Texte intégral
Q - Quelle est la position de la France, et comment fait-on pour aider la Pologne à continuer à faire respecter les frontières européennes ?
R - Il faut de la solidarité européenne, incontestablement, et nous sommes prêts à l'apporter. Nous l'apportons d'ailleurs depuis cet été, puisque la Pologne est concernée, mais avant la Pologne, la Lituanie, la Lettonie ont été les victimes de cette stratégie cynique. Il faut bien préciser d'abord de quoi il s'agit : ce n'est pas une vague migratoire ou une crise migratoire, comme on a pu les connaître dans le passé, c'est une attaque organisée, certains parlent de guerre hybride, pour déstabiliser et diviser l'Union européenne, par le régime de M. Loukachenko en Biélorussie, qui instrumentalise des flux migratoires qu'il organise et achemine vers la frontière de ces trois pays européens en faisant pression.
Donc, il faut tenir la frontière, le faire avec le soutien de tous, et nous sommes prêts à apporter le soutien de Frontex, l'agence européenne des gardes-frontières. La Pologne n'a pas fait appel à Frontex, mais nous sommes prêts à envoyer un certain nombre d'effectifs européens. Il faut le faire en respectant nos règles et nos valeurs. Il ne s'agit pas de mettre des barbelés ou de tirer sur les gens. Il faut évidemment faire cela de manière respectueuse du droit et des valeurs de l'Europe. Et puis, il faut continuer un travail diplomatique avec des pays ou des compagnies aériennes, par exemple, qui pour l'instant facilitent cet acheminement.
Q - Est-ce qu'on pourrait imaginer négocier avec les Polonais pour qu'ils ouvrent les frontières, que l'on récupère dignement les migrants et qu'on les renvoie chez eux ?
R - Alors d'abord, il y a eu un certain nombre de contacts. Il y a eu par exemple le président du Conseil européen, Charles Michel, avec par exemple le Haut-commissariat des réfugiés des Nations unies pour organiser un certain nombre de retours, humainement, par la voie de l'ONU, soit depuis la Biélorussie, soit depuis les zones frontières. Il faut être clair : le signal ne doit pas être celui de l'ouverture de la frontière, non pas par manque d'humanité - nous défendons toujours le droit d'asile -, mais parce que, sinon, cela encouragerait à continuer cette pression.
Simplement, il y a un certain nombre de migrants qui sont déjà là, à proximité des frontières, parfois qui les ont passées. Je pense à la Lituanie, où il y a plusieurs milliers de personnes. J'avais moi-même pu me rendre dans un camp provisoire d'accueil. Et là, nous devons faire un travail humanitaire, de reconduite si les demandes d'asile ne fonctionnent pas, d'examen sérieux, honnête selon notre droit des demandes d'asile ; et puis, en attendant, parce que c'est une situation humanitaire extrêmement grave, un soutien : nous avons livré par exemple 1500 lits, des rations de nourriture, des kits d'hygiène, des tapis de sol, etc... aux Lituaniens qui en ont fait la demande. Nous sommes prêts à le faire à l'égard des Polonais s'ils le demandaient, pour accompagner aussi d'un soutien humanitaire et matériel français et européen.
Q - Cela veut dire que très concrètement, des migrants envoyés par Loukachenko et la Biélorussie pourraient rester en Europe ?
R - Ecoutez, je l'ai dit : la première priorité, nous devons l'assumer, c'est de tenir cette frontière et de ne pas dire que nous avons ouvert une frontière sous pression. Il y a quelques centaines, peut-être quelques milliers de cas de personnes qui sont déjà passées, qui sont par exemple sur le territoire de la Lituanie. Pour ceux-là nous devons faire, oui, cet effort humanitaire et examiner les demandes d'asile. Mais le message doit être très clair : la frontière de l'Europe, ce n'est pas M. Loukachenko qui décide de l'ouvrir ; c'est nous qui la tenons ensemble, de manière humaine, mais de manière ferme.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 novembre 2021