Texte intégral
Madame la Directrice générale, chère Audrey Azoulay,
Mesdames et Messieurs les ambassadrices, ambassadeurs et délégués permanents,
Mes chers amis,
Je suis très heureux de vous accueillir au Quai d'Orsay, à moins d'une semaine du lancement de la 41e Conférence générale de l'UNESCO, pour vous redire l'attachement de la France à cette organisation et au système multilatéral dont elle est à la fois un rouage essentiel et l'un des plus beaux symboles.
Alors que les défis de notre temps appellent, de manière on ne peut plus pressante, un renforcement de la coopération internationale, les institutions, les règles et jusqu'au principe même de l'action collective se trouvent aujourd'hui trop souvent contestés. Mais la France ne s'y résigne pas. Et nous sommes, en vérité, une immense majorité à ne pas vouloir nous y résigner. C'est aussi le sens de notre engagement commun au sein de l'UNESCO !
Je veux aussi vous redire à quel point nous sommes honorés d'abriter son siège au coeur de notre capitale, à quelques rues d'ici. La France est d'ailleurs prête à recevoir d'autres organisations internationales sur son sol. Dans le cadre d'une loi adoptée il y a quelques mois (la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.), nous nous sommes même donné les moyens de faciliter leur installation. Je tenais à le rappeler devant vous.
Dans quelques jours (le 12 novembre), nous célébrerons le 75e anniversaire l'UNESCO. S'il fallait résumer en un seul mot ces décennies employées à « construire la paix dans l'esprit des femmes et des hommes »(C'est la devise de l'UNESCO), je parlerais sans hésiter de progrès.
1) Progrès, d'abord, de l'éducation, qui donne à chacune et à chacun les clefs pour écrire son propre destin, tout en nous permettant de mieux vivre ensemble.
Qui aurait pu imaginer, il y a soixante-quinze ans, que près de neuf enfants sur dix, dans le monde, iraient au bout du cycle d'études primaires ? C'est une immense victoire. Une avancée décisive. Et les efforts de l'UNESCO y sont pour beaucoup. Nous le savons tous. Comme nous savons qu'elle continue à oeuvrer sans relâche en faveur de cet objectif clair : l'éducation pour toutes et tous, sans exception.
La Réunion mondiale pour l'éducation, qui se tiendra le 10 novembre prochain marquera une nouvelle étape dans cet effort d'autant plus essentiel aujourd'hui que la crise pandémique a malheureusement privé nombre d'enfants et d'adolescents d'un accès satisfaisant à l'éducation.
2) Progrès, aussi, de nos sociétés à travers l'attention que nous apportons ensemble à la culture, celle qui s'inscrit déjà dans notre patrimoine comme celle qui s'invente aujourd'hui.
3) Et, enfin, progrès des sciences qui non seulement constituent un bien commun de l'humanité, mais nous offrent aussi nos meilleures armes pour défendre l'ensemble de nos biens communs. A commencer par notre planète.
Sur ce chemin de progrès, la France est fière d'avoir toujours marché aux côtés de l'UNESCO. Signataire de la plupart des instruments de l'Organisation, notre pays est pleinement engagé dans ses travaux – au sein de son Conseil exécutif et de plusieurs de ses instances. Et nous sommes fiers d'avoir fortement augmenté le niveau de nos contributions volontaires aux cours des dernières années.
Soixante-quinze ans de progrès, oui. Mais dans un monde – soyons lucides – hanté par le spectre de terribles régressions.
1) Je pense aux voix qui instrumentalisent la diversité des cultures pour nier l'universalité des droits fondamentaux qu'implique notre commune humanité.
On ne sait que trop où mène ce relativisme des principes et des valeurs : du « tout se vaut », on a tôt fait de passer au « tout est permis », y compris le pire. L'histoire est là pour en témoigner. C'est pour cela que je parle de régression.
2) Je pense également à la rage fanatique qui est toujours prête à resurgir pour détruire les témoignages de cette diversité culturelle qui sont, là aussi, notre trésor commun.
Ce patrimoine en danger, nous devons le défendre ensemble, comme nous le faisons dans le cadre de l'Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit [l'ALIPH], qui travaille en lien étroit avec l'UNESCO et dont je réunirai, au début de l'année prochaine, une seconde conférence des donateurs aux côtés de ma collègue Roselyne Bachelot, la Ministre de la Culture, dans le cadre de la Présidence française du Conseil de l'Union européenne.
3) Et je pense, bien sûr, aux menaces qui pèsent sur le peuple afghan depuis le retour au pouvoir des talibans.
Nous connaissons leur passé. Nous connaissons, pour ainsi dire, leur passif. Et nous savons donc que l'UNESCO devra être en première ligne pour veiller à ce que les acquis des vingt dernières années ne s'effondrent pas. Qu'il s'agisse de l'éducation des filles ; de la protection du patrimoine, que j'évoquais ; ou encore de la sécurité des journalistes, sans laquelle la liberté d'informer et d'être informé n'est qu'un vain mot.
Je sais – chère Audrey – que vous aurez à coeur d'aider l'UNESCO à jouer ce rôle, à assumer cette responsabilité. Et que vous en avez les ressources.
1) Au cours des quatre années de votre premier mandat, l'Organisation a en effet prouvé à maintes reprises sa capacité de mobilisation et d'action.
2) Grâce à vous, elle s'est même renforcée, ce qui – dans le contexte de remise en cause du multilatéralisme que je rappelais il y a un instant – mérite d'être souligné.
Vous avez su mettre le dialogue au coeur de votre méthode, faisant ainsi de l'UNESCO un lieu exemplaire du multilatéralisme. Je pense tout particulièrement aux initiatives menées en concertation avec les Etats membres par exemple sur l'éthique de l'intelligence artificielle ou sur la science ouverte ;
Vous avez mis en avant un multilatéralisme en phase avec notre époque, ouvert sur la société, incluant acteurs privés ou encore les jeunes, avec une " Stratégie à moyen terme " qui répond aux défis contemporains.
Vous avez su rétablir les finances de l'organisation dans leur bon ordre, malgré les difficultés de toute sorte qui ont pu se présenter. Les activités de l'UNESCO ont pu ainsi perdurer, sans que la moindre priorité ne se trouve mise de côté.
Après des années de polarisation, qui pouvaient laisser craindre – au fond – que l'UNESCO n'en vienne à perdre le sens de sa mission, vous avez également permis le retour à un travail pragmatique et efficace, porteur de résultats concrets.
Le consensus est redevenu la norme et les blocages politiques l'exception. C'est heureux, car le multilatéralisme par la preuve, qui doit être notre mot d'ordre dans tous les domaines, passe évidemment par l'UNESCO !
- Multilatéralisme par la preuve, quand vous avez mis en place, avec une réactivité que je veux saluer, l'initiative " Li Beirut " pour préserver le patrimoine et la culture du Liban après la catastrophe d'août 2020. Initiative à laquelle la France apporte une contribution significative.
- Multilatéralisme par la preuve, encore, quand le programme " Faire revivre l'esprit de Mossoul " porte ses premiers fruits en Irak. J'ai pu le constater sur place, avec le Président de la République, il y a quelques mois.
En raison de ce bilan très impressionnant, le Conseil exécutif a proposé votre candidature à un deuxième mandat. Si la Conférence générale fait le choix de vous élire à nouveau, ce que j'espère ardemment, vous pourrez – chère Audrey – compter sur le soutien déterminé de la France pour mettre en oeuvre les priorités et la vision que vous aurez définies, forte de votre expérience et de ses enseignements. Je vous passe maintenant la parole.
Source https://unesco.delegfrance.org, le 1er décembre 2021