Texte intégral
Bonjour à toutes et à tous,
Je suis heureuse de vous retrouver ce matin, dans une configuration proche du colloque que nous avions prévu il y a un an, et que nous avions dû annuler à cause du confinement.
Nous sommes là, un an plus tard, pour parler non plus seulement de notre ambition de relocalisations mais déjà de nos résultats concrets, pour nos entreprises et pour nos territoires.
Pourquoi relocaliser ? Pour réparer l'erreur historique du laisser-faire français en faveur de la désindustrialisation.
Dès les premiers jours de son mandat, le président de République a exprimé une conviction forte : l'industrie est la colonne vertébrale de notre économie.
Sans industrie, pas d'innovation. Deux tiers de l'innovation et de la Recherche & Développement sont industrielles.
Sans industrie, moins d'emplois pérennes au sein de nos territoires. L'industrie c'est 70% d'emplois dans des communes de moins de 20 000 habitants. C'est de l'emploi dans les territoires ruraux et périphériques qui crée des emplois indirects dans les services et les services publics.
Sans industrie, pas de souveraineté et d'indépendance. Il me suffit de citer la production de médicaments, de composants électroniques, ou, encore l'envolée récente des coûts et de la disponibilité de certains composés chimiques pour que ce besoin d'indépendance nous saute aux yeux.
Sans industrie, pas de transition énergétique et environnementale. L'industrie représente aujourd'hui 20% des émissions de gaz à effets de serre. Mais l'industrie, c'est surtout 100% des solutions, car c'est dans l'industrie que nous innovons pour décarboner nos processus de production, mais aussi que nous produirons demain pour des millions de Français des biens de consommation plus verts, à l'image de l'avion décarboné ou du véhicule électrique.
Sans industrie, notre promesse de cohésion sociale et républicaine est plus difficile à tenir. L'industrie, c'est seulement 6 % de salariés rémunérés au SMIC, contre trois fois plus en moyenne dans l'ensemble du secteur privé.
Or, entre 2000 et 2016, près d'un million d'emplois industriels ont été détruits dans notre industrie. Dans le même temps, notre empreinte carbone a augmenté de plus de 20%.
Cette erreur historique, nous sommes là pour la réparer ensemble. Ce sera long, il nous faudra de la détermination, il nous faudra croire à nos savoir-faire, à notre innovation et à nos territoires. Mais c'est la condition d'une économie ancrée dans le réel, résiliente et souveraine !
Notre défi, c'est de mettre fin à 30 ans de capitulation industrielle !
Pourquoi relocaliser ? Pour réduire concrètement notre dépendance à l'étranger …
En effet, les conséquences de cette capitulation se voient sur nos chaînes d'approvisionnements ! La crise sanitaire a bien mis en lumière leurs vulnérabilités, leurs caractères trop fragmentés et trop interdépendants.
Quelques chiffres illustrent cet état de fait : 80% des principes actifs de nos médicaments sont produits hors d'Europe ; nous importons plus de 50% de protéines végétales nécessaires à l'alimentation animale ; enfin, l'Europe ne produit que 14% du marché mondial de l'électronique alors qu'elle possède un marché de consommateurs parmi les plus importants au monde.
Nous ne pouvons répondre à ce constat en relocalisant sans distinction toutes les productions, ni en fermant nos frontières comme certains le suggèrent. Nous croyons au principe d'une économique ouverte, avec les acteurs qui jouent le jeu environnemental, social et concurrentiel.
C'est cette souveraineté ouverte que le Président veut bâtir. Si les entreprises et les autres pays jouent selon les mêmes règles du jeu, alors le principe d'une économie ouverte est à privilégier.
Si en revanche, les entreprises ou les Etats pipent les règles du jeu, s'ils exportent vers nous leurs émissions de co2 sans en payer le prix ou pratiquent du dumping sur les prix, alors il nous revient de compenser ce déséquilibre en protégeant notre marché. Ces constats, nous les partageons avec nos partenaires européens avec lesquels nous développons une stratégie industrielle et commerciale ambitieuse.
La crise sanitaire aura créé une prise de conscience nécessaire. Les risques, eux, sont toujours là, qu'ils soient climatiques, géopolitiques ou sanitaires, ils peuvent pousser les pays à fermer brutalement leurs frontières. Notre souveraineté économique doit donc être une vigilance de chaque instant.
La solution repose sur notre travail collectif : acteurs industriels et acteurs publics.
D'un côté, les risques pesant sur les chaînes d'approvisionnement doivent conduire les entreprises à mettre en place des stratégies de sécurisation, avec une meilleure connaissance de leur chaîne d'approvisionnement, une diversification de leurs fournisseurs et, a minima, des double sourcing.
De l'autre côté, les pouvoirs publics peuvent jouer un rôle en mettant à votre disposition un cadre fiscal et social compétitif, simplifié et attractif pour faciliter la production en France et en Europe, et, en accélérant les investissements industriels quand c'est nécessaire.
Forts de ces convictions, le Président a déployé une stratégie historique en faveur de l'industrie et des relocalisations.
Je n'ai pas une vision naïve des relocalisations. Cette stratégie, nous ne l'avons pas élaborée seuls en chambre. Nous avons consulté et co-construit avec les membres du Conseil National de l'Industrie et les 19 filières industrielles, avec les acteurs des Territoires d'Industrie et avec les organisations syndicales.
Nous avons travaillé pendant un an dans le cadre de la préparation du Pacte productif, avec des économistes, des experts des entreprises, des ONG, des syndicats dont une partie est présente aujourd'hui.
Notre vision des relocalisations s'appuie sur deux piliers : la maîtrise de la chaîne de production des produits critiques, d'une part ; la capacité à retrouver de la compétitivité notamment grâce à l'innovation, d'autre part.
Parce qu'au fond qu'est-ce qui a changé ?
D'abord, la crise sanitaire a révélé, comme je le mentionnais précédemment, la fragmentation de nos chaînes de production, mais aussi une forme d'impensé industriel : l'importance de la logistique. Soudain, l'intérêt de resserrer nos chaînes de production est devenu évident pour nous tous.
Mais il y a aussi cette ruse de l'histoire : l'apparition des machines intelligentes permet aux pays matures comme le nôtre de produire à moindre coût et d'être plus compétitifs. Avec ce retournement, on revoit tout l'intérêt de produire et d'innover à proximité de notre marché unique européen, qui est le plus grand marché de consommateurs à pouvoir d'achat élevé.
Alors, depuis 2017, nous avons pris des mesures fortes pour redonner de l'attractivité au site France, pour nous hisser à la meilleure place en Europe, face à nos voisins allemands, britanniques ou espagnols, mais aussi en dehors de notre vieux continent.
Avec les réformes de la fiscalité : baisse de la fiscalité du capital, baisse de l'impôt sur les sociétés, transformation du CICE en réduction pérenne de charges. Je veux m'arrêter aussi sur la baisse importante des impôts de production : 10 milliards d'euros pour notre économie dont 6 milliards d'euros pour notre industrie. C'est une mesure phare pour la compétitivité des entreprises qui produisent en France.
Avec la flexibilité et la prévisibilité introduites par les ordonnances travail, qui ont fortement bénéficié à l'emploi.
Avec la simplification administrative des lois ESOC, PACTE et ASAP. Derrière ces acronymes se cachent des résultats très concrets : je pense au droit à l'erreur, à la réforme des services d'effectifs en entreprises ou à la simplification des procédures d'installation ou d'extension de sites industriels. Des démarches complémentaires comme les sites clé en mains illustrent notre très grand pragmatisme.
Nous avons également fait le choix d'accompagner les industriels français pour relocaliser et consolider leurs productions. C'est l'une des ambitions du plan France Relance.
Dans le cadre de l'appel à projets Résilience, nous avons accéléré les investissements dans 6 secteurs critiques : la santé, l'agroalimentaire, l'électronique, le nucléaire, les applications industrielles de la 5G et les intrants essentiels de l'industrie (chimie, matériaux, métaux, matières premières, etc.).
Avec le Fonds d'accélération des investissements industriels dans les territoires, que nous cofinançons avec les Régions, nous avons mis en place un volet territorial au coeur de notre politique de relocalisation pour que les projets les plus prometteurs issus des territoires puissent aussi être accompagnés.
Nous nous sommes appuyés sur la connaissance des acteurs territoriaux afin de prendre les meilleures décisions d'implantation d'activités et rapprocher le centre de gravité des décisions industrielles au plus près des territoires.
Ceci me fournit l'occasion parfaite de vous annoncer, ce matin, une nouvelle vague de lauréats de l'Appel à Projets Résilience avec 58 nouveaux projets de relocalisations dans les secteurs critiques. Ils représentent près de 320 millions d'euros d'investissements.
Au total, ce sont donc 624 projets de relocalisation qui ont été rendus possibles depuis septembre 2020 grâce au plan de relance, avec près de 77 000 emplois créés ou confortés partout en France.
Ce sont autant de belles histoires au coeur de nos territoires et je sais que certaines de ces histoires seront racontées ce matin.
Et ce n'est que la première phase, nous devons aller plus loin, le président de la République vient d'annoncer un grand plan d'investissement, France 2030, qui prépare l'avenir de la France.
Il s'agit tout d'abord d'une vision et d'une ambition pour la France. Cela n'était pas arrivé depuis les années 1970.
Il s'agit encore d'un plan d'investissements massifs pour faire émerger les acteurs technologiques de demain et accompagner les transitions de nos secteurs d'excellence : énergie, automobile, aéronautique, espace, agroalimentaire. Ce grand plan soutient une dynamique qui bénéficiera aux industriels qui souhaitent produire en France.
En conclusion, je veux dire que j'ai lancé, il y a quelques semaines, un " tour de France des (re)localisations ", en me rendant en Seine-Saint-Denis chez Airbus Hélicopters. Je poursuivrai cette semaine en Corrèze et en Dordogne et je vous invite à faire émerger partout de nouveaux projets et à soutenir ceux qui sont en cours de réalisation.
Les relocalisations doivent se voir concrètement partout dans nos territoires, avec leurs emplois, avec leurs chaînes de production, avec leurs sous-traitants et en leurs emplois indirects.
Les relocalisations industrielles doivent devenir le symbole d'une France qui reprend confiance en son destin.
Le chemin est encore long. Il passe par les PME et les ETI. Il est semé d'embûches dans certains secteurs industriels mais il est très prometteur dans d'autres. Et nous devons nous assurer de travailler ensemble pour une industrie française conquérante. Il nous appartient aussi de faire changer le regard que nos concitoyens portent individuellement et collectivement sur l'industrie.
Il nous faut appeler à un choc de réindustrialisation, et essayer de réconcilier ceux qui veulent des médicaments produits en France, des emplois dans les territoires, avec ceux qui relaient une image passéiste de l'industrie sans voir que nos investissements améliorent drastiquement les conditions de travail des salariés, créent de la richesse et nous aideront les territoires à affronter concrètement les transitions environnementale et numériques.
Place aux débats et aux intervenants. Nous commençons par une première session qui revient sur les fondamentaux de la relocalisation.
Bon colloque à tous !
Source : Ministère de l'industrie, le 15 novembre 2021