Interview de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à France Inter le 26 novembre 2021, sur les mesures pour endiguer la 5e vague de contaminations au Covid-19.

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Texte intégral

JEROME CADET
Bonjour Jean-Michel BLANQUER.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bonjour.

JEROME CADET
Ministre de l'Education nationale, de la Jeunesse et des Sports. Auditeurs de France Inter, vos posez vos questions à Jean-Michel BLANQUER, au 01 45 24 7000 ou via les réseaux sociaux et l'appli France Inter. Jean-Michel BLANQUER, vous avez hier, aux côté du ministre de la Santé, Olivier VERAN, annoncé de nouvelles mesures pour endiguer la 5e vague de contaminations au Covid 19, à laquelle fait face notre pays. 33 400 nouveaux cas hier, contre 20 300 il y a une semaine. Et ces mesures concernent notamment l'école, plus de fermetures de classe systématiques en maternelle et en primaire après un premier cas positif, mais un test de tous les élèves de la classe. Les négatifs, seuls, pourront venir et revenir en cours. N'est-ce pas paradoxal de prendre cette décision, ne plus fermer de classes, alors que le virus circule beaucoup et de plus en plus chez les jeunes en ce moment ? Le taux d'incidence, 340 pour 100 000, c'est du jamais vu depuis le début de l'épidémie.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, ce qui est normal, c'est de s'adapter aux circonstances, et nous savons que le taux d'incidence maintenant est vraiment beaucoup plus fort qu'en septembre-octobre, et donc la méthode évolue, d'autant plus que dans l'intervalle on a fait une expérimentation qui était recommandée par le milieu scientifique…

JEROME CADET
Dans 10 départements.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Dans 10 départements depuis début octobre. On aura les résultats complets au tout début du mois de décembre, dans quelques jours, mais d'ores et déjà on voit bien que ça a bien marché dans certains endroits, moins bien dans d'autres. Là où ça ne marche pas très bien, c'est quand on a une trop faible réactivité des acteurs.

JEROME CADET
L'expérimentation, c'est de tester tous les élèves d'une classe quand il y a un cas positif.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Exactement.

JEROME CADET
C'est ça.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Exactement.

JEROME
Et vous n'attendez pas les résultats définitifs pour prendre cette décision ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, on a des résultats, déjà, intermédiaires très très significatifs, et c'est ce qui nous permet aujourd'hui de garder notre objectif principal, qui est bien connu, qui est d'avoir au maximum les écoles ouvertes dans l'intérêt des enfants, c'est un objectif fondamental, nous le poursuivons, avec cette nouvelle méthode qui doit nous permettre de fermer moins de classes, tout en assurant la sécurité de tous, tout simplement en faisant un test pour tous les élèves, dès lors qu'il y a eu un cas positif dans une classe.

JEROME CADET
Avant de parler des tests et de rentrer dans le détail du protocole, le nombre de classes qui sont fermées aujourd'hui Jean-Michel BLANQUER ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, nous le rappelons chaque vendredi, nous sommes vendredi, donc je vous le dis tout naturellement, c'est 8 890 aujourd'hui. Donc c'est encore en en augmentation, il y a encore 2 jours c'était entre 8 000 et 8 500. Donc c'est… Donc voilà, ça représente un 1,7 % des classes, c'est beaucoup, et il est important que ça n'aille pas trop loin. Nous avons été déjà jusqu'à 12 000 classes fermées, je le rappelle, l'année dernière.

JEROME CADET
Oui, mais là l'augmentation est exponentielle, et vous craignez qu'on arrive, qu'on retrouve ce niveau.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, même si ce que j'ai toujours observé après chaque vacances scolaires, c'est que, après une très forte ascension au lendemain des vacances scolaires, il y avait en général un plateau, mais pour l'instant on ne peut pas en être certain.

JEROME CADET
Alors, à 3 semaines des vacances, ce nouveau protocole donc, des tests pour tous les élèves lorsque l'un d'entre eux est positif. A partir de quand ce protocole se met-il en place ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Donc, tout au long de la semaine prochaine, c'est-à-dire que à partir de lundi ça peut commencer, mais on laisse les écoles s'adapter là aussi en fonction des situations de terrain, et donc c'est à partir de lundi, mais c'est tout au long de la semaine prochaine que ça va se déployer, avec toute une information qui est donnée aux directeurs d'école depuis hier et surtout aujourd'hui, de façon à ce que les protocoles soient parfaitement clairs. Par ailleurs le site internet du ministère, comme nous le faisons tout au long de la crise sanitaire, a un système de réponses aux questions fréquentes posées par les acteurs.

JEROME CADET
Donc ce sera progressif ? L'idée c'est que ce soit complètement opérationnel qu'en fin de semaine prochaine ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, c'est ça. Ce sera pleinement opérationnel le lundi suivant, mais c'est tout au long de la semaine prochaine que ça entrer en vigueur.

JEROME CADET
Que se passe-t-il pour les classes qui sont actuellement fermées ? Est-ce que les élèves se font tester et reviennent lundi ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, elles sont encore dans le système actuel, mais bien sûr chaque cas est particulier, donc une information particulière peut être donnée par l'école pour un retour si un test négatif est produit par les parents. Encore une fois, nous recherchons la souplesse, avec quelques règles de base, de façon là aussi à assurer le maximum de jours de cours pour les enfants.

JEROME CADET
Pour être très précis, ce sont tous les élèves de la classe qui sont testés, pas uniquement les cas contact.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr. On considère que c'est tous les… Pour que ça marche, il faut que tous les enfants soient testés. Tout à fait.

JEROME CADET
Qui vérifie ? Les directeurs/directrices, les enseignants ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, c'est l'équipe éducative, donc le directeur, la directrice et les professeurs des écoles, qui sont l'équipe qui est là, et simplement sur présentation du texte négatif fourni par les parents.

JEROME CADET
Les tests ne sont pas soumis au secret médical, on peut les exiger.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, c'est le principe, et celui-là, c'est on montre son test négatif, ça ne relève pas du secret médical.

JEROME CADET
Où se déroulent les tests ? Est-ce que c'est à chaque parent d'assumer ces tests ou est-ce que les tests pourront avoir lieu à l'école ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, le principe c'est que l'on fait, c'est le parent qui fait le test et c'est gratuit, je le rappelle, le système de santé français peut parfaitement assumer ce que ça représente. Je rappelle qu'avec les chiffres que je vous ai donnés, c'est autour de 180 000 familles qui sont touchées par le fait d'avoir la classe fermée, donc ça signifie donc autour de 180 000 tests.

JEROME CADET
180 000 enfants à tester.

JEAN-MICHEL BLANQUER
180 000 enfants à tester, et on fait environ 3 millions de tests par semaine en France, et on peut même faire davantage, donc ça ne surcharge pas le système de tests français, mais ça le répartit mieux en demandant aux parents de le faire. Encore une fois, je répète, gratuitement, et une fois que c'est fait, donc on vient avec le test négatif. Dans certains cas nous continuerons à cibler, à faire des tests dans les écoles, de façon à assurer un test de tous, tout de suite. Ça continuera à exister, mais ça ne sera pas le la règle générale.

JEROME CADET
Les tests dans les écoles, c'est compliqué, vous aviez annoncé à la rentrée la volonté de déployer des tests salivaires, l'objectif c'était 600 000 par semaine, on est plutôt autour de 200 000. Pourquoi ça n'a pas fonctionné ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, il y a différentes raisons. Alors, 200 000, ça reste quand même un chiffre important, et c'est ce qui nous permet de continuer. Nous allons continuer à faire cette campagne. Mais on avait un taux d'acceptation de l'ordre de 50 % des parents, c'était le la principale cause de ne pas arriver à 600 000. Et puis parfois quelques petits problèmes logistiques. Alors ça montait en puissance, et ça va continuer à monter en puissance, mais là maintenant je pense qu'avec la motivation qu'il y a à permettre que son enfant puisse aller à l'école, le taux d'acceptation sera beaucoup plus fort.

JEROME CADET
Ces tests, ça vaut aussi pour la maternelle, pour les écoles maternelles.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui.

JEROME CADET
On teste les enfants entre 3 et 6 ans.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Tout à fait, c'est le test salivaire qui peut être fait en pharmacie par exemple.

JEROME CADET
Il y a beaucoup de classe de maternelle fermées en ce moment, qui sont concernées ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est à peu près la même proportion que l'élémentaire.

JEROME CADET
Alors, Jean-Michel BLANQUER, changement pour maternelle et primaire. Pas de changement au collège et lycée, il y a pourtant la question des classes de 6e. La génération 2010, les enfants ont moins de 12 ans et ne sont pas vaccinés. Est-ce qu'il n'y a pas là une difficulté ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, c'est vrai que c'est un cas particulier, puisque les moins de 12 ans ne sont pas vaccinés, donc c'est surtout la classe de 6e, parfois certains élèves qui ont un an d'avance en 5e, donc je vous annonce une nouvelle mesure que nous allons prendre, au travers des collèges, c'est-à-dire la distribution d'autotests aux élèves de 6e, correspondant à 2 autotests par semaine, donc on va donner une boîte de 10 autotests, valant pour 5 semaines, aux élèves de 6e. Donc les principaux de collèges feront passer le mot aux parents, et donc l'Education nationale fournira ces 10 autotests, qui sont à réaliser en famille, en demandant de faire 2 fois par semaine, aux familles.

JEROME CADET
Donc, dès la semaine prochaine, ces élèves de 6e sont invités à faire 2 tests dans le courant de la semaine prochaine.

JEAN-MICHEL BLANQUER
2 autotests par semaine.

JEROME CADET
Les tests seront dans les collèges à partir de lundi.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, ils y seront à partir de lundi.

JEROME CADET
Alors, ça c'est un changement important pour le collège. Il n'y a pas de changement à la cantine, Jean-Michel BLANQUER. Pourtant, hier le ministère du Travail, alors dans un autre domaine, a conseillé aux entreprises, pour la restauration collective, d'éloigner les salariés, 2 m entre chaque personne à table dans les entreprises, mais ça ne bouge pas à l'école.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Il y a déjà un protocole pour les cantines d'écoles, et les collectivités locales qui sont en responsabilité sur ce point évidemment suivent ce protocole. Alors, nous demandons à tous ceux qui encadrent la cantine, d'être plus vigilants que jamais pour cela. Rappelons qu'il y a des gestes de base, je pense en particulier à l'ouverture des fenêtres et l'aération, le respect de la distance entre les élèves. On sait que c'est le moment fragile la cantine, mais en même temps c'est un moment fondamental, et donc on ne veut pas fermer les cantines.

JEROME CADET
Donc, pour l'instant ça ne bouge pas. Ce qui pourrait bouger début 2022, vous en avez parlé hier avec Olivier VERAN, c'est la vaccination pour les moins de 12 ans. L'Agence européenne du médicament a approuvé le vaccin Pfizer pour eux. Et vous avez précisé hier, que si jamais cette vaccination est ouverte en 2022, elle sera facultative. A ce compte-là, quel intérêt Jean-Michel BLANQUER ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Eh bien c'est déjà le cas par exemple pour les 12/17 ans, il n'y a pas d'obligation vaccinale, c'est d'ailleurs vrai aussi pour les adultes, donc il n'y aurait pas de raison d'être dans l'obligation vaccinale pour les 5 /12 ans. Je pense que c'est important de le préciser, puisque le sujet des 5/12 ans est particulier, les études sont sur le point de d'être publiées, on a encore un recul plus faible que pour les autres générations, donc c'est normal de ne pas se hâter. Et par ailleurs on sait bien que pour les 5/12 ans, les symptômes sont, dans l'immense majorité des cas, pour la quasi-totalité des cas, très faibles, donc cette vaccination pourra exister, mais elle a surtout un but de protection collective et puis de protection de ceux qui ont des comorbidités, qui ont des fragilités particulières, c'est d'ailleurs pour ça qu'aux Etats-Unis, c'était un sujet de société plus important, parce que vous avez plus d'obésité, plus de comorbidités, que dans la société française.

JEROME CADET
Donc il n'y aura pas de Pass sanitaire demandé pour les 5/12 ans, même si la vaccination leur est ouverte.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, il faut être très clair, d'ailleurs depuis le début je dis : il n'y a pas Pass sanitaire à l'école, c'est le c'est le lieu de la société par excellence où ne s'exerce pas le Pass sanitaire. Il est tout à fait normal qu'il y ait le Pass sanitaire dans les autres lieux de la société, mais l'école est le lieu je dirais sanctuaire par excellence où un enfant ne doit pas ne pas avoir école pour une raison de ce type.

JEROME CADET
Jean-Michel BLANQUER, l'une des réformes que vous avez portée comme ministre de l'Education nationale, c'est celle du lycée. Les élèves peuvent choisir leurs enseignements de spécialités à partir de la 1ère et donc ils délaissent certaines matières, la technologie, les sciences économiques et sociales, et surtout les maths, votre ministère l'a confirmé cette semaine. Aujourd'hui, en dernière année de lycée, au moins 41 % des élèves ne font plus de maths, et ceux qui poursuivent sont des élèves issus de milieux favorisés, surtout des garçons. Est-ce qu'il faut remettre des maths obligatoires jusqu'en terminale ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors d'abord, il y a un petit peu de mathématiques quand même dans le tronc commun au travers de ce qu'on appelle l'enseignement scientifique, que tous les élèves ont pendant 2 heures. Ce qu'il y a aujourd'hui, c'est qu'il y a mieux de maths, et pas moins de maths, c'est-à-dire…

JEROME CADET
Il y a moins d'élèves qui suivent des cours de maths.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, il y a moins d'heures de maths données à la masse des élèves, si on peut le dire que de cette façon-là.

JEROME CADET
Et moins d'élèves qui font des maths.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Et moins d'élèves, enfin, les élèves font des maths de manière beaucoup mieux calibrée que précédemment, puisque vous pouvez avoir 3 heures de maths, si vous faites maths complémentaires, en terminale, 6 heures si vous faites l'enseignement de spécialités, et 9 heures, si vous ajoutez à l'enseignement de spécialité, ce qu'on appelle les maths expertes. Ce système 3 6 9 est beaucoup plus adapté qu'auparavant. Auparavant, vous aviez un conformisme qui faisait que vous faisiez S, même si vous n'aviez pas le désir de faire des études scientifiques ensuite, et c'est vous suiviez des enseignements qui finalement vous étaient moins utiles que d'autres si vous n'aviez pas été dans ce conformisme-là. Donc aujourd'hui on a peut-être un peu moins de maths quand vous considérez la masse, mais c'est vrai pour cet enseignement comme pour les autres, c'est beaucoup plus ciblé. Donc ce sont des enseignements qui sont plus suivis. Vous savez, j'ai des observations par exemple de professeurs de 1ère année…

JEROME CADET
Est-ce que ça ne va pas encore aggraver le niveau des élèves français en maths ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est tout le contraire. C'est tout le contraire. Je commence à avoir les observations des professeurs qui sont en 1ère année d'enseignement supérieur, qui commencent à observer une légère hausse du niveau de maths, précisément parce que la cohorte de l'année dernière, qui était la première de la réforme, a été une cohorte qui a plus fait de maths. Donc aujourd'hui si vous rentrez par exemple dans une Prépa scientifique, vous êtes, si vous l'avez fait l'année dernière, plus préparé qu'auparavant qu'avec S, tout simplement parce que vous avez fait une heure de maths de plus par semaine.

JEROME CADET
Si vous faites une Prépa scientifique.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, mais c'est quand même, enfin les maths, très approfondi, donc ça…

JEROME CADET
… une petite partie des élèves.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, et en même temps vous devez avoir une culture mathématique très forte, c'est pourquoi on renforce les maths notamment à l'école élémentaire, à l'école primaire actuellement. Ce qui est souhaitable, c'est d'avoir une population française bonne en maths, et ça nous renvoie à tout ce qui se passe de la maternelle à la classe de 3e, puis les suivants qui continuent à avoir une bonne culture générale de maths, au travers du bloc commun et de ce qu'ils ont conservé comme acquis. Et puis les autres qui, de façon proportionnée, 3 heures, 6 heures, 9 heures, eh bien approfondissent les maths. Ça reste encore l'enseignement évidemment le plus pris de tous, et de loin.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 novembre 2021