Interview de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à RTL le 7 décembre 2021, sur le passage du protocole sanitaire 2 au protocole 3 dans les écoles.

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Texte intégral

ALBA VENTURA
Bonjour Jean-Michel BLANQUER.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bonjour

ALBA VENTURA
Le Premier ministre a donc annoncé un tour de vis supplémentaire dans les écoles primaires, on passe du protocole 2 au protocole 3, le masque est obligatoire partout, même dans la cour. On évite de se croiser à la cantine, et le sport dans le gymnase, c'est plutôt calme, avec masque et gestes barrières. Ça, Jean-Michel BLANQUER, vous pensez que ça va suffire à freiner l'épidémie qui explose chez les enfants ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ça va contribuer évidemment à piloter la situation, ce que l'on fait depuis le début. On ne peut pas dire qu'il y ait une explosion, le mot est très fort, il y a un taux d'incidence qui est en train d'augmenter.

ALBA VENTURA
On avait 950, on a 950 cas pour 100.000 habitants, et fin novembre, on était 390 cas pour 100.000 habitants !

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, c'est tout simplement parce qu'on fait plus de tests…

ALBA VENTURA
Ce n'est pas une explosion ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
On fait beaucoup plus de tests chez les enfants. Vous savez, avant les vacances de la Toussaint, il y avait trois fois moins de tests chez les enfants que chez les adultes, on proposait 400.000 tests salivaires par semaine, et il y en avait à peu près un peu plus de 200.000 qui étaient faits, tout simplement parce qu'on avait 50 % de taux d'acceptation de la part des parents. Depuis qu'on a changé le protocole, c'est-à-dire, environ, depuis huit jours, on est rentré dans une logique complètement différente, puisque pour revenir à l'école, il faut montrer un test négatif. Eh bien…

ALBA VENTURA
Ça, c'est recommandé, ce n'est pas obligatoire ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, non, si, dès le premier jour, si on veut revenir, quand vous avez un enfant, ça, c'est ce qu'on a décidé donc il y a huit jours, et c'est ça la mesure la plus importante, c'est le fait que lorsqu'il y a un enfant qui est positif, qui est contaminé à l'école, quand il y a un cas positif, toute la classe… on demande à toute la classe d'être testée, et ne reviennent que ceux qui sont négatifs, c'est ce que nous appliquons depuis plusieurs jours, et c'est ce qui fait qu'on a moins de classes fermées grâce à cette mesure. Mais pourquoi est-ce qu'on peut se permettre ça, c'est parce qu'il y a plus de sécurité sanitaire, puisqu'il y a beaucoup plus d'enfants qui se font tester du fait de cette mesure. Autrement dit, les parents vont en pharmacie ou ailleurs pour faire faire les tests, et donc là où avant les vacances de la Toussaint, vous aviez trois fois moins de tests pour les enfants que pour les adultes, maintenant, vous avez trois fois plus de tests pour les enfants que pour les adultes. Donc ce qui a explosé, c'est le nombre de tests faits pour les enfants. Et bien sûr, on reste très vigilant, mais tout ceci, en plus, concerne l'école primaire, ça va de soi, puisque s'agissant de l'enseignement secondaire, le fait que les enfants soient désormais vaccinés à près de 80 % nous permet de continuer à piloter les choses de la même manière.

ALBA VENTURA
Dites-moi juste, on a des cas de variant Omicron à l'école ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, pour l'instant, non, pas de cas identifié, mais à mon avis, ça ne saurait tarder, puisque c'est en train de se développer en population générale.

ALBA VENTURA
Jean-Michel BLANQUER, vous avez longtemps dit que l'école n'était pas le lieu où l'on se contaminait le plus, c'était plutôt par la famille que le Covid était transmis, ça, ça ne tient plus ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Si, bien sûr, ça reste la vérité, c'est-à-dire… de toute façon, chacun peut l'observer dans sa vie quotidienne, regardez la façon dont les gestes barrières sont respectés à l'école, ce qui est pour l'essentiel le cas. Bien entendu, il peut y avoir des exceptions, mais les adultes font attention à ce que les enfants respectent les règles, alors que dans leur vie personnelle, leur vie sociale, il y a beaucoup plus de brassages, beaucoup plus de… donc on n'a pas observé moins de contaminations pendant les vacances que pendant le temps scolaire. Ça, je le maintiens.

ALBA VENTURA
Mais quand Bruno LINA, le virologue, dit : l'école est le principal accélérateur de l'épidémie aujourd'hui, vous n'êtes pas d'accord avec ça ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
J'ai arrêté de commenter les commentaires des épidémiologistes, j'ai la liste de…

ALBA VENTURA
C'est quand même un spécialiste, il fait partie du conseil scientifique…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, non, non, je me suis toujours référé… non, quand le conseil scientifique s'exprime, quand la Haute autorité de santé s'exprime, évidemment, c'est à ceux-là que je me réfère, mais si vous voulez, il y a tous les jours beaucoup d'épidémiologistes qui parlent, et si je m'amuse à les commenter, on n'est pas couché…

ALBA VENTURA
Je sais, mais je me permets de vous le dire, parce que certains épidémiologistes vous soupçonnent de laisser les enfants s'immuniser en se contaminant, histoire de provoquer une immunité collective, ça pourrait être une stratégie ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, ça pourrait, mais ce n'est pas le cas…

ALBA VENTURA
Ça serait peut-être plus efficace que la vaccination ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ce n'est pas ça la stratégie. Je voudrais qu'on nous fasse quand même le crédit que depuis… on est désormais depuis plus d'un an et demi dans cette crise sanitaire, il y a eu des interventions en permanence de ce genre depuis un an et demi, on a tenu bon avec une boussole qui est l'école ouverte, mais on l'a fait de façon sérieuse, c'est ainsi qu'on n'a pas eu ensuite des résultats de contamination en France supérieurs à nos voisins, alors même que nos voisins, eux, fermaient les écoles ; cette politique de l'école ouverte, elle a été tellement convaincante que maintenant, les autres pays européens, c'est celle-là qu'ils suivent. Donc aujourd'hui, faisons-nous le crédit quand même d'un certain sérieux dans ce qui se passe. Je suis habitué maintenant qu'il y ait des déclarations dans un sens, dans un autre, mais je suis obligé de maintenir le cap du navire d'une manière, je dirais, sérieuse et permanente.

ALBA VENTURA
Monsieur le Ministre, vous avez décidé donc de ne pas avancer les vacances de Noël, si ça flambe toujours pendant les vacances, est-ce que vous vous réservez la possibilité de les rallonger, c'est ce que fait le Portugal d'ores et déjà d'ailleurs ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
On a toujours sur la table toutes les hypothèses, on est pragmatique depuis le début, et donc cette hypothèse-là, c'est ce genre de formule qu'on avait utilisé au moment des vacances de printemps, on peut toujours l'imaginer, mais en tout cas, ce n'est pas l'hypothèse privilégiée aujourd'hui.

ALBA VENTURA
Et comme l'idée, c'est de sauver quand même les fêtes de Noël, est-ce que vous autorisez les parents à retirer les enfants de l'école avant les vacances pour les isoler s'il y a des retrouvailles familiales en grand nombre ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, ce n'est pas du tout un message que je passe, vous savez, moi, pour moi, c'est très important que les enfants aillent à l'école, ce n'est pas une variable d'ajustement…

ALBA VENTURA
Ce n'est pas une option.

JEAN-MICHEL BLANQUER
On ne doit pas dans notre société, je dirais, dépendamment et indépendamment de cette crise sanitaire, accoutumer tout le monde au fait que l'école, c'est quelque chose sur lequel on va, on ne va pas, non, si on a fait l'instruction obligatoire à 3 ans, par exemple, c'était pour envoyer un message sur le fait que l'école maternelle, on y allait tous les jours, à toutes les heures prévues, etc., parce que l'école, c'est du sérieux, si vous me permettez l'expression, et l'école, c'est bon pour les enfants. Et un des grands enseignements de la crise sanitaire à l'échelle mondiale, c'est que les enfants ne vont pas bien quand ils ne vont pas à l'école, donc on a besoin qu'ils y aillent, et d'ailleurs, à l'école, ils apprennent les gestes barrières, ils apprennent des choses qui leur sont utiles ensuite dans la vie sociale.

ALBA VENTURA
Alors l'école, c'est du sérieux, on va s'arrêter sur ce nouveau protocole parce que je n'ai pas vu dans ce nouveau protocole un plan permettant d'installer partout des purificateurs d'air dans les classes ou dans les cantines. Ça fait un an et demi qu'on a cette maladie, pourquoi on n'a pas fait un grand plan pour installer partout des purificateurs d'air ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Mais les purificateurs d'air ne sont pas la solution magique au problème, sinon, on l'aurait fait, bien entendu. J'invite chacun à regarder sur le site du ministère de la Santé les documents assez approfondis qu'il y a sur les purificateurs d'air, tous ne sont pas utiles, certains peuvent être même contre-productifs, et certains usages peuvent être contre-productifs. Donc c'est un sujet très complexe, ça peut être utile dans certaines occasions, les collectivités locales qui sont responsables de ce sujet…

ALBA VENTURA
Mais pourquoi vous dites que ce n'est pas forcément utile ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Eh bien, parce que vous avez d'abord certaines catégories qui ne sont pas pertinentes, ensuite, je ne vais pas rentrer dans tous les détails techniques, mais la façon dont vous posez le filtre peut accumuler du virus sur le filtre et être à la limite contre-productive ; ce n'est pas un sujet…

ALBA VENTURA
Est-ce que ce n'est pas parce que le ministère n'a pas voulu payer les purificateurs d'air… ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, d'abord, pas du tout, vous savez, on a financé des millions de masques, on a financé des millions de tests, on a su dépenser quand c'était nécessaire, mais c'est à moi aussi de ne pas faire n'importe quoi sous la pression, si vous voulez, donc c'est une compétence des collectivités locales, elles ont acheté des purificateurs d'air quand elles ont estimé pertinent, notamment dans les salles qui n'ont pas de fenêtre, ça peut être pertinent, et encore certains purificateurs d'air.

ALBA VENTURA
Et vous les subventionnez ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Et avec les préfets, si une collectivité locale a un besoin particulier, on est capable de venir en soutien, on est surtout venu en soutient financièrement de l'achat de capteurs de CO2 qui commencent à être quand même maintenant assez nombreux en France, et on va lancer encore une nouvelle campagne pour qu'il y ait plus de capteurs de CO2, là aussi…

ALBA VENTURA
Et donc, là, vous dites aux collectivités : venez chercher votre enveloppe, c'est combien ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
On a déjà une enveloppe de 20 millions d'euros pour rembourser les collectivités locales qui le demandent, mais seulement les collectivités locales nécessiteuses, si vous me permettez l'expression, puisqu'un capteur de CO2, ça coûte 50 euros, donc la plupart des collectivités locales sont tout à fait en situation de l'acheter, c'est ce qu'elles ont fait…

ALBA VENTURA
Combien de capteurs au total ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Eh bien, ça dépend du nombre de classes que vous avez, chaque collectivité locale le fait à sa façon pour en avoir un par classe, ou plusieurs dans une école…

ALBA VENTURA
Mais 20.000 euros (sic), ça permet d'en acheter combien ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, 20 millions d'euros.

ALBA VENTURA
20 millions d'euros, pardon.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Eh bien, ça coûte 50 euros, donc, vous voyez, vous faites rapidement le calcul.

ALBA VENTURA
Oui, et puis, voilà, il est tôt ce matin, donc… Je voudrais revenir sur les élèves de 6ème, parce que la plupart ont moins de 12 ans, pour eux, vous avez prévu des autotests 2 fois par semaine. L'objectif, c'était 600.000 autotests, Jean-Michel BLANQUER, on en est à 200.000, ce n'est pas beaucoup.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, les tests salivaires, c'est ce à quoi je faisais référence tout à l'heure, donc, vous avez, d'un côté, 400.000 tests salivaires proposés chaque semaine à l'école primaire, on serait tout à fait capable d'en proposer plus, mais on a 50 %, comme je vous le disais, 50 % d'acceptation de la part des parents, par ailleurs, nous avons mis des autotests à disposition des élèves de 6ème, donc ça, c'est encore un autre sujet, et là, tous les élèves de 6ème sont en situation d'être servis ; aujourd'hui, si vous avez un enfant en 6ème, vous avez droit à deux autotests par semaine donnés par le collège.

ALBA VENTURA
C'est les écouvillons ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, c'est des écouvillons, tout à fait.

ALBA VENTURA
Vous avez déjà essayé de les tester sur vos enfants ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, oui, tout à fait, c'est amusant que vous me posiez la question parce que, oui.

ALBA VENTURA
Parce que les parents, souvent, ne savent pas s'ils le font correctement, et on leur fait peser sur…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, il y a un petit mode d'emploi qui est donné avec, qui n'est pas trop compliqué, et donc c'est deux choses différentes, d'une part, les tests salivaires qui, eux, sont simples et faits à l'école, et puis, les autotests dont nous parlons qui en effet sont avec des écouvillons, et pour les élèves de 6ème.

ALBA VENTURA
J'ai une dernière question sur la vaccination, on a les dates données par le ministre de la Santé, les enfants à risque le 15 décembre, et s'il y a les feux verts, pour les autres, le 20 décembre en centre de vaccination, le 27 décembre chez le médecin ou dans les pharmacies, elle ne s'organisera pas à l'école la vaccination ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, mais par contre, nous ferons de l'information sur le sujet important, puisque nous attendons vraiment la confirmation par les autorités de santé du fait que c'est pertinent. Et nous nous préparons avec le ministère de la Santé pour que le maximum d'enfants le fasse, ça va rester facultatif, mais évidemment, on encouragera cela, puisque c'est – à partir du moment où les autorités de santé l'auront validé – ce sont des vaccins spécifiques pour enfants. Et donc ce sera dans ce cas-là très utile pour contribuer à vaincre l'épidémie.

ALBA VENTURA
Merci Monsieur le Ministre.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Merci à vous.

YVES CALVI
Je rappelle deux chiffres, 80 % des élèves sont vaccinés dans le secondaire, nous avez-vous dit, Jean-Michel BLANQUER, et donc 20 millions d'euros permettent de débloquer 400.000 capteurs de CO2. On a fait notre petite division gentiment pendant…

ALBA VENTURA
Merci beaucoup. C'est aimable.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 décembre 2021