Texte intégral
MARC FAUVELLE
Bonjour Frédérique VIDAL.
FREDERIQUE VIDAL
Bonjour.
MARC FAUVELLE
Un hommage sera rendu aujourd'hui dans la plupart des établissements scolaires, écoles, collèges, lycées, un an après l'assassinat de Samuel PATY. Comment expliquer aux enfants, avec quels mots, aux enfants et aux adolescents, ce qui s'est passé ?
FREDERIQUE VIDAL
Je suis que c'est extrêmement difficile de leur expliquer, mais je crois que c'est important de dire la vérité aux enfants, donc il faut leur dire qu'il s'est passé quelque chose de terrible, quelque chose qui est un attentat terroriste, ça permet d'aborder ce sujet-là, et puis il faut leur dire que cette chose elle a été faite évidemment contre Samuel PATY, mais, de façon plus générale, contre toutes les personnes qui défendent, dans notre pays, une valeur fondamentale qui est la liberté d'expression. Voilà, il faut trouver les mots, qu'ils comprennent, il faut parler avec eux, les laisser parler aussi, je crois que c'est très important, et puis c'est un hommage qui sera rendu dans tous les établissements parce que c'est toute la communauté de l'enseignement qui est touchée, donc j'ai aussi demandé évidemment aux universités de faire des temps d'hommage aujourd'hui, à Samuel PATY.
MARC FAUVELLE
Avec un caractère obligatoire dans les universités, dans les établissements scolaires du primaire et du secondaire c'est laissé à la libre appréciation des directeurs d'établissement, qu'en sera-t-il à la fac ?
FREDERIQUE VIDAL
Non, ça n'a pas de caractère obligatoire, mais c'est simplement, je crois que tout le monde avait envie aujourd'hui de prendre un temps pour se rappeler, se rappeler que, voilà, Samuel PATY est mort pour la liberté d'expression, et ça nous y sommes tous très attachés, donc c'est essentiel qu'on puisse le faire partout, et puis je voudrais mentionner aussi le fait que, aux Presses universitaires de Lyon, il a son mémoire de maîtrise qui a été publié et qu'on voit que c'était quelqu'un qui était engagé depuis qu'il était étudiant, puisqu'il a fait un très joli mémoire sur la symbolique de la couleur noire, et on voyait déjà à quel point il était intéressé à voir au-delà des choses et à quel point il était intéressé par la spiritualité.
SALHIA BRAKHLIA
Frédérique VIDAL, est-ce que vous comprenez qu'aujourd'hui il y ait encore des professeurs qui s'autocensurent ?
FREDERIQUE VIDAL
C'est très difficile… oui, bien sûr je le comprends, je le comprends, je le constate, la raison pour laquelle les gens s'autocensurent c'est parce qu'ils ont peur, et je pense qu'il faut comprendre que les gens aient peur, enfin ce qui s'est passé ça a été, dans le monde de l'enseignement, quelque chose de terrible parce que finalement on s'est dit, mais, pour enseigner, parce qu'on enseigne, parce qu'on défend ces libertés-là, alors on peut être décapité, et cette peur-là évidemment elle très humaine et il faut la comprendre.
SALHIA BRAKHLIA
Mais que les professeurs s'autocensurent parce qu'ils ont peur des réactions en classe ?
FREDERIQUE VIDAL
Non, enfin c'est ce que je vous dis, ce n'est pas les réactions en classe, c'est ce que ces réactions-là peuvent entraîner. Vous voyez à quel point, quand on regarde ce que l'on connaît de cette affaire, ce sont une succession de petites choses qui ont entraîné ce drame absolu, et donc c'est ça qui fait peur, mais c'est là que l'établissement doit être aux côtés des professeurs, c'est là que la puissance publique doit dire « vous serez protégés », et d'ailleurs je crois qu'il n'y a jamais eu autant de demandes de protection fonctionnelle, de protection fonctionnelle accordées, de protection policière parfois accordées, parce qu'il ne faut rien céder par rapport à ça.
MARC FAUVELLE
Jean-Michel BLANQUER voudrait qu'un établissement scolaire dans chaque département porte le nom de Samuel PATY, est-ce que vous portez la même demande pour l'université, est-ce que vous souhaiteriez qu'il y ait des universités qui portent son nom ou des amphithéâtres ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors ça c'est à la libre appréciation, je crois que le symbole est fort…
MARC FAUVELLE
Mais la ministre a forcément une orientation ou un souhait sur cette question.
FREDERIQUE VIDAL
Le symbole est très fort, et d'ailleurs demain je participerai à une manifestation en hommage à Samuel PATY, on va effectivement donner le nom à un square en Sorbonne. Donc, oui bien sûr, tout ce qui permet de se rappeler et tout ce qui permet, à chaque fois finalement de retrouver du courage, lorsqu'on est un peu, voilà, désabusé, de repenser à Samuel PATY, et de redonner du courage à tout le monde, pour défendre la liberté d'expression, je crois que cette symbolique elle est forte.
SALHIA BRAKHLIA
Frédérique VIDAL, la crise sanitaire a conduit nombre d'étudiants dans la précarité, comme nous vous avez vu ces nombreuses images d'étudiants qui font la queue devant les distributions d'aide alimentaire, des files d'attente qui existent encore aujourd'hui, que fait la ministre de l'Enseignement supérieur ?
FREDERIQUE VIDAL
Eh bien écoutez, d'abord je fais en sorte qu'il puisse y avoir, dans le prochain budget, 3,3 milliards d'euros consacrés à la vie étudiante, ce sera le plus gros budget vie étudiante qui n'aura jamais été voté par le Parlement, enfin en tout cas j'espère qu'il le sera…
MARC FAUVELLE
Ça, ça va remplir les réfrigérateurs ?
FREDERIQUE VIDAL
Ça, ça va nous permettre de continuer à accompagner. Sur le premier semestre de 2021 c'est 14,4 millions de repas à 1 euro qui ont été servis, c'est des milliers de cartes alimentaires qui ont été données aux étudiants, et c'est pour pouvoir continuer cela, sur le mois de septembre 2 millions de repas à 1 euro…
SALHIA BRAKHLIA
Mais les repas à 1 euro pour tous c'est fini aujourd'hui.
FREDERIQUE VIDAL
Sur le mois de septembre 2 millions de repas à 1 euro, c'est pour tout étudiant qui en a besoin, les étudiants boursiers, et tout étudiant qui est en situation de précarité et qui, automatiquement, au travers de sa carte, a droit à ces repas à 1 euro.
MARC FAUVELLE
Comment vous expliquez, dans ce cas-là, ces files pour les distributions d'aide alimentaire ?
FREDERIQUE VIDAL
Parce que, en réalité, je crois que le sujet est plus global, on parle de distribution alimentaire, en fait c'est de la distribution en général, et c'est pour ça que la réponse qui est apportée aussi par les établissements, ce sont des cartes d'achat, parce que, oui, il y a l'alimentation, il y a aussi tous les produits de la vie quotidienne, et évidemment, lorsqu'on à des fins de mois qui sont extrêmement compliquées, c'est important qu'on puisse être accompagné, donc l'Etat évidemment…
MARC FAUVELLE
C'est-à-dire, vous nous dites il y a un déficit d'information, aujourd'hui il y a les moyens pour que ces centaines, parfois de milliers d'étudiants qu'on voit faire la queue pour avoir à manger, il y a les moyens aujourd'hui, c'est juste qu'ils ne sont pas au courant des dispositifs.
FREDERIQUE VIDAL
C'est souvent ça, c'est souvent ce qu'on appelle le non-recours, c'est-à-dire que les CROUS ont la possibilité en trois clics de donner jusqu'à 500 euros à un étudiant, dans les jours qui suivent la demande, et ensuite d'analyser son dossier pour savoir s'il peut bénéficier d'une aide plus pérenne au long de l'année - là je ne parle pas les étudiants boursiers, je parle de tous les étudiants - il y a la possibilité, là encore, d'avoir des repas à 1 euro si on est dans une situation compliquée, les établissements, au travers de la contribution Vie étudiant, mettent à disposition des cartes alimentaires, mettent à disposition des ordinateurs, des clés 4G, tout ce qui a été mis en place pendant la période de confinement est maintenu en cette rentrée.
MARC FAUVELLE
La ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, Frédérique VIDAL, est l'invitée de France Info jusqu'à 9h, une petite pause le temps du Fil info à 8h40 avec Diane FERCHIT.
SALHIA BRAKHLIA
Environ 700 000 étudiants bénéficient d'une bourse aujourd'hui. Elles sont calculées en fonction des revenus des parents ; est-ce que vous avez prévu de revoir ce système ?
FREDERIQUE VIDAL
Oui en fait la vraie question des bourses, c'est 750 000 boursiers cette année. Donc le droit à revoir sa bourse a été aussi mis en place à cause des conditions sanitaires ; ce qui est important, c'est qu'on porte l'autonomie du jeune et l'autonomie du jeune, elle ne se calcule pas forcément par rapport au coefficient familial des parents. Donc c'est une réforme structurelle très profonde qui réinterroge la question de l'autonomie, la question de comment est-ce qu'on prend néanmoins en compte l'aide des familles lorsqu'elles aident les jeunes. Donc c'est un sujet qui est extrêmement complexe ; on y a beaucoup travaillé et je crois qu'on est prêt en tout cas conceptuellement à porter ce sujet de l'autonomie et c'est un vrai débat de société parce que ça veut dire qu'on réinterroge la fiscalité, ça veut dire qu'on réinterroge vraiment la place du jeune. Dans les pays du Nord …
SALHIA BRAKHLIA
Mais ça veut dire quoi, pardon « porter l'autonomie », porter … ?
MARC FAUVELLE
Les bourses ne seraient plus attribuées en fonction de ce que gagnent les parents ou plus forcément attribuer ?
FREDERIQUE VIDAL
Plus forcément attribuées en fonction de ce que gagnent les parents.
MARC FAUVELLE
Ça, vous êtes prêts à le mettre en oeuvre ?
FREDERIQUE VIDAL
Ça, c'est vraiment ce qui doit être maintenant concrétisé et travaillé, c'est ce qui se passe dans les pays du nord de l'Europe où on met l'autonomie du jeune en priorité. Dans les pays du Sud, la solidarité est plutôt une solidarité familiale ; nous en France, on est entre les deux, les APL, c'est individuel, les bourses, c'est calculé sur les revenus des parents, il faut vraiment faire la démonstration qu'on est fâché avec ses parents pour être aidés. Donc c'est tout ça qui doit être transformé.
MARC FAUVELLE
Et donc ça, le texte est prêt ?
FREDERIQUE VIDAL
Non le texte n'est pas prêt mais le travail a été fait.
MARC FAUVELLE
Bon mais le quinquennat s'arrête dans 6 mois.
FREDERIQUE VIDAL
Oui ce sera probablement …
MARC FAUVELLE
Ce ne sera pas la période qui vient, dans les 6 mois qui viennent ?
FREDERIQUE VIDAL
Non, dans les 6 mois qui viennent, on ne va pas réformer la fiscalité, je vous confirme.
MARC FAUVELLE
Frédérique VIDAL, vous avez sans doute appris comme nous ce qui s'est passé ces derniers mois au sein de l'Ecole Centrale Supélec, c'est l'une des plus grandes écoles d'ingénieurs en France qui a mené une vaste étude auprès de ses étudiants et on a appris qu'une centaine de ses étudiants rapportait des viols ou des agressions sexuelles entre élèves au cours de l'année scolaire écoulée. Quand vous avez appris ça, vous vous êtes dit quoi ?
FREDERIQUE VIDAL
Je me suis dit d'abord qu'évidemment c'était terrible pour les étudiants qui avaient été victimes et je me suis dit enfin, enfin on en parle. Je crois qu'il n'y a rien de pire que d'avoir des sujets tabous et les violences sexistes et sexuelles à l'université faisaient partie des sujets tabous ; l'Ecole Centrale Supélec et d'ailleurs de très nombreuses écoles et universités ont mis en place des cellules d'écoute mais ces cellules d'écoute, elles avaient quand même un vrai problème, c'est qu'elles étaient très peu utilisées et j'avais encouragé l'année dernière les établissements à demander à des associations extérieures à l'établissement de mener ces enquêtes au sein des établissements pour libérer la parole et c'est ce qui s'est passé. C'est ce que Centrale Supélec a eu le courage de faire et on a vu ça.
MARC FAUVELLE
Là, vous avez cent personnes qui disent : j'ai été victime d'agressions ou de viols de la part de l'un de mes voisins de chambre ou l'un de mes voisins d'amphithéâtre. Sur ces cent personnes …
FREDERIQUE VIDAL
Et la justice s'en est emparée et c'est très bien !
MARC FAUVELLE
Sur ces cent personnes, si on en croit l'article du Monde qui a révélé cette affaire, aucune n'avait porté plainte. Aucune n'avait porté plainte. Cent viols, aucune plainte !
FREDERIQUE VIDAL
Mais là je pense que vous abordez vraiment le coeur du sujet pourquoi aucune plainte ? Aucune plainte parce que aller me plaindre à mon établissement, c'est risquer de croiser dans les couloirs ensuite quelqu'un à qui j'ai parlé et donc la honte elle est toujours du côté de la victime, d'où l'idée dans le plan que nous avons co-construit avec les établissements et avec les étudiants et les associations de dire qu'il faut qu'il y ait plusieurs lieux de recueil de la parole. Ça peut être des lieux institutionnels mais il faut qu'on embarque beaucoup plus les associations. Il faut qu'on forme les gens au recueil de la parole ; il faut que les gens ne soient pas désarçonnés, il ne faut pas qu'ils se disent « qu'est-ce que je vais faire avec ça ? » Vous l'avez mentionné, c'est très souvent en dehors des établissements pendant la vie péri-universitaire, c'est très souvent entre étudiants. Un chef d'établissement, un conseil disciplinaire, il sait gérer une fraude à un examen ; il ne sait pas gérer ce qui se passe pendant un week-end mais il y a la question de la réputation de l'établissement. Comment est-ce que les établissements peuvent enclencher des procédures disciplinaires avant même que des plaintes soient déposées au pénal ? Comment est-ce qu'on encourage les gens à aller au pénal ?
SALHIA BRAKHLIA
Toutes les questions, quelles sont vos réponses ?
FREDERIQUE VIDAL
Mais les réponses, elles sont claires : il faut d'abord un plan de formation massif qui soit financé par l'Etat et c'est ce qui est fait et c'est ce qui commence d'ailleurs aujourd'hui même, un plan de formation pour tous les établissements, il faut financer …
MARC FAUVELLE
Financé par l'Etat, ça veut dire combien sur la table ?
FREDERIQUE VIDAL
C'est sur les 5 prochaines années un budget de 7 millions qui est prévu pour ce plan « violences sexistes et sexuelles », c'est la possibilité de financer des associations qui vont venir en même temps que les établissements recueillir la parole.
MARC FAUVELLE
Pardon de reposer la même question à chaque fois, combien d'argent sur la table ?
FREDERIQUE VIDAL
C'est le plan global, 7 millions d'euros, c'est le plan global. C'est au ministère une cellule d'appui d'accompagnement juridique pour les établissements, il faut à la fois prendre en charge psychologiquement les victimes et il faut aussi les accompagner pour qu'elles aillent porter plainte. Il n'y a que ça qui fonctionnera ; il faut que la peur change de camp et il faut une vraie tolérance zéro.
MARC FAUVELLE
Vous avez dit tout à l'heure, l'une des questions posées, c'est que la personne n'ose pas forcément dénoncer les faits puisqu'elle a peur tout simplement de croiser son agresseur dans les couloirs, dans les mois qui viennent. Dans l'attente d'une enquête, dans l'attente d'un jugement, est-ce qu'un étudiant qui est soupçonné d'agression ou de viol doit rester à la maison ? Est-ce qu'on doit l'écarter de la fac ?
FREDERIQUE VIDAL
C'est là que c'est très difficile ; évidemment, ça dépend des faits.
MARC FAUVELLE
Tout en respectant la présomption d'innocence.
FREDERIQUE VIDAL
Absolument !
MARC FAUVELLE
Qu'est-ce qu'on fait dans ce cas-là ?
FREDERIQUE VIDAL
Dans ce cas-là, il ne faut pas toujours que ce soit la victime qui soit déplacée, changer de cours ou changer d'emploi du temps. C'est ce qui se passe de façon générale et là aussi, on peut simplement réorganiser les choses. Evidemment, il faut respecter la présomption d'innocence et ça, c'est très important mais d'un autre côté, il faut comprendre que si lorsqu'on enquête par l'extérieur, par une association, on a toutes ces choses qui se sont révélées, ça veut dire que concrètement, malheureusement, la victime est souvent une deuxième fois victime parce que c'est elle qui est déplacée ; c'est à elle qu'on demande de changer d'emploi.
MARC FAUVELLE
Donc c'est à l'agresseur présumé d'être déplacé, pas à la victime.
FREDERIQUE VIDAL
Non, c'est une organisation qui doit se mettre en place.
MARC FAUVELLE
Aux deux.
FREDERIQUE VIDAL
Et il n'y a pas forcément à faire porter le poids de cela sur l'agresseur présumé ou sur la victime présumée mais il faut que les gens puissent en parler et je crois que c'est ça qui est important.
SALHIA BRAKHLIA
Alors justement concrètement moi, si je suis étudiante et que je suis victime de harcèlement ou d'agression sexuelle dans ma fac, qu'est-ce que je peux faire ? A qui je m'adresse là dans l'immédiat parce que je suis en détresse
FREDERIQUE VIDAL
Alors aujourd'hui, il y a des dispositifs qui sont en place, ils sont institutionnels, ils sont en place en 95% des établissements. Donc il y a une adresse mail, il y a un bureau, il y a quelqu'un à qui on peut aller s'adresser. Ce que nous avons fait au moins juillet, c'est que nous avons lancé un appel à candidatures et on a plus de 87 associations qui se sont mobilisées et qui pourront évidemment intervenir aussi et donc c'est l'objet de ce plan.
SALHIA BRAKHLIA
Est-ce qu'il y a un numéro vert ?
FREDERIQUE VIDAL
Il y a le 39 19 évidemment avec au sein du 3919 là aussi une formation particulière pour prendre en compte les appels qui viendraient de la part des étudiants.
MARC FAUVELLE
Vous pensez qu'on en est encore au début de cette vague ; « Meetoo », quand on voit ce qui se passe à Centrale ? Il y avait eu la même chose dans les instituts d'études politiques avec la vague « SciencesPorc » …
SALHIA BRAKHLIA
En début d'année.
MARC FAUVELLE
En début d'année. Vous pensez qu'on en est encore au tout début à l'université, dans les grandes écoles ?
FREDERIQUE VIDAL
Je pense que les choses vont changer parce qu'on a justement été capable d'en parler. Vous savez, il y a aussi beaucoup de choses à dire sur la question du consentement et je pense qu'il faut rappeler ce qu'est le consentement et ça, c'est quelque chose qui doit aussi faire partie de ces actions de formation. Souvent quand on discute de cela avec des étudiants, ils disent « je ne me suis pas rendu compte que », « je n'ai pas eu l'impression de » et donc cette campagne de sensibilisation, de communication, elle doit évidemment toucher les personnes qui vont recueillir la parole mais aussi l'ensemble des étudiants et je crois que c'est un changement d'état d'esprit et si on se dit que plus rien ne sera impuni, alors on réfléchira peut-être un tout petit peu plus avant.
MARC FAUVELLE
On va parler avec vous, Frédérique VIDAL, de Parcoursup. On va tenter de faire le bilan de cette plateforme.
SALHIA BRAKHLIA
On est toujours avec Frédérique VIDAL, ministre de l'Enseignement supérieur. Alors, chaque année on entend parler du casse-tête de Parcoursup, est-ce qu'aujourd'hui, 15 octobre, tous les lycéens qui le souhaitent ont pu trouver une place dans l'enseignement supérieur ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors d'abord, quand on parle de Parcoursup, je crois qu'on on oublie de parler de ce que Parcoursup a remplacé, parce qu'on en parlait beaucoup plus à l'époque où on tirait au sort et où il y avait des milliers d'étudiants qui étaient exclus de l'enseignement supérieur par le tirage au sort. Donc, à l'heure où on se parle, comme je le dis, et c'est pareil chaque année, les jeunes sont accompagnés jusqu'au bout, y compris d'ailleurs sur des questions de réelles orientations…
SALHIA BRAKHLIA
Mais là il en reste des lycéens qui n'ont pas trouvé de place ?
FREDERIQUE VIDAL
Il en reste probablement quelques dizaines, mais qui continuent à être accompagnés, et en fait qu'on va probablement diriger vers ce qu'on appelle des classes tremplins, des temps qui leur permettent de consolider leurs acquis. Vous savez, c'est très difficile, lorsqu'on est dans un lycée professionnel, l'avis du conseil de classe c'est « ne poursuivez pas vos études », et pourtant on a envie d'en faire, eh bien maintenant on peut le faire au travers d'une classe tremplin.
MARC FAUVELLE
Donc quelques dizaines sans affectation alors qu'on est à la mi-octobre, mais plusieurs dizaines de milliers…
FREDERIQUE VIDAL
Et plus de 500.000 qui ont été affectés, quand même, sur un choix qu'ils ont fait.
MARC FAUVELLE
Et quelques dizaines de milliers qu'on perd de vue pendant l'été, 22.000, c'est le chiffre qui vient de votre ministère à la mi-juillet, ils sont où ceux qu'on perd en cours de route, les 22.000 ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, il faut bien comprendre comment les choses se passent, les voeux ils sont faits au mois de mars, au mois d'avril…
MARC FAUVELLE
Très tôt dans l'année.
FREDERIQUE VIDAL
Très tôt dans l'année, on a, même s'il n'y en a pas énormément, on a des jeunes qui simplement n'ont pas le baccalauréat, et puis on a des jeunes, notamment dans les filières professionnelles et techniques, qui ont vocation à insérer professionnellement au niveau du bac, qui s'insèrent professionnellement et qui ne démissionnent pas de la plateforme, mais simplement qui ne cherchent plus.
MARC FAUVELLE
Vous nous dites, en gros, ça marche de mieux en mieux, les lycéens, eux, disent le contraire quand on les interroge, il y a eu une enquête que vous avez sans doute lue comme nous Frédérique VIDAL, qui dit que le taux de satisfaction a baissé cette année.
FREDERIQUE VIDAL
Oui, c'est même nous qui faisons cette enquête pour connaître le taux de satisfaction.
MARC FAUVELLE
Donc ils se trompent les lycéens qui pensent ça ?
FREDERIQUE VIDAL
Non, pas du tout, mais je vous signale…
MARC FAUVELLE
Alors pourquoi ça marche moins bien ?
FREDERIQUE VIDAL
Je vous signale quand même qu'on sort d'une année qui est plus que particulière, et que s'il n'y avait pas eu Parcoursup on ne faisait pas de rentrée tout court, donc je comprends bien que cette année elle a été difficile, elle a été difficile pour les lycéens, elle a été difficile pour les étudiants, et, oui, cette année ça a été un peu plus compliqué parce que moins d'accompagnement au niveau du lycée, parce que moins de possibilités de faire les visites dans les universités pour faire son choix, donc, oui, ça a été une année difficile, je vous le confirme.
SALHIA BRAKHLIA
Jean-Luc MELENCHON dit que Parcoursup c'est une brise vocations, si dans six mois il est élu il arrête Parcoursup, qu'est-ce que vous lui répondez ?
FREDERIQUE VIDAL
Oui, il ne dit juste pas par quoi il le remplace, et quand vous regardez le programme de Jean-Luc MELENCHON, vous rajoutez celui d'Anne HIDALGO, finalement, dans le « sco » et dans le « sup » c'est l'Ecole des fans, à la fin tout le monde a gagné, personne n'a perdu, je crois qu'il faut être un petit peu sérieux, et puis dans ce que propose Jean-Luc MELENCHON je lui conseille de relire la loi pour la recherche, qu'il n'a pas votée, puisqu'aujourd'hui on recrute au CNRS à 2500 euros net.
MARC FAUVELLE
Vous avez des nouvelles, Frédérique VIDAL, des islamo-gauchistes qui gangrènent les universités françaises, comme vous les aviez dénoncés il y a quelques mois, comment vont-ils ?
FREDERIQUE VIDAL
Eh bien écoutez je crois… je crois qu'ils vont… là encore, au travers de tout ce que ces quelques secondes ont généré, on a remis du débat et de la discussion dans les établissements.
MARC FAUVELLE
Alors, vous avez remis du débat, et vous avez demandé un rapport au CNRS, qui a refusé de vous le rendre, il y a un rapport finalement qui sera rendu, ou pas, sur cette question, est-ce que vous allez définir le phénomène, le chiffrer aujourd'hui en France ?
FREDERIQUE VIDAL
Ecoutez, ce qui est très important pour moi, c'est de rappeler que - on en parlait au début de l'émission - la liberté académique et l'intégrité scientifique, ce sont les deux piliers de la recherche et les deux piliers de l'université. Et donc il y a finalement beaucoup de débats qui ont eu lieu après ces quelques secondes d'intervention. J'en suis ravie parce que ç'a permis à des gens qui avaient l'impression qu'ils ne pouvaient plus exprimer leur opinion de pouvoir le faire. Ç'a permis de recenser un certain nombre d'empêchements, de congrès, de colloques dans tous les sens.
MARC FAUVELLE
Vous, vous avez une idée chiffrée aujourd'hui du phénomène dans les facs ?
FREDERIQUE VIDAL
En fait, vous savez ce qui s'est passé ? C'est qu'il y a un observatoire européen qui s'est monté et même un observatoire mondial, qui veille aujourd'hui et qui recense, et la France n'est pas si bonne que ça dans les libertés académiques.
MARC FAUVELLE
Qui recense les faits d'islamo-gauchisme ?
FREDERIQUE VIDAL
Qui recense tout événement empêché dans les universités. On a beaucoup parlé de ce terme, la question était plus générale. C'est est-ce qu'aujourd'hui dans l'université comme dans les écoles, les enseignants, les enseignants-chercheurs peuvent étudier, rechercher sur tous les thèmes qu'ils souhaitent sans être empêchés, sans être immédiatement ostracisés ? Et je crois que ce débat a été salutaire parce qu'aujourd'hui à l'université, de nouveau on a une liberté d'opinion, de nouveau on a la capacité de parler de tout et de ne pas être d'accord.
MARC FAUVELLE
Il suffit de parler comme vous l'avez fait il y a un an pour régler quasiment la question.
FREDERIQUE VIDAL
Eh oui. Vous savez, souvent il suffit d'en parler et à partir du moment où on lève le tabou les gens, au sein des universités notamment, parce qu'ils se sentent de nouveau capables d'avoir une pluralité des recherches, les choses se sont nettement améliorées de ce point de vue-là.
SALHIA BRAKHLIA
Un dernier mot justement sur la recherche. Emmanuel MACRON, à l'Elysée lors de la présentation du plan France 2030, a admis un sous-investissement dans la recherche. « Nous avons beaucoup désinvesti » a-t-il dit. A six mois de la présidentielle, ce n'est pas un peu tard pour dire ça ?
FREDERIQUE VIDAL
Non. Vous avez probablement mal écouté ce qu'il a dit.
SALHIA BRAKHLIA
Ah ! C'est moi donc.
FREDERIQUE VIDAL
Ça fait vingt ans qu'on devait atteindre 3 % du PIB pour la recherche. Tous les gouvernements qui nous ont précédés n'ont rien fait. Nous avons réinvesti 25 milliards dans la recherche, c'est la première fois que quelqu'un le fait. C'est ce qui va nous permettre d'atteindre les 3 % du PIB.
MARC FAUVELLE
En 2030.
FREDERIQUE VIDAL
Attendez, laissez-moi terminer. Nous avons réinvesti sur 2021-2022, 7,5 milliards d'euros sur la recherche au travers du plan de relance. Commencez à faire vos calculs, nous en sommes à 32,5 millions.
MARC FAUVELLE
Milliards.
FREDERIQUE VIDAL
Milliards. Et dans le cadre de France 2030, c'est encore une accélération qui va être donnée sur la recherche et l'innovation. Donc qu'on trouve un autre gouvernement, qui dans les cinquante dernières années, a été capable sur le temps long - parce que la recherche c'est du temps long -, sur du temps plus court – deux ans -, sur du temps intermédiaire - cinq ans – de mettre quasiment 40 milliards d'euros sur la recherche, et puis ensuite je reparle avec eux volontiers.
MARC FAUVELLE
Frédérique VIDAL, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, était ce matin l'invitée de Franceinfo. Merci, bonne journée à vous.
FREDERIQUE VIDAL
Bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 octobre 2021