Texte intégral
ROMAIN DESARBRES
Bonjour Marlène SCHIAPPA.
MARLENE SCHIAPPA
Bonjour.
ROMAIN DESARBRES
Merci d'être avec nous, ministre déléguée auprès du ministre de l'Intérieur et vous êtes chargée de la Citoyenneté, on va parler de la première Journée nationale de la laïcité, c'est aujourd'hui, en ce 9 décembre. Il y a urgence à défendre la laïcité en France ?
MARLENE SCHIAPPA
Ah oui, moi je crois qu'il y a urgence à défendre la laïcité, j'ai même écrit il y a deux, trois ans un livre qui s'appelait " Une et indivisible – l'urgence de défendre la République. " Les atteintes à la laïcité elles n'ont jamais été aussi nombreuses, aussi importantes, et donc, oui, il est fondamental que le gouvernement se mette en ordre de bataille pour défendre ce beau principe de la République.
ROMAIN DESARBRES
Alors justement, il y a ce sondage, sondage IFOP, sur la laïcité à l'école et les attaques contre la laïcité à l'école. Vous faites les gros yeux, on va le découvrir ensemble. On a sélectionné trois chiffres, on aurait pu en sélectionner, j'allais dire des dizaines, c'est une étude très imposante, très lourde, on en a sélectionnés trois. 55% des lycéens ont été confrontés à une forme d'expression du fait religieux en milieu scolaire, à l'école publique, 555 %. Autre chiffre, près d'un lycéen sur deux, 48%, rapportent avoir déjà observé des élèves contester le contenu des enseignements au nom de leur conviction religieuse, un sur deux, on ne va pas chipoter. Et, si une grande majorité des lycéens, 61%, soutiennent le droit des enseignants à montrer des caricatures, 19% seulement des lycéens musulmans soutiennent ce droit. Déjà, quel est votre commentaire, est-ce que ça vous inquiète, et est-ce que vous êtes surprise ?
MARLENE SCHIAPPA
Je ne suis pas du tout surprise, dans la mesure où ce sont des faits qui sont rapportés, documentés de longue date, je pense par exemple à l'excellent rapport Obin, qui fait figure de rapport de référence sur ces sujets-là, c'est justement pour ça que nous nous avons voulu prendre un certain nombre d'actions, et tout à l'heure nous serons à Matignon, autour du Premier ministre, pour un comité interministériel de la laïcité.
ROMAIN DESARBRES
Le deuxième.
MARLENE SCHIAPPA
Exactement, le deuxième, avec mes collègues de, notamment de l'Education nationale, mais pas uniquement, de la Santé, de la Justice, de la Transformation publique, etc., et nous allons mettre en place, d'abord, un grand plan de formation pour que 100 % des agents publics soient formés à la laïcité, ce n'était pas le cas jusqu'à présent, et qu'ils soient bien formés à la laïcité. C'est-à-dire que la laïcité ce n'est pas un vague vivre ensemble, tolérant de différentes religions, ce sont des principes, au terme de la loi de 1905, qui dispose qu'il y ait une séparation des églises et de l'Etat, et particulièrement, ce qui est intéressant dans ce sondage, c'est de rappeler la nécessité de la neutralité religieuse. La philosophe Catherine KINTZLER elle dit que l'école c'est l'espace de respiration républicaine, c'est-à-dire l'espace où on est préservé des manifestations du religieux.
ROMAIN DESARBRES
A l'école, quand vous voyez ces chiffres, c'est le service public l'école, un service public, quand on voit ces chiffres, est-ce que c'est un phénomène qui prend de l'ampleur, est-ce que c'est un phénomène qui devient de plus en plus important, qu'est-ce que vous vous constatez, ça c'est le petit un, et ensuite, petit deux, il y a ce comité interministériel sur la laïcité, vous dites on se réunit, c'est le deuxième, sur quoi ça aboutit très concrètement, par exemple je pense aux filles qui ne vont pas à la piscine, par exemple, comment est-ce qu'on fait pour obliger des filles à aller à la piscine, je pense aux professeurs qui redoutent, qui nous regardent là, il est 7h53, ils vont aller au lycée, qui redoutent de parler du Proche-Orient parce que ça va partir… le cour va virer au pugilat, ils ne veulent pas parler de 39-45, de la guerre, qu'est-ce que vous leur proposez très concrètement à eux ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors plusieurs choses. D'abord, avec ce plan de formation pour les agents il y a des référents laïcité, nous nous avons créé un Bureau de la laïcité au ministère de l'Intérieur, alors je sais que ce n'est pas aussi glamour que quand il y a des débats et des controverses, on parle de la création d'une administration, mais ça c'est du solide, c'est la laïcité en action, et ce bureau il va permettre justement de travailler à la formation des agents publics d'une part. D'autre part, tout à l'heure je vais remettre les Prix de la laïcité, pourquoi j'en parle ? Parce qu'il y a un lien. Par exemple, nous allons primer des lycéens qui ont décidé de créer des Jeu de l'oie autour de la laïcité, pour partager avec leurs petits camarades leur volonté de défendre le principe de laïcité. On a, comme ça, 11 projets pédagogiques qui vont être primés, on a multiplié par 10 les dotations, il y a 50.000 euros d'argent public qui leur sera remis pour les soutenir, et c'est Rachel KHAN qui est notre marraine, je lui ai proposé de « marrainer » ce prix, dont on connaît les engagements contre l'indigénisme et pour l'universalisme et le droit commun, et ça je crois que c'est fondamental, de faire venir ces jeunes et d'aller justement valoriser les jeunes, qui peut-être sont une minorité, mais qui agissent concrètement pour défendre la laïcité sur le terrain.
ROMAIN DESARBRES
Quand on parle de problème de laïcité, on parle de quelle religion en fait, qui pose le plus de problème ?
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, le vrai problème aujourd'hui c'est la question de l'islamisme radical, c'est le principal problème, c'est la même chose en matière de lutte contre le terrorisme. Il y a d'autres menaces. En matière terroriste il y a des menaces d'extrême droite, il y a des menaces de petits groupes d'ultra gauche, il y a différents types de menaces, mais la principale menace et le principal motif, objet, si j'ose le dire ainsi, des attentats terroristes, depuis les dernières années, ce sont les attentats islamistes. Nous avons, par exemple… nous allons, au Comité interministériel laïcité, présenter, je vous l'annonce, une nouvelle charte de la laïcité pour les services publics. Pourquoi nouvelle ? Parce que dans la loi pour conforter les principes de la République, qui a été dite loi Séparatisme à un moment, nous avons étendu la neutralité religieuse aux délégataires de service public, c'est-à-dire par exemple aux entreprises de transport, qui nous disaient nous on ne sait pas quoi faire quand il y a un homme qui ne veut pas conduire après une femme, qui ne veut pas saluer les femmes…
ROMAIN DESARBRES
Une société de bus, par exemple.
MARLENE SCHIAPPA
Exactement, c'est tout à fait ça.
ROMAIN DESARBRES
Et pas la RATP ou les sociétés de bus publiques.
MARLENE SCHIAPPA
Alors, la RATP c'était déjà le cas, je serai d'ailleurs tout à l'heure à la RATP, ce matin, juste après avoir quitté CNews, j'irai à la RATP, parce qu'il y a un vrai engagement justement de longue date, ils ont été confrontés à ces problèmes, et ils ont pris des mesures importantes pour préserver le principe de laïcité et la neutralité religieuse des agents publics. Je rappelle, pourquoi la neutralité religieuse des agents publics, rapidement ? Pour dire que la laïcité n'est pas contre les religions, la laïcité c'est aussi la liberté de conscience, la liberté de culte, c'est à ce titre que nous protégeons, par exemple, les abords des mosquées, des synagogues, des églises, etc., mais quand on est agent public on représente la République et la République elle est neutre et donc elle ne peut pas arborer de signes religieux.
ROMAIN DESARBRES
Les propos inquiétants d'un professeur d'allemand de Sciences Po Grenoble, harcelé par des militants « Woke », on en avait beaucoup parlé il y a un an quand son nom avait été affiché sur les murs par des étudiants, des militants d'extrême gauche, Klaus KINZLER s'exprime ce matin dans « l'Opinion », ce qu'il raconte fait peur, regardons ensemble : " Sciences Po Grenoble n'est plus un institut d'études politiques, mais d'éducation, voire de rééducation politique. Les étudiants sont endoctrinés. La direction est faible… elle m'a sacrifié comme un pion. " Est-ce qu'il n'y a pas un problème de courage à un moment, de dire les choses, de nommer les choses, ça, globalement c'est fait maintenant, mais de savoir dire stop ? Et ce professeur se plaint de ne pas être soutenu par la direction, non pas qu'elle soutienne le camp adverse, j'allais dire, mais en tout cas qu'elle ne le soutient pas lui.
MARLENE SCHIAPPA
Je pense qu'il y a même un problème de principe et d'objet de ce qu'est une école de sciences politiques. Une école de sciences politiques elle doit permettre l'engagement, mais elle doit permettre surtout le débat, la controverse, et elle ne doit pas avoir une hégémonie de pensée et encore moins une forme de dictature de pensée. J'étais à Sciences Po Paris la semaine dernière, nous étions avec Richard MALKA, Caroline FOUREST, Raphaël ENTHOVEN, personnalités de " Charlie Hebdo " qui étaient présentes, parce que des élèves, notamment de l'Union des étudiants juifs de France, ont décidé d'organiser une représentation théâtrale du texte de Charb contre l'utilisation du principe, du mot d'islamophobie, et c'était un très beau moment, je dois vous dire, que c'était rassurant pour nous de voir que, à Sciences Po Paris, on peut encore faire cette représentation du texte de Charb, présenter des caricatures de " Charlie Hebdo ", je sais que ce n'est pas facile dans toutes les écoles de sciences politiques, et donc je veux vraiment rappeler que le but d'une école de sciences politiques c'est la controverse, et donc on ne peut pas interdire les débats, on ne peut pas interdire la pensée. Moi je crois qu'il est tout à fait anormal que dans quelques lieux intellectuels ou de débat que ce soit, on interdise à des gens de venir, qu'on ne soit pas d'accord, qu'on débatte, qu'on s'explique, c'est normal, mais qu'on interdise de venir ce ne permet pas d'apprendre les sciences politiques.
ROMAIN DESARBRES
A ce sujet, vous êtes à l'aise avec le terme d'islamophobie ?
MARLENE SCHIAPPA
Pas du tout, je ne l'utilise plus, je l'ai utilisé dans le passé, je n'utilise plus depuis que j'ai lu ce livre justement, ce livre posthume de Charb, je ne veux pas écorcher le titre mais je crois que c'est " Lettre aux escrocs de l'islamophobie et aux racistes qui font leur jeu ", quelque chose comme ça, il y fait une démonstration très forte du fait que le terme islamophobie est usurpé et il prend un exemple en disant " si vous avez Gérard et Karim qui cherchent un appartement, Karim est un algérien athée et Gérard est un français musulman, eh bien Gérard aura peut-être l'appartement et Karim peut-être ne l'aura pas, mais il n'y a pas d'islamophobie, il y a du racisme ", il dit qu'il faut nommer les choses, le racisme existe, mais l'islamophobie en tant que peur, n'existe pas. Il y a des actes antimusulmans qui peuvent exister, mais le mot d'islamophobie je pense qu'il est dangereux de l'utiliser, on voit d'ailleurs qu'au niveau européen il est utilisé par des organisations qui font de la manipulation et qui attaquent la France et ses valeurs, pour mieux aller se faire recevoir par les institutions européennes, avec mon collègue Clément BEAUNE nous avons saisi d'ailleurs la commissaire européenne, Madame DALLI, qui a reçu une telle organisation récemment, pour nous insurger contre cela et lui demander des explications, je crois que ce n'est pas le rôle de l'Europe d'aller recevoir, voire même pire parfois, financer des organisations que nous avons voulu dissoudre en France pour leur dangerosité.
ROMAIN DESARBRES
Marlène SCHIAPPA, un dernier mot de politique, il y a cette proposition de primaire de la gauche faite par Anne HIDALGO, c'est un flop total, les Insoumis n'en veulent pas, les écologistes n'en veulent pas, les communistes n'en veulent pas, il n'y a que Arnaud MONTEBOURG qui a dit pourquoi pas, mais pas…
MARLENE SCHIAPPA
Je n'y participerais pas non plus…
ROMAIN DESARBRES
Mais pas en tête-à-tête… oui, je ne vous demande pas si vous allez y participer, un commentaire sur l'état du parti socialiste ?
MARLENE SCHIAPPA
Non, pour citer les grands auteurs, il ne vous a pas échappé que je n'étais pas socialiste, mais j'observe qu'Anne HILDAGO veut rassembler la gauche manifestement, Valérie PECRESSE veut rassembler la droite, et Emmanuel MACRON veut rassembler le pays, je pense que c'est ce qui les distingue fondamentalement.
ROMAIN DESARBRES
Merci beaucoup Marlène SCHIAPPA.
MARLENE SCHIAPPA
Merci à vous.
ROMAIN DESARBRES
Merci d'être venue ce matin sur le plateau de " La Matinale ", très bonne journée à vous.
MARLENE SCHIAPPA
Avec plaisir.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 décembre 2021