTICHOUX
On va en parler…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Donc du coup, ça aussi, ça a vocation peut-être, dans ces conséquences, à augmenter les prix, donc de toute façon, le paysage change. C'est une certitude.

ELIZABETH MARTICHOUX
Le paysage change, d'accord. Donc un retour à la normale, vous ne vous prononcez pas…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Autour de 23-24, ce que disent les experts…

ELIZABETH MARTICHOUX
2023, mais comparable à 2019, peut-être pas ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
En tout cas, pas pareil dans sa nature…

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que vous allez aider, est-ce qu'il faut aider encore AIR FRANCE ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
AIR FRANCE a été beaucoup aidée…

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, est-ce qu'il faut encore aider AIR FRANCE ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
En tout, dix milliards, aujourd'hui, avec la reprise du trafic, AIR FRANCE a fait un été de l'ordre de 65% d'un été normal, et les prévisions que nous avons sur la fin d'année et sur l'année prochaine nous font penser, à ce stade, que l'aide a été insuffisante, qu'elle a les capacités de trésorerie et qu'elle a la stratégie pour reconquérir ses clients. D'ailleurs, AIR FRANCE-KLM redémarre plutôt mieux que ses voisins, et c'est une bonne nouvelle, a fait plutôt un meilleur été commercial que ses voisins, notamment ses voisins européens, et donc c'est une bonne nouvelle. Et à ce stade, nous n'envisageons pas, après tout ce qui a été fait, pour à la fois aider et convertir des aides en participations en capital, nous n'envisageons pas à ce stade de nouvelles aides, mais l'actualité nous a appris à être humbles en la matière.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais vous n'envisagez pas une nouvelle aide pour AIR FRANCE…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Pas à ce stade, en fonction des données que nous avons maintenant…

ELIZABETH MARTICHOUX
Question simple, réponse rapide, s'il-vous-plaît, quand est-ce que les voyageurs vaccinés pourront voyager précisément comme avant, avec un pass sanitaire ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
On a eu un G7 la semaine dernière, et donc l'idée, c'est qu'à compter du début novembre, pour la plaque américaine, et c'est important les USA, le Canada, qu'on puisse effectivement mettre ça en œuvre, ça va être beaucoup plus lent, à mon sens, sur la Chine notamment, et un certain nombre de pays d'Asie du sud-est, qui ont des stratégies Covid très restrictives.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc l'harmonisation, pas maintenant ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Eh bien, en tout cas, on essaie…

ELIZABETH MARTICHOUX
Et la possibilité pour que, effectivement, on puisse voyager juste avec un pass sanitaire ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
En tout cas, ce qui est sûr, je vais essayer de répondre à votre question, mais…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ce n'est pas maintenant ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Mais 1°) : au niveau du G7, on essaie d'aller vite, sur le principe de la double vaccination ; le G7, ça ne comprend pas la Chine, par exemple, donc au niveau du G20, on aura certainement des initiatives à prendre, et la vaccination, notamment la double vaccination, c'est vraiment aujourd'hui la pierre angulaire de ce qui nous permettra…

ELIZABETH MARTICHOUX
Pas maintenant…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
C'est en tout cas ce qui nous permettra de retrouver un trafic normal.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, plan d'investissement attendu le mois dernier, il arrive le 12 octobre, mardi, présenté par Emmanuel MACRON, et entre autres, sera concerné le domaine de l'aviation verte, d'abord, vous confirmez qu'il y aura des moyens mis sur l'aviation verte ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Je confirme qu'il y aura un sujet de transport, et que parmi les sujets de transport, il y aura l'aviation verte, alors, l'aviation verte, c'est quoi, c'est deux grands sujets, d'abord, c'est la future génération d'avions sobres en carbone, pour faire simple, des avions électriques, des avions hybrides, demain, des avions à hydrogène, et puis, c'est ce qu'on appelle les carburants alternatifs au kérosène, et ça, c'est réellement la nouveauté, il y a eu un vol AIR FRANCE la semaine dernière au départ de Nice avec 30% de biocarburants sur la base d'huile de cuisson usagée, donc là, on a une filière française à développer, c'est évidemment beaucoup plus écologique, vous baissez les émissions de l'ordre de 90% tout de suite, et évidemment, vous ne transigez pas sur la sécurité, donc c'est une belle filière française à créer, on a commencé à l'amorcer. Et je pense qu'en plus, c'est la solution de court terme pour l'aviation, donc ça crédibilise l'ensemble du discours politique qui est porté par l'ensemble des décideurs de ce monde.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est évidemment un sujet passionnant, un sujet d'avenir, des avions propres d'ici à 2050, on rouvrira ce chapitre bien sûr prochainement…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Et on a une industrie française et européenne d'envergure mondiale, donc là, pour le coup, on va peut-être faire la différence…

ELIZABETH MARTICHOUX
Et on verra combien de milliards, combien de milliards qui seront mis sur la filière …

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
J'ai mis un milliard cinq sur la filière, ils sont déjà mis…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais là, mardi ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Et donc, eh bien, je vais laisser le président faire l'annonce, s'agissant du plan d'investissement.

ELIZABETH MARTICHOUX
Quelle prudence. Votre arrière-grand-père était Algérien, Jean-Baptiste DJEBBARI, je c rois qu'il est venu en France juste avant la première guerre mondiale…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Absolument.

ELIZABETH MARTICHOUX
Il y a une crise diplomatique, il y en a souvent avec l'Algérie, mais elle est lourde celle-là, elle est consécutive d'abord à la mesure sur les visas, et ensuite, aux déclarations d'Emmanuel MACRON samedi, qui affirment – je cite – que l'Algérie, après son indépendance en 62, s'est construite sur une rente mémorielle, entretenue par le système politico-militaire, et il a questionné l'existence d'une nation algérienne avant la colonisation française, est-ce qu'il a bien fait ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
D'abord, il faut rappeler le contexte, il a expliqué comment le rapport qu'il avait confié à Benjamin STORA avait été reçu en Algérie, donc il a fait l'exégèse de la réception de ce rapport…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous y étiez à cette rencontre ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Je n'étais pas à cette rencontre…

ELIZABETH MARTICHOUX
Rencontre de harkis…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Mais évidemment, j'ai suivi ça de près pour les raisons que vous dites précisément, et donc je crois qu'il a fait une restitution très franche, tout en ayant fait sa part du chemin sur le plan mémoriel, il a tenu, le président de la République, il a d'ailleurs été beaucoup critiqué pour cela, rappelez-vous, il y a quelques années, des propos qui ont visé à objectiver la part de la France, non, non, mais…

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, il a effectivement dit pendant la campagne que, avaient été commis en Algérie des crimes contre l'humanité, de la part de la France. Et aujourd'hui, il attaque le pouvoir algérien…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
On ne peut pas lui reprocher tout et son contraire…

ELIZABETH MARTICHOUX
Comment ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
On ne peut pas lui reprocher tout et son contraire, on ne peut pas dire : non, non, mais écoutez, c'est important…

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce qu'on peut observer qu'il a évolué dans le discours ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non, on ne peut pas dire qu'il a essayé d'avoir une vision lucide et très franche et d'avoir des propos très francs sur ce qu'il estime avoir été la part de la France dans l'histoire qui lie la France et l'Algérie, et de l'autre côté, le critiquer pour tenir des propos tout aussi francs sur la réception qu'il estime être celle…

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est dû en même temps, ce n'est pas un virage à 180 degrés, c'est dû en même temps…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non, mais, c'est le en même temps, si vous voulez, mais c'est la lucidité sur l'histoire de la France et de l'Algérie qui ont histoire liée, et sur laquelle il faut peut-être, par la lucidité et la franchise des propos, sortir d'une situation qui aujourd'hui effectivement est compliquée, sur le plan diplomatique notamment.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, et ce matin d'ailleurs, chez nos confrères de France Inter, le chef de l'État précis, je pense que nous avons trop de nos compatriotes dont l'histoire est liée à l'Algérie, pour faire comme si de rien n'était, j'ai une question quand même à vous poser, certains malveillants sans doute diront qu'il fait du ZEMMOUR, quand il parle du pouvoir algérien comme il l'a fait.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Il parle de ce sujet depuis son élection et depuis 2007…

ELIZABETH MARTICHOUX
Pas dans ces termes…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
C'est même pendant la campagne, c'est même pendant la campagne qu'il a eu les mots de mémoire, qu'il a eu les mots que vous avez répétés…

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Donc c'est un sujet…

ELIZABETH MARTICHOUX
… D'un sentiment de repentance et d'accusation aujourd'hui…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Sincèrement, non, c'est une approche, je crois, vraiment, et pour comprendre ce qui est fait sur ces sujets, c'est une approche équilibrée, franche et lucide sur ce qu'est, ce que sont les histoires mêlées de la France et de l'Algérie…

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc ce n'est pas du ZEMMOUR…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Donc on peut y faire un traitement de l'actualité Zémmourienne, si vous voulez, on peut tout Zémmouriser dans l'actualité politique, je crois vraiment que là, on n'y est pas…

ELIZABETH MARTICHOUX
On peut tout Zemmouriser dans l'actualité politique ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Vous vous y prête visiblement, moi, je dis juste que c'est un sujet sérieux…

ELIZABETH MARTICHOUX
Non, mais ça veut dire quoi, tout Zémmouriser ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non, mais on peut tout voir sous le prisme de l'action d'un Eric ZEMMOUR qui serait absolument… voilà, je crois que ce n'est vraiment pas le sujet, et je crois que c'est un sujet beaucoup plus sérieux que l'émergence d'une personnalité politique comme Eric ZEMMOUR, c'est un sujet qui est traité par le président depuis qu'il est président, même quand il était candidat, et avec, je crois, beaucoup de franchise et lucidité.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais c'est une personnalité politique qui émerge, Eric ZEMMOUR, vous venez de le dire ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
ZEMMOUR, bien sûr, c'est une personnalité politique…

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est un phénomène durable….

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
C'est un phénomène narcissique, messianique.

ELIZABETH MARTICHOUX
Messianique, habité…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Au nationalisme ethnico-culturel, donc je pense que, ou ethnoculturel, je pense qu'on a effectivement quelqu'un qui a une proposition très, très marquée, ça, c'est sûr.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, et durable ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Ce n'est pas à moi de le dire, ce n'est pas moi qui vote.

ELIZABETH MARTICHOUX
Eh bien, vous observez ça comme le lait sur le feu, je n'en doute pas une seconde…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Ah, mais j'observe ça, moi, j'ai débattu avec Eric ZEMMOUR, je le connais, c'est quelqu'un qui a évidemment des qualités rhétoriques et une vision très claire de ce qu'il propose ou ce qu'il proposerait le cas échéant au pays, vous avez compris que ce n'est pas ma vision, c'est un nationalisme étriqué…

ELIZABETH MARTICHOUX
Cette clarté, c'est précisément une des raisons de son succès, entre guillemets, et dans notre sondage IFOP, en un mois, il est passé de 7 à 12 ou 15 selon les adversaires, vous l'avez vu.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Mais parce que je pense qu'en politique, il faut donner, justement, on parlait de la France et de l'Algérie, il faut donner sous un angle qui n'est pas celui d'Eric ZEMMOUR, il faut donner une vision pour le pays, on a eu des générations de politiques, j'espère avant 2017, qui ont proposé des visions gestionnaires et comptables du pays, la force entre guillemets des populistes, comme on les appelle, d'un terme un peu générique, c‘est qu'ils proposent des visions très claires, pour nous, ce sont des décisions qui sont nationalistes, étriquées, de repli, déclinées, et je ne crois pas du tout que le pays ait besoin de ça, mais au moins, ce sont des visions très claires, donc c'est à nous d'opposer une vision de volonté, d'optimisme et qui corresponde davantage, je crois, à ce qu'est réellement le pays.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, la clarté, c'est parfois la simplicité, c'est parfois le simplisme, ce n'est pas forcément… c'est plus difficile d'être nuancé, c'est plus long, c'est moins clair, et pourtant, il faut aller sur ce terrain.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Et moi, je crois que la complexité peut être comprise dans l'application dès lors que le chemin est clair et droit et est tracé, je pense qu'on peut faire les deux.

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup Jean-Baptiste DJEBBARI d'avoir été ce matin sur le plateau de LCI. Bonne journée.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 octobre 2021